vendredi 23 décembre 2016

le conte de la planète ESPERE

     
Il était une fois un groupe d’hommes et de femmes qui, désespérés de vivre sur la planète TAIRE où régnaient l’incommunication, l’incompréhension, la violence et l’injustice, décidèrent de s’exiler.

    Sur cette planète, qui s’appelait ESPERE, dès leur plus jeune âge, les enfants apprenaient à communiquer, c’est-à-dire à mettre en commun. Ils apprenaient à demander, à donner, à recevoir ou à refuser. Sur la planète ESPÈRE, qui avait en elle aussi une longue histoire de guerres et de destructions sur plusieurs millénaires, on avait enfin compris que ce qui fait la sève de la vie, ce qui nourrit le bien-être et l’énergie c’était la qualité des relations qui pouvaient exister entre les humains.
   
 Il avait fallu l’acharnement et la foi de plusieurs pionniers pour accepter ce qui était depuis longtemps si masqué, si voilé, à savoir que tous les habitants étaient à l’origine des infirmes, des handicapés de la communication. Par exemple, que beaucoup justement ne savaient pas demander, et donc prendre le risque d’une acceptation ou d’un refus. Mais qu’ils prenaient, imposaient, culpabilisaient, violentaient pour avoir, pour obtenir.

    Le recevoir était le plus souvent maltraité. Accueillir, amplifier tout ce qui aurait pu venir de l’autre était risqué, déconseillé. L’intolérance à la différence orientait le plus grand nombre vers la pensée unique, les intégrismes ou le politiquement correct. Les refuser était également l’enjeu de beaucoup d’ambivalences, le refus était assimilé à l’opposition, au rejet, à la disqualification et non au positionnement, à l’affirmation positive quand on a la liberté de dire non dans le respect de soi.

    D’autres principes sont aujourd’hui devenus caducs sur la planète ESPÈRE. Le premier était de parler sur l’autre, non pas parler à l’autre, mais parler sur lui avec des injonctions, en lui dictant par exemple ce qu’il devait penser ou ne pas penser, éprouver ou ne pas éprouver, dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire.
    Un autre principe était de pratiquer la disqualification ou la dévalorisation. De voir et de mettre en évidence tout de suite les fautes, les manques, les erreurs et non pas, bien sûr, de constater, de valoriser les réussites, les acquis ou les succès.

    Le chantage, la mise en dépendance, la manipulation complétaient les principes déjà énoncés pour maintenir entre les humains un état de malaise, de non-confiance, de doutes, d’ambivalences et d’antagonismes propices à entretenir méfiances, violences et désirs de posséder plus. À un moment de l’histoire de cette planète, il y avait tellement de conflits et de guerres que deux humains sur trois survivaient dans l’insécurité, la pauvreté et toujours la faim présente.

        Ne croyez pas cependant que tout le monde restait passif ou inactif. Beaucoup se mobilisaient, les réformes se succédaient, et de plus en plus de gens n’acceptaient plus les dérives de ce type de société.

    Mais comme vous l’avez remarqué sur notre propre planète, toutes ces actions se faisaient en aval, dans l’après-coup, il n’y avait aucune réforme en amont.

    C’est pourtant ce que firent, en quelques décennies, ces pionniers, ces éveilleurs de vie de la planète ESPÈRE quand ils convainquirent des parents, des adultes de descendre un jour dans la rue pour se mettre en grève de vie sociale.

    Comment firent-ils ? Ils arrêtèrent de travailler, d’acheter, d’utiliser les transports publics et privés, de regarder la télévision, ils sortirent dans la rue, se rencontrèrent, échangèrent, s’offrirent ce qu’ils avaient, partagèrent au niveau des besoins les plus élémentaires. Ils s’apprirent mutuellement le peu qu’ils savaient sur une autre façon de communiquer et découvrir ensemble le meilleur d’eux-mêmes au travers du meilleur de l’autre.

    La suite n’est pas simple, les démarches furent complexes, les résistances vives, mais un jour, dans un des pays de cette planète, on décida d’apprendre la communication à l’école comme une matière à part entière, au même titre que les autres : s’exprimer, lire, écrire, compter, créer, communiquer. Et dans ce pays la violence commença à disparaître, le niveau de la santé physique et psychique augmenta, des hommes et des femmes découvrirent qu’ils pouvaient s’autoriser à être heureux.

    Un jour, les hommes et les femmes qui continuent de vivre, de survivre, sur la planète TAIRE devenue invivable, décideront peut-être, non pas de s’exiler et d’aller vivre sur la planète ESPÈRE, mais plus simplement d’apprendre à communiquer, à échanger, à partager autrement.

    Vous vous demandez peut-être où est située la planète ESPÈRE dans l’espace ?

    Je vais vous faire une confidence, elle est à inventer dans votre coin d’univers, dans chaque lieu où il y a de la vie.


Source : https://contesarever.files.wordpress.com  adapté d'un conte de Jacques Salomé

vendredi 16 décembre 2016

Oh, Il en est ainsi ?


"Dans un village où vivait le grand Maître Zen Hakuin, une fille tomba enceinte. Son père la harcela pour connaître le nom de son amant. A la fin, pour échapper à la punition, elle lui dit que c'était Hakuin. 

Le père n'ajouta rien, mais lorsqu'arriva la naissance de l'enfant, il s'empara immédiatement du bébé et vint le jeter aux pieds de Hakuin. "Il semble que ce soit ton enfant," rugit-il en l'accablant d'injures et de sarcasmes tant cette affaire était honteuse. 

Le Maître Zen se contenta de dire : "Oh, en est-il ainsi ?" et il prit le bébé dans ses bras. 
Par la suite, où qu'il allât, il emportait le bébé enveloppé dans la manche de sa vieille robe usée. Durant les jours pluvieux et les nuits orageuses, il sortait pour demander du lait dans les maisons voisines. Nombre de ses disciples, le considérant déchu, se détournèrent de lui et le quittèrent. Mais Hakuin ne dit pas un mot.

Pendant ce temps, la mère se rendit compte qu'elle ne pouvait plus supporter l'agonie de la séparation d'avec son enfant. Elle avoua le nom du père véritable. Son père se précipita alors chez Hakuin et se prosterna devant lui, le suppliant de lui pardonner. 

Hakuin dit simplement :"Oh, il en est ainsi ?" et il rendit l'enfant."

En guise de commentaire, Osho donne une technique pour retrouver sa joie de vivre. Je vous laisse la découvrir.

"C'est cela l'acceptation, "tathata": tout ce qu'apporte la vie est bien, parfaitement bien. C'est comme un miroir qui reflète : rien n'est bon, rien n'est mauvais, tout est divin. Acceptez la vie telle qu'elle est. En l'acceptant, les désirs disparaissent, les tensions disparaissent, le mécontentement disparaît. En l'acceptant  telle qu'elle est, on commence à se sentir plein de joie, sans aucune raison.

Lorsque la joie a une raison, elle ne dure pas longtemps. Quand elle est sans aucune raison, elle dure à jamais."


samedi 10 décembre 2016

L'otarie et la joie de vivre


Il était une fois une petite otarie qui vivait dans un zoo. C'était un zoo si grand qu'on avait l'impression d'y vivre en liberté. Il était aménagé à l'image du monde extérieur. avec des écoles, des magasins, des maisons et toute une organisation sociale.

A l'école, les petits des animaux apprenaient très tôt un métier et la règle était généralement de poursuivre l'activité des parents.

La petite otarie adorait l'école et c'était une élève très appliquée. En plus des cours de langue, de diététique et de savoir-vivre, elle apprenait à jongler comme toutes les otaries de sa famille et ses amies. Elle apprenait à recevoir de jolies balles de couleur sur son nez et à les renvoyer.

Elle s'entraînait aussi à ramper sur le sol glissant en suivant le rythme de la musique. Elle apprenait à pousser sa coéquipière dans l'eau du bassin pour faire rire les enfants aux éclats. Elle apprenait même à monter sur un escabeau et à passer au travers d'un cerceau. Le plus difficile était de se tenir bien droite et d'applaudir avec ses petites nageoires. Mais ce qu'elle aimait plus que tout, c'était d'attraper les poissons argentés que lui lançait à la volée son beau partenaire. Toutes les aspirations de cette petite otarie étaient tournées vers le jour où elle pourrait enfin atteindre le sommet de son art et entrer comme une grande sur la piste du cirque.

C'était le destin vers lequel tout convergeait à la préparer mais c'était aussi son plus grand désir. Elle ne vivait que dans cet espoir et attendait avec impatience ce grand jour. Cependant, malgré cette vie bien remplie de petite otarie, elle n'était pas vraiment heureuse. Elle se sentait mal à l'aise, sans pouvoir en exprimer la raison.

Ses amies les girafes, elles, semblaient si heureuses de brouter les feuilles des arbres. Les flamands s'envolaient joyeusement en magnifiques nuées roses. Les singes passaient leur temps à se faire des blagues et les lions se réjouissaient d'effrayer les antilopes en baillant à pleine gueule. Même les rhinocéros placides s'ébattaient gaiement avec les éléphanteaux.

Plus le temps passait et plus la petite otarie se demandait pourquoi elle ne parvenait pas à être heureuse.

Son ami le phoque lui répétait souvent : " Tu as tout pour être heureuse, tu apprends un bon métier, tu es douée pour l'exercer et dans peu de temps, tu seras consacrée. Qu'est-ce que tu pourrais souhaiter de mieux ? "

Un matin, alors que la petite otarie se réveillait une fois de plus morose, elle eut comme une illumination en observant les petits singes jouer à la balle. Ils semblaient prendre tellement de plaisir avec cette balle qu'elle se mit à réfléchir sur son propre comportement. Certes, elle s'appliquait à exécuter toutes les tâches qu'on lui enseignait et en particulier  jouer à la balle mais ça ne lui procurait pas le plaisir que semblaient ressentir les petits singes.

C'était pour elle comme un devoir et elle était trop tendue par l'inquiétude de ne pas être capable d'entrer un jour en piste et par l'obsession de bien faire pour prendre plaisir à ses exercices.

Ce fut comme une révélation pour elle. A compter de ce jour, elle n'eut plus la même façon de travailler à l'école. Elle découvrit, au-delà de l'exercice, le plaisir de jouer à la balle. Elle comprit que ce n'était pas parce qu'on la destinait à ce métier qu'elle devait délaisser tout ce qui n'y était pas lié. Il ne fallait pas travailler d'arrache-pied à la réalisation de ce projet en laissant filer les autres joies de la vie. En peu de mots, elle découvrit que son destin était entre ses mains à elle et qu'il lui appartenait de profiter du présent et de ses petits bonheurs plutôt que de rêver à un grand bonheur futur et insaisissable.

Ce fut le premier jour de sa nouvelle existence. On la vit rire de tout et de rien, des facéties des singes et de ses difficultés à applaudir au rythme de la musique. On la vit s'entraîner le sourire aux lèvres, ivre du plaisir de progresser.

Et on la vit même un jour, nimbée de perles d'eau, jaillir sur la piste du cirque, sous les regard émerveillés des enfants et les applaudissements frénétiques de tous.


Et tout en se disant que c'était alors le plus beau jour de sa vie, elle souriait intérieurement car elle avait compris que chaque jour pouvait être le plus beau jour de sa vie.

jeudi 1 décembre 2016

Le coffre au secret

Il était une fois, dans un pays merveilleux, une jeune princesse qui vivait au château, entourée de sa mère la reine et de ses sœurs. Elle se sentait différente des autres jeunes filles de son âge, et son passe temps favori consistait à observer la vie au travers d’un kaléidoscope. Cela lui permettait de changez, tout à loisir, les couleurs et les formes de la vie. C’est pour cela que les habitants du royaume l’avaient surnommée la princesse arc en ciel.

Son précepteur lui conseilla un jour de se mélanger aux jeunes garçons à qui il enseignait l’art du tir à l’arc. Afin de ne pas y être reconnue, elle décida de s’y présenter déguisée. C’est ainsi qu’au fil des séances, elle acquit la bonne maîtrise du tir à l’arc.

La princesse arc en ciel montait souvent sur la plus haute tour du donjon, et scrutait l’horizon, en s’imaginant qu’elle s’évadait bien au delà de l’immense forêt qui encerclait le château.
Mais la reine sa mère tendait de l’en dissuader. Car en effet, au plus profond de la forêt, une ancienne légende rapportait que dans une grotte gardée par un dragon, se trouvait un coffre étrange dont le contenu secret devait rester mystérieux.

Puis un matin, sans que l’on sache pourquoi, rassemblant son arc, ses flèches, sa cape, elle se mit en route aux premières lueurs de l’aube.

Elle marcha ainsi pendant de longues heures à travers la forêt ombragée, dense et profonde, lorsqu’elle trouva enfin une clairière, qui baignait dans une lumière douce et rassurante.
Au pied d’une colline verdoyante se trouvait l’entrée d’une grotte.

Elle s’approcha de l’orifice lorsqu’en jaillit brusquement un monstre hideux et menaçant qui lui faisait face, crachant et fumant. Elle prit le temps de bander son arc et lui décocha une flèche en plein coeur. Maîtrisant parfaitement la situation, arc en ciel pénétra dans la grotte.

Une lueur la guidait, provenant d’une immense salle voûtée. Au milieu de la lumière se trouvait un vieux coffre, posé sur un rocher, émergeant de la large rivière souterraine.

Arc en ciel posant son arc et ses flèches plongea dans l’eau fraîche et pure, qui la délivra de sa cape rêche et informe, tandis qu’elle nageait jusqu’au rocher. Le contact de l’eau sur sa peau était agréable. Elle se sentit allégée lorsqu’elle toucha la rive opposée, elle marcha avec courage vers le coffre sur lequel ses mains se posèrent pour l’ouvrir lentement. Au premier abord, le coffre semblait vide, mais plongeant plus profondément ses mains, elle en ressortit un objet lourd, serti de pierres précieuses qui brillaient dans la lumière pâle.
Tendant le miroir à deux mains devant elle, arc en ciel y vit une jolie jeune femme aux longs cheveux ondulés qui recouvraient ses épaules, à la peau lisse et soyeuse. Devant ses yeux émerveillés, le miroir s’anima.

La jeune femme du miroir tourna doucement sur elle-même, avec grâce, en disant : « je vois bien que tu ne me reconnais pas, mais je suis toi, et tu es moi. Je suis cette enfant et tu es cette femme tout à la fois, il te suffira de te regarder pour te voir telle que tu es vraiment ».

A cet instant, la princesse arc en ciel, découvrant sa nouvelle apparence, sentit dans son âme et dans son corps une énergie nouvelle, car elle n’avait plus de secret pour elle-même, depuis ce jour où elle avait tant changé !


Dès lors, personne ne l’appela plus jamais arc en ciel, car la vérité ne lui faisait plus peur et qu’elle avait accepté de voir les choses telles qu’elles étaient.

jeudi 24 novembre 2016

La fille de l'éclusier


Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, dans un pays extraordinaire, une jeune fille qui vivait au bord d’un grand canal. Elle vivait avec ses parents dans une petite maison toute simple, attenante à une écluse.

Durant son enfance, elle passa ses journées à suivre son père ainsi que les hommes de son équipe, qui géraient tous les mouvements de l’eau, liés à la fermeture, comme à l’ouverture de l’écluse, lors du passage des nombreuses péniches.

Lorsqu’elle eut atteint un certain âge, elle dut partir à la grande ville pour y poursuivre ses études.
Elle entretenait avec son père une correspondance dans laquelle elle retrouvait toutes les sensations agréables de son enfance, liées à l’écoulement paisible et fluide, ainsi qu’au murmure doux et régulier de l’eau, filtrée savamment à travers l’écluse.

Puis un jour, elle dut se rendre chez elle, au chevet de son père qu’un grave accident venait de terrasser.

A peine arrivée, un terrible orage éclata. Toute la pluie du ciel semblait s’abattre sur les environs.
Les bourrasques de vent projetaient violemment la pluie contre la petite maison.

Au fur et à mesure que le déluge s’abattait, la rapide montée des eaux fit naître un sifflement puis un grondement qui s’échappait de l’écluse en saccade. Ce débit inhabituel allié aux conditions environnantes déclencha la panique parmi les hommes de l’équipe.

L’un deux eut l’idée d’ouvrir toutes grandes les vannes avant de s’enfuir. Cette action provoqua une explosion, un vacarme, un tumulte faisant jaillir l’eau sous pression dans une cataracte assourdissante. Dès lors toute parole devenait inaudible, absurde.

Perturbée par le bruit intense et anormal de l’écluse, la jeune femme se rendit calmement sur les lieux. Elle avait acquis auprès de son père qu’elle suivait pas à pas tous les gestes adaptés à chaque circonstance. Avec méthode et calme, elle parvint à réguler progressivement, le flux des eaux qu’elle finit par maîtriser totalement, tandis que la tempête faisait encore rage. Elle réussit ainsi à contenir les eaux de l’amont, qu’elle laissa filer, vers l’aval, dans un flux régulier et calme.

Maintenant l’orage s’éloignait peu à peu, la pluie diminuait jusqu’à finalement cesser, écartant le danger qui pesait.


A nouveau le calme et l’harmonie, s’installaient de part et d’autre de l’écluse qui avait retrouvé un débit naturel et régulier. Alors elle prit conscience que l’homme qui l’avait abandonnée, seule et désespérée, n’avait simplement pas su faire face, à une situation dans laquelle il l’avait plongée.


vendredi 18 novembre 2016

Le maître et le serviteur acariâtre


Un homme à la réputation remarquable avait un serviteur au visage atroce et au caractère impossible. Il ne pouvait recevoir un ordre sans se jeter aussitôt dans une colère effroyable. Toutes les réprimandes le trouvaient indifférent et ne faisaient qu'aggraver le désordre et la négligence de son service. La nuit retentissait du bruit sourd de ses pas et de la vaisselle qu'il cassait. Des amis du maître lui conseillèrent de se débarrasser de ce serviteur insupportable et d'en prendre un autre.

"Mais pourquoi? répondit le maître avec bienveillance. Je dois à mon serviteur un grand merci, car il m'a rendu meilleur. Oui, il m'a appris la patience, et chaque jour, il continue de me l'apprendre. Et ce bienfait me permet de supporter tous les autres embarras de la vie." 

vendredi 11 novembre 2016

Conte perse : savoir ouvrir les yeux


Mulla Nasrudin avait l’habitude de traverser chaque jour la frontière qui séparait la Perse et la Turquie avec sa mule. 

Comme il était notoirement connu que Nasrudin faisait de la contrebande, les douaniers prêtaient une attention particulière à ces allées et venues. Le manège se prolongeant, ils commencèrent à fouiller méthodiquement notre homme. A chaque passage, ils vérifiaient ses vêtements, vidaient sur le sol la paille que l’âne transportait dans des paniers, la mouillait ou l’enflammait. Sans résultat. Malgré l’acharnement des douaniers, aucun objet de contrebande ne fût jamais découvert ni sur le voyageur, ni dans la paille transportée. Et pourtant, de jour en jour, Nasrudin s’enrichissait….

Bien des années plus tard, alors que Nasrudin était devenu un personnage important de son village, il croisa l’un des anciens douaniers. Celui-ci s’approcha et lui dit : « Mulla, tu ne crains plus rien maintenant. Tu es riche et je suis à la retraite. Mais j’ai une chose à te demander, une question qui me tracasse depuis des années. Nous savons tous que tu t’es enrichi grâce à la contrebande mais nous n’avons jamais réussi à te prendre sur le fait. Tu peux me le dire maintenant : que trafiquais-tu ? »


Mulla Nasrudin le regarda longuement, sourit et répondit : « Des ânes… »

Source : http://retrouverlajoie.fr/

jeudi 3 novembre 2016

La rivière et les nuages



Dans cette histoire hautement symbolique, nous sommes la rivière, les nuages symbolisent quant à eux, tous les objets extérieurs, les autres êtres humains, les êtres vivants, les objets, l’argent, le pouvoir, le bonheur….

Au début, ce n’était qu’un petit ruisseau provenant d’une source de montagne. Il était très jeune et impétueux et voulait atteindre la mer aussi vite que possible. Il ne savait pas demeurer en paix dans le moment présent.
Il était pressé parce qu’il était jeune. Il se mit à dévaler la montagne pour atteindre la plaine et se transforma en rivière. Une fois devenu rivière, il dut aller moins vite, ce qui l’énervait parce qu’il craignait de ne jamais arriver à la mer.
Bas du formulaire
Mais comme il était obligé d’aller plus doucement, ses eaux sont devenues plus tranquilles. Sa surface s’est mise à refléter les nuages dans le ciel, des nuages roses, blancs, argentés. Il y a tant de formes merveilleuses. Toute la journée, il suivait les nuages. Il commença à s’attacher à eux et à souffrir, parce que les nuages étaient impermanents. Ils se laissaient porter par le vent, abandonnant la rivière à son cours. Elle était très triste que les nuages ne restent pas avec elle alors qu’elle voulait tellement s’y accrocher.
Un jour, un vent d’orage balaya tous les nuages. La voûte céleste était d’un bleu très clair, totalement vide. La rivière était désespérée. Elle n’avait plus de nuage à suivre.
Cette vaste étendue bleue mit le cœur de la rivière au désespoir. « A quoi bon vivre sans nuages ? A quoi bon vivre sans mes bien-aimés ? ».

Toute la nuit, elle pleura. Quand elle revint à elle et entendit ses pleurs, elle comprit quelque chose de merveilleux. Elle réalisa que sa nature était aussi la nature du nuage. Elle était le nuage. Les nuages étaient présents dans les tréfonds de son être. Tout comme la rivière, le nuage avait son essence dans l’eau. Le nuage était fait d’eau.
Alors, se dit la rivière, à quoi bon courir après le nuage ? Cela n’a de sens que si je ne suis pas le nuage. Grâce à cette nuit de solitude et de désespoir absolus, la rivière a pu se réveiller et voir qu’elle était aussi le nuage.
Ce matin là, le bleu du ciel qui lui avait procuré un tel sentiment de solitude lui apparu désormais comme quelque chose de nouveau et de merveilleux, de clair et de rayonnant. Maintenant le ciel était toujours là pour la rivière, jour et nuit. Elle n’était plus jamais seule et se sentait calme et détendue. Elle n’avait jamais ressenti une telle paix.
Cette après midi-là, quand les nuages sont revenus, la rivière n’était plus attachée à un nuage en particulier. Elle ne considérait plus un nuage comme étant son nuage à elle. Elle souriait à tous les nuages qui passaient. Elle éprouvait la joie de l’équanimité. Elle n’aimait pas un nuage plus qu’un autre et n’avait d’aversion pour aucun. Elle pouvait apprécier la présence de chaque nuage dans le ciel et le refléter dans ses eaux. Quand un nuage la quittait, la rivière disait « au revoir, à bientôt » et elle se sentait très légère dans son coeur. Elle savait que le nuage allait lui revenir une fois transformer en pluie ou en neige.
Quand nous courons après un objet et que nous essayons de le saisir, nous souffrons. Et quand il n’y a rien après quoi courir, nous souffrons aussi. Si vous avez été une rivière, si vous avez couru après les nuages, si vous avez pleuré et si vous avez souffert de la solitude, sachez que ce que vous avez cherché à toujours été là : C’est vous, vous-même !


Extrait du livre de  Thich Nhat Hanh, « Il n’y a ni mort ni peur »,  Pocket (2005)
Thich Nhat Hanh est un maître bouddhiste vietnamien. Réfugié politique en France depuis 1972, il vit en Dordogne au " Village des Pruniers ", la communauté qu'il a fondée en 1982

jeudi 27 octobre 2016

La flèche et le trésor


Une nuit, un homme pauvre rêva que le secret d'un trésor caché était écrit sur un parchemin vendu dans une boutique de la ville. A son réveil, il s'y précipita et il constata qu'en effet un parchemin y était en vente. Il l'acheta aussitôt et commença à le déchiffrer. Il apprit alors que pour découvrir le trésor, il devait se rendre en un certain endroit devant un certain bâtiment, puis se tourner vers l'est et mettre une flèche sur son arc. Il trouverait le trésor à l'endroit où tomberait la flèche. 

Il s'y rendit donc, se tourna vers l'est, banda son arc et tira une flèche. Il creusa à l'endroit où elle était tombée, mais ne trouva aucun trésor. Il recommença chaque jour suivant, tirant bien des flèches et creusant des trous partout sans succès. La rumeur de ces efforts parvint jusqu'au roi qui exigea qu'on lui remit le parchemin afin de découvrir ce trésor pour lui même. De nombreux archers furent envoyés qui tirèrent des milliers de flèches dans toutes directions et creusèrent d'innombrables trous sans aucun résultat. 

Dépité, le roi rendit à l'homme son parchemin en disant que si un tel trésor existait, il serait désormais le sien puisque lui même n'avait pu le découvrir. Le pauvre homme retrouva quelque espoir, et la nuit suivante, il rêva d'un mystérieux personnage qui lui reprocha d'avoir été présomptueux et ne ne pas avoir suivi les instructions du parchemin dont le message disait simplement de placer une flèche sur l'arc en se tournant vers l'est. Il ne disait pas de tendre l'arc et de tirer la flèche. 

C'est donc par vanité et pour marque sa volonté que l'homme avait trouvé logique de bander l'arc et de tirer la flèche, alors qu'il suffisait de la laisser tomber à ses pieds. Place la flèche sur l'arc et laisse la tomber. Où tombera la flèche, creuse la terre, là sera le trésor. Ainsi chacun juge de tout en fonction de la place où il se trouve, mais pourtant la vraie connaissance est plus proche de l'homme que la veine jugulaire de son cou.


Source : http://jacques.prevost.free.fr/cahiers/cahier_48.htm

vendredi 21 octobre 2016

Conte chinois : Wang ou l'invention de l'acupuncture


Wang, un chasseur chinois de l’époque préhistorique, souffre depuis plusieurs années de terribles migraines. Un beau jour, alors qu’il piste le gibier pour nourrir sa famille, il est victime d’un accident de chasse et atteint par une flèche qui se loge dans sa cheville, tout près du talon. On le ramène d’urgence au camp. Chou, le guérisseur, est aussitôt appelé pour extraire la flèche. Heureusement, la blessure est mineure et la guérison se passe sans problème. Une semaine plus tard, Wang est remis sur pied et il retourne voir Chou pour le remercier de son aide. Chou s’informe en même temps de l’état de santé général du chasseur. Ce dernier réalise alors avec stupéfaction qu’il n’a eu aucune crise de migraine depuis son accident. Intrigué, le guérisseur réfléchit longuement, puis a soudain une idée de génie. Le lendemain, il rend visite à Yu, la femme du chef, qui elle aussi souffre souvent de maux de tête auxquels aucun remède n’a apporté de solution jusqu’ici. À l’aide d’un couteau de pierre pointu, il perce la peau de Yu sur la cheville à l’endroit exact où Wang avait été blessé. Dans les minutes qui suivent, la femme du chef se sent soulagée de sa douleur à la tête pour la première fois depuis des mois. Chou est richement récompensé et, fort de son expérience, il se met à rechercher d’autres points du corps dont la perforation peut traiter des problèmes de santé. Sans le savoir, il vient d’inventer l’acupuncture.

Cette parabole est destinée à nous rappeler que l’acupuncture n’est pas quelque chose de magique, mais une technique pratique issue de l’empirisme tiré des erreurs et d’essais successifs.

Pendant des milliers d’années l’acupuncture a été le secret le mieux gardé du peuple chinois. Des vestiges archéologiques ont permis de découvrir des poinçons de pierre qui auraient été utilisés avant l’invention des aiguilles de métal.

On raconte que la révélation de la médecine chinoise a été apportée a trois empereurs, Hugandi , Shennong et Fuxi, respectivement a l’origine de l’acupuncture , de l’emploi des remèdes a base de plantes et des concepts de bases de la médecine chinoise. Progressivement, chacun de ces courants se développa pour former plusieurs courants distincts comme la phytothérapie, la pharmacopée (médecine par les plantes), la diététique (aliments a surveiller pour s’assurer une bonne santé) le massage chinois (Tui Na) ou l’acupuncture.

L’acupuncture aide au rééquilibrage des énergies. Allez voir l’exposition de Prune Nourry à la galerie Magda Danysz.

 Galerie Magda Danysz  78 rue Amelot 75011 http://magdagallery.com/fr/expositions/communique/54/imbalance

jeudi 13 octobre 2016

Conte albanais : l'histoire du pêcheur de feuilles


Le métier de pêcheur n'est pas toujours facile et, sans un peu de chance, il arrive que ces travailleurs de la mer ne soient guère payés de leur peine. Ainsi, un brave père de famille de la côte Adriatique, proche de la pointe de Samana, avait-il bien du mal à nourrir ses cinq enfants. Jamais la pêche n'était vraiment abondante, et il arriva même un moment où il resta dix jours sans prendre le moindre poisson.

"Tout cela est très injuste, disaient les gens de son village, car il est le plus travailleur et il connaît son métier mieux que personne."
On le plaignait beaucoup, mais, comme tout le monde était pauvre, personne ne se trouvait en mesure de lui venir en aide. Ses enfants avaient faim, et sa femme qui n'était pas très solide ne pouvait que laver un peu de linge pour gagner de quoi acheter du pain.
Le brave homme eût bien fait un autre métier, mais il ne trouvait pas d'embauche. Et puis, parce qu'il aimait la mer, il espérait toujours qu'elle finirait par se montrer généreuse avec lui.


Un jour que le Roi passait par là, il entendit les enfants qui criaient famine. Il se renseigna, on lui dit combien ce pêcheur fort méritant jouait de malchance, et ce roi riche et bon décida de l'aider.
"Je veux faire quelque chose pour toi, lui dit-il, mais je tiens absolument à ce que tu restes pêcheur. Tu vas continuer ton métier et, chaque fois que tu apporteras quelque chose dans ton filet, tu viendras l'apporter sur le plateau de ma balance. Dans l'autre plateau, je mettrai le même poids en sequins d'or, et cet or sera pour toi."
De nouveau plein de courage et d'espérance, le pêcheur reprit la mer. Trois jours passèrent, trois jours et trois nuits sans une minute de repos. Trois jours et trois nuits à ramer, à lancer son filet, à le ramener sans qu'il vît l'ombre d'un poisson.
"Je suis maudit ! se lamentait-il. Nous mourrons tous de faim."


Le pêcheur épuisé rentra au port, mais avant d'amarrer sa barque, il lança son filet une dernière fois. Lorsqu'il le retira, il n'y trouva qu'une feuille de chêne déjà bien abîmée par l'eau salée. Il allait la jeter lorsqu'un camarade lui dit :
"Que risques-tu à la porter au Roi ? il n'a pas parlé de poisson, il t'a dit de lui porter tout ce que te ramènera ton filet.
- Il va croire que je me moque de lui, et peut-être même me fera-t-il jeter en prison ?
- Non, il ne le fera pas. C'est un bon roi. Et je suis tout disposé à témoigner que tu as bien pêché cette feuille."
Le pêcheur était tellement désespéré qu'il mit la feuille dans sa poche et prit le chemin du palais royal.


Lorsque le roi le vit arriver avec sa prise, il se mit à rire.
"Mon pauvre ami, fit-il, cette feuille est si légère qu'elle ne fera même pas bouger d'un cheveu le fléau de ma balance. Mais enfin, puisque tu es venu jusque-là, tentons tout de même l'expérience."
Le pêcheur posa sa feuille sur le plateau qui tomba comme si on l'eût chargé de plomb. Et le trésorier du roi commença de poser des sequins sur l'autre plateau. A haute voix, un secrétaire comptait.
"Un sequin, deux sequins, trois sequins..."
La balance ne bougeait toujours pas. Et il fallut soixante sequins pour faire monter enfin le plateau où se trouvait la feuille.


Le pêcheur s'en alla avec les pièces et le roi, qui n'en revenait pas, garda la feuille. Tous les savants du royaume furent invités au palais où ils demeurèrent longtemps à examiner cette feuille de chêne si étrange. Ils se livrèrent à toutes les analyses que la science pouvait permettre et, en fin de compte, ils furent bien obligés de reconnaître que cette feuille n'avait d'autre particularité que son poids.
Bien entendu, le pêcheur que l'on soupçonnait de magie fut interrogé, mais les enquêteurs, qui étaient des juges honnêtes, déclarèrent qu'il était beaucoup trop naïf pour être magicien.
Lui-même ne savait rien. Il ne pouvait rien savoir, car il n'avait pas assez de mémoire pour se souvenir des moindres détails de sa vie d'enfant.


C'était pourtant dans sa plus tendre enfance que dormait le secret de cette feuille. Car le pêcheur n'avait guère que trois ou quatre ans lorsqu'un laboureur, voisin de son père, avait déraciné et jeté sur le chemin un jeune chêne né en bordure de son champ. L'enfant l'avait ramassé ce tout petit arbre et l'avait planté en un endroit où personne ne cultivait le sol. Reconnaissant, le chêne, qui avait grandi en toute liberté, avait saisi cette occasion de remercier celui à qui il devait la vie.
Et sans doute parce qu'il détenait le pouvoir de conjurer le mauvais sort, il s'arrangea pour que le pêcheur ne retire plus jamais de l'eau un filet vide.



D'après les Légendes de la mer de B. Clavel, Ed. Hachette 
Image :  Ecole Marie Curie, Sennecé-lès-Mâcon

vendredi 7 octobre 2016

Il n'y a pas de petites querelles



Un Conte africain d’après Amadou Hampâté Bâ

Il y a bien longtemps, au temps où les hommes et les animaux parlaient la même langue, un chef de famille vivait avec sa veille maman, son chien, son bœuf, son bouc, son cheval et son coq.

Un jour, on vient lui annoncer la mort de son collègue du village voisin. Il décide de se rendre aux funérailles pour lui rendre un dernier hommage. Il recommande à son chien : « veille sur ma mère, ne quitte pas le seuil de sa porte, et si tu as besoin d’aide, appelle les autres animaux ». Et il part.

Quelques jours se passent sans incident. Un matin, le chien entend un drôle de bruit dans la case : ce sont deux lézards qui au plafond, se disputent le cadavre d’une mouche. Le chien voudrait intervenir mais il ne peut quitter sa place. Il appelle à la rescousse, le coq, qui fait fi de sa demande. De même pour le bouc, le cheval et le bœuf. Tous estiment la chose de peu d’importance et indigne de leur faire perdre leur temps. Le chien leur dit pourtant : « il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Pendant se temps, les lézards continuent à se battre, tant et si bien que l’un des deux tombe sur la lampe à huile, qui met le feu au lit de la veille maman. Un terrible incendie se déclare. Les voisins sauvent de justesse la dame, mais elle est toute brûlée.

On envoie un gamin sur le dos du cheval pour prévenir son fils au village voisin. Il court, galope toute la journée, sans laisser le cheval reprendre son souffle ! Prévenu, le fils enfourche la monture et revient vite à la maison, et le cheval est fourbu. Il meurt d‘épuisement. « Ah, dit-il au chien, j’aurais du t’écouter et séparer les deux lézards ! »  « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Pour guérir la vielle dame, le Marabout recommande de l’enduire de sang de coq et de boire le bouillon fait avec sa chair. On sacrifie le coq ! Avant de mourir, le coq dit au chien : « tu avais raison, j’aurais du intervenir tant qu’il était temps ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

La vielle dame ne survit pas à ses brûlures. A ses funérailles, comme le veut la coutume, on sacrifie le bouc. Le bouc, en passant près du chien lui dit : « comme je regrette de ne pas avoir fait le nécessaire ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Quarante jours après l’enterrement, une cérémonie rassemble tout le village et les habitants des villages voisins, c’est la tradition. Pour nourrir tout ce monde, le fils tue le bœuf et les femmes préparent un grand festin. Avant de mourir, le bœuf dit au chien : « si j’avais su…j’aurais séparé les lézards… » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ». Le chien reçoit sa part du festin.


La morale de cette histoire, c’est qu’il ne faut pas négliger les petits conflits, sinon ils deviennent des guerres et tout le monde en souffre. A petite cause, grands effets.

vendredi 30 septembre 2016

La charette


Il était une fois, il y a bien des années un promeneur …désœuvré qui parcourait la région de part en part sans trouver le repos. 
Il se sentait de plus en plus lassé tandis qu’il parcourait ainsi tant de pays sans jamais vouloir s’arrêter. Seul l'exercice physique lui faisait du bien et le maintenait en bonne santé. 

Un jour, alors qu'il était assis sur une butte et que son regard qui parcourait les champs jaunes et verts et bruns, son regard aperçut en contrebas, sur la route ordinairement facile, un attelage qui avançait cahin-caha. Il remarqua l'allure irrégulière des deux chevaux, l’un noir et l’autre blanc qui tiraient une charrette légère, libre de tout chargement. Le cocher, tant bien que mal, poussait l'attelage à progresser mais les deux chevaux ne parvenaient pas à .se …synchroniser, à… marcher ensemble. Le cocher utilisait le fouet et vociférait et ses paroles dures peut-être parvenaient aux oreilles du promeneur intrigué. Le cocher avait beau se démener mais rien n'y faisait. Il se sentait impuissant. En effet quelques minutes plus tard, l'attelage s'arrêta.
Le cheval noir était épuisé et il ne pouvait pas… continuer la route. Tandis que le promeneur sur sa butte observait la scène, le ciel commençait à s’assombrir. L’orage semblait tout proche. Alors, sans y penser, naturellement, simplement, il vint vers la charrette et rejoignit le cocher qui avait perdu l'espoir de continuer son chemin pour …rentrer à la maison. Les nuages s’amoncelaient.   Et chacun sentait que la journée commençait à décliner. Il fallait rentrer au plus tôt.
Le promeneur et le cocher ont alors échangé des paroles encourageantes et apaisantes. Ces paroles ont calmé leurs esprits et leur ont donné de l'espoir d’arriver à une situation acceptable, ils ont cherché ensemble plusieurs possibilités et leurs avis conjugués ont trouvé la plus acceptable et ils pensèrent que cela pourrait changer la situation. Le cheval noir était bien malade. Ils étaient dans la nécessité de s'en séparer. A deux, la tâche était plus légère, et tout en parlant avec douceur au cheval, ils se mirent à desserrer ses liens, à le débarrasser de son harnais et celui-ci fut dételé et …libéré. Leurs yeux découvrirent un abri de berger de l'autre côté de la route, et un peu plus loin, un champ d’herbe verte et fraîche, et c'était… rassurant. Ils commençaient à …respirer. Ils respiraient profondément soulagés. Quelqu'un pourrait veiller le cheval. Et c’est alors que le promeneur proposa de l'emmener, près de ce refuge. Le promeneur et le cheval cheminèrent ensemble, doucement, et leurs regards témoignaient de leur tendresse et la main du promeneur apaisait le cheval qui semblait comprendre et accepter la situation   tandis que le cocher sur la route s’affairait à mettre de l’ordre dans l’attelage. Et tout en travaillant à équilibrer le nouvel attelage avec le cheval blanc le cocher reconnut là-bas des toits de tuiles rouges protégés par une ceinture d’arbres. Le clocher dépassait le hameau et se voyait des alentours et les voyageurs pouvaient ainsi se repérer. Le temps avait passé. Le promeneur s'était acquitté de sa tâche. Il avait remis le cheval aux bons soins du berger.
Quand il revint vers la charrette, le cocher avait pu remettre en place l'attelage. Le cheval blanc, bien attelé, était capable demener à bon port les deux voyageurs. Le promeneur prit quelques touffes d’herbes fraîches pour lui donner de la force et continuer la route.
Entre le cocher et le promeneur, il s'était établi une complicité et une grande confiance. Il y avait un lien qui pourrait au fil des jours devenir une belle amitié. La charrette avançait tranquillement vers le village tandis que les nuages lourds se dispersaient, poussés par le vent, et le ciel se dégageait peu à peu. Les premières maisons apparaissaient, et ce qu’ils avaient pris pour un hameau était en réalité un village pittoresque. 
Le village les accueillit avec simplicité et gentillesse, naturellement, sans poser de questions. Les paysans étaient toujours heureux d’offrir l’hospitalité aux voyageurs. Sur la place fleurie, autour de la fontaine d’où jaillissait une eau claire et pure, jouaient des enfants, pleins de vie. Ils entourèrent aussitôt l’attelage et flattèrent le cheval blanc. L’un d’eux apporta un seau d’eau fraîche pour étancher sa soif. Et le promeneur et le cocher, tout en les remerciant, s’approchèrent de la fontaine. Leurs mains se tendirent vers son eau limpide et ils se mirent à boire avec délices. Le promeneur et le cocher ensemble se tournèrent vers le cheval blanc et lui adressèrent des regards et des paroles de tendresse tandis qu’un jeune homme apportait une botte de foin   Là, des femmes achevaient de dresser une grande table dans la cour ombragée de chênes centenaires. Les parfums, les senteurs du dîner parvenaient jusque-là. 
Des ouvriers agricoles arrivaient par petits groupes, bavardant et riant. Ils avaient terminé leur journée bien remplie. Aussitôt, les deux amis furent invités pour partager le repas et la gaieté des paysans. Ils tentèrent bien de refuser cette invitation. Mais ils ne trouvèrent aucune raison pour rester à l’écart.  Les gens étaient heureux et simples et leur proposèrent un abri pour la nuit. Et c’est ainsi que le promeneur et le cocher offrirent tout naturellement de mettre la main à la pâte et de partager les tâches naturelles de la vie. Tout le monde s’était attablé : les enfants au bout de la table avaient faim et mangeaient avidement. Entre deux bouchées, ils jetaient des regards vers nos deux amis et leur faisaient des signes de complicité. Ils étaient heureux de leurs présences. Les convives appréciaient les plats préparés par les femmes qui recevaient les compliments en plaisantant. Les conversations s’étaient engagées sur les promesses de la moisson et de la vendange de cette année. Dans ce coin de campagne, la nature était généreuse et les paysans étaient pleins de vigueur et de vie. La journée se finissait dans la bonne humeur et l’amitié. La maîtresse de maison leur donna un lieu pour se reposer et la nuit protectrice apporta le réconfort aux esprits et aux corps.