vendredi 21 février 2014

Un peu de douceur dans ce monde de brutes !




Au travers de mes promenades dans Paris, je suis tombé, dans le XIème arrondissement, sur une boutique de réparations de poupées. 

Dans sa vitrine, le texte suivant :  

Ma poupée Arlette est née en novembre 1936, en même temps que mon frère Francis. En juin 1940, elle a évacué en même temps que nous, à pied de Douai jusque dans la Somme, sous les bombardements et la mitraille des avions. Vers Doullens, nous sommes tombés nez à nez avec le premier char allemand.
Maman m’a entraîné si vite par la main que j’ai lâché Arlette qui a perdu bras et tête.  
Le char s’est arrêté, un soldat est descendu, a ramassé les morceaux et est venu me les rapporter. 
Mon petit frère pleurait, maman mourrait de peur (mon petit frère ne voulait pas faire ses besoins ailleurs que dans son pot habituel que nous n’avions pas emmené).
M. Launay (NDLR = le propriétaire de la boutique) vient de ressusciter et de rajeunir parfaitement Arlette témoignant d’une humanité parfois inattendue.
Nicole Lambert

12 mars 2011   



samedi 15 février 2014

conte de l'arbre


Dans un pays aride, fut autrefois un arbre prodigieux. Sur la plaine, on ne voyait que lui, largement déployé entre les blés malingres et le vaste ciel bleu. Personne ne savait son âge.  

Il avait des fruits magnifiques, mais personne jamais n’y goûtait.  La légende ou la vérité était que la moitié de ces fruits était empoisonnée. Or, tous, bons ou mauvais, étaient d'aspect semblable. Des deux branches ouvertes en haut du tronc énorme l'une portait la mort, l'autre portait la vie, mais on ne savait laquelle nourrissait et laquelle tuait. Et donc on regardait mais on ne touchait pas.

Vint une période de grande et longue famine.  Un jour, un homme dont le fils ne vivait plus qu'à peine osa soudain s'avancer. Sous la branche de droite, il fit halte, cueillit un fruit, ferma les yeux, le croqua et resta debout, le souffle bienheureux. Alors tous, à sa suite, se bousculèrent et se gorgèrent délicieusement des fruits sains de la branche de droite, qui repoussèrent aussitôt, à peine cueillis. Les hommes s'en réjouirent infiniment et  festoyèrent, riant de leurs effrois passés.

Ils savaient désormais où étaient les rejetons malfaisants de cet arbre : sur la branche de gauche. A cause de la peur qu'ils avaient eue d'elle ils avaient failli mourir de faim. Ils la jugèrent bientôt inutile que dangereuse. Ils décidèrent donc de la couper au ras du tronc, ce qu'ils firent avec une joie vengeresse.

Le lendemain, tous les bons fruits de la branche de droite étaient tombés et pourrissaient dans la poussière. L'arbre amputé de sa moitié empoisonnée n'offrait plus au grand soleil qu'un feuillage racorni. Son écorce avait noirci. Les oiseaux l'avaient fui. Il était mort.


Extrait de Conte de l'Inde, Henri Gougaud, L'arbre d'amour et de sagesse, Ed. du Seuil.

jeudi 6 février 2014

chut !




Dans un petit temple perdu dans la montagne, quatre moines avaient décidé de méditer dans le silence absolu. 

Pendant leur méditation, la bougie qui éclairait la pièce s’éteignit, plongeant la salle dans l’obscurité profonde.
Le moine le plus nouveau dit à mi-voix : « La bougie vient de s’éteindre! »
Le deuxième répondit : « Tu ne dois pas parler, c’est une session de silence total. »
Le troisième ajouta : « Pourquoi parlez-vous? Nous devons nous taire et être silencieux! »
Le quatrième, qui était le responsable de la séance de méditation conclut : « Vous êtes tous stupides et mauvais, il n’y a que moi qui n’ait pas parlé! » 

Image extraite de la très belle exposition en cours à Paris à l’Hôtel de Sens (bibliothèque Forney) « les mots en quête d’image », texte de Vincent Pagès et illustration d’André François. A voir !