vendredi 29 avril 2016

Continuer ou lâcher prise ?


Quand on a beaucoup investi dans quelque chose et que ça n'aboutit pas, on poursuit, avec l'espoir que ça finira par marcher ou pour ne pas perdre ce qu'on a investi. On pourrait aussi lâcher prise et investir notre énergie ailleurs. 

Un jour, un voyageur visita l’Inde. Comme il se promenait dans la ville de Delhi, il arriva à un marché de fruits et légumes et remarqua que beaucoup de gens achetaient des petits fruits rouges et pointus qu’il ne connaissait pas.
Notre homme pensa qu’il devait s’agir d’une friandise locale, aussi en acheta-t-il un kilo et il s’assit sous un arbre pour les savourer. Quand il mâcha le premier fruit, sa bouche commença à brûler, ses yeux et son nez à couler. Il gémit et s’éventa la bouche, puis entreprit de mâcher un autre fruit, pensant que celui-ci serait meilleur. Il continua ainsi, mangeant fruit sur fruit, souffrant et espérant que chacun serait meilleur que le précédent.
Alors qu’il était en train de mâcher bravement ces fruits, un homme qui avait assisté à la scène s’approcha et lui demanda ce qu’il faisait :
– J’ai vu beaucoup de gens acheter cette friandise, aussi j’en ai acheté moi-même et je me suis mis à en manger, expliqua le voyageur.
– Ce n’est pas ainsi que l’on consomme ces fruits, lui dit l’homme. Ce sont des piments. On les coupe en morceaux et on les incorpore aux aliments pour les agrémenter ou les pimenter. Et il s’éloigna.
Se retournant, il vit notre voyageur qui continuait à ingurgiter ses piments. Fâché, l’homme revint sur ses pas et l’interpella :
– Je ne te connais pas, je me donne la peine de te renseigner et tu ne tiens pas compte de ce que je te dis !

– Ne te vexe pas, rétorqua le voyageur. Je ne suis plus en train de manger tes piments. Je suis en train d’amortir l’argent que j’ai dépensé en les achetant.

vendredi 22 avril 2016

La vraie noblesse est dans l'interrogation et le voyage

Dans son discours d’intronisation à l’Académie Française, Marc Lambron a parlé (entre autres) du plus « beau métier ».  

Arrêtons-nous aussi un instant pour saluer celle du chef de la France libre. François Coulet, qui fut chef de cabinet du général de Gaulle à Londres, puis premier commissaire de la République de la France libérée, a raconté ceci. C'est un jour du printemps 1942, et l'homme du 18 Juin est morose. Après le déjeuner où le Général a très peu parlé, soudain, sur le trottoir de gauche de Saint James, avant d'arriver aux bureaux de Carlton Gardens, il lâche : «Voyez-vous, Coulet, le plus beau métier, c'est d'être bibliothécaire.» 

Un peu étonné, François Coulet lui confie que son père, grand universitaire, s'était vu offrir la direction de la très belle bibliothèque du palais Bourbon. « Oh non ! répond le Général, pas une grande bibliothèque comme ça, non, un poste de petit bibliothécaire dans une petite ville en Bretagne. Ah ! quelle belle vie, on est là, on lit tout ce qu'on veut avec une grande tranquillité et puis à soixante ans, brusquement, on est pris de frénésie et on pond une plaquette de quatre-vingts pages : “ Madame de Sévigné est-elle passée par Pontivy? ” Et alors là on embête tout le monde, on se dispute avec le chanoine qui prétend que non, eh bien, croyez-moi, Coulet, c'est la plus belle vie.»

J'aurai bientôt l'âge de me disputer avec le chanoine. Toutefois le général de Gaulle, qui aurait mérité autant que Churchill le prix Nobel de littérature, savait, pour reprendre une formule de son ministre André Malraux, que toute bibliothèque « est l'héritage de la noblesse du monde». Quand la vie chancelle, le secret des hommes s'inscrit dans les livres. La vraie noblesse, elle est dans l'interrogation et le voyage.


Extrait du Figaro

vendredi 15 avril 2016

La vie est une côte...



Un extrait du livre "Bel Ami" de Guy de Maupassant. 

Le héros, Georges Duroy (Bel Ami) se promène un soir avec un collège, Norbert de Varenne.   Celui-ci monologue :
« La vie est une côte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet et on se sent heureux. Mais lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre âge, on est joyeux. On est joyeux. On espère tant de choses, qui n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien…que la mort. […]
Oui, on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni à propos de quoi, et alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bête rongeuse. […]
Oui, elle m’a émietté, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon être, seconde par seconde. […] Chaque pas m’approche d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hâte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vive enfin, c’est mourir […]
Toutes les religions sont stupides, avec leur morale puérile et leurs promesses égoïstes, monstrueusement bêtes.
La mort seule est certaine […] 
Pensez à tout cela, jeune homme, pensez-y des jours, des mois et des années, et vous verrez l’existence d’une autre façon. Essayez donc de vous dégager de tout ce qui vous enferme, faites cet effort surhumain de sortir vivant de votre corps, de vos intérêts, de vos pensées et de l’humanité tout entière, pour regarder ailleurs, et vous comprendrez combien ont peu d’importance les querelles des romantiques et des naturalistes, et la question du budget. […]

 Oubliez ce rabâchage de vieux, jeune homme, et vivez selon votre âge. »   

vendredi 8 avril 2016

La montagne de la bêtise



Doris Lessing (prix Nobel de littérature 2007) a écrit « Le Carnet d'or »

Son thème : Une jeune romancière, Anna Wulf, hantée par le syndrome de la page blanche a le sentiment que sa vie s'effondre. Par peur de devenir folle, elle note ses expériences dans quatre carnets de couleur. Mais c'est un cinquième, couleur d’or, qui sera la clé de sa guérison, de sa renaissance. Le Carnet d'or est le portrait puissant d'une femme en quête de sa propre identité, personnelle et politique.

Dans cet extrait, elle raconte à son amant un de ses rêves :

« Il y a une énorme montagne noire. C’est la bêtise humaine. Il y a des gens qui poussent un rocher vers le sommet de la montagne. Quand ils réussissent enfin à le hisser de quelques mètres, il y a une guerre, ou une mauvaise révolution, et le rocher dégringole -pas jusqu’en bas, il s’arrête toujours quelques centimètres plus haut que son point de départ. Alors les gens s’arc-boutent contre le rocher, et ils recommencent à pousser. Pendant ce temps, il y a au sommet de la montagne quelques grands hommes. Ils regardent parfois en bas, et disent en hochant la tête : bon, les pousseurs de rochers sont toujours au travail, mais pendant ce temps, nous méditons sur la nature de l’espace et sur le monde tel qu’il sera lorsque les gens ne haïront plus, n’auront plus peur ne tuerons plus. »
-          Hum (lui dit son amant), Eh bien, je veux être un de ces grands hommes en haut de la montagne.

-          Malheureusement pour nous, nous sommes tous deux des pousseurs de rochers. »        

vendredi 1 avril 2016

Conte flamand : la légende de Brabo


A Anvers, au milieu de la Grand'place se trouve Brabo, la statue d'un homme qui jette une grande main. Cette statue date de 1887. 

Cette statue a un rapport avec la légende qui procura à Anvers son nom. Voici l'histoire : Autrefois un terrible géant (Druoon Antigoon) habitait sur les rives de l'Escaut. Tous les bateliers devaient lui payer une taxe pour pouvoir naviguer sur l'Escaut. S'ils ne le payaient pas, il leur hachait la main. Mais heureusement qu'il y avait le soldat romain Silvio Brabo, qui tua le géant. Selon la légende le soldat hacha la main du géant et la jeta dans l'Escaut. D'ou le nom : en néerlandais "hand = main, werpen = jeter ou Antwerpen.
Le symbole des mains se retrouve dans le blason Anversois, et dans toutes sortes de bonnes choses, (pensez aux Antwerpse handjes = petits biscuits en forme de mains).



Remarquez que l'eau n'est pas récupérée dans un bassin, mais coule simplement sur la place.

P.S. Cette légende serait fausse. En réalité le nom Antwerpen provient de « Aan de werpen », ce qui signifie "près des digues", ou de « Aan't wef », qui signifie "près des chantiers navals".