vendredi 30 janvier 2015

Conte Français : les grands magiciens selon ... Montesquieu


Au début du XVIIIème Siècle, Montesquieu imagine la découverte de la France par deux Persans,  Usbeck et Rica.


Ici,  Rica parle du roi de France
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre ; et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.
D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits.
Ce que je dis de ce prince ne doit pas t'étonner : il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce.


source : Les Lettres Persanes,  Montesquieu (1689-1755)

vendredi 23 janvier 2015

Conte islandais : la géante dans la barque de pierre


Le conte populaire islandais suit quelques règles. D'abord, celle du chiffre trois, omniprésent. Tout va par trois, notamment les événements. Il y a ensuite la notion de métamorphose et surtout une atmosphère non-élégante, frustre voire naïve. La tonalité d'ensemble des contes est lugubre, voire sinistre. Il n'existe pas de contes joyeux. Le monde dans lequel évoluent les héros n'est pas féerique. Il est au contraire très pragmatique. Ce qui peut paraître paradoxal avec l'idée de surnaturel dans les contes.
Cela peut déjà s'expliquer par les conditions de vie très dures en Islande. Il s'agit pour les Islandais de compenser la rudesse de leurs vies par le conte, autrement dit par la transfiguration du réel.
Le surnaturel surgit spontanément et est posé comme acquis, ce qui contribue à l'atmosphère occulte. Il n'y a pas de frontière entre le monde réel et le monde irréel. Quand elles interviennent, les créatures surnaturelles le font normalement.

Un roi et une reine ont un fils, Sigurður, beau, fort et adroit. Lorsqu'il est en âge de se marier, son père lui indique un roi étranger, père d'une fille charmante qui serait un bon parti, et Sigurður part à sa rencontre. Arrivé auprès du roi étranger, il lui demande la main de sa fille, qui lui est accordée à condition qu'il séjourne aussi longtemps que possible sur place, car le roi, vieux et malade, n'est plus vraiment en état de gouverner. Le jeune homme accepte, mais demande à pouvoir rentrer dans son pays lorsqu'il apprendra la mort de son propre père. Les noces sont célébrées, et bientôt de cette union naît un fils.
Alors que l'enfant est dans sa deuxième année, Sigurður apprend la mort de son père et embarque avec sa femme et son fils pour retourner chez lui. Au bout de quelques jours, le vent tombe et le navire demeure encalminé. Tandis que Sigurður dort, la reine, demeurée sur le pont avec son fils, voir approcher une barque qui se révèle bientôt être de pierre et occupée par une horrible femme troll, qui monte à bord. Elle lui arrache ses vêtements et les revêt, lui enlève l'enfant et met la reine dans la barque en lui jetant un sort, pour que jamais sa course ne s'arrête avant qu'elle n'arrive chez le frère de la femme troll, dans le monde souterrain.
La femme troll prend la place de la reine, abusant le roi par son apparence, et lui parle durement. Sigurður, bien que surpris du changement d'attitude de sa femme, jusque-là douce et calme, ne détecte pas la supercherie, obéit à ses ordres et fait mettre la voile vers son pays, le vent s'étant remis à souffler, et le navire aborde. Cependant l'enfant ne cesse de crier et il faut lui trouver une nourrice, une femme de la cour qui parvient à l'apaiser. La vie se poursuit même si le roi trouve son épouse bien changée.
Un jour,  une très belle femme vêtue uniquement de sous-vêtements en lin blanc apparaît devant la nourrice. Elle porte une ceinture de fer reliée à une chaîne qui s'enfonce sous terre. Elle embrasse l'enfant, puis le rend à la nourrice, et disparaît par le plancher. Elle revient le lendemain, tout se passe de la même façon, mais avant de disparaître elle dit tristement : « Deux sont passés, il n'en reste qu'un ». La nourrice, effrayée, va alors raconter l'aventure au roi. Celui-ci s'installe le lendemain dans la chambre, l'épée à la main. La dame apparaît, le roi reconnaît sa femme et tranche la chaîne, ce qui provoque un terrible grondement sous terre mais libère la reine de l'enchantement. Ils s'embrassent et la reine raconte au roi comment la femme troll l'a placée dans la barque, comment elle a traversé une sorte d'obscurité avant de se retrouver chez un troll à trois têtes qui a voulu coucher avec elle. Le troll l'avait enfermée dans une pièce en la menaçant de l'y laisser à jamais à moins qu'elle ne lui cède. Elle avait alors imaginé de lui faire croire qu'elle lui obéirait, si seulement elle pouvait voir son fils trois jours de suite, pensant que cela lui fournirait un moyen pour qu'on lui vienne en aide. Le troll avait accepté, mais lui avait attaché la chaîne à la ceinture afin qu'elle ne puisse s'échapper. Lorsque Sigurður avait tranché la chaîne, le troll, qui habitait sous la ville, était tombé dans un gouffre, et c'est son agonie qui avait provoqué le terrible grondement.
Le roi Sigurður comprend alors pourquoi sa fausse épouse était devenue si acariâtre : il la fait lapider, puis écarteler des chevaux sauvages. Le roi marie la nourrice à un homme de haut rang, et le bonheur revient à la cour.


Source : Wikipedia et La géante dans la barque de pierre et autres contes d'Islande, collectés par Jón Árnasson, traduit par Ásdís Magnúsdóttir, José Corti, 2003

Source  de cette analyse des contes islandais : http://www.toutelislande.fr/LitteratureIslandeContes.html

jeudi 15 janvier 2015

Conte chinois : Les problèmes des autres viennent de nos propres cœurs


Su Shi dans la dynastie Song et l’abbé du Temple Jinshan, Maître Foyin, discutaient souvent ensemble du Zen et du Tao. Un jour, ils s’assirent en face l’un de l’autre en méditation. Après que Su Shi ait fini sa méditation, il vit Maître Foyin assis si droit portant une soutane et ne put s’empêcher de rire.

Maître Foyin lui demanda pourquoi il riait. Su Shi dit : « Regardez-vous. Vous êtes assis là, comme un tas de bouse de vache » puis il éclata de rire. Maître Foyin rit avec lui.

Su Shi demanda alors : "A quoi pensez-vous que je ressemble ?"

Foyin dit immédiatement "Vous êtes assis ici très droit la compassion sur votre visage, ressemblant à un bouddha ! »

Shu Shi fut extrêmement content et lorsqu’il revint chez lui, il raconta cela tout excité à sa sœur, Su Xiaomei.

Xiaomei regarda son frère complaisant et dit : “Il pense que tu es comme un Bouddha parce qu’il a Bouddha dans son esprit et donc il voit tout le monde comme un bouddha. Tu penses qu’il ressemble à une bouse de vache parce qu’il n’y a dans ton esprit que la bouse de vache ! »

Lorsque nous avons des conflits avec les autres, sont ils causés par la bouse de vache dans nos cœurs ? Si nous avons des cœurs purs et compatissants, penserons-nous encore aux autres comme à des bouses de vache ? Il s’avère qu’en de nombreuses occasions, les problèmes des autres viennent de nos propres cœurs.


Tiré de: http://www.fr.clearharmony.net/articles/200604/26243p.html

vendredi 9 janvier 2015

Conte africain : la parole


Il était une fois un pêcheur nommé Drid. C’était un homme de bonne fréquentation. Il était vigoureux, d’allure franche et son œil, quand il riait, était aussi vif que le soleil. Or, voici ce qui lui advint.

Un matin, comme il allait le long de la plage, son filet sur l’épaule, la tête dans le vent et les pieds dans le sable mouillé à la lisière des vagues, il rencontra sur son chemin un crâne humain. Ce misérable relief d’homme posé sur les algues sèches excita aussitôt son humeur joyeuse et bavarde. Il s’arrêta devant lui, se pencha et dit : « Crâne, pauvre crâne, qui t’a conduit ici ? » Il rit, n’espérant aucune réponse. Pourtant les mâchoires blanchies s’ouvrirent dans un mauvais grincement et il entendit ce simple mot : « La parole ». Il fit un bond en arrière, resta un moment à l’affût comme un animal épouvanté, puis voyant cette tête de vieux mort   aussi immobile et inoffensive qu’un caillou, il pensa avoir été trompé par quelque sournoiserie de la brise, se rapprocha prudemment et répéta, la voix tremblante, sa question : « Crâne, pauvre crâne, qui t’a conduit ici ? – La parole », répondit l’interpellé avec, cette fois, un rien d’impatience douloureuse, et une indiscutable netteté.

Alors Drid se prit à deux poings la gorge, poussa un cri d’effroi, recula, les yeux écarquillés, tourna les talons et s’en fut, les bras au ciel, comme si mille diables étaient à ses trousses. Il courut ainsi jusqu’à son village, le traversa, entra en coup de bourrasque dans la case de son roi. Cet homme de haut vol, majestueusement attablé, était en train de déguster son porcelet matinal. Drid tomba à ses pieds, tout suant et soufflant. « Roi, dit-il, sur la plage, là-bas est un crâne qui parle. – Un crâne qui parle ! s’exclama  le roi. Homme es-tu soûl ? » Il partit d’un rire rugissant, tandis que Drid protestait avec humilité : « Soûl, moi ? Je n’ai bu, depuis hier, qu’une calebasse de lait de chèvre, roi vénéré, je te supplie de me croire, et j’ose à nouveau affirmer que j’ai rencontré tout à l’heure, comme j’allais à la pêche quotidienne, un crâne aussi franchement parlant que n’importe quel vivant. – Je n’en crois rien, répondit le roi. Cependant, il se peut que tu dises vrai. Dans ce cas, je ne veux pas risquer de me trouver le dernier à voir et entendre ce bout de mort considérable. Mais je te préviens :  si par égarement ou malignité tu t’es laissé aller à me conter une baliverne, homme de rien, tu le paieras de ta tête ! – Je ne crains pas ta colère, roi parfait, car je sais bien que je n’ai pas menti, bafouilla Drid, courant déjà vers la porte. Le roi se pourlécha les doigts, décrocha son sabre, le mit à sa ceinture et s’en fut trottant derrière sa bedaine, avec Drid le pêcheur.


Ils cheminèrent le long de la mer jusqu’à la brassée d’algues où était le crâne. Drid se pencha sur lui, et caressant aimablement son front rocheux : « Crâne, dit-il, voici devant toi le roi de mon village. Daigne, s’il te plaît, lui dire quelques mots de bienvenue. Aucun son ne sortit de la mâchoire d’os. Drid s’agenouilla, le coeur soudain battant. « Crâne, par pitié, parle. Notre roi a l’oreille fine, un murmure lui suffira. Dis-lui, je t’en conjure, qui t’a conduit ici. » Le crâne miraculeux ne parut pas plus entendre qu’un crâne vulgaire, resta aussi sottement posé que le plus médiocre des crânes, aussi muet qu’un crâne imperturbablement installé dans sa définitive condition de crâne, au grand soleil, parmi les algues sèches. Bref, il se tut obstinément. Le roi, fort agacé d’avoir été dérangé pour rien, fit une grimace de dédain, tira son sabre de sa ceinture. « Maudit menteur, dit-il. » Et, sans autre jugement, d’un coup sifflant, il trancha la tête de Drid. Après quoi, il s’en revint, en grommelant, à ses affaires de roi, le long des vagues. Alors, tandis qu’il s’éloignait, le crâne ouvrit enfin ses mâchoires grinçantes et dit à la tête du pêcheur qui, roulant sur le sable, venait de s’accoler à sa joue creuse : « Tête, pauvre tête, qui t’a conduit ici ? » La bouche de Drid s’ouvrit, la langue de Drid sortit entre ses dents et la voix de Drid répondit : « La parole ». 

Conte d’Afrique noire, Henri Gougaud, L’arbre aux trésors, Ed. du Seuil

vendredi 2 janvier 2015

Légende africaine : faisons preuve d'esprit d'équipe


Le CNRS (2001) a constaté que les oiseaux migrateurs dépensaient moins d’énergie en maintenant une formation de vol en V et en se plaçant à tour de rôle en tête, permettant aux suivants de profiter des courants ascendants générés par l’oiseau les précédant.
Des études « en vol » d’oiseaux migrateurs (suivis par ULM), réalisées par des chercheurs anglais et allemands, révèlent que les jeunes volatiles étudiés (et non accompagnés d’anciens) se sont spontanément disposés en formation en V et surtout se positionnent à l’endroit optimal (selon les théories aérodynamiques). Bien plus, selon qu’ils volent en décalé (en V) ou l’un derrière l’autre, ils adaptent leurs battements d’ailes pour trouver les tourbillons les plus favorables.  
Comment déterminent-ils l’endroit optimal où se positionner ? A vue, selon les ailes qui les précédent  ou encore simplement en tâtonnant pour trouver la position la plus confortable ?  
Le résultat est là : les oies qui volent en « V » couvrent une distance de 71 % supérieure à celle qu’elles parcourent en solo.

Comment développer l’esprit d’équipe pour travailler dans le confort ?