jeudi 26 avril 2018

Changer le monde


Un homme se réveille un matin avec l’espoir de changer le monde. Il va sur la place du marché, grimpe sur une caisse en bois et commence à raconter des histoires. Des histoires qu’il espère si belle, qu’elles toucheront les gens, qu’elles les feront changer d’attitude. Au début, certains écoutent, attentivement. Puis rapidement, tout le monde s’en désintéresse. Il ne se décourage pas pour autant. Tous les jours, il retourne sur la place du marché et continue à raconter ces histoires.
Le temps passe, les gens se sont habitué à ce vieux fou. Sa barbe a poussé, sa voix n’est plus qu’un faible murmure. Il ne lui reste pour tout public qu’un chien et un enfant.
Un jour, l’enfant vient voir le conteur
-   Et le vieux pourquoi tu contes ? Tu vois bien que personne ne t’écoute, alors pourquoi tu contes ?
Le vieux eu un sourire triste
-   Avant, je racontais pour changer le monde.
-   Ben tu vois bien que ça ne marche pas. Que personne ne t’écoute. Alors pourquoi tu continues ?
-   Maintenant, si je raconte, c’est pour que le monde ne me change pas… 

Rapporté par plein de gens, notamment Jean-claude carrière dans le cercle des menteurs

jeudi 19 avril 2018

Le jour qui ne veut pas s'endormir


En été, vous l’avez remarqué, les jours s’allongent, s’allongent. Ils veulent durer longtemps, longtemps. Ils ont du mal à s’endormir les jours, car ils ont tant et tant de choses à vivre, tant et tant de choses à voir, à écouter, à entendre et aussi à recevoir.

Et si jamais le lendemain, ils ne revenaient pas, ni après-demain, qu’est-ce qui arriverait?
Qu’est-ce qui arriverait aussi, si ces deux-là, mes parents, qui sont au-dessus de moi, disparaissaient, hein? « Qu’est-ce que je deviendrais, moi, le petit jour d’aujourd’hui? » s’interrogeait un enfant jour. 

C’est ce qu’ils disent tous, les jours si longs de l’été, ils ne veulent pas s’endormir du tout. Mais pas du tout, du tout, ni sur les deux oreilles ni sur leur petite joue toute douce. Ils veulent garder les yeux ouverts, la bouche ronde, les mains tendues vers l’ineffable, vers le tout de la vie.

Alors qu’est-ce qu’ils font, les jours qui ne veulent pas s’endormir? Ils vont énerver leurs parents. Ils vont tenter de les retenir, de les coincer dans le salon ou la chambre le plus longtemps possible. Ils vont aussi essayer de les séduire pour faire durer le temps plus longtemps…

« Si encore ils me laissaient un peu d’eux-mêmes, un peu de leur odeur, de leur musique, de leur présence, se disait le petit jour qui ne voulait pas s’endormir. Je sais bien que je vais avoir sommeil, je sais bien que je vais traverser la nuit, faire le tour de la terre, aller voir d’autres paysages avec des rêves. Parfois j’ai un peu peur au moment du passage, juste au moment où je vais basculer du jour…dans la nuit… »

Ainsi se parlait à lui-même un petit jour qui ne voulait pas s’endormir. Il se disait cela dans son lit, au moment fragile, délicat où il allait tomber dans le sommeil.

Car tomber dans le sommeil, ce n’est pas rien. Et si on tombait si loin qu’on ne revienne plus…?

Vous comprenez mieux pourquoi les jours parfois ne veulent pas aller se coucher, ni s’endormir, c’est parce qu’ils ont peur de tomber dans le sommeil.

Source :  Contes à guérir, contes à grandir de Jacques Salomé, Edition Albin Michel

jeudi 12 avril 2018

Le nez qui chatouillait


«M. Al Ambique a un gros problème, il est très sensible des dents mais pas sensible comme tout le monde. En fait, c’est très bizarre : dès qu’on lui touche les dents, son nez se met à picoter, le chatouiller, l’irriter. C’est très handicapant pour se brosser les dents, alors pour se consoler M. Al se dit qu’il gagne du temps. Mais M. Al est très gourmand, alors les sucreries sans le brossage c’est garanti plein de caries.
Mais le pire c’est quand M. Al va chez le dentiste. Dès que celui-ci met le vent (spray à air) sur une dent, son nez démange, il a envie de se gratter. Quand la gomme à carie démarre, ça pique tellement que des larmes coulent de ses yeux. Mais le moins agréable c’est le moteur qui fait du bruit sur la dent, alors là M. Al éternue sans cesse.
Beaucoup de dentistes ont essayé de soigner M. Al, mais ils ont tous laissé tomber. Certains se sont fâchés très fort, d’autres n’ont même pas essayé, certains lui ont même fait faire des tests allergologiques.
Un jour, alors qu’une dent n’allait pas bien du tout, M. Al va voir un énième dentiste. Quand celui-ci comprend le problème de M. Al, il lui dit : « Je crois que j’ai compris : votre nez a besoin de travailler, alors pour que vous le sachiez, il s’amuse à vous chatouiller. »
Un nez qui travaille c’est un nez qui souffle. Par exemple, quand je mets de l’air sur votre dent. Peut-être vous pourriez gonfler et souffler par les narines, d’abord celle de droite, puis celle de gauche, puis les deux d’abord doucement puis de plus en plus fort.
Un nez qui travaille c’est un nez qui respire. Par exemple, quand vous avez de l’eau dans la bouche. Peut-être que vous pourriez vous apercevoir de l’air qui passe dans vos narines, puis vous pourrez le suivre dans vos poumons, et peut-être aussi jusque dans votre ventre, et ainsi à chaque respiration, calme et tranquille, vous pourriez suivre le travail de votre nez. 
Et c’est ainsi que M. Al put se faire soigner les dents. 

vendredi 6 avril 2018

Carpe diem


C'est l'histoire d'un petit garçon qui vivait dans un village de pêcheurs au Viet Nam. Ce village avait la réputation de réunir parmi les meilleurs pêcheurs du pays.

Une tradition ancestrale voulait que tout petit garçon qui parvenait à pêcher sa première carpe, devenait alors un homme.

Un jour, un petit garçon de seulement neuf ans voulait impérativement aller pêcher avec son père et son grand père. Mais pour cela il lui fallait être un homme. Alors il se mit en tête de pêcher sa carpe. Tous les jours il se rendait au bord de la rivière. Mais il n'attrapa aucune carpe. Les jours passèrent puis devinrent des semaines et des mois. 

Son grand père le voyant faire lui demanda ce qu'il faisait. Le petit garçon lui répondit : 
— Je veux pêcher ma première carpe et devenir un homme comme toi. Alors je pourrai pêcher avec vous puis j'aurai ma propre cabane et je pourrai vivre ma vie.
— Mon cher petit fils, lui répondit son grand père. Tu ne trouveras pas ta carpe si tu la cherches. Pêcher correctement c'est profiter. Et on ne profite jamais quand on prospecte. Quand tu tiens ta canne à pêche au bord de la rivière, tu as déjà tout ce qu'il te faut. Tu n'as besoin de rien d'autre. La carpe viendra alors à toi.

Le petit garçon réfléchit longtemps à ces mots. Le temps passa encore. Le petit garçon devint adolescent. Il avait appris petit à petit à faire attention, tandis qu'il pêchait, au vent qui soufflait dans les arbres, aux libellules flirtant avec l'eau, aux nuages impermanents, aux odeurs changeantes, à la lumière variable.

Un jour alors qu'il tenait sa canne à pêche, il ferma les yeux et s'ouvrit au monde autour de lui. Il était en paix à ce moment-là. Il comprit que son bonheur était d'être là, à pêcher, sans autre raison ni ambition.

Sa ligne se mit à bouger, et délicatement il sortit une carpe de l'eau. Il prit le poisson dans la main. Il le contempla, puis le cœur plein, il remit la carpe à l'eau. Il rentra au village sans poisson, mais son grand-père su qu'il était devenu pêcheur. Car le visage de Diem était en paix.

Ainsi est l'histoire de la Carpe de Diem.