vendredi 25 septembre 2015

La petite jarre à anses


Les indiens Lacandons vivent à la frontière du Mexique et du Guatemala, dans les forêts du Chiapas. Ils sont restés  très longtemps loin de tout contact avec les Espagnols et sont vus par certains comme des descendants des Mayas (ou tout du moins proche de leurs pratiques).

Quand ils savent que quelqu’un va mourir, les Wayantekob (dieux mineurs de la religion des Lacandons), prennent son âme et l’enferment dans une toute petite jarre.

L’âme continue à grandir durant tout ce temps et les Wayantekob la changent de jarre si besoin.
Quand le corps de l’homme commence à le faire souffrir, l’âme continue à grandir et passe de jarre en jarre.

Même si le malade est à l’agonie, il ne mourra que lorsque son âme aura atteint une taille suffisante.
Quand elle a grandi tout à fait, ils l’en sortent, et alors son corps meurt. Le corps trépasse et son âme qui se trouve dans la jarre rit en le voyant mourir. L’âme rit de voir son corps à l’agonie et ses parents en pleurs. Elle rit de voir mourir son corps, car elle est immortelle. Voyez-vous, c’est l’être véritable qui est sorti du corps mortel et demeure à jamais chez les Wayantekob.


Extrait de Didier Boremanse, Contes et mythologie des indiens Lacandons, L’Harmattan, 1986  

dimanche 20 septembre 2015

Conte iranien : Khosrow et Shirin


Cette histoire est celle d’un roi Sassanide, Khosrow II, appelé aussi Khosrow Parwis, et d’une princesse chrétienne prénommée Shirin.
Khosrow Parwiz, avait dès son jeune âge des qualités exceptionnelles. Courageux, beau, intelligent et puissant, il était particulièrement expert dans le tir à l’arc et la chasse au lion. C’est dans un rêve que son grand-père lui apprit qu’il allait bientôt rencontrer la femme de sa vie.
Un jour, son ami Shâpûr, lui parla d’une femme qui régnait dans la région de la mer Caspienne appelée Mahin Bânû et qui avait une fille, Shirin, "belle comme un ange", dont Khosrow tomba aussitôt amoureux. Lors d’un voyage de Shirin en Arménie, Shâpur lui montra le portrait de Khosrow elle tomba à son tour aussitôt amoureuse de lui. Shâpur lui donna une bague de la part de Khosrow et lui conseilla de chevaucher vers Tisfûn pour le rejoindre le plus vite possible.
Prétendant vouloir aller à la chasse, Shirin demanda à sa mère l’autorisation de prendre son cheval Shabdiz, qui courait à la vitesse du vent. Elle parvint à dépasser ses compagnons de chasse et poursuivit sa chevauchée vers Tisfûn pour retrouver Khosrow. Fatiguée par cette longue route, elle se reposa auprès d’un lac où elle se baigna. Avant de partir à son tour, Khosrow donna l’ordre aux gens du harem de partir à la recherche de Shirin et de bien l’accueillir si elle arrivait éventuellement au palais. Il quitta alors Tisfûn et chevaucha en direction du lac où Shirin était en train de se baigner. C’est là que les chevaux s’arrêtèrent et que Khosrow aperçut Shirin et son cheval derrière un buisson. Shirin, qui pensait que seul Khosrow pouvait faire naître chez elle de tels sentiments, en vient à douter à la vue de ce cavalier qui n’avait rien d’un prince, ignorant que Khosrow avait été contraint de fuir déguisé. Elle s’enfuit avec sa monture et Khosrow ne parvint pas à la rattraper. Il ne fut désormais qu’habité par un seul espoir : celui de la retrouver.
Khosrow poursuivit son voyage jusqu’en Arménie et Shirin jusqu’à Tisfûn où elle se présenta aux femmes du harem qui la reçurent selon les ordres.
Apprenant que Khosrow s’était enfui, Shirin devina que cet homme près du lac n’était autre que Khosrow. Ce dernier, à peine arrivé en Arménie, pleura auprès de Mahin Bânû la disparition de Shirin. C’est alors qu’il apprit la mort de son père. Khosrow revint en toute hâte à Tisfûn où il apprit le départ de Shirin pour l’Arménie.  
Durant la guerre de succession à son père, Khosrow dut s’enfuir de nouveau vers l’Arménie. C’est sur la route, dans un pavillon de chasse, que les deux amoureux se rencontrèrent de façon fortuite. La mère de Shirin lui ayant conseillé de ne pas se laisser aller à ses sentiments. Shirin repoussa avec adresse les élans amoureux de Khosrow qui déçu et fâché, prit la route d’Istanbul avec le cheval de Shirin. Il y épousa Maryam, fille de l’empereur de Byzance. C’est alors que Khosrow commença de nouveau à penser à Shirin
C’est ici qu’apparaît un nouveau personnage, Farhâd, tailleur de pierre réputé pour ses travaux extraordinaires. Khosrow fut vite mis au courant de l’amour de Farhâd pour Shirin et décida de se débarrasser de ce concurrent. Il obligea Farhâd à creuser une route dans la montagne de Bisetûn pour permettre le passage des caravanes de commerce. Shirin apportait de temps en temps à Farhâd, un bol de lait pour lui redonner des forces. Un jour, son cheval, épuisé par la charge de pierres précieuses qu’il transportait, mourut dans la montagne. Farhâd porta alors le cheval et la cavalière sur son dos jusqu’au château. Khosrow qui apprit cette nouvelle comprit qu’il était sur le point de perdre Shirin. Il envoya donc un messager qui annonça à Farhâd la mort de Shirin. Ne pouvant supporter cette perte, Farhâd se jeta aussitôt du haut de la montagne et mourut sur le coup. Par la suite, la femme de Khosrow décéda également et Khosrow épousa une jeune fille d’Ispahân, Shokr, réputée pour sa beauté et sa pureté. Néanmoins, Khosrow ne parvenait pas à oublier Shirin qui représentait pour lui l’esprit, alors que sa femme était pour lui matière. Il décida donc d’épouser Shirin. Le mariage fut somptueux mais leur bonheur ne fut que de courte durée car le fils de Khosrow et de Maryam tomba amoureux de Shirin lors des cérémonies nuptiales et assassina son père pendant son sommeil. Désemparée, Shirin se suicida sur la tombe de Khosrow auprès de laquelle elle fut inhumée.


Source : http://www.teheran.ir/spip.php?article306#gsc.tab=0

vendredi 11 septembre 2015

Conte russe: le tsar et la chemise


Un tsar, se trouvant malade, dit : "Je donnerai la moitié de mon royaume à celui qui me guérira !"

Alors, tous les sages se réunirent et se concertèrent pour guérir le tzar, mais ils ne trouvèrent aucun moyen.

Un d’entre eux, cependant, déclara qu’on pouvait guérir le tsar.

— Si l’on trouve sur terre un homme heureux, dit-il, qu’on lui enlève sa chemise et que le tsar la mette, il sera guéri.

Le tsar fit rechercher dans le monde un homme heureux. Les envoyés du tzar se répandirent par tout le royaume, mais ne découvrirent pas celui qu’ils cherchaient. Il ne se trouva pas un homme qui fût content.

L’un était riche, mais malade ; l’autre était bien portant, mais pauvre ; un troisième, riche et bien portant, se plaignait de sa femme ; celui-ci, de ses enfants ; tous désiraient quelque chose.

Un soir, le fils du tsar, passant devant une pauvre chaumière, entendit quelqu’un s’écrier :
— Grâce à Dieu, j’ai bien travaillé, j’ai bien mangé, je vais me coucher ; que me manque-t-il ?

Le fils du tsar fut rempli de joie ; il ordonne qu’on aille tout de suite enlever la chemise de cet homme, qu’on lui accorde en échange tout l’argent qu’il exigera, et qu’on envoie sa chemise au tsar.
Les envoyés se rendirent en hâte chez cet homme heureux et voulurent lui enlever sa chemise, mais l’homme était si pauvre qu’il n’avait pas de chemise.


Extrait des Contes de Leon Tolstoï (1828 – 1910)  

vendredi 4 septembre 2015

Conte de Syrie : le vieil homme et la mort


Un vieil homme vivant tout seul se lève au milieu de la nuit et allume sa chandelle afin d’aller boire un verre d’eau. Au moment où il pose son verre sur la table, il constate que la chandelle a disparu.
Un mince rayon de lumière filtre depuis la chambre, il le suit en revenant sur ses pas, et trouve dans son lit quelqu’un, la chandelle à la main. " Qui es-tu don ?" L’étranger répond : " La Mort ".  Le vieillard se renfrogne, ne dit mot puis répond : " Alors, tu es venue.  
- Oui, répond la Mort crânement.
- Non, répond fermement le vieillard, tu n’es que le rêve que je n’ai pas terminé."
Il souffle la bougie dans la main de l’étranger et tout sombre dans le noir. Le vieil homme remonte dans son lit, se rendort, et vit 20 ans de plus.


Source : Orhan Pamuk, Mon nom est Rouge, Folio.