mercredi 25 août 2021

Nommer



Dans le fond tout tourne autour de ça. Qui a le droit de nommer et qui ne l’a pas.

Dans la bible, c’est le caractère imprononçable du nom de Dieu – le tétragramme- qui prouve sa supériorité. Personne n’a le droit de le nommer.

Lui, par contre a le droit de nommer Adam, Adam a le droit de nommer les animaux, les animaux n’ont le droit de nommer personne, les Beiges (= Blancs) ont le droit de nommer les Marrons (= Noirs) et ces derniers avaient le droit de nommer leurs enfants, mais seulement de façon provisoire.

Chaque fois que l’enfant changeait de propriétaire, il recevait un nouveau nom. D’où Malcolm X, bien sûr (1925-1965, militant politique et défenseur des droits de l’homme afro-américain).

Les femmes, elles aussi, devaient toutes s’appeler X. Elles devaient changer de nom en changeant de propriétaire. A la naissance, elles portaient le nom de leur père, puis celui de leur mari.

Même chez les Beiges : ma grand-mère Eileen était fière de s’appeler non seulement Mme Darrington, mais Mme David Darrington. Et même, si on garde son nom de jeune fille, comme les féministe de la première vague, il n’a rien de féminin, bien sûr : c’est toujours le nom du père.

De nos jours, on peut porter le nom de la mère , mais cela ne fait que repousser le problème d’une génération : c’est le nom du grand-père maternel

Source : Nancy Houston, l’arbre de l’oubli (Actes Sud, 2021)


jeudi 19 août 2021

Ecologie : on se fout de notre gueule...



Une grande société de paquebot de croisière (Carnival) a une flotte de 94 bateaux. Une étude a montré que ces quelques bateaux polluent plus que les 260 millions de voitures qui roulent  dans toute l’Europe. Ils émettent dix fois plus d’oxyde de soufre que toutes ces bagnoles réunies. En fait même à l’arrêt, ils polluent : ils doivent faire tourner les moteurs au ralenti pour assurer l’électricité à bord. Rien que pour cela, un seul de ces paquebots à l’arrêt pendant une journée pollue plus que 12.000 voitures. Aussi bien pour l’oxyde de soufre que l’azote ou même les particules fines. 

 

Les voitures roulent à l’essence raffinée qui pollue peu, mais est taxée à mort. En mer, c’est du fuel lourd qui pollue un max, mais qui n’est pas taxé. Zéro taxe. Cherchez l’erreur. 

 

Pas étonnant que nos usines ferment ici pour produire leurs m... à l’autre bout du monde. On crame du fuel pour les rapporter, mais cela ne coûte que dalle. Et pendant ce temps-là, on va vous emmerder pour vous faire mettre votre vieille bagnole à la casse et vous pousser à en racheter une neuve, alors que cela pollue plus d’en fabriquer une neuve que de continuer de rouler avec l’ancienne. Et si en plus, la neuve vient de l’autre bout de la planète, le bilan carbone est juste catastrophique. 

 

On se fout de de notre gueule sur toute la ligne... 

mardi 10 août 2021

L’arbre de l'oubli



Au Bénin, dans la ville portuaire d’Ouidah, durant quatre siècles , des milliers d’hommes , de femmes et d’enfants ont été capturés dans les pays alentour et conduits dans cette ville

 

Ceux qui étaient trop faibles pour faire le passage du Milieu étaient enterrés vifs. 

 

Les autres, avant d’être traînés, poussés ou balancés sur ces grands bateaux qu’on appelait des négriers, participaient à un rituel d’oubli. 

 

De quoi s’agit-il ? Dans un square au cœur de la ville d’Ouidah se dressait un arbre magnifique. Avant de se diriger vers la porte du Non-Retour , les futurs esclaves venaient faire le tour de l’arbre. Les femmes lui tournaient autour sept fois et les hommes neuf. 

 

Les futurs esclaves étaient assez sages pour savoir que dans leur nouvelle vie au-delà des mers, leurs souvenirs pèseraient plus douloureusement que des chaînes. Ranimée dans les plantations du Brésil, de Saint Domingue ou de la Géorgie, chaque image des temps d’avant serait comme une dague plongée dans leur cœur. 

 

Alors ils ont choisi de remettre leur identité à l’arbre. Ils lui ont confié tous  les souvenirs africains pour qu’il les garde précieusement, les chérisse et les conserve, jusqu’à ce qu’ils reviennent reprendre le fil de leur histoire là où il avait été tranché. 

 

Plus d’un million d’esclaves ont embarqué à Ouidah pour le passage du Milieu et aucun n’est revenu. 

 

Année après année, décennie après décennie, l’arbre a patiemment attendu leur retour, mais en vain. 

 

Aujourd’hui, l’arbre n’existe plus. Tout a disparu : ses branches noueuses et ses racines enchevêtrées, son bois et sa sève. Hachées menu, les histoires des Africains kidnappés ne sont plus que sciure, air et poussière.  

mercredi 4 août 2021

Le bateau de Thésée



Qu’est-ce que l’identité ? En tant qu’être humain, nous évoluons au cours de notre vie. Nos cellules sanguines sont renouvelés tous les sept ans, nos neurones meurent et d’autres naissent... bref, beaucoup de choses changent. Sommes-nous toujours le même ? 

 

Dans son livre sur l’intelligence artificielle, l’auteur parle du bateau de Vasco de Gama dont on change régulièrement les planches de bois. Est-ce toujours le même bateau ? Et si à la fin le bateau a été petit à petit entièrement renouvelé, est-ce toujours le même ? Et si quelqu’un qui aurait conservé toutes les planches d’origine reconstruisait avec un nouveau bateau, serait-ce un nouveau bateau ou le bateau originel ? 

 

Cette réflexion philosophique est ancienne ; En voici son historique. 

 

Le bateau de Thésée est une expérience de pensée philosophique concernant la notion d'identité. Elle imagine un bateau dont toutes les parties sont remplacées progressivement. Au bout d'un certain temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d'origine. La question est alors de savoir s'il s'agit du même bateau ou d'un bateau différent.

Le bateau de Thésée est une illustration d'un problème philosophique plus général : un objet dont tous les composants sont remplacés par d'autres reste-t-il le même objet ? D'autres illustrations en existent, comme celle du " couteau de saint Hubert"

 

La légende du bateau de Thésée est évoquée par Plutarque dans Vies des hommes illustres. Thésée serait parti d'Athènes combattre le Minotaure. À son retour, vainqueur, son bateau aurait été préservé par les Athéniens : ils retiraient les planches usées et les remplaçaient — de sorte que le bateau resplendissait encore des siècles plus tard — jusqu'au point où il ne restait plus aucune planche d'origine. Deux points de vue s'opposèrent alors : les uns disaient que ce bateau était le même, les autres que l'entretien en avait fait un tout autre bateau. 

 

« Le navire à trente rames sur lequel Thésée s’était embarqué avec les jeunes enfants, et qui le ramena heureusement à Athènes, fut conservé par les Athéniens jusqu’au temps de Démétrius de Phalère. Ils en ôtaient les pièces de bois, à mesure qu’elles vieillissaient, et ils les remplaçaient par des pièces neuves, solidement enchâssées. Aussi les philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses qui s’augmentent, citent-ils ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent-ils, les uns qu’il reste le même, les autres qu’il ne reste pas le même. »

— Plutarque, Vies des hommes illustres

 

Le problème est de savoir si le changement de matière implique un changement d'identité, ou si l'identité serait conservée par la forme, ou encore d'une autre façon. Il y a une autre question, corollaire : si on avait gardé les planches du bateau et qu'avec, on en avait reconstruit un autre, lequel serait le vrai bateau ; cette hypothèse est formulée par Thomas Hobbes (De corpore). Le bateau de Thésée n'aurait pu rester identique à lui-même que s'il était resté à quai, constamment entretenu, et dans ce cas, même si aucune pièce ne subsistait du bateau d'origine, c'est bien ce bateau-là qui aurait été le témoin de l'aventure de Thésée.

 

Source : wikipedia