mercredi 28 avril 2021

L’histoire du mammouth

 le 26 Août 2019


 dans Animer son équipe // Fixer un cap et donner du sens, y compris en transverse


Si vous avez le sentiment que dans votre équipe, chacun roule pour soi sans souci des autres, alors découvrez l’histoire du mammouth et adaptez-la à votre contexte.

 

Imaginons que nous sommes une tribu nomade de Cro-Magnon.

Un de nos éclaireurs revient excité de la plaine et annonce le passage d'un gros mammouth à proximité du campement. La communauté se prépare alors pour la chasse et chacun a son rôle : les chasseurs expérimentés fourbissent leurs armes, les plus jeunes affûtent les flèches, les vieilles femmes reprisent leurs chaussures pour que les chasseurs ne glissent pas et les enfants mettent les tenues de camouflage. On part dans la plaine et ceux qui restent préparent tout le nécessaire pour dépecer et préparer la bête. Non sans mal, on tue le mammouth et grâce à sa laine, son cuir, sa viande et sa graisse, la communauté dispose de vêtements, de nourriture et de chauffage pour plusieurs semaines : sauvés !

A la fin de l'été, la communauté lève le camp pour aller prendre ses quartiers d'hiver. Nous traversons la plaine quand soudain un mammouth, du même genre que le précédent, charge la troupe. Personne n'est préparé et c'est sauve-qui-peut et chacun pour soi ! Les plus jeunes et les plus forts parviennent à échapper à la bête, les plus faibles sont écrasés. La communauté est décimée !

 

Moralité, le mammouth n'est pas bon ou mauvais en lui-même.

 Placé comme un objet de conquête, devant, il génère des comportements généreux : chacun fait sa tâche au bénéfice de la communauté, et tout le monde y trouve son intérêt, forts et faibles.

 Laissé derrière, c'est une menace qui génère des comportements égoïstes : chacun se préoccupe de son intérêt personnel, les faibles sont abandonnés, le collectif perd et finalement les forts aussi.

 

Dans votre équipe c'est la même chose. Si tout le monde roule pour lui-même c'est que les difficultés et les enjeux sont vécus simplement comme de la pression et que l'on cherche à préserver son petit objectif et son petit périmètre. Si vous voulez changer les comportements, il faut que les enjeux redeviennent excitants pour tous et inscrits dans une aventure collective, autour d'une ambition de conquête.

 

https://www.wikimanagement.net/fr/31-creer-un-esprit-dequipe-lhistoire-du-mammouth.php

jeudi 22 avril 2021

Deux amis et la vie



Deux amis qui s’ennuyaient ensemble prirent un jour la décision de philosopher sur à peu près tout ce qui leur passait par la tête. De ce qui avait paru resserrer une entente si profonde ne résulta que d’indignes querelles, car chacun voulait voir dans ses idées une partie un peu trop sûre de lui-même et de laquelle il ne démordait pas. Tous deux virent dans ces discussions vaines et interminables que les échauffaient tellement une sorte d’avant-goût de ce monde adulte où la rivalité tutoyait la fraternité. 

Le premier s’engagea dans l’armée et devint capitaine d’infanterie.
Le second se tourna vers l’enseignement universitaire et l’activisme politique.

Puis la guerre s’abattit sur eux.

Le premier fut affecté à un régiment d’infanterie.
Le second s’engagea volontairement mais resta à l’arrière comme administrateur.

C’est à l’occasion d’une permission qu’ils se rencontrèrent six mois plus tard dans la petite gare de leur ville natale.

Ils passèrent les premières nuits à boire et se raconter leurs vies. 


Le premier soutenait un certain type de violence légitime, qu’occasionne souvent l’iniquité d’une tyrannie. Il plaidait pour la résistance armée.
Le second se montrait plus prudent et tâchait de lui prouver qu’il n’y avait jamais qu’une seule forme de violence.

Petit à petit la discussion dériva sur les raisons de la guerre.

Le premier parlait géopolitique.
Le second idées, valeurs.

Le premier, tributaire d’une idéologie, réfutait tous les arguments comme un boxeur aveugle.
Le second, ignorant des causes matérielles concrètes sur lesquelles s’édifient les conflits, sous-estimait l’impact de la realpolitik.

À court d’arguments, ils entreprirent ensuite de s’insulter par des attaques et cela déboucha sur un pugilat physique où le militaire eut raison de son compétiteur.
Ils se quittèrent très fâchés à la gare.

Le premier avait eu de l’avancement et se trouvait affecté à l’arrière.
Le second devait combler les pertes dans une unité de cavalerie.

À la fin de la guerre, le premier monta son entreprise dans le civil. Il ne voulait plus jamais entendre parler de l’armée.
Le second, amputé d’une jambe, recommença à enseigner à l’université.

Ils se croisèrent à nouveau dans leur ville natale, à l’occasion d’une visite familiale.

Le premier avait une femme très belle, une danseuse.
Le second avait un chien et une infirmière qui le secondaient partout.

Toutes leurs anciennes rancunes se dissipèrent alors.

Le premier, parce qu’il eut pitié du handicap de son vieil ami.
Le second, parce que la femme pendue au bras de son camarade lui redonnait des palpitations d’avant la guerre.

Ils retrouvèrent très vite les anciens agréments d’une sympathie réciproque ; mais la maturité et les horreurs de leur temps avaient flétri leur enthousiasme. 


Quoiqu’ils ne se revissent jamais, ils se quittèrent bons amis.

Le premier se brisa le cou dans un accident.

Le second mourut au lit dans sa maison de montagne, là où le silence d’une vie austère consacrée à agencer sa solitude accorde toujours la fin de bonne grâce.

 

Source : adapté de https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/deux-amis-4

mercredi 14 avril 2021

l'intelligence



Un jour, les livres où étaient les pensées des hommes disparurent par enchantement.

Alors, de grands savants s’assemblèrent : ceux qui sont dans la mathématique, la physique, la chimie, l’astronomie, la poésie, l’histoire et autres sciences et lettres.

Ils tinrent conseil et dirent :

— Nous sommes les dépositaires du génie humain ; nous allons nous rappeler, pour les graver sur un marbre immortel, les inventions les plus belles des savants et des poètes ; mais seulement celles qui représentent, depuis que le monde existe, les plus hauts sommets de l’entendement. Pascal n’aura droit qu’à une pensée ; Newton qu’à une étoile ; Darwin qu’à un insecte ; Galilée qu’à un grain de poussière ; Tolstoï qu’à une charité ; Henri Heine qu’à un vers ; Shakespeare qu’à un cri ; Wagner qu’à une note…

Et alors, comme ils se recueillaient pour ressaisir en leurs mémoires les chefs-d’œuvre indispensables à la consécration de l’homme, ils sentirent avec effroi que leurs têtes étaient vides.


source : Francis Jammes, Le roman du lièvre, Forgotten Books 2018

jeudi 8 avril 2021

La cave du silence



Un vieil homme décida de léguer sa sagesse. Mais à qui ? Il fit donc savoir que tous ceux qui voudraient hériter de sa sagesse seraient les bienvenus à sa maison pour y juger de leur bonne disposition. 

 

Quelques jours plus tard, trois candidats se présentèrent. Le premier était d'une grande érudition,  c'était un puits de connaissance.  Le vieux lui offrit à boire puis l’emmena dans sa cave. Une cave si profonde qu’il y régnait un absolu silence.  Il fit asseoir son visiteur au centre de la pièce et lui demanda : « Qu'entends-tu ? »

 

 Le silence se fit très lourd le visiteur tendit une oreille puis les deux. Comme il n’entendait rien,  il répondit : « Rien ».  

 

Ils remontèrent de la cave et le vieux demanda au candidat de l’attendre dans le jardin et il fit entrer le second candidat. Celui-là était un esprit remarquable. Il était capable, disait-on, de résoudre n'importe quel problème même le plus complexe.  le vieux lui offrit un peu d'eau et ils descendirent dans la cave ou régnait toujours le plus grand des silences.  Le vieux posa la même question :  « Qu'entends-tu ? »

 

Le candidat réfléchit,  réfléchit encore et comme il n'entendait rien, il finit par répondre : « Rien ». Ils remontèrent de la cave.  Le vieux demanda au candidat de l'attendre dans le jardin et il fit entrer le troisième. Ce dernier n'avait pas fait d'école estimable et il disait de lui-même qu'il avait souvent de la peine avec les affaires complexes. Mais il avait des yeux qui regardaient dans les autres.  Alors le vieux lui offrit de quoi se désaltérer et ils prirent  le chemin de la cave. 

 

Au cœur du silence pour la troisième fois le vieux posa la même question : «  Qu'entends-tu ? ».  La réponse fut immédiate : «  J'entends en moi l’écho de ta question, j'entends en toi l'attente de ma réponse ». 

 

Ils remontèrent de la cave.  Le vieux réunit les trois et prit la parole :  « Toi, dit-il, au premier tu es très savant,  toi  dit-il au second, tu es très intelligent mais c'est à toi, dit-il au troisième, que je lègue ma sagesse car toi seul est vraiment attentif ».  

 

Source : https://monhorizonzen.com/