J'accueille aujourd'hui un texte de mon ami Robert Serge Hanna. Un vrai poête et un écrivain de nouvelles auprès de qui j'ai beaucoup à apprendre.
Déambulant nostalgique sur les quais d'une seine nonchalante, je flânais les bouquinistes, cultivant ma paresse matinale sous un timide soleil d'avril.
Je caressais du bout des yeux ces vieux livres de l'hospice du courant d'air dont certains n'avaient jamais été ouverts, et je me mis à penser au mauvais sort que le hasard leur avait réservé. Le propre d'un livre n'était-ce pas d'être lu ? L'avoir écrit suffisait-il à son auteur ? Quoi de plus frustrant que l'écho d'un message qui ne vous reviendrait pas ?
Une brise légère de printemps m'apportait des senteurs. Non pas des parfums mais une atmosphère de lieu, propre aux bords de seine à cette époque de l'année. L'une d'entre elles particulièrement exacerbait ma sensibilité en éveil, attisant ma curiosité juvénile, tant je savais que derrière elle se cachait la vie des hommes et de leurs idées : l'odeur si caractéristique et envoûtante des vieux papiers, la mémoire des mots, l'âme de l'écriture.
Poussant plus loin ma réflexion, je me dis qu'il fallait faire le distinguo entre l'action d'acheter un livre, sans raison, pour le titre, pour l'auteur et pourquoi pas pour l'image et son enluminure, et acheter un livre simplement, pour le lire certes, mais quand ?
En attendant, en nous attendant, posé sur son étagère, il est là comme une œuvre d'art qu'on regarde sans comprendre ce que l'artiste a voulu exprimer, sans ressentir l'émotion qu'il aurait aimé nous transmettre et qui se trouve au coeur des formes, des lignes et des couleurs comme de mille mots choisis.
Et puis un jour, parce que plus disponible ou plus ouvert, plus sensible à ce qui nous entoure, on se pénètre enfin du charme qui s'en dégage. Et ce n'est plus par hasard que nos mains se portent vers le livre endormi. Celui justement qu'on n’avait jamais ouvert. Et page après page, bien au delà des mots et des phrases, on comprend le message de sa fidélité attentive : Sa présence rassure, le livre est un ami.
Les choses sont ainsi, pourquoi les contrarier ? Ce qui doit se faire ou bien être accompli le sera. Il y a un temps pour contempler, pour réfléchir, pour comprendre et pour lire. A chaque instant sa nécessité.
C'est pourquoi aujourd'hui, lorsque je vois un livre qui repose, recouvert de poussière, sur une étagère engourdie, je me dis qu'il est sage de savoir attendre et qu'un jour ou l'autre il sera lu : à chacun sa destinée.
En attendant, de retour d'une poètique promenade, j'ai acheté des étagères en bois joli … au bazar de l'hôtel du diable ! Des fois qu'il me prendrait l'hypothétique envie d'acquérir des livres à regarder grandir sur le sapin verni et à lire plus tard ! Sait-on jamais ? Pour connaître ma vérité. <<>>
Car il en est des livres comme des hommes : l'enveloppe, l'aspect, l'apparence, s'estompent dès lors qu'on cherche au cœur, qu'on touche à l'âme.
Tant qu'il ne répond pas aux questions, l'imbécile est un homme intelligent. Ce n'est qu'une opinion. Je vous la livre telle que je ne l'ai pas lue … pas encore !
Mais elle est sur mon "étagère" et elle ne perd rien pour attendre ! Je ne suis pas tellement pressé de savoir qui je suis, et quand bien même ?
Le pire qu'il puisse nous arriver, dans la compréhension des hommes et des choses qui s'y rapportent, c'est qu'il soit trop tard pour appliquer ce qu'on croit avoir compris. Ce serait comme découvrir la source … après être mort de soif !
Mes livres, pas assez nombreux, ont trop attendu pour s'ouvrir à moi. Celui de ma vie aux senteurs enivrantes et si diverses, paginé de désespoir d'espérance et d'amour, pourra tout me dire … lorsque je serai devenu sourd ou que je ferai semblant car il arrive un âge où la vérité trop dure à entendre n'a plus sa nécessité, sa raison d’être, dès lors que rien ne peut plus être changé.
Alors je m'endormirai doucement au milieu de ces pages que je n'ai jamais lues et qui font parties de mes regrets comme ce livre que je n'ai jamais écrit et auquel j'ai souvent pensé lorsque seul et malheureux, fouillant dans ma mémoire, j'y cherchais un refuge pour cacher mon désespoir.
Déambulant nostalgique sur les quais d'une seine nonchalante, je flânais les bouquinistes, cultivant ma paresse matinale sous un timide soleil d'avril.
Je caressais du bout des yeux ces vieux livres de l'hospice du courant d'air dont certains n'avaient jamais été ouverts, et je me mis à penser au mauvais sort que le hasard leur avait réservé. Le propre d'un livre n'était-ce pas d'être lu ? L'avoir écrit suffisait-il à son auteur ? Quoi de plus frustrant que l'écho d'un message qui ne vous reviendrait pas ?
Une brise légère de printemps m'apportait des senteurs. Non pas des parfums mais une atmosphère de lieu, propre aux bords de seine à cette époque de l'année. L'une d'entre elles particulièrement exacerbait ma sensibilité en éveil, attisant ma curiosité juvénile, tant je savais que derrière elle se cachait la vie des hommes et de leurs idées : l'odeur si caractéristique et envoûtante des vieux papiers, la mémoire des mots, l'âme de l'écriture.
Poussant plus loin ma réflexion, je me dis qu'il fallait faire le distinguo entre l'action d'acheter un livre, sans raison, pour le titre, pour l'auteur et pourquoi pas pour l'image et son enluminure, et acheter un livre simplement, pour le lire certes, mais quand ?
En attendant, en nous attendant, posé sur son étagère, il est là comme une œuvre d'art qu'on regarde sans comprendre ce que l'artiste a voulu exprimer, sans ressentir l'émotion qu'il aurait aimé nous transmettre et qui se trouve au coeur des formes, des lignes et des couleurs comme de mille mots choisis.
Et puis un jour, parce que plus disponible ou plus ouvert, plus sensible à ce qui nous entoure, on se pénètre enfin du charme qui s'en dégage. Et ce n'est plus par hasard que nos mains se portent vers le livre endormi. Celui justement qu'on n’avait jamais ouvert. Et page après page, bien au delà des mots et des phrases, on comprend le message de sa fidélité attentive : Sa présence rassure, le livre est un ami.
Les choses sont ainsi, pourquoi les contrarier ? Ce qui doit se faire ou bien être accompli le sera. Il y a un temps pour contempler, pour réfléchir, pour comprendre et pour lire. A chaque instant sa nécessité.
C'est pourquoi aujourd'hui, lorsque je vois un livre qui repose, recouvert de poussière, sur une étagère engourdie, je me dis qu'il est sage de savoir attendre et qu'un jour ou l'autre il sera lu : à chacun sa destinée.
En attendant, de retour d'une poètique promenade, j'ai acheté des étagères en bois joli … au bazar de l'hôtel du diable ! Des fois qu'il me prendrait l'hypothétique envie d'acquérir des livres à regarder grandir sur le sapin verni et à lire plus tard ! Sait-on jamais ? Pour connaître ma vérité. <<>>
Car il en est des livres comme des hommes : l'enveloppe, l'aspect, l'apparence, s'estompent dès lors qu'on cherche au cœur, qu'on touche à l'âme.
Tant qu'il ne répond pas aux questions, l'imbécile est un homme intelligent. Ce n'est qu'une opinion. Je vous la livre telle que je ne l'ai pas lue … pas encore !
Mais elle est sur mon "étagère" et elle ne perd rien pour attendre ! Je ne suis pas tellement pressé de savoir qui je suis, et quand bien même ?
Le pire qu'il puisse nous arriver, dans la compréhension des hommes et des choses qui s'y rapportent, c'est qu'il soit trop tard pour appliquer ce qu'on croit avoir compris. Ce serait comme découvrir la source … après être mort de soif !
Mes livres, pas assez nombreux, ont trop attendu pour s'ouvrir à moi. Celui de ma vie aux senteurs enivrantes et si diverses, paginé de désespoir d'espérance et d'amour, pourra tout me dire … lorsque je serai devenu sourd ou que je ferai semblant car il arrive un âge où la vérité trop dure à entendre n'a plus sa nécessité, sa raison d’être, dès lors que rien ne peut plus être changé.
Alors je m'endormirai doucement au milieu de ces pages que je n'ai jamais lues et qui font parties de mes regrets comme ce livre que je n'ai jamais écrit et auquel j'ai souvent pensé lorsque seul et malheureux, fouillant dans ma mémoire, j'y cherchais un refuge pour cacher mon désespoir.
1 commentaire:
Enfin, enfin un texte digne de ce nom! Quelque chose qui raconte une histoire, l'histoire d'une vie... Même si je connais un peu l'auteur, je prends toujours un grand plaisir à lire ses textes, et je sais que l'envie un peu puérile de publier est quelque chose de fort, aussi bien chez Robert que chez moi,, même si nous nous en défendons tous deux... Poésie, beauté de la vie, questionnement sur la pérennité des écrits, l'après réflexion, voilà le travail de Robert que je remercie de tout coeur pour ce texte si poétique et si présent en chaque créateur de beauté...
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