A la suite de mon article sur l'art brut dans une station de métro (voir l'article paru le 26 janvier 2008), je reçois un mail fort sibyllin d'une association baptisée "Praticiens pour la Reconstruction Unitaire d'un Nouvel Esprit" : "monsieur, nous avons lu avec intérêt et horreur votre article sur la station "C…". C'est peut-être de l'art pour vous. Il y a d'autres formes plus raffinées. Venez-voir nos réalisations à la station "Ternes". RDV jeudi 10 heures à la hauteur du 3ème wagon de métro sur le quai direction Nation". Intrigué, je me dégage de mes obligations pour être à l'heure dite au point de rendez-vous.
Un groupe de cinq personnes m'y attend en compagnie du chef de station. Après une présentation mutuelle, ils m'expliquent leur démarche : "l'Art n'est plus ce qu'il était. Les démarches créatives récentes ne font plaisir qu'à leurs auteurs. Le public s'ennuie et ne rêve plus. Notre réalisation, avec l'appui du chef de station, vise à contribuer à ce retour". Ils m'invitent alors à regarder en silence avec eux le cadre exposé sur le quai en face (voir photo ci-dessus). Puis, de concert, nous interrogeons quelques clients de la RATP présents sur le quai : "Que voyez-vous sur le mur d'en face ?" Les réponses m'interpellent : "un écran de TV", "le ciel de Paris", "ma belle-mère", "la mer par temps de brouillard"… J'essaye bien de les déstabiliser : "le gris n'est-il pas un peu trop triste ?" Je ne reçois en retour que des regards interloqués : "le gris, c'est une couleur comme les autres", "le gris va avec tout", "le gris, c'est chic", …
Je félicite les responsables de P.R.U.N.E pour leur initiative et la R.A.T.P pour son soutien culturel. Ils m'expliquent qu'ils ont le soutien du Maire de l'arrondissement. Celui-ci a invité les écoles primaires de son arrondissement à venir visiter ce nouveau lieu d'inspiration. Des visites sont d'ailleurs prévues dans l'après-midi. Effectivement en repassant vers 15h30 à la station, je vois des groupes d'enfants avec leurs instituteurs admirer le mur et les tableaux.
Quelle n'est pas ma surprise d'apprendre, deux jours plus tard, que la station est fermée pour troubles de l'ordre public. Je comprends la raison quelques heures à la suite d'un appel d'un des responsables de P.R.U.N.E. Les instituteurs, au début enchantés par cette démarche, ont "retourné" leur veste en constatant les dégâts que ces visites provoquent sur la sensibilité et l'imagination des enfants. Ces derniers rendent maintenant des dessins tout gris à leur maître d'école en lui expliquant qu'il faut imaginer le dessin derrière : "voyez, monsieur l'instituteur, c'est mon jardin. Il vous suffit de bien le regarder pour l'imaginer". Bien plus, les parents protestent, les enfants leur donnant à signer des carnets tous gris : "imaginez les notes !" Il n'a fallu longtemps pour qu'une association rivale se forme : "Art Gris Ennemi de la Nouveauté".
Une première manifestation vient d'avoir lieu devant la station, avec l'appui du rival du Maire de l'arrondissement et des syndicats de la R.A.T.P qui dénoncent pêle-mêle le bourrage de cranes des enfants, les conditions de travail des agents obligés de quitter leur cabine bien chauffée pour s'assurer de la sécurité des enfants sur le quai. Certains demandent même une prime "artistique", des polaires et des conditions de retraite plus avantageuses grâce à un classement leur travail en "haut degré de pénibilité".
Je comprends qu'A.G.E.N ne veut plus de P.R.U.N.E. Finalement, le Maire, désireux d'éviter la polémique, se retranche derrière un règlement de la Préfecture de Police qui impose une issue de secours aux établissements fréquentés par le public. Comme il n'y a qu'un escalier d'accès par quai, la situation est vite tranchée. Les visites d'école cessent et le calme revient. Toutefois, les mouvements extrémistes en profitent pour monter au créneau contre cet art nu qui ose montrer ses dessous…de béton. La droite crie au style stalinien. La gauche s'indigne que le travail fourni par le prolétariat soit masqué par ce cadre. Il faut faire garder par la police les précieux panneaux.
Aux dernières nouvelles, le maire et son rival se seraient mis d'accord pour y mettre des affiches publicitaires. Les recettes de celles-ci seraient discrètement réparties au moyen de F.A.R "Fonds pour l'Art Renouveau" entre P.R.U.N.E, A.G.E.N et leurs fonds de campagnes personnels. Je comprends alors pourquoi, venant au nouvelles, il m'a été répondu de tous côtés : "Circulaire, ya rien à voir…"
Moralité : le sourire de Mona Lisa ne cache-t-il pas un vrai tableau derrière ?
Un groupe de cinq personnes m'y attend en compagnie du chef de station. Après une présentation mutuelle, ils m'expliquent leur démarche : "l'Art n'est plus ce qu'il était. Les démarches créatives récentes ne font plaisir qu'à leurs auteurs. Le public s'ennuie et ne rêve plus. Notre réalisation, avec l'appui du chef de station, vise à contribuer à ce retour". Ils m'invitent alors à regarder en silence avec eux le cadre exposé sur le quai en face (voir photo ci-dessus). Puis, de concert, nous interrogeons quelques clients de la RATP présents sur le quai : "Que voyez-vous sur le mur d'en face ?" Les réponses m'interpellent : "un écran de TV", "le ciel de Paris", "ma belle-mère", "la mer par temps de brouillard"… J'essaye bien de les déstabiliser : "le gris n'est-il pas un peu trop triste ?" Je ne reçois en retour que des regards interloqués : "le gris, c'est une couleur comme les autres", "le gris va avec tout", "le gris, c'est chic", …
Je félicite les responsables de P.R.U.N.E pour leur initiative et la R.A.T.P pour son soutien culturel. Ils m'expliquent qu'ils ont le soutien du Maire de l'arrondissement. Celui-ci a invité les écoles primaires de son arrondissement à venir visiter ce nouveau lieu d'inspiration. Des visites sont d'ailleurs prévues dans l'après-midi. Effectivement en repassant vers 15h30 à la station, je vois des groupes d'enfants avec leurs instituteurs admirer le mur et les tableaux.
Quelle n'est pas ma surprise d'apprendre, deux jours plus tard, que la station est fermée pour troubles de l'ordre public. Je comprends la raison quelques heures à la suite d'un appel d'un des responsables de P.R.U.N.E. Les instituteurs, au début enchantés par cette démarche, ont "retourné" leur veste en constatant les dégâts que ces visites provoquent sur la sensibilité et l'imagination des enfants. Ces derniers rendent maintenant des dessins tout gris à leur maître d'école en lui expliquant qu'il faut imaginer le dessin derrière : "voyez, monsieur l'instituteur, c'est mon jardin. Il vous suffit de bien le regarder pour l'imaginer". Bien plus, les parents protestent, les enfants leur donnant à signer des carnets tous gris : "imaginez les notes !" Il n'a fallu longtemps pour qu'une association rivale se forme : "Art Gris Ennemi de la Nouveauté".
Une première manifestation vient d'avoir lieu devant la station, avec l'appui du rival du Maire de l'arrondissement et des syndicats de la R.A.T.P qui dénoncent pêle-mêle le bourrage de cranes des enfants, les conditions de travail des agents obligés de quitter leur cabine bien chauffée pour s'assurer de la sécurité des enfants sur le quai. Certains demandent même une prime "artistique", des polaires et des conditions de retraite plus avantageuses grâce à un classement leur travail en "haut degré de pénibilité".
Je comprends qu'A.G.E.N ne veut plus de P.R.U.N.E. Finalement, le Maire, désireux d'éviter la polémique, se retranche derrière un règlement de la Préfecture de Police qui impose une issue de secours aux établissements fréquentés par le public. Comme il n'y a qu'un escalier d'accès par quai, la situation est vite tranchée. Les visites d'école cessent et le calme revient. Toutefois, les mouvements extrémistes en profitent pour monter au créneau contre cet art nu qui ose montrer ses dessous…de béton. La droite crie au style stalinien. La gauche s'indigne que le travail fourni par le prolétariat soit masqué par ce cadre. Il faut faire garder par la police les précieux panneaux.
Aux dernières nouvelles, le maire et son rival se seraient mis d'accord pour y mettre des affiches publicitaires. Les recettes de celles-ci seraient discrètement réparties au moyen de F.A.R "Fonds pour l'Art Renouveau" entre P.R.U.N.E, A.G.E.N et leurs fonds de campagnes personnels. Je comprends alors pourquoi, venant au nouvelles, il m'a été répondu de tous côtés : "Circulaire, ya rien à voir…"
Moralité : le sourire de Mona Lisa ne cache-t-il pas un vrai tableau derrière ?
1 commentaire:
Bonjour Gérard , j'ai lu votre petite fable un peu déjantée avec le sourire ... et beaucoup de plaisir;
J'aime bien l'humour au ... ème degré et ne suis bien sûr pas restée insensible à la résonnance des sigles pour moi .
Mon grand père d'Agen avait envoyé à Prune à sa naissance une belle lettre au ton aussi léger que le vôtre .
N'hésitez pas à nous rappeler de temps en temps l'existence du blog . Amicalement. Sabine
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