vendredi 30 septembre 2016

La charette


Il était une fois, il y a bien des années un promeneur …désœuvré qui parcourait la région de part en part sans trouver le repos. 
Il se sentait de plus en plus lassé tandis qu’il parcourait ainsi tant de pays sans jamais vouloir s’arrêter. Seul l'exercice physique lui faisait du bien et le maintenait en bonne santé. 

Un jour, alors qu'il était assis sur une butte et que son regard qui parcourait les champs jaunes et verts et bruns, son regard aperçut en contrebas, sur la route ordinairement facile, un attelage qui avançait cahin-caha. Il remarqua l'allure irrégulière des deux chevaux, l’un noir et l’autre blanc qui tiraient une charrette légère, libre de tout chargement. Le cocher, tant bien que mal, poussait l'attelage à progresser mais les deux chevaux ne parvenaient pas à .se …synchroniser, à… marcher ensemble. Le cocher utilisait le fouet et vociférait et ses paroles dures peut-être parvenaient aux oreilles du promeneur intrigué. Le cocher avait beau se démener mais rien n'y faisait. Il se sentait impuissant. En effet quelques minutes plus tard, l'attelage s'arrêta.
Le cheval noir était épuisé et il ne pouvait pas… continuer la route. Tandis que le promeneur sur sa butte observait la scène, le ciel commençait à s’assombrir. L’orage semblait tout proche. Alors, sans y penser, naturellement, simplement, il vint vers la charrette et rejoignit le cocher qui avait perdu l'espoir de continuer son chemin pour …rentrer à la maison. Les nuages s’amoncelaient.   Et chacun sentait que la journée commençait à décliner. Il fallait rentrer au plus tôt.
Le promeneur et le cocher ont alors échangé des paroles encourageantes et apaisantes. Ces paroles ont calmé leurs esprits et leur ont donné de l'espoir d’arriver à une situation acceptable, ils ont cherché ensemble plusieurs possibilités et leurs avis conjugués ont trouvé la plus acceptable et ils pensèrent que cela pourrait changer la situation. Le cheval noir était bien malade. Ils étaient dans la nécessité de s'en séparer. A deux, la tâche était plus légère, et tout en parlant avec douceur au cheval, ils se mirent à desserrer ses liens, à le débarrasser de son harnais et celui-ci fut dételé et …libéré. Leurs yeux découvrirent un abri de berger de l'autre côté de la route, et un peu plus loin, un champ d’herbe verte et fraîche, et c'était… rassurant. Ils commençaient à …respirer. Ils respiraient profondément soulagés. Quelqu'un pourrait veiller le cheval. Et c’est alors que le promeneur proposa de l'emmener, près de ce refuge. Le promeneur et le cheval cheminèrent ensemble, doucement, et leurs regards témoignaient de leur tendresse et la main du promeneur apaisait le cheval qui semblait comprendre et accepter la situation   tandis que le cocher sur la route s’affairait à mettre de l’ordre dans l’attelage. Et tout en travaillant à équilibrer le nouvel attelage avec le cheval blanc le cocher reconnut là-bas des toits de tuiles rouges protégés par une ceinture d’arbres. Le clocher dépassait le hameau et se voyait des alentours et les voyageurs pouvaient ainsi se repérer. Le temps avait passé. Le promeneur s'était acquitté de sa tâche. Il avait remis le cheval aux bons soins du berger.
Quand il revint vers la charrette, le cocher avait pu remettre en place l'attelage. Le cheval blanc, bien attelé, était capable demener à bon port les deux voyageurs. Le promeneur prit quelques touffes d’herbes fraîches pour lui donner de la force et continuer la route.
Entre le cocher et le promeneur, il s'était établi une complicité et une grande confiance. Il y avait un lien qui pourrait au fil des jours devenir une belle amitié. La charrette avançait tranquillement vers le village tandis que les nuages lourds se dispersaient, poussés par le vent, et le ciel se dégageait peu à peu. Les premières maisons apparaissaient, et ce qu’ils avaient pris pour un hameau était en réalité un village pittoresque. 
Le village les accueillit avec simplicité et gentillesse, naturellement, sans poser de questions. Les paysans étaient toujours heureux d’offrir l’hospitalité aux voyageurs. Sur la place fleurie, autour de la fontaine d’où jaillissait une eau claire et pure, jouaient des enfants, pleins de vie. Ils entourèrent aussitôt l’attelage et flattèrent le cheval blanc. L’un d’eux apporta un seau d’eau fraîche pour étancher sa soif. Et le promeneur et le cocher, tout en les remerciant, s’approchèrent de la fontaine. Leurs mains se tendirent vers son eau limpide et ils se mirent à boire avec délices. Le promeneur et le cocher ensemble se tournèrent vers le cheval blanc et lui adressèrent des regards et des paroles de tendresse tandis qu’un jeune homme apportait une botte de foin   Là, des femmes achevaient de dresser une grande table dans la cour ombragée de chênes centenaires. Les parfums, les senteurs du dîner parvenaient jusque-là. 
Des ouvriers agricoles arrivaient par petits groupes, bavardant et riant. Ils avaient terminé leur journée bien remplie. Aussitôt, les deux amis furent invités pour partager le repas et la gaieté des paysans. Ils tentèrent bien de refuser cette invitation. Mais ils ne trouvèrent aucune raison pour rester à l’écart.  Les gens étaient heureux et simples et leur proposèrent un abri pour la nuit. Et c’est ainsi que le promeneur et le cocher offrirent tout naturellement de mettre la main à la pâte et de partager les tâches naturelles de la vie. Tout le monde s’était attablé : les enfants au bout de la table avaient faim et mangeaient avidement. Entre deux bouchées, ils jetaient des regards vers nos deux amis et leur faisaient des signes de complicité. Ils étaient heureux de leurs présences. Les convives appréciaient les plats préparés par les femmes qui recevaient les compliments en plaisantant. Les conversations s’étaient engagées sur les promesses de la moisson et de la vendange de cette année. Dans ce coin de campagne, la nature était généreuse et les paysans étaient pleins de vigueur et de vie. La journée se finissait dans la bonne humeur et l’amitié. La maîtresse de maison leur donna un lieu pour se reposer et la nuit protectrice apporta le réconfort aux esprits et aux corps.


vendredi 23 septembre 2016

La gratitude


Un jour, le père d’une très riche famille amène son fils à la campagne pour lui montrer comment les gens pauvres vivent. Ils passent quelques jours sur la ferme d’une famille qui n’a pas beaucoup à leur offrir.

Au retour, le père demande à son fils : « As-tu aimé ton séjour? »

« C’était fantastique, Papa ! »
« As-tu vu comment les gens pauvres vivent ? », demande le père.
« Ah oui ! », répond le fils.
« Alors, qu’as-tu appris ? »

Le fils lui répond :
« J’ai vu que nous avions un chien alors qu’ils en ont quatre.
Nous avons une piscine qui fait la moitié du jardin et ils vont dans une crique sur la mer.
Nous avons des lanternes dans notre jardin et eux ont des étoiles partout dans le ciel.
Nous avons un grand jardin devant la maison et eux ont l’horizon.
Nous avons un domaine, mais eux ont des champs à perte de vue.
Nous achetons nos denrées et eux les cultivent.
Nous avons des murs autour de la propriété pour nous protéger. Eux ont des amis qui les protègent. »

Le père en resta muet.

Le fils rajouta : « Merci, Papa, de m’avoir montré tout ce que nous n’avons pas. »

Trop souvent nous oublions ce qui nous est acquis pour nous morfondre sur ce que nous n’avons pas. Ce qui est un objet sans valeur pour quelqu’un peut très bien être un trésor pour un autre. Ce n’est qu’une question de perspective. C’est à se demander ce qui arriverait si nous avions de la gratitude pour tout ce que nous avons au lieu d’en vouloir toujours plus. Retrouvez vos yeux et votre cœur d’enfant et voyez combien il est important d’apprécier ce que vous avez plutôt que de vous soucier de ce que vous ne possédez pas. »

Auteur inconnu


jeudi 15 septembre 2016

Les sept merveilles du monde


Un groupe de jeunes gens étudiaient en géographie les 7 merveilles du monde.

À la fin d’un cours, le professeur demande aux étudiants de faire une liste de ce qu’ils croient être aujourd’hui les 7 merveilles du monde.

Sauf quelques désaccords, les étudiants ont pour la plupart écrit sur leur feuille de réponse :

1- Les Pyramides d’Égypte

2- La grande muraille de Chine

3- Le Taj Mahal en Indes

4- Les statues de l’Île de Pâques

5- Les pyramides de Chichen Itza au Mexique

6- Le Colisée de Rome

7- L’Alhambra en Espagne

Tout en recueillant les réponses, le professeur aperçoit une jeune fille bien tranquille qui n’a pas encore commencé sa réponse, alors, il lui demande gentiment si elle éprouve quelque difficulté avec cette liste à rédiger.

La jeune fille lui répond : “Oui, en effet ; je ne peux vraiment pas me décider, il y en a tellement.”

Le professeur de lui répondre : “Dis-moi ce que tu as trouvé, et je pourrai peut-être t’aider”

La jeune fille hésite, puis commence à écrire :

1- Voir

2- Entendre

3- Toucher

4- Sentir

Elle hésite encore un peu puis continue avec :

5- Courir

6- Rire


7- Aimer

vendredi 9 septembre 2016

Conte de Chine Maïlane et le sculpteur de Jade


Un haut magistrat chinois avait une fille unique qui s’appelait Maïlane. Comme il était très riche et vivait dans une grande maison, de nombreux parents vivaient chez lui.
Beaucoup étaient instruits : des lettrés. D’autres non : ceux-là jouaient le rôle de serviteurs.
Un jour est venu un garçon, qui s’appelait Tchang-Po. Il venait de la campagne, c’était un cousin de Maïlane. On s’était demandé ce qu'on allait faire de lui, car il n’était pas instruit.
On le fit travailler au jardin. Et là, il fut heureux. Depuis que le ciel et la terre marchent ensemble, les hommes libres ont toujours aimé jardiner.
Souvent sa cousine Maïlane venait le voir travailler. Et ils restaient longtemps ensemble. Ils étaient très jeunes. Des enfants quoi.

Mais... il manquait quelque chose à Tchang-Po. Un jour... il a trouvé un petit bout de jade. Il l’a sculpté. Et il en a fait un très bel objet : un chat endormi.
Alors il a regardé les objets de jade dans les magasins de la ville, et il a vu un artisan. Il est allé chez lui. Bientôt il a passé la moitié de son temps dans le jardin, et l’autre moitié dans la boutique de l’artisan. Et il s’est mis à ciseler comme personne cette pierre venue peut-être du ciel tant elle est belle et parfaite. Il est devenu un artiste véritable.
Un jour... le père de Maïlane a voulu faire un cadeau à l’impératrice. Il possédait un gros bloc de jade. Il est allé à l’atelier de Tchang-Po et lui a demandé de faire dans ce bloc une statue de la déesse de la miséricorde. Tchang-Po l’a fait.
Elle était d’une beauté indicible, d’une finesse qui dépassait tout ce qu’on avait fait jusque là. Même les boucles d’oreilles étaient parfaites, et tournaient autour de l’oreille. Mais quand le père l’a vue, il est resté interdit. La déesse ressemblait à Maïlane !

C’est alors qu’il a réalisé que Tchang Po était beaucoup trop attaché à Maïlane, et Maïlane à Tchang Po. Il dit à Maïlane qu’il n’était pas question qu’elle puisse aimer son cousin, qu’il fallait qu’elle cesse de le voir, et qu’elle devait se marier avec un homme riche et haut placé, le fils d’un autre haut magistrat de la ville.
Maïlane a refusé tous les partis, et elle a continué à voir, de temps en temps, Tchang Po. Elle s’étonnait du calme qu’il gardait. Il lui disait : « Comme le ciel est fait pour la terre, et la terre pour le soleil, tu es faite pour moi, et moi pour toi. Personne n’y peut rien. Je ne sais qu’une seule chose, c’est que je suis bien quand tu es près de moi ». Mais pourtant, ils ne pouvaient plus se voir comme avant.
Tchang Po continuait à sculpter le jade, de mieux en mieux, et ses œuvres ont été connues dans toute la Chine. On ne disait plus « Un jade », on disait « Un Tchang Po ». Pourtant le bonheur n’était plus dans le cœur de Tchang Po, ni dans celui de Maïlane. Ils ont décidé de fuir.
Un soir ils sont partis. Malheureusement un vieux serviteur les a vus quand ils traversaient le jardin. Il a compris et a voulu empêcher Maïlane de partir, car il l’aimait. Il voulait aussi lui éviter de créer le scandale : la fille d’un haut magistrat qui fuit avec un homme qui n’est qu’un artisan est une fille perdue !
Il a essayé de retenir Maïlane. Tchang Po l’a repoussé. Le vieux serviteur a fait une mauvaise chute, sa tête a heurté une pierre, et il est mort.

Tchang Po et Maïlane ont compris que cette fois ils étaient vraiment perdus. Ce n’était plus seulement une fuite, ils venaient de tuer un homme. Alors ils sont partis, loin, très loin. Ils ont traversé toute la Chine. Ils sont arrivés dans le sud du pays, là ou l’on extrait le jade de la montagne. Sans le savoir, ils avaient suivi la route du jade :  ils étaient arrivés à sa source.
Maïlane a dit à Tchang-Po : « Il ne faut pas que tu fasses à nouveau des œuvres en jade, ou alors seulement de tous petits objets, des pendentifs, de la petite bijouterie ». Ce qu’il a fait, mais à contre cœur. Ils ont pu vivre, avec peu. Et toujours Maïlane lui disait : « Arrête ! Arrête ! C’est assez beau ! ». Car elle avait peur qu’on le reconnaisse.
Mais parfois, en cachette, il faisait une pièce. Et il la cachait.  C’est ainsi qu’il a fait un singe qui volait des pêches, un chien qui dormait avec un œil ouvert et un œil fermé, un tigre saisissant une biche dans ses crocs, lui serrant la gorge. Et il gardait ces objets, bien cachés.

Un jour il s’est dit qu’il aimerait bien s’acheter un atelier. « Sois prudent ! » lui dit Maïlane. Mais quelque temps après, un homme est venu, qui lui demanda s’il n’avait pas un objet à lui vendre. Il lui montra le singe. L’homme était prêt à acheter cet objet un tel prix que cela aurait permis à Tchang Po d’acheter un atelier. Il le lui vendit. L’acheteur fut ravi. Mais cet objet était tellement extraordinaire qu’il fut montré partout, partout on en parla. La nouvelle de cette œuvre, qui fut reconnue comme étant un Tchang Po, fit son chemin jusqu’au père de Maïlane. Il envoya un officier qui vint enquêter dans le village où Tchang Po était installé.
Mais Tchang Po en fut averti à temps : ils décidèrent de fuir au plus vite. Maïlane attendait un bébé et le voyage ne fut pas facile, mais il fallait partir. Ils partirent en pirogue, descendirent un fleuve très dangereux.  Et c’est dans un tout petit village que Maïlane accoucha d’un bébé très fragile. Ils se fixèrent là, et pour vivre, ils décidèrent que Tchang Po, cette fois, ne toucherait plus au jade, mais ferait de la poterie.

Mais Tchang Po fut très malheureux. Il ne pouvait pas se passer de la présence de Maïlane, mais il ne pouvait pas non plus se passer de travailler le jade. Ses mains souffraient de devoir ne travailler que de la boue et d’être privé du contact de cette matière divine, qui diffuse la lumière comme une chair vivante. Maïlane, elle, lui disait : « Maintenant tu as un enfant, tu ne peux quand même pas aimer le jade plus que nous ». Mais travaillant sans goût à la poterie, il gagnait difficilement la vie de sa famille. Parfois même il avait une crise de colère, de désespoir, où il brisait et piétinait des pièces qu’il avait faites.
C’est alors qu’un marchand passa et lui proposa de lui acheter une belle pièce s’il en avait une à vendre. Quelle tentation ! Il lui vendit le chien qui dort en n’ouvrant qu’un œil. Le marchand partit avec son trésor. Mais encore une fois, cet objet fit son chemin en suivant la route du jade. Et cette fois Tchang Po ne fut pas prévenu à temps.
Un commissaire se présenta dans l’atelier de l’artiste, s’assura de son identité, et déclara à Maïlane et à Tchang Po qu’ils devaient le suivre, qu’ils étaient arrêtés. Alors Maïlane dit qu’ils allaient le suivre, mais qu’il leur fallait un peu de temps pour préparer leurs paquets. Pour obliger le policier à leur accorder ce délai, elle mit dans ses bras le bébé ! Et elle dit à son mari de partir.

Il partit. Pour lui donner le temps de s’éloigner, elle fit durer la préparation des paquets, et le temps fut si long qu’à la fin le policier exigea que l’on parte. Mais Tchang Po n’était plus là. On le chercha partout. En vain : il était déjà loin.
Ils emmenèrent Maïlane et l’enfant. Quand elle fut arrivée, sa mère était morte. Son père ne lui a ni souri ni parlé. Et il n’a pas regardé son enfant. Elle a vécu là, sous surveillance, et dans la plus grande tristesse.
Le temps a passé. Un jour, un collègue du père de Maïlane, un haut fonctionnaire, est venu en visite. Il a dit qu’il se rendait à la capitale et qu’il allait faire un magnifique cadeau à l’impératrice : une déesse de jade blanc, et il a dit : « Cet objet est la réplique exacte de la déesse de la miséricorde que vous lui avez vous-même offerte ». Le père de Maïlane ne voulait pas le croire. Alors le visiteur a montré l’objet.

Et en effet c’était bien la réplique exacte de la première pièce offerte, avec, peut-être, une expression plus tragique.
On a demandé au visiteur comment il avait eu cet objet. Il a dit : « C’est tout à fait par hasard. Ma femme avait un bracelet de jade de grande valeur, et il a été cassé. Je n’ai trouvé personne qui puisse le réparer. J’ai fait une annonce dans toutes les maisons de thé, les commerces. Un jour un homme s’est présenté. Un homme étrange, qui paraissait traqué, effrayé. J’ai eu beaucoup de difficultés pour lui faire comprendre que je ne lui voulais aucun mal, et il a parfaitement réparé le bracelet.  Si bien que je lui ai montré un morceau de jade blanc que j’avais depuis longtemps, sans avoir osé le faire travailler jusque là. Quand il a vu ce morceau de jade, il a été terrifié. Puis il l’a caressé.  Très longtemps. Il était perdu dans ses pensées. Je lui ai dit : « Il ne vous plaît pas ? ».

Il m’a répondu : « Ce n’est pas cela. Mais je n’ai jamais vu un si beau morceau de jade ! ».
Je lui ai demandé : « Voulez-vous me faire dedans une pièce ?
– Oui, mais à une condition : je ferai la pièce que je voudrai, et il ne faudra pas me payer ». 
Il s’est enfermé dans un atelier que je lui ai prêté. Il a travaillé plus de trois semaines. Il mangeait à peine, dormait à peine, ne parlait pas. Personne ne pouvait voir son travail. Un jour il est venu.  Il a dit : « C’est fait ». L’objet était … celui là. Il a dit : « Je vous remercie : cet objet résume ma vie ».
J’étais perdu dans la contemplation. Puis je me suis retourné. Il était parti.   Je l’ai fait chercher dans ma maison, dans la ville, dans les environs. J’ai mis des annonces, des promesses, fait des enquêtes, mais je ne l’ai jamais retrouvé ».                                                   
Au moment où le visiteur terminait cette phrase, on a entendu un cri d’horreur derrière le paravent. Le père a écarté le paravent, et derrière le paravent était sa fille, Maïlane, et tout le monde a vu que Maïlane et la statue était une seule et même personne. La statue avait la même expression tragique qu’avait le visage de Maïlane à cet instant même.
Elle s’est avancée, a pris la statue, l’a serrée contre sa poitrine, en silence. C’était comme si elle tenait Tchang Po lui-même. Comme s’il lui avait envoyé un message, un message qui lui était enfin parvenu.
Alors le père de Maïlane a été frappé par le chagrin de sa fille. Il a fait faire des recherches dans toute l’étendue de la province du visiteur, mais jamais on n’a pu retrouver Tchang Po.

Le temps a repris son écoulement. L’enfant de Maïlane est mort lors d’une épidémie. Il avait toujours été fragile. Alors Maïlane s’est fait couper les cheveux, et elle est entrée dans un monastère.  Elle non plus, jamais personne ne l’a revue.


vendredi 2 septembre 2016

Le songe du gouverneur de la Branche du Sud

Extrait d’une nouvelle de Li Gong-Zuo, ce songe est devenu un cliché en Chine.

« Un habitant de Guang-Ling, festoyait un jour avec des amis à l’ombre d’un sophora séculaire, au sud de sa maison. Ivre, il se rendit en rêve au royaume de la Paix du Sophora, épousa la fille du roi et devint pendant vingt ans gouverneur du pays de la Branche du Sud. Il eut de nombreux enfants. Un jour, sa ville fut envahie par des ennemis, sa femme mourut et il fut renvoyé dans son pays natal.

Alors, il s’éveilla de ce songe : le soleil n’était pas encore couché, la table n’était pas encore desservie, et ses amis l’attendaient. Il leur conta son rêve et découvrit avec eux, au pied du sophora, une fourmilière qui devait être le royaume de son rêve et, sous une branche du sud, une autre fourmilière plus petite qui devait être son ancienne province. Il comprit que la vie humaine est aussi transitoire et fugace qu’un rêve et renonça désormais au monde. »


L’expression, devenue proverbiale, a fini par être synonyme de « songe, simple songe, vanité d’un phénomène. »