samedi 29 février 2020

Une porte sur la lecture

Vu à la bibliothèque des voyages (Paris 16)




Une visite au bal

Le Bal est une galerie de photos à Paris (6 impasse de la Défense, Paris 18eme). Elle expose en ce moment une série de films d’une artiste marocaine. J’ai eu l’impression de voyager très loin et pourtant cela se passe à quelques kilomètres de Rabat.










jeudi 27 février 2020

Un oiseau vient au monde

Un oiseau vient au monde et voilà qu’à la faveur de son premier envol il passe au-dessus des eaux de la mer. La lumière laisse entrevoir sous la surface des poissons aux écailles argentées. 

Ému par cette beauté inconnue, l’oiseau veut aller à leur rencontre et il tombe vers la mer. Mais les autres oiseaux, ses congénères, le rattrapent avant qu’il n’atteigne les vagues. « Non ! lui dit le plus sage, ne t’avise jamais d’aller vers ces créatures. Elles te sont étrangères en tous points et, les rejoignant, tu mourrais comme elles mourraient si elles nous rejoignaient. Nous ne sommes faits ni pour nous rencontrer, ni pour vivre ensemble. » L’oiseau obéit et va sa vie, mais toujours son cœur se tord à la vue de la mer. Taciturne, il ne chante plus.

 Jusqu’au jour où, pétri par un chagrin trop lourd à porter, il songe qu’à une longue vie malheureuse il préfère un seul instant d’extase, et il referme sur lui ses ailes ! Et dans la bleuité du ciel, il tombe vers la bleuité de la mer pour en fendre la surface. Le voilà sous l’eau , s’enfonçant vers l’abysse des lumières et dans le peu de temps qui lui reste, l’oiseau ouvre ses yeux ! Infinité de poissons multicolores ! Satin insoupçonné des abîmes ! Indicible beauté étrangère ! Son cœur s’enflamme ! 

Sa dernière heure s’approche, mais il ne s’en soucie plus, tout à son désir de l’autre, de ce qui est différent, et ce désir est si absolu, si immense, si spirituel, qu’à l’instant précis où la mort veut le saisir des ouïes lui poussent au cou ! Et il respire ! L’oiseau respire ! 

Et, respirant , volant-nageant, il s’avance au milieu des poissons aux écailles d’or, de jade et de rose aussi subjugués que lui par eux, et, les saluant, l’oiseau prononce la parole magique : « Me voici ! C’est moi ! Je suis l’oiseau amphibie arrivant au milieu de vous, je suis l’un des vôtres, je suis l’un des vôtres ! » 

Source : Wajdi Mouawad, Tous des oiseaux, Babel 2018 

mercredi 19 février 2020

L’histoire de Hassan Ibn Mohammed Al-Wazzân

Il est né en 1486 à Fès au Maroc. Il devient diplomate. En 1518, de retour de pèlerinage à La Mecque, il est capturé par un pirate chrétien. Le pirate, au lieu de vendre comme simple esclave ce diplomate de haut rang, choisit plutôt de l’offrir au pape Léon X. Le pape, impressionné par son esprit, lui rend sa liberté en échange de sa conversion. Et, à à la faveur d’un peu d’eau versé sur sa tête, Hassan Al-Wazzân change de religion et devient Léon l’Africain

Et toute sa vie est comme ça. 

Ni destin, ni hasard, toujours entre les deux. Un pont. Il voyage, côtoie les plus humbles comme les plus puissants, rencontre des tribus, apprend des langues. Contemporain de Vinci et de Machiavel, il passe dix années à Rome où il écrit un immense traité de géographie pour raconter aux Européens une Afrique insoupçonnée et se lie d’amitié tant avec les juifs qu’avec les chrétiens. 

Et quand finalement il retourne chez lui, on perd sa trace. Personne ne sait où il est mort et on n’a jamais trouvé sa tombe. Il disparaît, il s’évanouit.

Son histoire permet de répondre à certaines questions que notre époque nous pose : faut-il à ce point s’attacher à nos identités perdues ? Qu’est-ce qu’une vie entre deux mondes ? Qu’est-ce qu’un migrant ? Qu’est-ce qu’un réfugié ? Qu’est-ce qu’un mutant ? 

Source : Wajdi Mouawad , « tous des oiseaux », Babel 2018   

jeudi 13 février 2020

Quel est votre mode de pensée ?

Nous avons deux sortes de pensées : l’une est intuitive et automatique, l’autre réflective et rationnelle.

Le système automatique est apparemment non contrôlé, sans effort, rapide et inconscient. Il est associé à notre cerveau reptilien. 
Celui réflectif demande des efforts, est déductif, lent, conscient et applique des règles. 

On pourrait considérer le système automatique comme relevant de la réaction instinctive et assimiler le système réflectif à la pensée consciente. 

Les intuitions sont parfois très justes, mais trop se fier à son système automatique pousse souvent à commettre des erreurs. 

Pour voir comment fonctionne la pensée intuitive, soumettez-vous au petit test suivant. Pour chacune des trois questions suivantes, commencez par écrire la première réponse qui vous vient à l’esprit. Puis prenez le temps de réfléchir. 

1.     Une raquette et une balle coûtent au total 1,10 euro. La raquette coûte 1 euro de plus que la balle. Combien coûte la balle ? 
2.     Si 5 machines fabriquent 5 articles en 5 minutes, combien de temps faudrait-il à 100 machines pour en fabriquer 100 ? 
3.     Un lac est garni de nénuphars dont l’étendue double tous les jours. S’ils mettent 48 jours à couvrir toute la surface du lac, en combien de jours en couvriraient-ils la moitié ? 

Qu’avez-vous commencé par répondre ? La plupart des gens disent 10 centimes, 100 minutes et 24 jours, mais toutes ces réponses sont fausses. 

Il est possible d’affiner le système automatique, mais cet entraînement, fondé sur de nombreuses répétitions, demande beaucoup de temps et d’efforts.  

Les réponses sont 5 centimes, 5 minutes et 47 jours. 


Source : Richard Thaler, Cass Sunstein, Nudge ou comment inspirer la bonne décision, Pocket

vendredi 7 février 2020

Le cadeau du rabbin

En préface de son livre « The different drum »,  Scott Peck (1936-2005), psychanalyste américain, développe son approche de la vie en communauté. 
C’est une très vieille histoire, un mythe et comme tous les mythes – il y a plusieurs versions et ce n’est pas toujours facile d’en trouver la source. La seule chose que je sache est qu’il s’appelle le cadeau du Rabbin.
C’est l’histoire d’un monastère qui traverse des temps très difficiles. Pourtant il fut un temps où c’était un grand ordre, mais depuis de nombreuses années déjà ce monastère perd petit à petit de sa grandeur. Au moment de l’histoire, l’unique bâtiment qui reste et qui est presque en ruines, n’abrite plus que 5 moines. L’abbé et les quatre autres qui ont tous plus de 70 ans. Vraiment un ordre entrain de mourir.
Dans la forêt qui entoure le monastère il y a une petite hutte qu’un rabbin d’une ville voisine utilise parfois comme ermitage. L’Abbé décide un jour d’aller rendre visite au Rabbin espérant qu’il pourra lui donner de bons conseils.
Le rabbin accueille chaleureusement l’abbé dans sa hutte. Mais quand l’abbé lui explique le but de sa visite, le rabbin ne peut que s’apitoyer avec lui “je sais” – “la foi quitte les gens, dans ma ville c’est la même chose, de moins en moins de gens viennent à la synagogue”. Les deux hommes partagent calmement des pensées profondes et puis vint le temps des adieux. “Je suis vraiment enchanté de vous avoir rencontré après toutes ces années, dit l’abbé au Rabbin, mais je n’ai quand même pas vraiment atteint l’objectif de ma visite, vous n’auriez pas au moins un tout petit conseil à nous donner pour sauver notre monastère ?  Non je suis vraiment désolé dit le Rabbin, je n’ai aucun conseil à vous donner, la seule chose que je puisse vous dire est que le Messie est l’un de vous. »
Quand l’abbé rentre dans son monastère les moines s’assemblent autour de lui “alors qu’est-ce que le rabbin a dit ? T’a-t-il donné un conseil ? –  Non – nous avons tout simplement lu la Torah ensemble, la seule chose qu’il m’a dite en partant, d’ailleurs c’était vraiment bizarre – il m’a dit que le Messie était l’un d’entre nous et je ne sais vraiment pas ce qu’il voulait dire”
Pendant les jours, les semaines, les mois qui suivent, les moines essayent tous de comprendre la signification de ce qu’avait dit le Rabbin. Le Messie est l’un de nous. Nous qui ? Est-ce que cela voudrait dire l’un de nous – l’un des moines du monastère ? Dans ce cas là il voulait sûrement dire l’Abbé. Il a été notre leader pendant plus d’une génération. Ou alors cela pourrait être le Frère Thomas, c’est certainement un saint homme. Oui cela pourrait être Frère Thomas aussi – mais certainement pas Frère Jean – car il est souvent casse pieds, toutefois il faut avouer, que bien qu’il nous agace pas mal, il a pratiquement toujours raison. Dans tous les cas sûrement pas frère Paul – il est tellement passif, complètement inexistant, mais en même temps il a ce don de sentir quand quelqu’un a besoin de lui et comme par magie il apparaît à son côté. Peut être que Paul pourrait être le Messie. Bien sûr le Rabbin ne pouvait pas penser que cela pouvait être moi – ça c’est tout à fait impossible. Je suis un homme tout à fait ordinaire. Mais supposons que ce soit moi. Petit à petit les moines commencent à se traiter mutuellement avec un très grand respect au cas où l’un entre eux serait le Messie. Et chacun se traite avec un grand respect au cas où il serait lui même le Messie.
Comme le Monastère se trouve au cœur d’une forêt – la chapelle, bien qu’en ruines, est souvent visitée par des gens qui viennent dans la forêt pour pique-niquer. Les visiteurs commencent à être très sensibles à l’aura qui se dégage des 5 moines. Et comme ils trouvent cette atmosphère très apaisante et agréable, ils reviennent de plus en plus souvent, emmenant des amis dans la forêt pour pique-niquer, jouer, se promener et prier.
Au fil des mois et des années des jeunes hommes rejoignirent le monastère qui devint à nouveau et grâce au cadeau du rabbin un ordre vibrant de spiritualité.