vendredi 28 avril 2017

La vie vue du ventre



Deux bébés discutent.

- Bébé 1 : Et toi, tu crois à la vie après l’accouchement ?

- Bébé 2 : Bien sûr. C’est évident que la vie après l’accouchement existe. Nous sommes ici pour devenir forts et nous préparer pour ce qui nous attend après.

- Bébé 1: Pffff… tout ça, c’est insensé. Il n’y a rien après l’accouchement ! A quoi ressemblerait une vie hors du ventre ?

- Bébé 2 : Eh bien, il y a beaucoup d’histoires à propos de “l’autre côté”… On dit que, là-bas, il y a beaucoup de lumière, beaucoup de joie et d’émotions, des milliers de choses à vivre… Par exemple, il paraît que là-bas on va manger avec notre bouche.

- Bébé 1 : Mais c’est n’importe quoi ! Nous avons notre cordon ombilical et c’est ça qui nous nourrit. Tout le monde le sait. On ne se nourrit pas par la bouche ! Et, bien sûr, il n’y a jamais eu de revenant de cette autre vie… donc, tout ça, ce sont des histoires de personnes naïves. La vie se termine tout simplement à l’accouchement. C’est comme ça, il faut l’accepter.

- Bébé 2 : Et bien, permet moi de penser autrement. C’est sûr, je ne sais pas exactement à quoi cette vie après l’accouchement va ressembler, et je ne pourrais rien te prouver. Mais j’aime croire que, dans la vie qui vient, nous verrons notre maman et elle prendra soin de nous.

- Bébé 1 : “Maman” ? Tu veux dire que tu crois en “maman” ??? Ah ! Et où se trouve-t-elle ?

- Bébé 2 : Mais partout, tu vois bien ! Elle est partout, autour de nous ! Nous sommes faits d’elle et c’est grâce à elle que nous vivons. Sans elle, nous ne serions pas là.

- Bébé 1 : C’est absurde ! Je n’ai jamais vu aucune maman donc c’est évident qu’elle n’existe pas.

- Bébé 2 : Je ne suis pas d’accord, ça c’est ton point de vue. Car, parfois lorsque tout devient calme, on peut entendre quand elle chante… On peut sentir quand elle caresse notre monde… Je suis certain que notre Vraie vie va commencer après l’accouchement…


vendredi 21 avril 2017

Les Ephémères


— Non !
— Bah quoi ?
— C’est du chou-fleur, pas un ballon de foot.
— Ça y ressemble pourtant.

C’était le souci avec les Éphémères. Ils ne pouvaient rien retenir, ils oubliaient ce qu’on s’était tué à leur expliquer après exactement sept minutes. Oh, c’était sans doute mieux pour eux. Au moins, ils ne se rendaient pas compte du temps qu’ils passaient sur Terre.
À vrai dire, on ne savait pas exactement d’où ils venaient, ces Éphémères. Ils étaient juste apparus un beau jour et depuis, il fallait composer avec. Oh, ils n’étaient pas méchants en soi, juste horriblement oublieux.
Et ils ne vivaient vraiment pas longtemps.

En général, ils sortaient de sous le buisson aux alentours de sept heures du matin. Ils passaient leur journée à s’émerveiller de toutes ces choses qu’ils voyaient pour la première et unique fois. Ils oubliaient et redécouvraient tout encore et encore. Et sur le coup des huit heures du soir, ils commençaient à ne plus se tenir sur leurs jambes. En général, une demi-heure plus tard, ils étaient desséchés. Et, encore une autre demi-heure plus tard, ils tombaient en poussière. Littéralement.

Quel intérêt de s’en occuper alors, me direz-vous ? Eh bien, il se trouve que la poussière en question avait de grandes vertus. Niveau engrais, on n’avait pas encore fait mieux ; les plantes arrosées à l’Éphémère poussaient à une vitesse qu’on ne pouvait que difficilement imaginer. Ce qui, en soi, était une trouvaille énorme au vu de notre écosystème quasiment mort.

Bien sûr, des militants s’étaient trouvés pour crier haut et fort que les Éphémères avaient des droits, comme le droit à des sépultures décentes. Certains étaient allés jusqu’à la grève de la faim en refusant catégoriquement de manger tous les légumes issus de l’agriculture éphémère. Mais ils étaient très peu nombreux.
Et, après tout, moi qui travaillais avec les Éphémères tous les jours, je pouvais affirmer qu’ils étaient tout sauf malheureux. Bien au contraire. On aurait dit de grands enfants qui posaient un regard neuf sur le monde. Certes, ils n’en voyaient pas grand-chose, mais on essayait quand même de les occuper du mieux qu’on pouvait pendant la journée.

Du coup, c’est presque avec fierté que le soir, je regardais mon Éphémère de la journée partir. Il avait tant appris à mes côtés... Bon, d’accord, il avait tout oublié sept minutes plus tard. Mais il avait su à un moment donné. Et ça, c’était déjà pas mal.
Et il ne faut pas oublier que sans nous, ces créatures se seraient retrouvées seules, à errer dans les rues, à se demander quel était ce monde bruyant et agressif.
— Pas comme ça !
— Pourquoi ?
— C’est du chou-fleur, pas un ballon de foot.
— Ça y ressemble pourtant.


Source : http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/les-ephemeres-1

samedi 15 avril 2017

Le grillon


Un amérindien et son ami, en visite au centre ville de New York, marchaient près de Times Square dans Manhattan. C'était durant l'heure du lunch et les rues étaient bondées de monde. Les autos klaxonnaient de plus belle, les autos taxi faissaient crisser leurs pneus sur les coins de rue, les sirènes hurlaient et les bruits de la ville rendaient presque sourd. Soudain, l'amérindien dit, "j'entends un grillon."

Son ami répondit, "Quoi? Tu dois être fou. Tu ne pourrais jamais entendre un grillon au milieu de tout ce vacarme!" 
"Non, j'en suis sûr," dit l'amérindien, "j'entends un grillon." 
"C'est fou," dit l'ami.

L'amérindien écouta attentivement pendant un moment, puis traversa la rue jusqu'à un gros planteur en ciment où poussaient quelques arbustes. Il regarda à l'intérieur des arbustes, sous les branches et avec assurance il localisa un petit grillon. Son ami était complètement stupéfait.
"C'est incroyable," dit son ami. "Tu dois avoir des oreilles super-humaines !"
"Non," répondit l'amérindien. "Mes oreilles ne sont pas différentes des tiennes. Tout ça dépend de ce que tu cherches à entendre." 
"Mais ça ne se peut pas !" dit l'ami. "Je ne pourrais jamais entendre un grillon dans ce bruit."
"Oui, c'est vrai," repliqua l'amérindien. "Ça dépend de ce qui est vraiment important pour toi. Tiens, laisse-moi te le démontrer." 

Il fouilla dans sa poche, en retira quelques sous et discrètement les jeta sur le trottoir. Et alors, malgré le bruit de la rue bondée de monde retentissant encore dans leurs oreilles, ils remarquèrent que toutes les têtes, jusqu'à une distance de sept mêtres d'eux, se tournaient et regardaient pour voir si la monnaie qui tintait sur le pavement était la leur. 

"Tu vois ce que je veux dire?" demanda l'amérindien. "Tout ça dépend de ce qui est important pour toi."


Source : http://www.funfou.com/temoignages/grillon.phtml