vendredi 14 mars 2014

Conte Kabyle : le prêt de la chèvre



Aux temps très anciens, il y avait une très vieille femme qui n’avait pour toute fortune qu’une chèvre qui lui tenait compagnie et lui donnait son lait.

La vieille et la chèvre vivaient côte à côte dans une masure délabrée en dehors du village. Tous les jours,  la vieille sortait avec sa compagne ; l’une mangeait les pousses vertes, l’autre ramassait les brindilles de bois et faisait un fagot tout en choisissant les herbes comestibles destinées à son repas. A la nuit,  toutes deux revenaient dans leur masure jusqu’au lendemain, où elles recommençaient la même vie.

Mais cette année-là, le mois de janvier fut très mauvais ; pendant trente jours et trente nuits il ne cessa de pleuvoir ou de neiger, et la vieille et sa chèvre restèrent tout ce temps enfermées.
Le mois de janvier passé, février commença par une journée merveilleuse : le ciel était bleu, le soleil resplendissant annonçait le printemps ; la vieille et sa chèvre purent enfin sortir de leur retraite et aller de nouveau dans les champs. La vieille, cependant, ayant regardé le ciel, maudit le mois qui venait de s’écouler.

Elles passèrent toute la journée dans la forêt, la chèvre mangeant les pousses tendres, et la vieille faisant un gros fagot et cherchant les petites herbes qui perçaient sous la neige. Mais quand elles voulurent rentrer, le vent souffla en rafales, le ciel s’obscurcit, de lourds nuages noirs crevèrent en grosses gouttes. En un instant le ruisseau qu’elles avaient traversé le matin charria des eaux tumultueuses et bourbeuses, et quand elles voulurent repasser pour rentrer à leur masure, elles furent emportées par le courant ; ce n’est que quelques jours plus tard qu’on retrouva leurs corps au bord de la rivière.

Janvier que la vieille avait outragé en lui crachant dessus, était allé trouver son successeur février, et lui avait demandé de lui prêter un jour afin qu’il puisse punir la vieille. Février accéda à son désir, et c’est depuis lors qu’on appelle un regain d’hiver le « prêt de la chèvre ».    



Extrait du très beau livre cité en image ci-dessus.    

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