vendredi 29 mai 2015

Conte du Tibet : les yaks


L’histoire se passe au Tibet. Deux frères élèvent des yaks. L’ambition de l’un est d’en avoir toujours plus, aussi les accumule-t-il, tandis que l’autre n’en possède qu’un qui lui suffit. Un jour, les deux frères se rencontrent et celui qui a un grand troupeau dit à l’autre : «mon rêve est d’avoir cent yaks ; je n’en ai que quatre-vingt-dix-neuf, peux-tu me donner le tien ? » ; « Mais bien sûr, répond son frère, prends-le ! »

 Qui est le plus heureux ? Qui est le plus malheureux ?  Celui qui a maintenant cent yaks et qui en voudra sûrement demain cent-un puis cent-deux… ou celui qui se contente de ce qu’il a ? L’un est toujours dans la souffrance du manque quand l’autre est dans la richesse du don.          

vendredi 22 mai 2015

Conte chinois : le poirier magique


Un villageois avait apporté au marché des poires dont il espérait tirer un bon prix ; elles étaient, en effet, merveilleusement sucrées et d'un parfum délicieux. Un prêtre taoïste aux habits déchirés,  s'arrêta devant sa brouette et lui demanda l'aumône ; le paysan lui répondit par des injures, mais le prêtre insista :" Je vois sur ta voiture plus de cent poires, moi, pauvre prêtre mendiant, je te demande de me faire l'aumône d'une seule poire, cela ne fera pas un grand vide dans ton étalage, pourquoi te mettre en colère ; cherche avec soin, mon frère, tu en trouveras bien une véreuse ou gâtée, donne-la-moi et je m'en irai."

Le paysan obstiné refusa ; mais le bruit de cette discussion fatiguait les voisins et l'un d'eux, pour y mettre fin, sortit une piécette, acheta une poire et la donna au prêtre. Celui-ci se confondit en remerciements puis, se tournant vers la foule, dit : "
 Je tiens à vous montrer à tous que pour être prêtre je ne suis ni ingrat, ni avare ; moi aussi j'ai de belles poires, et je vous demande la permission de vous les faire voir. Vous voyez ce pépin, je vais le semer et cette graine que je tiens en ma main ce sont des poires dont vous allez tous pouvoir vous rassasier".

Tenant toujours son pépin avec soin, il creusa à l'aide de la bêche qu'il portait sur l'épaule un trou profond de quelques pouces, il y déposa la graine et le reboucha avec de la terre bien tassée, puis il demanda si quelqu'un pouvait lui procurer de l'eau chaude ; un spectateur courut en emprunter à une boutique voisine et remit la théière au prêtre qui versa le liquide bouillant sur la terre tassée. Dix mille yeux étaient rivés sur ce point du sol quand ils virent soudain émerger un petit germe crochu qui se redressa, s'allongea et devint un arbre ; les branches s'étendirent couvertes de feuilles, les fleurs apparurent pour se nouer aussitôt et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il y eût là un immense poirier craquant sous le poids des fruits ; le prêtre, grimpant de branche en branche jusqu'à la cime, offrit les poires à tous les assistants. Quand enfin le poirier fut dépouillé, à grands coups de sa bêche il abattit l'arbre et mettant sur l'épaule le tronc garni de ses feuilles, il partit à pas lents et disparut.

Notre villageois avait fait comme les autres : il était resté à contempler les faits et gestes du prêtre ; mais quand ce dernier fut parti, il retourna en hâte à son étalage. Plus de poires, et de plus un brancard avait disparu ; en regardant de plus près, il vit qu'il avait été tout fraîchement coupé ; plein de colère, il courut à la recherche de son voleur et en tournant la rue il aperçut au pied d'un mur son brancard qui gisait sur le sol ; il comprit alors que c'était le poirier du prêtre, mais où retrouver celui-ci et comment se venger ; le pis est que tout le marché qui avait vu son avarice au début, éclata de rire à ses dépens.


Source : Traduits par JULES HALPHEN  Librairie ancienne Champion, Paris, 1923, 198 pages.

lundi 18 mai 2015

Conte turc : Politesse ou noblesse ?


Deux Sultans discutaient pour savoir lequel, de la politesse ou de la noblesse était le plus important. Le premier, tenant pour la politesse, insista finalement pour que le deuxième vienne le lendemain chez lui pour lui faire la démonstration de la justesse de son point de vue.
Le lendemain, le deuxième Sultan alla au rendez-vous, et le premier Sultan l'accueillit avec un délicieux repas. A la fin du repas, l'hôte frappa dans ses mains et un chat apparut, apportant les cafés sur un plateau qu'il tenait dans ses pattes avant.
- Alors, dit le premier Sultan, vois-tu comment la politesse est importante puisque j'ai réussi à l'apprendre à ce chat et à transformer ainsi ses capacités?
- Bien, répondit le deuxième, mais laisse-moi un jour et refaisons l'expérience demain.
Le lendemain, le deuxième Sultan revint et à la fin du repas le chat réapparut avec les cafés entre ses pattes. Le deuxième Sultan sortit alors une souris de sa poche et la lança vers le chat. Celui-ci lâcha le plateau pour poursuivre la souris, cassant les tasses et renversant les cafés par terre.

- Sans la noblesse, dit le Sultan, la politesse n'est rien.

jeudi 7 mai 2015

Conte du Niger :la traversée du fleuve


Ce conte n'est pas extrait de ce livre, mais il aurait pu l'être. Il y a dans ce livre une description d'une longue descente du fleuve Niger qui reflète bien cette ambiance.
 
Trois hommes cheminaient à travers la brousse.
Ils se dirigeaient vers le fleuve qu’ils comptaient traverser avant la nuit.
Le premier portait un sabre, le second un arc et des flèches. Le troisième n’était pas armé.
C’était un homme humble qui portait autour de la tête un long turban de couleur blanche.
Arrivés au bord du fleuve, les trois hommes furent surpris par sa largeur.
- comment allons-nous parvenir çà le franchir? Interrogea l’un d’eux.
- que chacun fasse de son mieux, déclara celui qui portait un sabre. Retrouvons-nous sur l’autre rive.
Il s’approcha alors de l’eau, leva ses bras musclés, et frappa le fleuve avec son sabre.
Les eaux s’entrouvrirent et il traversa rapidement tandis que le passage se refermait derrière lui.
Arrivé sur la rive opposée, il se retourna et interpella ses compagnons.
- faites comme moi, leur dit-il.
Le deuxième homme prit son arc et visa un arbre au-delà du fleuve.
Il était très adroit et y planta une flèche du premier coup.
Puis il tira rapidement toutes celles que contenait son carquois. Les flèches s’enfilèrent les unes dans les autres et finirent par constituer un pont fragile au-dessus du fleuve.
Le deuxième homme l’emprunta et put ainsi traverser à son tour.
- fais comme nous, crièrent les deux premiers hommes à leur compagnon qui se trouvait encore
de l’autre côté du fleuve.
Le troisième homme déroule lentement son turban. Il fit un nœud coulant et lança son turban qui alla s’accrocher à un arbre sur la rive opposée. Et il traversa, lui aussi.
Les trois hommes étaient à nouveau réunis; ils échangèrent alors un sourire sans rien dire avant de se séparer.

La vie n’est-elle pas un fleuve que chacun traverse à sa façon?…
Source : http://hisougueur.unblog.fr/2015/02/20/la-traversee-du-fleuve-conte-du-niger/