vendredi 28 décembre 2018

La nouvelle année en Chine

Il y a bien longtemps, quand des dragons puissants vivaient sur la terre et dans les mers, personne à Taiwan ne célébrait le nouvel an lunaire. Même dans un certain village, ce jour était le plus mauvais jour de l'année parce qu’un habitant avait tué un dragon des mers. Le fantôme du dragon revenait hanter le village chaque année à l'aube du nouvel an.

Lorsqu’il apparaissait, il secouait son horrible tête et hurlait : « J'ai faim. Donnez-moi un fils premier-né à manger! ». Le plus sage du village se rendant compte que le fantôme de dragon pourrait facilement les faire tous mourir, décida à contre-cœur de donner un enfant nouveau-né afin de sauver le reste du village. Mais année après année, le fantôme de dragon revenait et année après année, une famille devait sacrifier son fils premier-né.

Une année, c’était au tour de la jeune Veuve Teng de sacrifier son seul enfant, un beau garçon qui allait avoir cinq ans.
Comme le voulait la tradition, quatre jours avant le nouvel an lunaire, le prêtre Taoïste s’en allait à travers le village jusqu’à la maison de l’infortunée pour la prévenir. 

Pendant trois jours et trois nuits, celle-ci essayait d’échafauder un plan. Fatiguée d’y penser sans succès, elle s’endormit. Une masse de rêves lui venaient dans un ordre décousu. Quelques heures avant l'aube, elle s’éveilla et doucement secoua sa tête encore douloureuse d’avoir tant rêvé. Et alors, le miracle se produisit. Les images décousues s’assemblèrent et elle sut ce qu’il fallait faire.
Les dragons de son rêve avaient peur de deux choses : peur de la vue de sang et peur des bruits violents. Quand quelqu'un a peur, il s’enfuit en général en courant. Mon plan sera simple : Je mettrai le sang sur ma porte et je ferai tant de bruit que le fantôme du dragon sera effrayé et partira en courant… »

"Du sang ... je suis si pauvre que je n'ai pas même un poulet à tuer pour prendre son sang." Elle prit son couteau et se coupa au doigt, laissant gouttes à gouttes couler son sang sur un tissu jusqu'à ce que toutes les gouttes jointes ensemble recouvrent entièrement l’étoffe. Elle prit le tissu et l’accrocha à l'extérieur, sur sa porte.

Maintenant faire des bruits violents… Elle réfléchit et pensa aux bambous. Elle savait que lorsque des morceaux de bambou brûlent, ils se fendent dans un bruit épouvantable. Elle s’en alla dans le froid afin de couper une douzaine de grands morceaux de bambou. Elle les plaça en pyramide devant sa porte juste au-dessous du tissu taché de sang. Ainsi disposés, ils brûleraient rapidement et éclateraient tous à la fois.
Quand devrais-je allumer le feu ? Juste à temps. Elle alluma une petite torche et s'accroupit dans l’embrasure de la porte attendant l'aube et la venue du fantôme de dragon.

Elle a attendu et attendu. 
On entendit un hurlement. Le fantôme de dragon devait être en bas au centre du village. La Veuve Teng prit sa lanterne, l’inclina vers la pyramide de bambou et l’enflamma.

Arrivé devant chez elle, le fantôme de dragon s'est arrêté devant la maison et voyant le linge taché de sang, s’est mis à hurler si fort que tous ses os ont tremblé. Au même moment, le feu de bambou a éclaté. Le fantôme du dragon terrifié par la vue de sang humain et les bambous qui éclataient s’est enfui en courant à travers le village.

Et la Veuve Teng ? Elle s’est assise et de grosses larmes se sont mises à couler.
Les gens du village sont accourus. Les cloches se sont mises à sonner et de tous les côtés, les  gongs célébraient ce grand jour tandis que les pétards faisaient éclater la joie !

Et depuis ce jour, chaque année, dans chacun des villages, on met le sang des papiers rouges autour de leurs portes et on allume des pétards bruyants à l'aube et depuis lors, le fantôme de dragon n'est jamais revenu.

samedi 22 décembre 2018

Le Père Noël dépassé par l’IA ?


Avec l’Intelligence Artificielle qui prend de plus en plus dans notre vie, nous ne nous étonnons plus de rien. Alors, la magie du Père Noël va-t-elle disparaître ? 

Nous avons demandé à la mère Noël de l’interroger à ce sujet.

Q : Père Noël, que pensez-vous de l’Intelligence Artificielle ? 

(Grand éclat de rire) L’Intelligence Artificielle est une intelligence qui se veut l’égale de l’humain pour traiter plus de choses plus vite. En bref, vous les humains, vous voulez qu’on fasse le travail à votre place. Après, vous défilerez pour exiger du travail. Amusant, non ? 

Q : L’Intelligence Artificielle, c’est peut-être aussi des gains de temps et d’argent pour plein d’activités et d’actions ennuyeuses ? 

Oui, bien sûr, vous pouvez regarder cela comme ça. Vous pouvez aussi considérer que vous devrez travailler plus vite et plus intensément pour suivre le rythme des robots qui, eux ne s’arrêtent jamais. Votre repos sera alors bien mérité, mais ceux qui travailleront auront-ils la force de l’apprécier ? Et ceux qui ne travaillent plus, aimeront-ils le repos permanent ? 

Q : Et vous, Père Noël, allez-vous utiliser l’intelligence artificielle ? 

(Grand éclat de rire). C’est exactement l’inverse. Pour assurer la livraison des cadeaux au bon moment et le plus discrètement possible, j’ai beaucoup travaillé avec me lutins sur le maillon faible du transport, à savoir le dernier kilomètre. 

Q : ???

Aujourd’hui, vous pouvez tout commander à distance et vous faire livrer. Malheureusement, tout n’arrive pas à temps. De même, ces derniers temps en France (et ailleurs), il est difficile d’aller soi-même faire ses achats pour plein de raisons. Alors, moi je fais jouer mon réseau et je fais que coûte que coûte les enfants aient leurs cadeaux. Et cela fonctionne !

Q : quel est votre secret ? 

Je vais vous le dire. Je fais appel à l’humain, aux émotions et à la force du collectif. Les adultes qu’ils soient parents, oncles, tantes, amis... se mobilisent et dépensent des trésors d’énergie pour s’assurer que les petits souliers soient remplis le 25. 

Pendant ce temps, vos robots tournent, tournent, sortent des bons de livraison et envoient des mots d’excuses pour les retards.  

Le jour où vous aurez compris que l’intelligence collective prime sur tout et qu’il est possible de la mobiliser, ce jour-là, mon rôle sera peut-être remis en question.  Mais pour le moment, amusez -vous avec intelligence artificielle.  Vous ferez sûrement plus de choses avec moins de gens, mais serez-vous plus heureux ? Rien ne remplace un échange, un sourire, un travail partagé. C’est ce que je vous souhaite en 2019 : plus de partage, plus d’échanges, plus d’enrichissement humain.  

vendredi 14 décembre 2018

L’eau qui rendait fou


Autrefois, il y a très longtemps, un sage inspiré lança à l'humanité un avertissement terrible. A une certaine date toute l'eau de la terre allait disparaître et serait remplacée par une eau nouvelle qui rendrait tous les hommes fous car ceux qui en boiraient auraient l’illusion d’être intelligents alors qu’ils vivraient en réalité dans une sorte de rêve.   

 C'était sans retour ...à moins de préparer avec le plus grand soin des réserves ... à moins de ménager les ressources et de se montrer bienveillant avec notre mère la Terre … mais les hommes étant ce qu'ils sont … un seul homme suivit cet avis et rassembla une grande quantité d'eau qu'il mit quelque part en réserve dans un endroit connu de lui seul ... 

Lorsque le jour annoncé arriva, les cours d'eau cessèrent de couler, les puits se tarirent. L'homme prévoyant entreprit de vivre dans sa retraite, buvant son eau sauvegardée tout en regrettant que personne ne se soit joint à lui. Il y avait assez d'eau pour abreuver 100 personnes pendant 100 ans au moins, mais et personne ne l'avait suivi. Tous les autres attendaient la pluie qui ne tarderait pas à venir sans se soucier de ce qui avait été annoncé.

Effectivement, après une terrible sécheresse, l’eau nouvelle tomba du ciel, , les ruisseaux et les puits se remplirent. Le lendemain, tous les habitants de la ville, excepté l'homme prévoyant, burent de l'eau du puits... et devinrent tous fous.

Un jour, notre ermite buveur d'eau pure quitta son abri et revint parmi ses semblables. Il les trouva totalement changés : ils tenaient des discours étranges, accomplissaient des gestes totalement différents qui lui paraissait dénués de sens. L'homme qui avait gardé toute sa raison essaya de leur parler, de leur expliquer les dangers mais ils le prirent pour un fou. 

Certains lui témoignèrent de la compassion, d'autres se moquèrent, et beaucoup lui montrèrent de l'hostilité. Pour tous il était devenu incompréhensible, un doux dingue, un fou et même un fou dangereux car subversif. Finalement, l’un d’eux le prit à partie : « Nous ne voulons pas d'un dément qui nous dicte quoi penser et nous allons malheureusement devoir t’enfermer ! »

Il se prit à douter de son choix, à craindre la solitude car comment pourrait-il espérer avoir une famille, une descendance. S'il voulait garder toute sa lucidité il lui faudrait choisir l'isolement et oublier le monde grossier des sens occupé par ces fourmis humaines agitées …

Il aurait pu choisir d'oublier l'opinion de ses congénères, mais peut-on avoir raison seul contre tous ?

Un soir, lassé de cette résistance désespérée, il céda au découragement et perdit la raison : il fit remplir un gobelet de l'eau du puits et en but une grande gorgée. Il oublia jusqu'à l’endroit où il gardait sa provision d'eau. Le peuple de la ville se réjouit et organisa de grandes fêtes. Il était maintenant revenu à la raison et se comportait comme tout le monde. 
Tout allait pour le mieux...

jeudi 6 décembre 2018

Lettres à une poupée


Tous les après-midi, Kafka avait l’habitude de se promener dans un parc. Un jour, il tombe sur une petite fille en larmes, pleurant à chaudes larmes. Kafka lui demande ce qui ne va pas, et elle lui dit qu'elle a perdu sa poupée. 

Il commence immédiatement à inventer une histoire pour expliquer ce qui s'est passé. Votre poupée est partie en voyage, dit-il. "Comment le sais-tu ?" demande la fille. Parce qu'elle m'a écrit une lettre, dit Kafka. La fille semble douter. Vous l'avez sur vous ? demande-t-elle. Non, je suis désolé, dit-il, je l'ai laissé à la maison par erreur, mais je l'apporterai avec moi demain. Il est si convaincant qu'elle ne sait plus quoi penser."

Kafka rentre directement à la maison pour écrire la lettre. Il s'assoit à son bureau et il écrit avec le même sérieux et la même tension que lorsqu’il compose ses propres œuvres. S'il parvient à trouver un beau mensonge convaincant, il remplacera la perte de la jeune fille par une réalité différente, fausse, bien sûr, mais vrai et crédible selon les lois de la fiction. "Le lendemain, Kafka se précipite au parc avec la lettre. La petite fille l'attend, et comme elle n'a pas encore appris à lire, il lui lit la lettre à haute voix. La poupée est vraiment désolée, mais elle en a assez de vivre avec les mêmes personnes tout le temps. Elle a besoin de sortir et de voir le monde, de se faire de nouveaux amis. Ce n'est pas qu'elle n'aime pas la petite fille, mais elle aspire à un changement de décor, et donc ils doivent se séparer pendant un moment. La poupée promet alors d'écrire à la fille tous les jours et de la tenir au courant de ses activités. "
Il s'engage à écrire une nouvelle lettre tous les jours, sans autre raison que de consoler la petite fille, qui lui est totalement étrangère, un enfant qu'il a rencontré par hasard un après-midi dans un parc. Il a continué pendant trois semaines. Imaginez, l'un des écrivains les plus brillants qui ait jamais vécu sacrifiant son temps à composer des lettres imaginaires à partir d'une poupée perdue. 

Tous les jours pendant trois semaines, il est allé au parc et a lu une autre lettre à la fille. La poupée grandit, va à l'école, apprend à connaître d'autres personnes. Elle continue d'assurer la jeune fille de son amour, mais elle fait allusion à certaines complications dans sa vie qui l'empêchent de rentrer chez elle. 

Petit à petit, Kafka prépare la fille pour le moment où la poupée disparaîtra de sa vie pour toujours. Il a du mal à trouver une fin satisfaisante, craignant que s'il ne réussit pas, le sort magique soit brisé. Après avoir testé plusieurs possibilités, il décide finalement de marier la poupée. Il décrit le jeune homme dont elle tombe amoureuse, la fête de fiançailles, le mariage à la campagne, et même la maison où la poupée et son mari vivent maintenant. Et puis, dans la dernière ligne, la poupée lui fait ses adieux. 

À ce moment-là, bien sûr, la poupée ne manque plus à la fille. Kafka lui a donné quelque chose d'autre à la place, et à la fin de ces trois semaines, les lettres l'ont guérie de son malheur. Elle a l'histoire, et quand une personne a la chance de vivre dans une histoire, de vivre dans un monde imaginaire, les douleurs de ce monde disparaissent. Tant que l'histoire continue, la réalité n'existe plus."

Source : Paul Auster, Brooklyn Folies, Actes Sud 2007

vendredi 30 novembre 2018

L’oeil de l'éléphant

Cette histoire nous vient du Cameroun. Elle parle d’un petit éléphant qui doit traverser une rivière : à mi-chemin, l’un de ses yeux se détache brusquement et tombe au fond de l’eau…
Affolé, l’éléphanteau se met à le chercher en s’agitant dans tous les sens. L’œil semble définitivement perdu. Mais tout autour, les poissons, les grenouilles, et même les oiseaux et tous les autres animaux lui crient : « Du calme Petit Éléphant ! Calme-toi ! »

Mais le petit éléphant totalement paniqué n’entend plus rien, s’affole de plus belle et remue plus vivement encore l’eau, la vase et la terre du fleuve… Sans trouver son oeil…
« Du calme ! Du calme ! », continuent de crier les autres.

L’éléphanteau finit par les entendre, accepte de s’immobiliser et se contente d’observer avec l’œil qu’il lui reste. Tout doucement, l’eau de la rivière entraîne la vase et la boue qu’il soulevait en pataugeant. progressivement, tout redevient clair, et, regardant entre ses pattes, il aperçoit l’autre œil au fond de l’eau. Il le ramasse alors avec sa trompe et le remet en place. Puis finit de traverser la rivière.

Source : coacheloquence

vendredi 23 novembre 2018

Thanksgiving : A chacun sa légende !

Thanksgiving est une fête célébrée aux Etats-Unis le quatrième jeudi de novembre (cette année – 2018- le 22 novembre). 
Historiquement, Thanksgiving était un jour de fête dans les sociétés européennes paysannes durant lequel on remerciait Dieu par des prières et des réjouissances pour les bonheurs que l’on avait pu recevoir pendant l’année. Cette célébration est désormais laïque aux USA, les administrations et la plupart des entreprises étant fermées ce jour-là. Lors du repas de ce jour férié, il est d’usage de manger de la dinde. 
Quelle en est l’origine ? Il en existe deux versions 

Version 1 (l’officielle)

En 1620, une centaine de protestants anglais, appelés aussi les Pères Pélerins, débarquent du Mayflower dans la baie de Plymouth au Massachusetts. Ils y fondent la colonie de Plymouth. Les débuts de la colonisation furent difficiles et la moitié des arrivants périrent du scorbut.
Les survivants ne durent leur salut qu'à l'intervention de deux autochtones nommés Squanto et Samoset, qui, avec l'aide de leur tribu, les Wampanoags leur offrirent de la nourriture, puis leur apprirent à pêcher, chasser et cultiver du maïs.
Afin de célébrer la première récolte, à l’automne 1621, le gouverneur William Bradford décréta en 1621trois jours de prière. Les colons invitèrent alors le chef des Wampanoags et 91 de ses hommes à venir partager leur repas en guise de remerciement pour leur aide. Durant ce festin, des dindes sauvages furent offerts5,6.
Il y eut une célébration encore plus grande d'action de grâce en 1623, après un passage de l'agriculture communale à l'agriculture privatisée et après une plus grande moisson grâce à de la pluie inattendue.
Petit à petit, l’usage de cette fête se répandit et 1671, le premier Thanksgiving officiel et public fut décrété par l’administration.
En 1789, George Washington, premier président des USA, créa le premier Thanksgiving Day décrété par le gouvernement national des États-Unis d'Amérique :

Version 2 (version pour certains historiens)

Selon d’autres chercheurs la version actuelle retenue de l'histoire est erronée et occulte certaines vérités. Ainsi, selon ces derniers en mai 1637, un marchand local du nom de John Oldham fut tué. Les pèlerins décidèrent que la tribu des Pequots était responsable de cette mort. Le principal village de la tribu, situé sur les bords de la Mystic River fut détruit, ses habitants exterminés. Au cours de l’année suivante, tout membre supposé de la tribu fut exécuté, le village et la rivière renommés, respectivement Tamise et Nouveau Londres. L’Assemblée Générale du Connecticut interdit même l’usage du mot Pequots.
C’est le lendemain de ce massacre que le gouverneur William Bradford décréta » une journée d’actions de grâce pour célébrer notre victoire sur les Pequots ». C’est donc selon cet auteur une extermination que fêtent, sans trop le savoir, les Américains.

Source : Wikipédia

vendredi 16 novembre 2018

Expérience et maturité

« Un maître d'escrime vivait avec ses trois fils. Il reçut un jour la visite d'un vieil ami. Les deux hommes ne s'étaient plus vus depuis quelques années et, tout à la joie de leurs retrouvailles, ils échangeaient souvenirs et nouvelles. 

Et le visiteur de s'enquérir des trois jeunes hommes : " Pratiquent-ils assidûment l'art du sabre ? Le plus jeune me semblait particulièrement doué, non ? " 
- Attends, répondit le père, nous allons les mettre à l'épreuve ... Je crois que l'expérience et la maturité restent déterminantes ... 

Les trois fils travaillaient à l'étage, dans leur chambre. Le père se leva et plaça un sabre en équilibre sur le panneau coulissant qui fermait la pièce. Il se rassit et appela impérativement son fils cadet : - " Ioro ! Descends tout de suite !" Des pas précipités dévalèrent l'escalier. Le panneau glissa, libérant le boken qui tomba en frôlant le garçon : déjà, celui-ci avait fait un bond en arrière et se tenait en garde; superbe et calme de détermination. 

Tandis que notre visiteur le félicitait, impressionné par cette jeune maîtrise, le père le priait de s'asseoir après avoir remis le boken en place et appelé son second fils. Des pas assurés se firent entendre dans l'escalier, le vantail s'ouvrit mais le boken ne heurta pas le sol : le jeune homme l'avait saisi au vol et le tendait respectueusement à son père. 

Le troisième fils fut alors appelé et notre ami ne voyait vraiment pas quelle performance supérieure on pouvait attendre de lui ! Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence et, soudain, l'autre porte s'ouvrit : - " Pardon, père, tu m'as demandé ?' Le maître sourit : ce qui devait être fait avait été fait sans que rien ne soit dérangé.»

Source : contes.biz

vendredi 9 novembre 2018

Plus malin qu’un singe !

Un jour, un vieux chien part à la chasse aux papillons, et s’aperçoit qu’il s’est perdu. Errant au hasard en tentant de retrouver son chemin, il voit un léopard courir vers lui avec l’intention visible de faire un bon repas. Le vieux chien pense : « Oh, oh! Je suis vraiment dans la merde, là ! » 

Remarquant les quelques os d’une carcasse qui traîne sur le sol à proximité, il se met aussitôt à mâcher les os, tournant le dos au léopard qui approche. Quand celui-ci est sur le point de lui sauter dessus, le vieux chien s’exclame haut et fort : « Ouais, ce léopard était vraiment excellent ! Je me demande s’il y en a d’autres par ici ? » En entendant cela, le jeune léopard interrompt son attaque en plein élan, il regarde le chien avec effroi, et s’enfuit en rampant sous les fourrés. « Ouf ! », soupire le léopard, « c’était tout juste. Ce vieux chien a failli m’avoir ! » 

Cependant, un singe, qui avait observé toute la scène d ‘une branche d’arbre à proximité, se dit qu’il pourrait mettre à profit ce qu’il sait en négociant avec le léopard et obtenir ainsi sa protection. Il part donc le rattraper, mais le vieux chien, le voyant courir à toute vitesse après le léopard, réalise que quelque chose doit se tramer. Le singe rattrape le léopard, lui dévoile le pot aux roses, et lui propose un marché. Le jeune léopard est furieux d’avoir été trompé : « Viens ici le singe, monte sur mon dos, et tu vas voir ce qui va arriver à ce petit malin ! » Le vieux chien voit le léopard accourir avec le singe sur son dos et s’inquiète : « Que vais-je faire maintenant ? » 

Mais au lieu de s’enfuir, le chien s’assied dos à ses agresseurs, faisant semblant une fois de plus de ne pas les avoir vu, et juste au moment où ils arrivent à portée de voix, il s’exclame : « Où est donc ce foutu singe ? ça fait une heure que je l’ai envoyé me chercher un autre léopard ! »

L’âge et la ruse triomphent de la jeunesse et de la force.…

Source : Institut Repère

jeudi 1 novembre 2018

Le jugement du renard



Un moujik déposa une plainte contre le mouton. Le renard occupait alors les fonctions de juge. Il fit comparaître devant lui le moujik et le mouton, et se fit expliquer le cas.

— Parle ! dit-il au moujik, de quoi te plains-tu ?

— Voici, dit le moujik. L’autre matin, je me suis aperçu qu’il me manquait deux poules ; je n’en ai retrouvé que les os et les plumes, et pendant la nuit, le mouton seul était dans la cour.

Le renard, alors, questionna le mouton. L’accusé, tremblant, demanda grâce et protection au juge.

— Cette nuit, dit-il, je me trouvais, il est vrai, seul dans la cour ; mais je ne saurais répondre au sujet des poules ; elles me sont d’ailleurs inutiles, puisque je ne mange pas de viande. Appelez tous les voisins, ajouta-t-il, et qu’ils disent s’ils ne m’ont jamais tenu pour un voleur.

Le renard questionna longtemps encore le moujik et le mouton sur cette affaire, puis il ajouta sentencieusement :

— Toute la nuit, le mouton est resté avec les poules, et comme les poules sont très appétissantes, l’occasion était favorable ; je juge, d’après ma conscience, que le mouton n’a pas pu résister à la tentation. Par conséquent, j’ordonne d’exécuter le mouton, de donner la chair au tribunal et la peau au moujik.

Conte de Léon Tolstoï (1828-1910)

mercredi 24 octobre 2018

Le garçon aux grandes oreilles



Il était une fois dans un pays lointain, très lointain, un hakem (gouverneur). Il avait un garçon qui avait de longues oreilles. Comme ce dernier en avait honte, il les cachait avec une calotte. Si cette tare s’ébruite, il sera la risée de tout le monde. C’est pourquoi son père faisait appel à un coiffeur pour lui faire couper les cheveux, à domicile, loin des regards indiscrets.

Mais un jour, le coiffeur, rongé par la curiosité, voulut savoir pourquoi le garçon avait de longues oreilles. C’est ainsi qu’il commit l’irréparable ! On le laissa couper les cheveux, puis on lui coupa la tête pour qu’il ne révèle pas le secret. Les coiffeurs se succédèrent et posèrent la même question, et leurs têtes sautèrent après qu’ils coupèrent les cheveux du fils du gouverneur.

Un jour, on fit venir un coiffeur, qu’on dit discret. Il vit les grandes oreilles de l’enfant, mais ne chercha pas à savoir pourquoi. Il coupa les cheveux. Mais avant qu’il s’en aille, le père lui recommanda de garder le secret s’il ne voulait pas se faire décapiter.

Le coiffeur rentra chez lui décontenancé car le secret qu’il détenait prenait de l’ampleur et le gonflait petit à petit si bien que son corps devint trop lourd. Pour se libérer de ce poids qui l’écrasait depuis de nombreux jours, il se rendit dans un puits et cria en se penchant vers le vide : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! » La grenouille l’entendit et se mit à crier elle aussi : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ». Le pigeon venu se désaltérer, près du puits, l’entendit et se mit à dire : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles, le fils du gouverneur a de grandes oreilles, le fils du gouverneur a de grandes oreilles ». Le corbeau l’entendit et se met à crier la même chose. Les autres oiseaux l’entendirent et se mirent à répéter : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! ». La nouvelle se répandit dans la ville et arriva aux oreilles du gouverneur. Furieux contre le coiffeur qui avait divulgué le secret, il promit de lui faire avaler sa langue. On le fit venir ; mais il jura et nia en avoir parlé à quelqu’un.

Le fils intervint et dit à son père que le coiffeur est sincère. Après tout, la nouvelle s’est propagée et tout le monde est aujourd’hui au courant. Cela ne sert à rien de tuer le coiffeur. « Je suis une créature de Dieu, je n’ai pas à rougir d’être différent des autres ». Sur ce, le coiffeur fut lâché. Le garçon, libéré de sa hantise, sortait désormais sans calotte.

Mon conte était parti avec la rivière et moi je suis restée avec les fils des généreux.

Source : https://www.conte-moi.net/contes/garcon-aux-grandes-oreilles

vendredi 19 octobre 2018

Qui est le roi de la jungle ?


La scène se passe dans la jungle. Le roi lion poursuit et rattrape une gazelle et lui demande :
- "Qui c'est le roi de la jungle?"
- "C'est toi !" dit la gazelle.
Plus tard il pose la même question à un ouistiti apeuré. Et bien sûr la même réponse. Encore plus tard il demande cette fois à un éléphant qui aussitôt l'attrape par la queue, lui fait faire 6 tours au dessus de sa tête et le projette violemment contre un baobab. Alors le lion de s'étonner :
- "On ne peut plus demander de renseignements ?"

vendredi 12 octobre 2018

Conte chinois : l’invention de la peinture

Il était une fois un maître calligraphe qui allait un matin dans la montagne. Il était suivi de son serviteur qui porte tout et pose des questions. Il s’installa dans un lieu agréable. Derrière lui s’élevait la montagne, à ses pied un torrent. Autour de lui, un roc, un cerisier, des orchidées et des bambous.  

Dans l’air froid du matin, protégé par un paravent de soie, le maître improvisait à voix haute des poèmes à propos du vent, des mouvements de l’air et des ondulations de l’herbe. Puis il les notait à l’encre et la buée modulée par ses paroles allait se perdre derrière lui, absorbé par la soie du paravent qui le protège. 

Quand il avait fini, il posait son pinceau et se levait. Son serviteur rangeait tout, la théière, le coussin de méditation, le papier à écrire couvert de poèmes, la pierre à encre où il avait broyé les bâtons noirs à la résine de pin. 

Dans son empressement, le serviteur, un jour, trébucha et renversa la pierre à encre pleine et aspergea les panneaux du paravent. Le tissu précieux but l’encre avidement. Mais là où la buée des paroles avait imprégné la soie, l’encre ne prit pas. Le serviteur confus ne savait que faire, contemplant sans rien dire le paravent ruiné. 

Le maître vit que les trainées d’encre brossées sur les panneaux de soie ménageaient des blancs subtils là où il avait parlé, entre de grands éclaboussements noirs là où il s’était tu. Il en ressentit une émotion si forte qu’il tituba. 

Une journée entière de pensées élevées seraient là, intactes, recueillies dans leur exactitude, préservées bien mieux que la calligraphie ne peut le faire. Alors, il déchira tous les poèmes qu’il avait écrits et jeta les débris de papier dans le torrent.   

Pourquoi écrire, puisque la moindre pensée était là, montrée à tous dans son exactitude, sans qu’il soit besoin de le lire ? 

Il rentra avec le soir, apaisé, son serviteur à peine rassuré, trottinant derrière lui en portant tout ce qui devait être porté.    
   
 Source : Alexis Jenni, l’art français de la guerre, Gallimard (2011) 

vendredi 5 octobre 2018

Conte arménien : le maître du jardin

Il était un roi d'Arménie. Dans son royal jardin poussait un rosier maigre et pourtant précieux entre tous. Le nom de ce rosier était Anahakan. Jamais, de mémoire de roi, il n'avait pu fleurir. Mais s'il était choyé plus qu'une femme aimée, c'était qu'on espérait une rose de lui, l'Unique dont parlait les grimoires ancestraux. Il était dit ceci : « Sur le rosier Anahakan viendra un jour la rose pure qui donnera au maître du jardin l'éternelle jeunesse ».
Tous les matins le roi accourait près de lui. Il chaussait ses lorgnons, cherchait parmi ses feuilles un espoir de bourgeon, n'en trouvait pas le moindre, se redressait enfin et, la mine terrible, prenait au col son jardinier. Il le menaçait de prison si le printemps venait sans rose. C'est ainsi qu'une fois par an, aux premiers jours du mois de mai, ce roi changeait de jardinier.
Douze printemps passèrent, et douze experts en rosiers rares. Le treizième était un jeune homme. Il s'appelait Samvel. Il dit au roi : « Seigneur, je veux tenter ma chance ». Le roi lui répondit : « Ceux qui t'ont précédé étaient de nobles maîtres. Ils ont tous échoué. Et toi, blanc-bec, tu oses ! - J'ose », lui dit Samvel. Et on lui ouvrit donc la porte du jardin. Il s'en fut au rosier. Un long moment il lui parla, puis il bêcha la terre autour de son pied maigre, l'arrosa, demeura près de lui nuit et jour, à le garder du vent, à caresser ses feuilles. Aux premières gelées, il l'habilla de paille. Sous la neige, il resta comme au chevet d'un fils, à chanter des berceuses. Le printemps vint. Samvel ne quitta plus l'ombre de son rosier, guettant ses moindres pousses, et respirant pour lui. Dans le jardin des fleurs partout s'épanouirent, mais il ne les vit pas. Il ne regardait que la branche sans rose. A la première aube de mai : « Rosier, dit-il où as-tu mal ? »
A peine avait-il dit ces mots qu'il vit sortir de ses racines un ver noir, long, terreux. Il voulu le saisir. Un oiseau lui vint sur la main, déroba sa capture, et le ver au bec s'envola. Comme il s'éloignait dans l'air bleu, un bourgeon vint sur le rosier. Samvel se pencha, l'effleura. Lentement la rose s'ouvrit au premier soleil du matin. Il courut au palais en criant la nouvelle. Le roi était au lit. « Seigneur, lui dit Samvel, la rose s'est ouverte. Vous voilà immortel, O maître du jardin ! »
Le roi bondit hors de ses draps. En chemise, pieds nus, bras au ciel, il sortit. « Que l'on poste, dit-il, mille soldats armés autour de ce rosier ! Je ne veux voir personne à dix lieues à la ronde ! Samvel, jusqu'à ta mort tu veilleras sur lui. - Seigneur je veillerai.»
Le roi dans son palais régna dix ans encore, puis un soir il quitta ce monde en murmurant ces pauvres mots : « Le maître du jardin meurt comme tout le monde. Tout n'était que mensonge - Non, dit le jardinier à genoux près de lui. Le maître du jardin, ce ne fut jamais vous. La jeunesse éternelle est à celui qui veille, et j'ai veillé, Seigneur, et je veille toujours, de l'aube au crépuscule, du crépuscule au jour. » Il lui ferma les yeux, baisa son front pâli, sorti sous les étoiles. Il salua chacune. Il dit : « Bonsoir, bonsoir, bonsoir. »
Samvel avait le temps désormais. Tout le temps.
(Henri Gougaud)

jeudi 27 septembre 2018

Conte de Bretagne : les deux bossus

Il y avait une fois, deux tailleurs qui habitaient la même rue et étaient affligés de la même difformité : ils étaient aussi bossus l'un que l'autre. L'un s'appelait Kaour et l'autre Laouig. Kaour était d'un heureux tempérament ; il répondait aux plaisanteries par des plaisanteries encore plus fines ; il prenait la vie par le bon bout. Laouig, au contraire, était continuellement renfrogné, il supportait mal les moqueries et ne se mettait guère en frais pour distraire ses pratiques. Ajoutons qu'il aimait l'argent ... et que lorsqu'il pouvait voler son prochain il ne laissait jamais passer l'occasion.

Une nuit, Kaour rentrait d'une journée de travail à la ferme de Penhoat, et traversait au clair de lune une grande lande. Soudain, il entendit de petites voix fluettes qui chantaient.

Tiens ! se demanda-t-il, qui donc peut chanter ainsi dans ce lieu désert ?
Il s'approcha tout doucement, en évitant de faire du bruit, et vit une bonne centaine de petits korrigans qui dansaient en rond en se tenant par la main.

L'un d'eux s'époumonait à chanter : « Dilun, dimeurz, dimerc'her! » Et tous les autres reprenaient en chœur. 

Kaour fît prudemment demi-tour. Mais il n'en fut pas moins remarqué par les danseurs nocturnes qui, interrompant leur ronde lui crièrent tous à la fois : "Viens danser avec nous ", La ronde se reforma donc avec lui et le chant reprit.

Au bout d'un certain temps, Kaour commença à être fatigué de tourner en rond. Pour gagner un peu de temps et reprendre son souffle, il dit : « on pourrait chanter la suite de la chanson ».

Les korrigans s'arrêtèrent net.
- Vrai ? Tu connais la suite ? Oh ! Alors dis-la-nous.

Et le tailleur, après avoir repris son souffle, de chanter : -Diriaou ha digwener ! (Jeudi et vendredi).

Les korrigans poussèrent des acclamations enthousiastes : Voilà qui nous fait une chanson magnifique ! Et ils se remirent à danser en chantant.

Quand ils virent que Kaour étaient fatigué, ils arrêtèrent leur ronde et leur chef demanda:
- Que désires-tu, Kaour, comme récompense pour nous avoir appris un si beau chant?
- Comme récompense? Ma foi... je ne sais pas...
- Eh bien, je t'offre le choix entre un gros sac rempli d'or ou de supprimer ta bosse. Le tailleur n'hésita pas et choisit la bosse.

Aussitôt les nains se jetèrent sur lui, le lancèrent en l'air, le firent pirouetter et se le passèrent de l'un à l'autre comme un ballon. Quand il retomba, tout étourdi, sur ses pieds, il n'avait plus de bosse et était aussi droit que le mât du drapeau breton.

Le lendemain, Kaour rencontra l'autre tailleur, Laouig qui, en le voyant, se frotta plusieurs fois les yeux.
- Ma parole ! Tu as bien grandi, d'un seul coup, d'un pied. Et qu'as-tu fait de ta bosse ?
- Ma bosse? Quelle bosse? Tu vois bien que je n'ai pas de bosse. 
- Cesse de te moquer. Tu en avais une pas plus tard qu'hier. Il y a de la sorcellerie là-dessous.

Kaour raconta ce qui lui était arrivé.
- Satordellik ! Se dit Laouig, il faut que j'aille moi aussi, la nuit prochaine faire un tour sur la lande. Moi je prendrai, ce sera le sac plein d'or.

Dès que la lune se leva, il se mit en route et lorsqu'il aperçut les korrigans dansant en rond, il s'avança hardiment vers eux.
- Viens danser avec nous, lui crièrent-ils.
Il pénétra dans le cercle et chanta avec eux
Mais bientôt, il fut fatigué de tourner et leur demanda
- Ne savez-vous chanter que cela ? Ne connaissez-vous pas la suite ?  
- Oh ! Dis-la-nous alors. Dis-la vite !
- Bon écoutez : Dilun, dimeurz, dimerc'her, diriaou ha digwener, ha disadorn ha disul (Et samedi et dimanche)

Les korrigans firent la moue : « ce n'est pas si joli, ça ne rime pas ».

Mais leur chef intervint : « il faut tenir compte de l'intention. Nous avons récompensé Kaour. Nous devons la même récompense à celui-ci. Kaour a laissé le sac d'or. Quel sera ton choix ? » 
- Je choisis ce que Kaour a laissé.

Les nains se jetèrent sur lui, le lancèrent en l'air, le firent pirouetter et se le passèrent de l'un à l'autre comme un ballon. Quand il retomba, tout étourdi, sur ses pieds ... il avait ... deux bosses. La sienne et celle de Kaour.

Source : http://aubedesfees.forumactif.fr/t26-les-deux-bossus-histoire-de-korrigans

jeudi 20 septembre 2018

Un fils savant

Un fils revint de la ville chez son père au village.

— C’est aujourd’hui la fenaison, lui dit le père, prends ce râteau et viens m’aider.

Mais le fils ne voulait pas travailler, et il répondit :
— J’ai appris les sciences, et j’ai oublié tous les mots de moujik; qu’est-ce que c’est que cet instrument ?

Il sortit, et, dans la cour, marcha sur le râteau, dont le manche vint lui frapper le front; alors il se souvint, se frotta le front et murmura :
— Quel sot a pu placer là ce râteau ?

Conte de Léon Tolstoï (1828-1910)

samedi 15 septembre 2018

La fourmi et le roi Salomon

Ce jour-là, une jeune fourmi avait osé, elle avait osé rester là, dans son trou, en train de travailler, pendant que toutes les autres fourmis se bousculaient pour se prosterner sous les pieds de Salomon.

Salomon qui se promenait dans le désert, à côté de leur fourmilière. Salomon était un roi doublé d'un prophète. Il avait des dons impressionnants dont celui de dompter les animaux, de comprendre leur langage et de leur parler.

Malgré les ruades et bousculades de la foule, Salomon a remarqué l'absence de la jeune fourmi. Il leva la tête, la découvrit dans son trou et lui dit :

- Que fais-tu là, bête menue, et pourquoi ne fais-tu pas comme tes congénères ?

- Sire, répondit-elle, ce n'est ni par impolitesse, ni par désobéissance que je ne suis pas venue comme les autres, mais tout simplement, je m’occupe à quelque chose qui me tient particulièrement à cœur : je veux déplacer cette dune de sable que vous voyez là !

- Ha ha ha ! Mon pauvre ami, rétorqua le roi Salomon, je doute que tu aies la vertu nécessaire, c'est-à-dire la patience et surtout la chance suffisante, c'est-à-dire la longévité, pour accomplir ce travail immense.

- Moi non plus je n'en sais rien, confessa la fourmi, mais ce que je sais c'est que la force qui me pousse est plus puissante que la tempête du désert, je veux parler de la force de l'amour, car de l'autre côté de la dune de sable se trouve ma bien-aimée. Si je mourais avant de l'atteindre, je finirais ma vie dans la folie de cette chose qui meurt en dernier dans le cœur des êtres, c'est-à-dire l'espérance.

Cet échange a fortement ébranlé le grand roi et prophète Salomon, qui, dans le désert au milieu de nulle part, a compris le vrai sens de l'amour.

Ce conte est fini, le premier qui respire ira au Paradis.

vendredi 7 septembre 2018

Le jeune et le vieil alchimiste

Il était une fois un vieil homme qui avait une fille. Elle tomba amoureuse d'un beau garçon, et tous deux se sont marièrent avec la bénédiction du vieil homme. Le jeune couple menait une vie heureuse, à l'exception d'un problème : le mari passait son temps à faire de l'alchimie, rêvant d'une façon de transformer les éléments de base en or. Bientôt, il eut mangé son patrimoine, et la jeune femme dut lutter pour acheter de la nourriture chaque jour. Elle demanda à la fin à son mari de trouver un emploi, mais il protesta. "Je suis sur le point de réussir ! Quand j'aurai réussi, nous serons riches au-delà de nos rêves !"

Finalement, la jeune femme en parla à son père. Il fut surpris d'apprendre que son gendre était alchimiste, mais il promit d'aider sa fille et demanda à le voir. Le jeune homme s'y rendit à contrecœur, s'attendant à une réprimande. A sa grande surprise, son beau-père lui confia : "Moi aussi, j'étais alchimiste quand j'étais jeune ! »  Tous deux passèrent l'après-midi à en parler. Le vieil homme finit par s'exciter. "Tu as fait tout ce que j'ai fait !" s'exclama-t-il. "Vous êtes sûrement sur le point de réussir. Mais il vous faut un ingrédient de plus pour transformer les éléments de base en or, et je n'ai découvert ce secret que récemment." Le vieil homme s'arrêta et soupira. "Mais je suis trop vieux pour entreprendre la tâche. Ça demande beaucoup de travail."

"Je peux le faire, cher père !" dit le jeune homme et se porta volontaire. Le vieil homme s'illumina : "Oui, peut-être que vous le pouvez." Puis il se pencha et chuchota : "L'ingrédient dont vous avez besoin est la poudre d'argent qui pousse sur les feuilles de bananier. Cette poudre devient magique quand on plante soi-même les bananes et qu'on y jette certains sorts."

"De combien de poudre avons-nous besoin ?" demanda le jeune homme. "Deux livres", répondit le vieil homme.

Le gendre pensa à haute voix : "Ça demande des centaines de bananiers !"

"Oui, soupira le vieil homme, et c'est pourquoi je ne peux pas terminer le travail moi-même." "Ne craignez rien !" dit le jeune homme, "Je le ferai !" C'est ainsi que le vieil homme enseigna les incantations à son gendre et lui prêta de l'argent pour le projet.

Le lendemain, le jeune homme a acheté un terrain et l'a défriché. Il creusa lui-même le sol, comme le vieil homme l'avait instruit, planta les bananes et murmura les sorts magiques sur elles. Chaque jour, il examinait ses plantes, éloignant les mauvaises herbes et les parasites, et lorsque les plantes portaient des fruits, il recueillait la poudre d'argent des feuilles. Comme il n'y en avait presque pas sur chaque plante, le jeune homme acheta plus de terres et cultiva plus de bananes. Après plusieurs années, le jeune homme avait enfin ramassé deux livres de poussière magique. Il se précipita chez son beau-père.

"J'ai la poudre magique !" s'exclama le jeune homme. "Merveilleux !" se réjouit le vieil homme. "Maintenant, je peux vous montrer comment transformer les éléments de base en or ! Mais vous devez d'abord amener votre femme ici. On a besoin de son aide." 
Le jeune homme, perplexe, obéit. Quand elle est apparue, le vieil homme a demandé à sa fille : "Pendant que ton mari ramassait la poudre de banane, qu'as-tu fait des fruits ?

"Pourquoi ? je les ai vendus," dit la fille, "et c'est ainsi que nous gagnions notre vie."

"Avez-vous économisé l'argent ?" demanda le père.

"Oui," répondit-elle.

"Puis-je le voir ?" demanda le vieil homme. Sa fille s'est donc précipitée à la maison et est revenue avec plusieurs sacs. Le vieil homme les ouvrit, vit qu'ils étaient pleins d'or, et versa les pièces sur le sol. Puis il prit une poignée de terre et l'a mis à côté de l'or.

"Tu vois, il s'est tourné vers son gendre, tu as changé les éléments de base en or !"

Pendant un moment, le jeune homme est resté silencieux. Puis il rit, voyant la sagesse dans le tour du vieil homme. Et à partir de ce jour-là, le jeune homme et sa femme ont beaucoup prospéré. Il s'occupait des plantes pendant qu'elle allait au marché, vendant les bananes. Et ils ont tous les deux honoré le vieil homme comme le plus sage des alchimistes.

Source : http://ericksonian.com/a-tale-of-perseverance-the-old-alchemist

vendredi 31 août 2018

Variante bretonne de Tom Pouce : Le p’tit Birou

"Il y avait une fois un petit birou qui était caché sous une feuille de brou; la feuille chi ; la vache le manji.
La mère au petit birou alla le chercher, elle l'appela, mais le petit birou ne pouvait pas répondre parce qu'il était dans le ventre de la vache. Alors la mère alla chercher le boucher, et le boucher tua la vache. Dès qu'elle fut tuée, "le bouyé chi à bas", et le petit birou était dans le bouillé. Aussitôt une poule qui se trouvait là mangea le bouillé. La mère bien chagrine courut après la poule et la força à vomir. La poule rejeta le bouillé, et la mère retrouva son petit birou.
Le petit birou fut bien content d'être délivré. Il prit un cheval et le conduisit dans une maison où il y avait une belle fille. La fille mena le cheval boire, mais en route lui cassa une jambe. Le petit birou dit que la fille serait à lui, puisqu'elle avait abîmé son cheval.
Il la mit dans un sac et porta le sac chez sa marraine. Pendant qu'il n'était pas là, la fille appela la marraine. Et la marraine mit son vieux chien à la place de la fille. Quand le petit birou fut revenu, il installa le sac sur son dos. Les griffes du chien le grattaient.
Alors il s'arrêta dans un champ pour ouvrir le sac. Et le vieux chien s’en alla !
Je n’en sais pas plus long.
"

Signification de quelques termes

Birou, garçon;
Brou, lierre;
Chi, tomba;
Manji, mangea;
Le bouyé chi à bas, les entrailles tombèrent à terre.

Source : http://www.contes-et-merveilles.com/contes/sources-variees/etudes-mythologie-et-divers

vendredi 24 août 2018

Un chat vertueux

Dans les temps les plus anciens, existait un chat vertueux, appelé « chat d’Ighnaïn ». Il était connu pour sa bonté, son intégrité et sa fidélité. Il était très apprécié dans son entourage. Comme il ne pouvait pas s’acquitter des travaux assumés par les hommes, la famille qui l’avait adopté l’affecta aux courses. Un jour d’été, il fût chargé d’apporter le déjeuner aux moissonneurs. Dans son panier, il avait une grande quantité de nourriture : pain, huile, beurre, miel, lait… Sur son chemin, il tomba sur un hérisson qui semblait souffrir. Il marchait péniblement en poussant des gémissements de douleur : « aïe, aïe, aïe… ». Il s’apitoya sur son sort, s’approcha de lui et lui proposa son aide : 
- Que puis-je pour vous ? 
Celui-ci, d’une petite voix à peine audible, le supplia : 
- Âme charitable, je vous prie de me transporter jusqu’à ma demeure, elle est sur votre chemin. J’ai trop mal, je n’arrive pas à marcher.
Sans hésiter, le chat se pencha sur lui, le ramassa délicatement et le posa doucement au fond du panier. Une fois bien installé dans le panier, le hérisson se frotta les pattes. Il arbora un large sourire et se mit à saliver. Il jubila face à un tel banquet. Ce fut avec voracité, qu’il puisa dans le miel, le beurre… Une fois rassasié, il s’adressa à son bienfaiteur : 
- Âme charitable, je vous prie de me déposer ici, je suis arrivé à destination. Je vous serai reconnaissant toute ma vie.

Mais avant de s’en aller, feignant une révérence en signe d’adieu, il prit soin d’enduire de beurre rance la queue du chat. Ne se doutant de rien, bercé par l’euphorie d’avoir accompli un geste charitable, le chat continua son chemin en chantonnant : « miaou, miaouou… ». Quand ils l’aperçurent, les moissonneurs tenaillés par la faim se précipitèrent à sa rencontre et lui arrachèrent le panier. Dès qu’ils y jetèrent un regard, ils se figèrent et échangèrent des regards consternés : il y avait très peu de nourriture. Ils interrogèrent le chat qui nia catégoriquement avoir puisé dans le contenu du panier. 
- Si ce n’est pas toi, qui est le coupable à ton avis ? 
- Je vous jure que je ne sais pas. C’est vraiment un mystère.

Décontenancés, les moissonneurs s’approchèrent du suspect à la recherche d’un indice qui prouve sa culpabilité. Il dût ouvrir la bouche : il n’y avait ni trace de nourriture ni odeur du beurre. On passa au crible fin ses pattes, il n’y eut rien à signaler. Mais dès que les nez flairèrent la queue, ils furent envahis par l’odeur du beurre rance et crièrent tous : 
- C’est elle la coupable ! C’est elle la voleuse ! C’est ta queue ! 
Furieux contre sa queue, le chat se tourna vers elle, la secoua, lui fit mordre la poussière en lui disant : 
- Quand tu me suivais et m’obéissais, je te reconnaissais mienne. À présent, tu oses me trahir et manger à mon insu, tu me fais honte espèce de chapardeuse. Je te renie ! Je te renie ! lui cria-t-il fou de rage. Et d’un coup de dents, il la cisailla. Comme une ordure, il la jeta loin de lui.