mardi 23 décembre 2008

Pittoresque !


Il y a une vingtaine d'années, aller chez Mc Do était une expérience originale et pittoresque : un personnel aimable et empressé, des locaux modernes et entretenus, des toilettes en bon état, bref un changement d'univers du café-bar à la française.

Aujourd'hui, tout cela s'est banalisé et plus grand monde ne voit Mc Do comme un lieu différent. Les jeunes cadres préfèrent aller chez Starbucks, les ados viennent y traîner leur ennui. Seuls les jeunes enfants en font encore un lieu de fête.

C'est au moment où vous croyez qu'il n'y a plus rien de pittoresque nulle part qu'il peut réapparaître de manière inattendu. Ce lundi, je me trouve dans un quartier animé de Paris en avance sur l'heure d'un rendez-vous. Où me réfugier en attendant le bon moment. Face à moi, un Mac Do et un café fermé. Un rapide regard dans Mc Do m'en fit m'éloigner (il y a de tout chez Mc Do, des bonnes choses comme des mauvaises, mais là c'est la foule qui m'a fait reculer). Je me rapproche du café fermé. Tout semble éteint, personne aux tables que je vois derrière les fenêtres. Toutefois, en m'approchant de plus près, je distingue deux personnes à l'intérieur, apparemment en train de consommer.

Je tente ma chance et je tire la porte : elle s'ouvre ! Le café est quasiment vide. En cherchant une table où m'installer confortablement (une table pour quatre, pas trop près de la baie vitrée, mais avec suffisamment de lumière du jour), je croise une date entre deux âges qui m'accueille aimablement. Je la salue, continue ma quête dans le dédale des coins et recoins et finalement m'affale sur un siège qui me convient.

La femme croisée vient me voir pour me demander ce que je souhaite. Un dialogue étonnant s'engage sur la base de la demande d'un thé.
"Un thé ? Quel thé ? J'en ai dix sept à vous proposer !"
"Disons un thé à la bergamote"
"…." (Avec une moue sur le manque d'originalité)
"Ou un thé russe"
"Il n'y a pas de plantation en Russie ! Voulez-vous un thé noir ? Un thé vert ? Un thé blanc ? Vous le voulez fort ? Relevé ? …"
Finalement j'hérite d'un Earl Grey (thé noir de Chine parfumé à la bergamote) un peu particulier avec un dernier conseil : "laissez infuser quatre minutes. Cela n'augment pas la teneur en théine, mais favorise le goût".

Etonné par ce service diligent et précis, j'observe le lieu où je suis. Peu de monde, de nombreuses personnes s'agglutinent contre la vitrine se demandant tout comme moi si le café était ouvert (deux couples vont même entrer et m'interroger à ce sujet).

Le service continue de la même manière. Ainsi, un homme entre et sans attendre un mot de la patronne-serveuse, lui déclare : "bonjour, je vais d'abord aux toilettes.." et la réplique fuse aussi sec : "C'est occupé, asseyez-vous, cela n'arrive pas plus vite de toutes façons". L'homme interloqué s'assoit et lâche un sonore "pittoresque !" avant de s'entendre dire : "l'habitude est de s'asseoir et de commander".

Un autre client demande un verre d'eau en complément de sa commande : "l'eau passe par le ballon d'eau chaude et le robinet. C'est pourquoi je ne sers pas de verre d'eau imbuvable".

La qualité est quand même bien là : à une jeune femme qui demande un crème, je suis étonné par la réponse "fort en lait ou fort en café ?" Cela vous parait normal ? Demandez un crème prochainement dans un café; Vous en connaissez beaucoup de cafés où le serveur vous demande votre dosage ?

Pittoresque le lieu !

PS : le thé était très bon.

samedi 20 décembre 2008

J'habite une ville où le piéton est virtuel

Connaissez-vous Second Life, cet univers où vous pouvez vous créer une identité virtuelle et rêvez d'une nouvelle vie ? Cet environnement virtuel vous permet d'agir (presque) à votre guise, de vivre et de faire vivre autour de vous des situations qui vous permettent d'exprimer vos talents ou vos désirs.

J'habite moi-même dans un endroit encore plus extraordinaire : une ville où le citoyen, le quidam, l'usager, le piéton sont virtuels. Une ville où toutes sortes d'expérience sont menées dans ce domaine. Une ville qui n'est sur internet ou dans un royaume imaginaire, une ville qui n'est pas la lubie d'un magnat quelque part dans le monde ou la création fantastique de Walt Disney & consorts, non, une vraie ville située à proximité de Paris.

De quoi suis-je en train de parler, me direz-vous ? Est-ce que je fabule, je rêve, je m'invente un monde imaginaire ? Peut-être, en tout cas il a la tête d'un univers bien réel et bien vivant.

Quelques exemples ?

Il était une fois une route très passante avec au bout un pont. Donc, quelques soient les moyens employés, il fallait passer le pont dans un sens ou dans un autre. Le trafic important causait parfois des accidents et mettait en danger la traversée par les piétons. "Situation inadmissible", dirent les élus ! "Qui va payer les impôts à leur place ?". De réunion en réunion, il fut décidé de mettre en œuvre de grands moyens avec notamment la construction d'un rond point à l'entrée de ce pont et des feux tricolores. Superbe ! Le trafic fut ralenti et les piétons purent traverser en paix. Malheureusement, ce ralentissement créa de gigantesques bouchons de part et d'autre. Il fallait choisir entre le trafic et les piétons. Il fut alors décider de supprimer le piéton, en lui interdisant de traverser au feu rouge. Les voitures pouvaient passer avec le flèche orange, quand au piéton, charge à lui de faire un grand détour par un passage souterrain. Disparu le piéton.

Il était une fois une gare de RER. Dans un souci d'améliorer la qualité du service, la Retepe décide de supprimer le guichet de vente (que les piétons usagers se débrouillent avec les sympathiques distributeurs) afin que ses agents puissent se consacrer entièrement à leur tâche de fond : l'information. Cela a duré quinze jours. Depuis ce temps, le guichet "information" est quasiment vide jour et nuit. Quasiment, car le guichetier est remplacé par un écran informatique qui affiche "pour les billets, utilisez les distributeurs automatiques à droite". Comme cela, le taux de mécontentement des usagers a baissé de 100% : il n'y a plus de mécontents puisqu'il n'y a plus d'agents pour les recevoir. Donc, voilà une gare vide, sans agents. Enfin, presque. Ils sont là, mais derrière une porte blindée. Un truc pour les voir ? Vous sonnez à l'interphone qui ouvre le large passage d'accès au quai pour les poussettes (entre autres). L'agent vous répond, éventuellement vient, puis redisparaît dans son trou. Qu'y fait-il ? Mystère ! En tout cas, la mairie appelle cela de l'amélioration de la qualité de service. Une précision : le fameux bouton d'appel ne se trouve pas à la hauteur du guichet d'information, mais à l'autre bout du hall; De quoi prendre le temps de réfléchir avant d'appeler…

Je vous ai dit que le piéton était un gêneur. Tenez prenez les vélos. Ce sont des voitures en plus écologiques. Donc il faut promouvoir le vélo. Oui, mais les vélos sont en danger sur la rue et gênent les voitures. Moralité : il faut leur donner de la place…sur les trottoirs. Ceux-ci sont alors découpés en deux, à charge pour les piétons de raser les murs, d'éviter les crottes de chien et de céder le passage aux vélos quand ils doivent empiéter sur la partie vélo pour éviter les poteaux divers qui se trouvent sur la partie "marche à pied".

Le piéton doit se faire rare dans ces conditions, me direz-vous. Surtout lorsque tout se met en œuvre pour limiter son intérêt à sortir. Prenez la Poste. Quand je suis arrivé dans cette commune, elle était ouverte de 8h à 19 h. Puis les horaires se sont progressivement réduits. A partir de Novembre, dans un souci de "meilleure qualité de service du public", une nouvelle avancée va permettre au bureau d'être ouvert de 9h à 12h et de 14h. à 18h30. Comme cela, ceux qui travaillent dans cette ville ne sont pas tentés d'aller se promener à la Poste à l'heure du déjeuner. Cela favorise la circulation des autos et des vélos. J'espère que le trafic va diminuer, sinon nous risquons une réduction de l'amplitude horaire.

Je vous rassure tout de même : les impôts ne sont pas virtuels.

vendredi 12 décembre 2008

Tant qu'il y aura des hommes


Tant qu'il y aura des hommes, il y aura besoin de se nourrir, de se vêtir, de voyager, de consommer. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura une manière de consommer qui ne sera pas forcément écologique ou biodégradable. Alors ils jetteront leurs épluchures, déchets, emballages partout où ils seront. Bien sûr, il peut y avoir des poubelles, des tris sélectifs, des incitations à la propreté, à la bonne éducation, au civisme, au respect des autres…mais tous n'y seront pas sensibles. Certains feront tout de travers par mépris, d'autres par distraction, d'autres par indifférence, d'autres par vengeance…qu'importe, le résultat sera le même : il y aura des détritus un peu partout, dans la rue, dans les cages d'escaliers, dans les monuments, dans les lieux publics, dans les aéroports, dans les voitures,… bref, partout où vous êtes chez vous sans que cela vous appartienne en propre.

Cela arrive même dans les gares. Prenez une belle et grande gare. Pour rassurer le public et être plus disponible, l'agent a fait place à de belles machines automatiques : voulez-vous un billet ? L'automate est là, toujours souriant et accueillant ! Voulez-vous boire ? Des distributeurs de boissons vous tendent les bras ! Voulez-vous un renseignement ? Des panneaux immenses vous informent ! Vous cherchez votre wagon ? Un panneau lumineux vous indique où stationner sur le quai au centimètre près ! Et puis si après cela, vous êtes encore perdu, les autres voyageurs soudés par le destin de leur rencontre fortuite se feront un plaisir de vous guider, épauler, conseiller, orienter, accompagner…

Pourtant, au travers de cet univers automatique, les déchets continuent leur rôle de lien social. Je dirai même favorise l'élévation des hommes. Voulez-vous un témoignage ? Vous voici un matin de décembre dans une grande gare de province attendant votre train. Vous avez apprécié la courtoisie du distributeur automatique de billet, été charmé par les informations du panneau lumineux, ri jaune au composteur de billet, remercié le gentil indicateur d'emplacement des wagons qui vous a assigné une place sur le quai. Bref, la vie humaine chaleureuse et réconfortante comme vous l'aimez. Vous voilà maintenant attendant votre train où vous trouverez le même accueil : une place réservée indiqué par un numéro lumineux (nous sommes loin des petits billets disposés un par un dans le wagon), des annonces par haut parleur…

Soudain, comme venu d'un autre temps, deux personnes traversent votre champ de vision : un homme avec un gilet jaune muni d'une longue pince marche tranquillement sur les voies et ramasse avec sa longue canne les mille et un déchets de notre civilisation de la consommation : papiers, mégots, cannettes… A côté, mais lui sur le quai, son compère avec une veste qui a du être blanche, un drapeau rouge à la main et un cor sur le dos, l'accompagne, le surveille, le protège. Ces deux hommes remontent tranquillement la voie. Ils saluent au passage des collègues qui se hâtent fébrilement vers quelques destinations, s'excusent auprès de futurs usagers du train à venir de devoir leur demander de s'éloigner de vingt centimètres de leur point de rassemblement et continuent leur petit bonhomme de chemin.

Dans une époque où tout s'automatise, ils sont la présence rassurante que tout ne peut être automatisé. Grâce au déchet de notre consommation, nous donnons du travail aux uns et du lien aux autres. C'est promis, demain je jetterai mes déchets à même le trottoir. Je contribuerai ainsi au travail de mes congénères et à permettre au lent déplacement du balayeur dans l'espace de nous montrer la voie du travail à vitesse humaine.

dimanche 7 décembre 2008

C'est la faute au faux hêtre


- Chef, on a volé un arbre.
- Agent des jardins publics Gontran, buvez moins. Rappelez-moi quand vous sera à jeun.
- Chef, je n'ai pas beaucoup bu ce matin, enfin pas plus que d'habitude. Je vous écoute, chef. Mais on a réellement volé un arbre. J'ai regardé. J'ai même cherché à le toucher pour voir si ce n'est pas le brouillard ou un effet d'optique.
- Quel arbre a-t-on volé ?
- Le faux hêtre du Chili.
- Quoi ! Celui inauguré récemment par le ministre de l'écologie et de l'environnement, le maire de Paris et l'Ambassadeur du Chili ! Cela fait à peine un mois. A quelle heure avez-vous constaté cela ?
- Dans le milieu de la matinée. En faisant un tour, j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose. J'ai trouvé. C'est cet arbre.
- Il faisait quelle taille déjà ?
- Trois mètres de haut ! Il avait fallu deux équipes de jardiniers et un camion grue pour l'installer.
- Alors, comment a-t-il pu se volatiliser ? Vous vous êtes renseignés si quelqu'un a vu quelque chose ?
- Personne n'a rien vu.
- Je préviens la police. Il y a un grand trou à la place ?
- Non, chef, pas de trou et c'est bizarre : la terre est dure.
- J'arrive !
Une heure plus tard, le responsable des parcs arrive accompagné de policiers. Ils ne peuvent que constater la disparition de l'arbre. L'enquête démarre mollement.
Le lendemain, tout s'accélère. La nouvelle étant parvenue jusqu'au ministère, le responsable des parcs reçoit un appel d'un conseiller du ministre :
- C'est quoi cette plaisanterie ?
- Ce n'est pas une plaisanterie, monsieur le conseiller. Un arbre a disparu.
- Vous vous rendez compte du scandale !
- Oui, mais nous faisons le nécessaire pour le remplacer.
- Vous n'y êtes pas ! Ce n'est pas un arbre comme les autres. En fait, le Chili hésite à nous acheter des chars Leclerc, ce char extraordinaire que nous n'arrivons à vendre personne. Même l'armée française n'a pas les moyens (ni l'envie d'ailleurs) de l'acheter. Tous les ministères sont mobilisés là-dessus. Cet arbre fait partie de notre stratégie pour amadouer les chiliens. Pour cela, nous avions choisi le jardin de l'Atlantique. Vous voyez le symbole ?
- "Oui, oui", dit le responsable en transpirant à grosses gouttes, "mais…je ne savais pas que le Chili était au bord de l'Atlantique ?"
- Oui, euh non, enfin ce n'est pas important, c'est un symbole. Ah, ça y est ! Oui effectivement, c'est sur le Pacifique. Vous avez un square du Pacifique ?
- Euh, non, mais on peut en changer un de nom, peut-être ?
- Trop tard. Je préviens l'Elysée.
Dès potron-minet le lendemain, plusieurs cars de gendarmes mobiles encerclent les lieux. Des hordes d'inspecteurs s'abattirent dans les logements et les bureaux qui entourent le parc, interrogeant toutes les personnes. Des spécialistes de la police scientifique analysent le sol à la recherche d'empreintes. Le mystère est total. Personne n'a rien vu. Le jardin est clos la nuit par de grandes grilles surplombées par des immeubles. Les films des caméras de vidéosurveillance sont formels : rien à signaler.


Dans le même temps, une équipe de professeurs du muséum des sciences naturelles sont convoqués : où et comment trouver un autre arbre similaire ? Leur réponse est unanime : cet arbre ne pousse qu'au Chili. En France (et en Europe), il y a de vrais hêtres, pas des faux. Donc il faut en acheter là-bas. Les services secrets reçoivent l'ordre de trouver un faux hêtre. Des avions-cargos militaires français partent discrètement en opération sur place, dans le cadre d'un soutien à des pécheurs de baleine en difficulté dans la région.

Malheureusement, suite à un banal contrôle de police, les agents se font prendre sur place avec l'arbre. Or, c'est une espèce protégée. Les mouvements écologistes montent au créneau parlant du piratage des arbres. Le scandale devient retentissant. Finalement, le Président de la République monte au créneau ("faut que je m'occupe de tout, ce n'est pas possible !") désavoue les ministres concernés (qui n'osent dire qu'ils ont suivi ses ordres) et finalement s'envole vers le Chili pour en finir avec cette querelle. Moyennant le prêt (gratuit) de deux chars Leclerc, la présidente du Chili accepte d'oublier l'incident et de regarder d'un œil favorable la candidature de la France à l'appel d'offres de l'armée chilienne. Les choses s'annoncent bien, parce que le choix du char est restreint à peu de concurrents : les Américains, les Russes, les Brésiliens, les Israéliens, les Chinois, les Anglais, les Allemands, les Indiens et Wallis et Futuna.

Sur ordre du Président, le ministre de l'environnement va rendre visite à l'Ambassadeur du Chili pour lui demander un nouvel arbre. Il s'engage à ce que l'arbre soit gardé 24/24 par l'armée. Celui-ci sourit et lui répond : "En fait, nous vous avions offert un faux hêtre. J'ai reçu l'ordre de l'acheter à Jardiland."
- Mais c'est du vol ! reprend le ministre.
- Quel vol ? Il y a bien marqué "faux hêtre du Chili" ? vous auriez replanté un hêtre français, il serait devenu naturellement un faux hêtre du Chili !

lundi 1 décembre 2008

Le grand chaperon rouge

Nul ne sait qui fut le plus surpris : le grand chaperon rouge ou le loup accompagné de son gardien lorsqu'ils se revirent bien des années plus tard. Depuis l'histoire du petit chaperon rouge et du grand méchant loup (vous en avez sûrement vu les images à la télévision à cette époque), il s'est écoulé de nombreuses années. Le petit chaperon rouge avait grandi et était devenue une superbe jeune fille, le grand chaperon rouge. Quant au loup, il était détenue dans un zoo de la région. Mais jamais, au grand jamais, le chaperon rouge avait eu envie de le revoir.

Et les voilà tous deux aujourd'hui qui se rencontre dans la salle d'attente des Perrault & Andersen, psychiatres, anciens chefs de clinique du même hôpital, celui de Grimm.

Malgré les années passées, ils se reconnurent au premier coup d'œil. Le loup avait vieilli, bien sûr, mais son œil et ses dents étaient toujours aussi vifs. Le petit chaperon rouge avait grandi de 30 centimètres, mais ils se revoyaient tous deux comme la dernière fois.

Ce fut le loup qui parla le premier. Le gardien du zoo qui l'accompagnait voulut le faire taire, mais le grand chaperon rouge, d'un petit geste, l'invita à parler.

- "Me voici maintenant devenu vieux; à l'heure de la fin, je voudrai trouver la sérénité en comprenant pourquoi j'ai voulu vous croquer, vous et votre grand-mère. Ce drame est arrivé il y a de nombreuses années, me tourmente toujours. Je suis content que vous alliez bien. Je me faisais du souci à ce sujet. Depuis, je cherche à comprendre pourquoi, au lieu e me contenter des animaux habituels, je me suis attaqué à vous, un enfant alors. Certains disent que c'est la nature. Cela ne me suffit pas. Pour moi et mes congénères, l'enfant est sacré, innocent et naïf. Ce n'est pas un acte de courage que de s'y attaquer. Notre code d'honneur ne nous en donne l'autorisation qu'en période de grande disette. En récompense de mon attitude au zoo, le directeur m'a permis d'avoir des séances chez un psychiatre renommé pour y voir plus clair. Et vous-même, pourquoi êtes-vous là ? "(vous observez que le loup vouvoyait le grand chaperon rouge.)

- "Je repense tout le temps à ce qui est arrivé." Répondit le grand chaperon rouge. " Je vais bientôt me marier et je ne veux pas transmettre mes peurs à mes enfants. Aussi, et c'est aussi ma première séance, je veux comprendre pourquoi cette méchanceté des animaux et de vous en particulier."

- "Ecoutez-moi, gardez ce qui fait votre fraîcheur et votre ouverture, c'est-à-dire votre innocence et votre candeur. Ne sous-estimez pas les conseils d'un vieux loup repenti. Prenez garde aux adultes humains. Beaucoup sont bons et quelques-uns sont très méchants. Nombre d'entre eux sont bons et méchants à la fois. Nous les animaux, nous agissons par instinct. Eux, ils se vengent souvent sur vous des malheurs de leur vie, voire de leur enfance. Ils profitent de votre ingénuité pour déverser leur agressivité sur vous. J'ai peut-être un regard noir, mais je sais ce dont je parle.

Je m'appelle "le loup". Aussi loin que je puisse remonter, je n'ai pas d'autres noms. Je viens ici pour sortir cette hargne, cette agressivité contre les autres. Il y a des millénaires que vos semblables disent que tout est de ma faute, que je suis la mal incarné. Et pourtant, j'aime les enfants. Mais à force de me faire chasser, de recevoir des pierres, des flèches ou des coups de fusil, je suis devenu méchant. Si j'ai mangé votre grand-mère et vous ai attaqué, c'est pour me venger de ce que vous avez fait de moi.

- "Ce que dites me touche beaucoup. Depuis cette période, j'ai beaucoup observé les gens autour de moi. Je regarde mes camarades, les autres enfants et les adultes qui vivent autour de nous. Je me pose la question : le vrai coupable es-ce bien vous ? Nous autres êtres humains sommes nous tous bons ? La violence des adultes est parfois pire que celle des loups. Vous, vous ne savez que mordre et croquer. Mais l'adulte humain ? Avec la voix, le ton, le verbe, il fait parfois beaucoup plus de mal. Les mots ne sont que des mots, mais ils vous touchent, ils vous blessent, ils entrent profondément en vous. C'est parfois très agréables à entendre. D'autres fois, c'est sacrément douloureux.

Vos morsures, les docteurs peuvent les soigner, les faire se cicatriser et les faire disparaître. Les coups de pattes de vos frères ou les coups de bâtons des adultes vous pouvez les esquiver. Les mots, eux, ils entrent en vous. Vous pensez les avoir oubliés, mais 10 ans, 20 ans, 30 ans plus tard ils sont toujours là. Ils agissent sournoisement au moment où vous y attendez le moins."

- "Ca c'est bien vrai" reprit le gardien du zoo qui écoutait attentivement la discussion."Je trouve que les animaux sont bien plus clair que nous autres adultes. Quand je vois comment les hommes tancent leurs enfants dans le zoo, je trouve que la violence des adultes est cruelle. L'oursonne, elle, demande simplement à manger et à dormir. Elle s'occupe de sa progéniture et ne les bat que s'ils désobéissent aux règles ancestrales. Les parents qui visitent le zoo continuent souvent leurs disputes familiales au sein du zoo et ce sont leurs enfants qui en pâtissent."

- "Comment faites-vous chez vous les loups pour éviter cette violence sous toutes ces formes ?" continua le grand chaperon rouge.

- "Nos parents nous enseignent la vie en communauté, la solidarité et surtout, surtout d'en parler. Ils nous apprennent à reconnaître les phases d'alarme et d'escalade quand l'émotion nous submerge et peut nous conduire à des gestes irraisonnées. C'est grâce à cela que nous autres, animaux, nous nous battons parfois pour savoir qui sera le chef, mais nous ne nous entretuons pas."

- "Nos parents nous enseignent" reprit le chaperon rouge"de nous taire et de respecter le adultes. Ils ont toujours raison, disent mes parents. Du coup, lorsque je me sens insultée ou méprisée, j'évite d'en parler, je veux même l'oublier et je culpabilise. Est-ce sain ? Est-ce comme cela que je veux élever mes enfants? Dois-je leur apprendre à exprimer par des mots cela ? C'est cela que je viens savoir. Je ne connais pas le docteur Perrault mais j'en ai eu de bons échos; Il paraît que c'est une femme. Elle saura me comprendre. Et vous, qui venez-vous voir ?"

- "Je viens voir aussi le docteur Perrault. L'ours qui vit près de moi au zoo s'est fait soigner par elle. C'est effectivement une femme. L'ours avait des complexes d'aimer trop le miel. Maintenant, il est plus à l'aise avec sa gourmandise."

A ce moment, la porte s'ouvrit, le docteur entra et avant d'avoir pu inviter la patiente suivante à entrer, le grand chaperon rouge se leva et cria "Oh grand-mère !!!".

samedi 22 novembre 2008

Chronique de Paris et du réchauffement climatique (série 1)


Paris, 18 novembre 2048


Vous venez de recevoir un courrier de la ville de Paris. Votre palmier 991 QL 75 situé devant votre immeuble n’a pas été arrosé depuis une semaine. Il est vrai que maintenant, avec la saison sèche qui s’étale d'avril à décembre, chaque habitant est responsable de l’arrosage d’un arbre dans Paris. L’équation est simple : 5 millions d’habitants = 5 millions d’arbre. Les arbres sont numérotés et identifiés. Il est clair que c’est le vôtre. Vous pouvez toujours écrire et rétorquer que vous étiez en déplacement et que vous en aviez confié la tâche à votre voisine, qu’elle est malade et que c’est pourquoi, etc. Cela ne suffit pas. Quand il fait 37°5 en moyenne et que l’eau est rare, chacun est responsable devant les autres.


C’est vrai que depuis quelques années, le réchauffement climatique est une réalité. Vous vous rappelez vos jeunes années, il y a quarante ans, quand Paris Plage en été fonctionnait un jour sur deux entre deux pluies, quand le mois de Novembre annonçait les frimas de l’hiver. Maintenant, il n’y a plus de Paris Plage : la mer est à Mantes la Jolie, à une demi-heure par train. A quoi bon se baigner dans la Seine ? De toute façon, le niveau a baissé. Les climatologistes promettent que dans 50 ans, vos enfants pourront par endroit la traverser à pied.


L’hiver dure trois mois, de décembre à mars. Et encore ! La température tombe à 19° lors de la nuit la plus froide. Quand la pluie tombe, c’est la fête ! Tout le monde sort dans la rue et danse. Il y a même de nombreux petits malins qui amènent leur shampooing et leur gel douche et en profitent pour se laver. Il n’y a pas de petites économiques. Quand l’eau est 47,5 euros le litre (en euros 2008 = 1, 20 euros), il faut en profiter. Ceux qui recherchent la chaleur descendent sur la Côte d’Azur : la température est alors de 30° (pour 45° en été, la nuit…)


En été, la chaleur devient étouffante : les plus fortunés partent respirer dans leur résidence secondaire au Danemark où il fait seulement 25° ou bien encore, pour les plus riches au Zaïre : l’Equateur bénéficie encore de bonnes pluies et d’une température correcte.


La vie reste agréable. Dès que vous sortez de votre appartement climatisé, un sas vous permet de vous adapter à la température de la rue. Vous mettez alors votre masque à oxygène et vous partez à vos rendez-vous. C’est d’ailleurs la seule bonne raison de sortir parce que vous travaillez le plus souvent en télétravail (vous faites d’ailleurs nombre de rendez vous par vidéo). La nourriture est chère, puisque les pommes de terre viennent de Sibérie par exemple. Heureusement la journée de travail est limitée à 4 heures. Un bandeau sur votre bras permet aux policiers de surveiller (à distance par caméra) si vous êtes autorisés à sortir à cette heure-là. Il y a ceux du matin, ceux du midi, de l‘après-midi… (Les malins se débrouillent entre eux pour se prêter leurs bandeaux). Il est vrai qu’avec 27 millions d'habitants dans l'agglomération parisienne , si tout le monde sortait en même temps…


Pour les sorties du soir et du weekend (il commence le jeudi soir), le même badge vous permet de sortir six heures de suite. Malheur à ceux qui n’ont pas le même badge de couleur que leur conjoint ! Ils doivent sortir séparément (les bandeaux vous sont donnés à la naissance). Cela devient rare : les gens finissent par se marier entre bandeaux de même couleur. Cela donne néanmoins le prétexte à des histoires romantiques : un anglais a écrit une belle histoire autour de l’amour tragique de Roméo (bandeau bleu) et de Juliette (bandeau rouge).


La prochaine fois je vous parlerai des transports et du logement.

samedi 15 novembre 2008

On a marché sur la Somme


Lettre ouverte à l'Ambassadeur de Chine et aux médias

Monsieur l'Ambassadeur, mesdames, mesdemoiselles et messieurs les journalistes, vous avez célébré il y a quelques semaines la sortie dans l'espace des Taïgonautes chinois. Bel événement, magnifique réussite et vous avez eu raison de le faire.

Dans le même temps, un autre évènement étonnant, magnifique, palpitant, fantastique, surprenant ..(et j'en passe) se produisait à Amiens : on a marché sur la Somme. Un jeune picard, dont je tairais le nom par discrétion s'est lancé dans la folle aventure.

Un entraînement de haut niveau

Il lui a fallu de nombreuses années d'entraînement. Il a commencé d'abord au dessus de flaques d'eau, puis progressivement sur des ruisselets, des rus, des ruisseaux avant de pouvoir traverser un premier fleuve : la Veule. . Une préparation physique à base de marche à pied, de vélo et de voiture (pour ne pas se fatiguer) lui a donné le tonus. Vous complétez cela par une alimentation saine, à base de ficelle picarde, de maroilles, de tuiles, de macarons et de battus … bref, tout ce qu'il faut pour rester léger, souple et dynamique.

Même pas mouillé

L'évènement a eu lieu le 25 septembre, en plein quartier Saint Leu. La ville était en fête pour cet évènement et les maisons décorées. La traversée du fleuve qui aurait pu lui prendre deux ou trois minutes a en fait duré un bon quart d'heure, le héros du jour prenant le temps de s'arrêter, de se retourner, de saluer la foule. Accueilli à son arrivée par les notables locaux, il a été fêté comme il se doit. Nous avons pu recueillir ses premières impressions :

"Je tiens à remercier tout d'abord mes sponsors pour le soutien matériel et moral qu'ils m'ont apporté. Je citerai particulièrement Schaetjens, Trogneux, les Pompes funèbres et Désérable pour le montant de leur contribution. C''est grâce à un savant dosage de genièvre, de ficelle picarde et de maroilles que je peux accomplir cet exploit et me sentir tout léger.

Je me demande d'ailleurs comment mon prédecesseur, un Galiléen dont on a perdu le nom, a pu le faire sans ces précieux aliments.. Que dire de ma traversée ? Au plaisir du premier contact avec l'eau succède la joie de marcher, planer, voler au dessus de l'eau. Grâce à mes chaussures sur coussins d'eau, des "Nick water", mes pieds restent au sec.

Mes projets d'avenir : traverser la Manche, ouvrir une école de marcheurs sur l'eau, en faire une discipline olympique…Oui, je crois que j'ai ouvert la voie à d'autres. En Picardie, nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons du talent ! Je suis étonné sur le silence médiatique sur cette grande région."

Je terminerai cette lettre en adressant un message à tous les sponsors, mécènes et soutiens qui peuvent aider ce jeune picard. Voici un investissement rentable.

dimanche 9 novembre 2008

L'esprit de participation


- Monsieur Gervais Gagné, vous êtes l'un des représentants du Quebec pour le Comité Olympique. De passage à Paris, merci de nous accorder quelques minutes pour venir parler à notre micro, celui de Radio Sport, la radio leader sur le segment des sportifs de 37,5 à 39 ans.
- C'est un honneur pour moi de parler ici. Je tiens à préciser que je m'occupe du sport à moyen et bas niveau.
- Ma première question porte sur l'excellence des résultats du Canada aux derniers JO. Comment un pays si peu peuplé peut faire aussi bien ?
- L'esprit sportif est très développé dans notre belle province et nous faisons tout pour l'encourager.
- Donnez-nous quelques exemples.
- Par exemple nous faisons tout pour que les gens courent toute la journée : lorsqu'ils vont à leur travail, pendant la journée et quand ils en reviennent. Nous créons des conditions qui les mettent en compétition, par exemple pour arriver ou rentrer à l'heure. Nous sommes soutenus par de nombreux employeurs sponsors de l'opération qui mettent la pression sur les horaires.
- Est-ce que cela ne relève pas seulement de la course automobile ?
- Pas seulement. Les distances du parc de stationnement au bureau se sont accrues. Les ascenseurs sont plus souvent arrêtés qu'auparavant. Bref, quand le matin vous devez courir 500 mètres puis grimper quatre à quatre six étages, vous démarrez bien la journée. Il en est de même le soir. Un goulot d'étranglement à la sortie incite à la course pour partir au plus vite.
- Un autre exemple ?
- Nous avons un programme spécial "femme" : les crèches sont maintenant en étage, sans ascenseur, avec un stationnement difficile à proximité. Ce programme fait suite au projet "Poste" qui marche très bien.
- Qu'est-ce que le projet "Poste"
- Le ministère du revenu, sponsor de l'opération, envoie régulièrement (2 à 3 fois / an) des demandes d'information aux citoyens de l'âge d'or (vous les appelez chez vous les seniors) avec demande de réponse sous 24 heures sous peine d'une surtaxe de 10%. La Poste, deuxième sponsor, limite dans le même temps ses horaires d'ouverture. Résultat : lorsque la campagne est annoncée dans les médias, les citoyens concernés attendent le courrier en survêtement, le remplissent et courent à la Poste.
- C'est bon pour la santé ?
- Les médecins ont constaté une baisse des accidents cardiaques et une meilleure tonicité chez leurs patients.
- Fantastique ! Prochain projet ?
- Nous allons lancer un programme sur la course rapide. Nous avons mis en place des chronomètres sur le temps optimal pour traverser les rues. Les piétons ont aujourd'hui entre 15 et 30" pour traverser la chaussée. Nous allons progressivement réduire ce temps.
- Jusqu'où allez-vous faire cela ?
- Quand plus de la moitié des piétons n'arrivera pas à temps de l'autre côté, nous suspendrons le temps.
- Le gain attendu ?
- Des gens sains dans un corps sain. Un esprit sportif à tout instant et une envie de réussir.
- Monsieur Gervais Gagné, je vous remercie et vous souhaite bonne chance avec votre programme.

samedi 1 novembre 2008

Je suis une troupe de théâtre à moi tout seul


Je suis pour vous un comédien, un saltimbanque, un tragédien, un comique, …que sais-je encore ! Je suis un artiste, vous l'aurez compris., mais pas un artiste comme les autres. L'artiste "habituel", lui, il prépare et répète son rôle, s'entraîne et, au moment de la représentation, il se concentre et se lance en scène en donnant le meilleur de lui-même pour son plaisir et se celui des spectateurs.

Puis, la représentation terminée, après les acclamations et les rappels, il se réfugie dans sa loge, fourbu, épuisé, mais heureux.

Moi, je suis un comédien d'un autre style. Je prépare la scène et la salle, j'accueille les spectateurs, vérifie s'ils ont le bon billet pour la même salle, les installe, décore la scène, vérifie les éclairages et le son, mets en place les affiches.

Une fois que les spectateurs sont (quasiment) tous là, je débute la représentation, joue en même temps les monsieur Loyal et l'Auguste et fais participer les spectateurs. Le show est lancé. A l'entracte, j'ouvre le bar, les rafraîchissements et lance rapidement la sonnerie de fin de pause.

Mon spectacle peut durer une heure ou une journée, deux jours, trois jours…Il peut être en un seul temps ou en plusieurs moments espacés dans le temps. A chaque fois, je vais devoir monter la scène, gérer les spectateurs, puis une fois le spectacle fini, démonter le tout et ranger les décors.

Si mon spectacle est en plusieurs temps, il faut réintégrer les spectateurs dans le lieu, le temps et le moment où nous nous sommes arrêtés. Bien plus, l'inclusion de mon public dans mon spectacle fait que ceux-ci le font varier d'un jour à l'autre. Il ne me suffit pas de répéter le même texte. Il faut improviser, s'adapter en permanence, tout en gérant les impatients, les bavards, les endormis, les passionnés…

Je suis une troupe de théâtre à moi tout seul. Que dis-je une troupe de théâtre ? Une entreprise de théâtre, parce que je transporte mes décors, le matériel. Il n'y a peut-être que les chaises et les murs qui restent sur place.

Je me rappelle avoir invité une troupe de vrais comédiens ambulants venir donner un spectacle dans une ville où je résidais. C'étaient des belges. Ils étaient bien organisés. Ils arrivèrent dans un grand autocar avec quelques sièges allongeables et un vaste emplacement pour leur matériel. Ils nous demandèrent quelques volontaires pour décharger, installer et remballer leur matériel. Les sièges confortables permettaient aux artistes de se reposer et de se détendre avant et après. Quels professionnels ! Moi, c'est plus prosaïque : je reprends le métro, le bus ou le train avec tout mon matériel et mon savoir. Parfois la voiture, c'est plus confortable, mais pas plus reposant.

Et pourtant, j'aime mon métier, son côté renouvelé tous les jours, les petits malheurs et les grandes joies qu'il me procure. Je suis une troupe de théâtre à moi tout seul ! Qui suis-je ? Un formateur, tout simplement. .

samedi 25 octobre 2008

Coupable de plagiat ?


- Accusé, levez-vous et déclinez votre identité
- Monsieur le Juge, je suis le cône de chantier XZ2622.5, née le 12 juillet 2002 à l'usine de plasturgie d'Oyonnax.
- Vous êtes accusé de plagiat de l'œuvre de l'artiste Pom'de Reinette. Votre déguisement exposé au regard de tous est copie conforme selon le plaignant de son œuvre et dégrade son image. Qu'avez-vous à répondre ?
- Monsieur le Juge, je ne connais pas cette œuvre, ni cet artiste. Je suis un travailleur manuel, un ouvrier. Je travaille tous les jours sur des chantiers. Je n'ai pas le temps, le courage ou la force d'aller au musée.
- Pourtant les experts ont noté une grande similitude avec cette œuvre.
- Je ne comprends pas monsieur le Juge
- Monsieur le Juge, je suis l'avocat de l'artiste. Je suis surpris de la mauvaise foi du plaideur. Il a fallu six mois de tension créative, 12 boites de Doliprane, deux ruptures amoureuses et 18 cônes détruits pour que Pom'de Reinette arrive à ce chef d'œuvre, convoité par tous les grands musées. Le préjudice estimé par mon client s'élève à 1.463.242 euros et trois éclairs au chocolat plus un pain au chocolat double barre. Cela inclut la copie de l'œuvre, le préjudice subie, la provocation et l'achat des éclairs et du pain au chocolat.
- Provocation ?
- Oui, monsieur le Juge, ce monsieur a eu l'outrecuidance de venir narguer l'actuel heureux propriétaire de l'œuvre dont je tairais le nom par confidentialité. Il a été vu et photographié durant de nombreux jours devant le 23 de l'avenue Kleber Paris 16ème.
- Monsieur le Juge, j'ai mis dans mon dossier une lettre de mon employeur attestant qu'il avait été mandaté pour un chantier dans cet immeuble et que je m'y trouvais pour assurer la sécurisation des accès. Comprenez l'indignité que j'ai vécue : en pleine journée, devant tous mes collègues et le public, un avocat, un huissier de justice et un car de police au grand complet sont venus m'embarquer comme un vulgaire malfrat. Qui va me payer mes journées de non-travail ?
- Monsieur le Juge, en tant qu'avocat de l'artiste, je réfute cette argumentation. Vous devez prendre en compte les infortunes de l'artiste et du possesseur de l'œuvre. J'ai ici des témoignages écrits (courrier, mails…) qui montrent que mes clients sont dénigrés : pensez que le propriétaire de l'œuvre a investi trois millions d'euros pour s'entendre dire qu'il a volé un vulgaire cône de chantier. Comment soutenir la création artistique ? Comment encourager les mécènes et la culture dans ces conditions ?
- Messieurs, en tant que Juge, je n'ai pas à m'occuper du marché de l'Art, mais simplement de constater s'il y a préjudice ou non. Monsieur le cône, avez-vous des explications à me donner ?
- Monsieur le Juge, j'ai d'abord travaillé trois ans dans une entreprise de travaux routiers. Après avoir été plusieurs fois accidenté à cause de voitures un peu trop impétueuses, j'ai décidé de changer d'employeur. J'ai été travaillé dans le bâtiment, dans une entreprise de peinture où je sécurisais les échafaudages. Quand vous passez vos journées le long de ceux-ci, il faut s'attendre à recevoir des projections de peinture. J'ai eu beau demander un ciré de protection, cela m'a été refusé. Tout ce que mon employeur a fait a été de me muter dans sa filiale de ravalement où je travaille actuellement. C'est comme cela que je suis arrivé avenue Kleber. Je demande ma relaxe, le paiement des jours non-travaillés et une boite de macarons à titre de réparation des préjudices.
- Très bien. Je vous remercie. Le jugement est mis en délibéré et sera rendu sous huitaine.

Au moment où nous publions cet article, le cône a été relaxé, mais interdit de chantiers en Ile de France. Il n'a pas souhaité faire appel du jugement, ayant entretemps été embauché par la galerie "œuvres du hasard" du Musée d'Art Moderne de New York

samedi 18 octobre 2008

La vie du compagnon de l'artiste


La vie d'artiste, c'est bien : des représentations, des spectacles, des applaudissements, la célébrité et la gloire (parfois). Cette vie peut être fort agréable. Evidemment, vous allez me dire, tous n'arrivent pas au faîte de la gloire. Les intermittents du spectacle qui travaillent deux jours par an, cela existe. Toutefois, ma moitié, elle ne connait pas cela. Vous l'avez peut-être déjà vu ou remarqué : oui, c'est elle qui est sur le cheval (et moi qui suis assis sur le socle).

Elle s'appelle Jeanne, elle vient de Lorraine, d'un petit village dont je ne me rappelle plus le nom. Nous nous sommes connus ici. Remarquez que je ne l'ai pas connu pendant ses heures de gloire où elle enchainait tournée sur tournée en France, avec des foules qui la suivaient. Depuis que nous sommes ensemble, moi, elle et son cheval, elle est sédentaire. Elle n'est pas retombée dans l'anonymat pour autant. Il y a plein de gens qui viennent la voir, lui porter des fleurs, parfois ils même ils lui tiennent des discours en célébrant sa gloire. Je ne comprends pas grand-chose à ce qu'ils disent. Elle, elle rigole en les voyant, le 1er mai, célébrer la république avec tous leurs drapeaux.

Moi, je viens de Picardie. Enfin, mon père est d'origine picarde, mais je suis né à Rouen. Je ne sais pourquoi, cela l'énerve quand j'évoque ma ville natale, la rue de la grande horloge, ses places…Bref, ne voulant pas me fâcher pour si peu, je ne lui parle ni de Rouen, ni de la Normandie d'ailleurs. Je dis que je suis Picard et cela passe mieux. Il y a aussi les anglais qu'elle ne supporte guère. Dès qu'il y a de touristes anglophones (il y en a pas mal dans le quartier), elle se redresse sur son cheval et on dirait qu'elle va partir en guerre. Je tremble toujours qu'elle descende précipitamment du socle et se blesse.

Vivre avec une artiste n'est pas toujours très simple. J'ai l'impression qu'elle est toujours en représentation. Pas moyen de se promener discrètement tous les deux la main dans la main. En plus, elle passe un temps fou à astiquer ses bottes, faire rutiler son armure, parer son cheval…Bref, à être en costume de scène. Moi, à côté, je fais "plouc". J'ai essayé de mettre une armure ou une cotte de maille, mais le poids et la chaleur là-dedans me dérangent. Et puis le cheval ! Vous voyez comme elle tient en équilibre sur le socle. Son cheval, bien dressé, reste calme, tranquille. J'ai pris discrètement des cours d'équitation. Même le maître de manège n'arrivait pas à garder son cheval aussi calme. Je suis fier d'elle.

Ma vie n'est pas simple. Quand elle a une mouche qui la dérange, c'est toute une expédition d'aller la chasser. Simplement lui parler me donne des torticolis. Le médecin voudrait que j'achète des échasses. Des échasses ! Moi qui ai le vertige quand je monte sur un escabeau. En plus, ce n'est même pas rembourser par la Sécu. Il faut quand même que je trouve une solution. Avec la circulation automobile actuelle, le bruit est tel qu'on ne s'entend plus. Surtout que nous avons plein de sujets sérieux à traiter : allons-nous nous marier ou non ? Moi, j'aimerai bien la mairie, l'église, la fête. C'est important un mariage. Mais elle, l'église, elle ne veut pas en entendre parler. Cochon (ou Cauchon ?) elle n'arrête pas de dire. Ce doit être quelqu'un qui l'a embêté. En tout cas, cela lui chauffe les oreilles.

Il faut que je vous laisse. Il y a un car de touristes anglais qui arrive. Je vais lui parler pour la calmer. Au revoir.

samedi 11 octobre 2008


Vive la crise !

Mesdames, messieurs les lecteurs de notre magazine, merci de votre fidélité et de la confiance que vous nous témoignez. Cette semaine, devant le choc de la crise financière, nous avons envoyé un reporter à Londres interroger les malheureux traders chassés par dizaine de milliers des grandes banques. Voici son témoignage :

- "Je me trouve actuellement près de la city, au bord de la Tamise, pour être précis. Regardez sur la photo le spectacle désolant que je peux contempler : de pauvres hères semblent chercher leur pitance sur les berges du fleuve. Quelle tristesse ! Je vais m'approche d'eux pour les interviewer. (Quelques instants plus tard) Bonjour, je suis "très grand reporter" du e-magazine DALETTRES. Vous connaissez ?
- Oui, bien sûr, répondent-ils en chœur. Nous le lisons régulièrement. Cela nous sert de moment de détente entre des périodes de fortes tensions.
- Vous, monsieur, qui êtes-vous et que vous faites-vous ici ?
- Je suis R.J et j'étais trader à la BSR. J'ai perdu mon emploi la semaine dernière.
- Que ressentez-vous ?
- De la joie. Je n'en pouvais plus de ce métier. Je ne dormais plus, je ne voyais plus personne et maintenant, je suis libre, LIBRE !
- Que faites-vous sur cette berge ?
- Je cherche des coquillages.
- Des coquillages ?
- Oui, quand j'étais petit, j'adorais collectionner des coquillages. Puis ce fut le temps des études et du travail et je n'avais plus de temps. Je me promettais qu'à ma retraite, je chercherais des coquillages. Maintenant, je ne suis pas en retraite, mais je peux le faire et je le fais. Je veux bâtir une sculpture ici même et me lancer dans l'art "coquillage". Vous êtes ici dans ma galerie privée : le droit d'entrée est de 10 livres sterling (c'est le tarif pour la presse). Pas de photos, s'il vous plaît ou alors vous devez m'acheter les droits.
- Cela marche ?
- Oui, je viens de vendre mes premières œuvres à des collectionneurs. C'est plus rentable que d'acheter de l'or m'ont-ils dit
- Et vous ? (en m'adressant au seconde personnage).
- Moi, je travaillais à ZZB. J'étais responsable du service titres. J'ai perdu mon emploi il y a quinze jours. Je suis en train de me reconvertir. Je monte "London-beach", une plage en plein centre de Londres pour permettre aux gens de se détendre.
- Où est-ce ?
- Ici même, d'ailleurs, vous êtes sur mon terrain. Je vais vous demander de payer les quinze livres sterling d'accès.
- Vous plaisantez ? Nous sommes à l'automne. Cette berge appartient à la ville et est recouverte à chaque marée !
- Ici, à la City, c'est la loi du premier occupant. Et puis, à Londres, si vous attendez le beau temps pour aller à la plage, vous n'y allez jamais. Nous avons l'habitude. D'ailleurs, regardez : j'ai des clients et j'ai même loué un parasol. Ici, j'ai du refusé du monde !
- Je me tourne maintenant vers la personnage qui a "loué" le parasol. Bonjour, vous louez un parasol et pourtant il pleut ?
- Vous obtenez un meilleur prix quand il pleut. Je le relouerai à quelqu'un d'autre dès qu'il y aura du soleil. Je rentrerai dans mon argent avec même un petit bénéfice. Que demander de plus ? D'ailleurs, vous êtes sous mon parasol. Je vous demande seulement cinq livres pour l'usage d'une partie de mon parasol.
- Quoi ?
- Faites comme moi. Attendez quelqu'un et revendez-lui votre emplacement.
- …


Mesdames, messieurs, comme le reportage de notre "très grand reporter" le prouve, tout ne va pas si mal à Londres puisque les affaires continuent. C'est sur cette note positive que nous terminons en vous souhaitant une bonne semaine.

lundi 6 octobre 2008

Le marché de l'art à Londres


Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bienvenue dans la galerie CrossXdes, la galerie d'art la plus branchée de Londres.

Je vais vous présenter quelques-unes des œuvres d'art que nous allons mettre en vente dans les minutes qui suivent. Nous sommes très fiers de vous présenter en exclusivité quelques oeuvres "électriques" voire "électroniques" qui reflètent l'harmonie, l'affection et le bonheur qui transparaissent dans la période heureuse que nous vivons aujourd'hui.


La première œuvre que je vous présente s'appelle "Ring". Elle est l'œuvre de Louis Renault. Le titre fait allusion au boulevard circulaire qui entoure Londres. L'artiste y exprime le mouvement, la vie perpétuelle qui animent notre vie quotidienne. Il a choisi un losange parce que, selon lui, la vie n'est pas un cercle parfait. Ce losange exprime le mouvements incertains de la vie et les dures moments, notamment, lorsqu'il faut tourner sur les deux grandes pointes. Néanmoins, ces moments passent et le trafic ("la vie") continue. Pourquoi l'orange ? Il y a plusieurs raisons : dans la symbolique en Occident, l'orange est associé à l'énergie. Dans la symbolique bouddhiste, la couleur orange désigne le second chakra du corps humain qui fait le lien vers la créativité et le dynamisme. Les moines bouddhistes se drapent d'ailleurs dans des vêtements de couleur orange. Pour Louis Renault, la vitesse de la vie fait qu'elle paraît monocolore. C'est un principe de physique : faites tourner rapidement une roue colorée de diverses couleurs et à grande vitesse, vous ne verrez plus qu'une couleur. Cette œuvre vous est proposée à 156.789 livres sterling.


La deuxième œuvre est d'Electre Cité de France. Elle s'intitule "Et la lumière fut". Elle symbolise la création du monde et…de la lumière. Pour Electre, il y a la lumière créée le premier jour et le soleil créé le troisième jour. Elle en déduit qu'il y a eu, dans l'entre-temps, un court circuit qui a obligé le Créateur du monde a recréé quelque chose le troisième jour. Son œuvre symbolise le passage entre le premier et le troisième jour, un côté inachevé, presque prêt à réussir, mais qui pourtant ne marche pas et ne servira jamais à rien. Ce moment de l'instantané ne vaut que 98.763 livres sterling.


La troisième œuvre est de Brit Ishenergy, un artiste anglais qui monte vite en ce moment. L'œuvre présentée ici est "Big Bang". Il représente ici ce qu'était l'univers avant le big bang : un concentré d'énergie qui ne demande qu'à exploser et à se réaliser sous forme de matières. Nous précisons que nous vendons 1m² de pavage avec, parce que toucher l'œuvre directement pourrait vous causer un choc électrique dangereux. C'est une œuvre très forte, très vivante, qui va dynamiser votre collection. Le prix de l'œuvre est de 212.564 livres sterling, ce qui, au prix du kw/h actuel, est très raisonnable.


Enfin, la quatrième et dernière que je souhaite vous présenter, s'intitule "avant après le soleil". Elle est l'œuvre d'Hon Brel. Elle représente la tension qui existe en chacun de nous après une exposition à la lumière et avant son retour. Les trois objets symbolisent le système ternaire sur lequel repose notre monde : l'éclair au chocolat, les macarons et les frites. Il a fallu six ans de travail acharné à l'artiste pour trouver les emplacements exacts de ces trois objets. Un relevé de métreur est fourni avec l'œuvre pour vous permettre de garder la juste et bonne disposition. L'artiste dégage toute responsabilités des bonnes et des mauvaises choses qui peuvent arriver si ces indications ne sont pas respectées. L'œuvre est proposée au prix de 111.111 livres sterling.


Je vous laisse quelques instants admirer toutes ces œuvres. A tout de suite.

samedi 27 septembre 2008

L'ours en fleurs


Oui, je suis un ours en fleurs. Ne me regardez pas bizarrement. Je ne vois pas ce qu'il y a d'étrange. Les arbres en fleurs, est-ce que cela vous choque ? Et les jeunes filles en fleurs ? Alors, pourquoi les ours ? Il y a des ours stars de cinéma, des ours polaires, des ours artistes de cirques. Moi, je suis un hippie. Ce n'est plus à la mode ? Tant mieux, je suis alors en avance. La mode, cela va et vient. Si ce n'est plus à la mode, c'est que cela le reviendra tôt ou tard. D'ailleurs, il n'y a que vous que cela choque. Les "locaux" n'y font même plus attention.

Moi et ma famille venons d'Europe Centrale. Là, dans les montagnes, la nature est restée accueillante. Nous étions la famille ours du conte "les trois ours", ceux qui recueillent la gentille petite fille perdue dans la forêt. A la suite de cette histoire, des imprésarios nous ont proposé une tournée à travers l'Europe. Comme mes parents ont mal lu le contrat, cela s'est mal terminé : Mon père s'est retrouvé dans un cirque et moi et ma mère dans un parc des Pyrénées. Après avoir souffert de la bêtise des hommes, je me suis enfui. Je suis devenu hippie : "peace and love", "tout le monde s'aime", … Le jour je reste sagement à ma place. La nuit tombée, je pars me promener et vais raconter des contes aux enfants avant qu'ils s'endorment. Je suis devenu l'assistant du marchand de sables.

Vous aimez les contes ? En voici un pour vous : Un ours se plaint de son sort : "Un ours, c'est doux, c'est gentil. Cela se nourrit de fruits et de miel lors de ses promenades dans la montagne. Comme nous sommes grands et forts, les hommes ont peur de nous et nous chassent. Nous, on ne tue que pour manger et c'est nous qu'ils qualifient de cruels. C'est injuste. Je vais me plaindre au Roi des Animaux." Il descend de sa montagne en quête du Roi. En chemin, il croise un coq qui lui demande où il va. A entendre son récit, le coq lui dit alors : "moi aussi je vais avec toi. Je passe mes nuits dehors sur un bout de bois à guetter l'aube et à chanter l'heure du réveil. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, je suis là alors que mes collègues de la basse-cour sont au chaud. C'est injuste !" Un peu plus loin, ils croisent une abeille qui leur demande ce qu'ils font ensemble et où ils vont. Les plaintes de ceux-ci l'incitent à se joindre à eux : "Moi aussi je veux aller voir le Roi des Animaux. Je ne suis qu'une ouvrière et je passe mes jours à butiner à droite et à gauche pour nourrir ma Reine. Tout le monde me vole mon travail : les hommes, les ours, ma Reine…J'en ai assez."

Ils arrivent tout trois auprès du Roi des Animaux qui les écoute avec attention. Il propose à l'ours de se reposer dans son garde manger, au coq de dormir dans une belle chambre et à l'abeille de ne rien faire et d'être nourrie. Quelques jours plus tard, l'ours, ayant mangé toutes les provisions, se plaint d'avoir faim. Lecoq qui s'est empâté, oublie de donner l'heure et l'abeille dépérit.

Le Roi les convoque à nouveau : "Tu regrettes déjà" dit-il à l'abeille "de ne pas butiner ? Tu as un noble destin, celui de nourrir ta Reine et de faire plaisir aux hommes. Retourne à ta tâche avant de mourir d'ennui. Et toi, as-tu déjà oublié ton rôle ? Comment la basse cour et les hommes sauront le temps si tu n'es pas là ? Cours à ton perchoir pour donner le temps. Tu as le reste de la journée pour dormir. Quant à toi, l'ours, tu te gaves sans souci. Tu as la chance d'être grand et fort pour te nourrir et jouer à ta guise. Sans cela, tu passerais ton temps à te protéger et à te défendre des autres."

Ce conte vous a-t-il plu ? Je sais que la nature profonde de mon espèce est de s'amuser et de faire plaisir. Et vous, quelle est votre fonction ? .

mardi 23 septembre 2008

Un mariage au bout du monde ?


Madame, monsieur,

Nous vous remercions d'avoir proposé à notre chaîne de télévision l'exclusivité de votre production d'une œuvre dite de télé-réalité. Notre commission en charge des programmes a étudié avec soin votre dossier. Nous tenons à vous dire que votre dossier était remarquable. Malheureusement nous sommes au regret de vous dire que nous ne pouvons donner suite à votre proposition. La commission a estimé qu'il s'agissait d'une œuvre qui pourrait choquer grands et petits.

Afin de vous aider à revoir votre copie, voici quelques commentaires du comité qui peuvent vous orienter dans cette démarche (les commentaires de la commission sont en italique) :

Vous souhaitez organiser un mariage de parisiens dans un village quasi abandonné (le jour de l'élection des sénateurs, c'est se moquer des représentants de la France profonde). Vous avez trouvé 80 figurants (Qui les paye ?) prêts à se réunir dans un lieu à route à sens unique (Infaisable : beaucoup se perdront sans compter les embouteillages et les bouchons. A l'heure où le gouvernement veut réduire les accidents ! ). Le mariage est organisé par les enfants des mariés (Atteinte à la dignité des enfants : imagine-t-on une femme arrivant au bras de son fils ?). La cérémonie à la Mairie sera assurée par un ami non élu pendant que le Maire regarde tranquillement la scène (Provocation !). Un vin d'honneur sera offert dans la rue (Incitation à boire de l'alcool sur un espace public. Prévenir la gendarmerie). La cérémonie sera sponsorisée par les producteurs locaux de lavande, une marque de champagne et une société de construction ("Serre") qui affichera un grand panneau publicitaire à l'entrée de la Mairie du style "pendant le mariage, les travaux continuent" (A quand le mariage républicain dans les grandes surfaces avec l'appui de Red Bull ?).

Puis les invités se retrouveront dans une commanderie des templiers suisses (Pourquoi pas Fort Boyard ?) située sur un autre piton avec une route à sens unique (Avec tout ce que dépensent pour l'entretien des routes le Conseil Régional et le Conseil général depuis les lois de décentralisation, c'est de la provocation). Ils feront la fête jusqu'à plus d'heures au son de musiques d'ailleurs (Attention au respect des 50% de musique francophone !)

Pour toutes ces raisons (entre autres) la commission a trouvé votre projet audacieux, mais irréaliste. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos démarches.

Le signataire : Bernas de Montclus, directeur de la chaine Ceze.

PS : un de nos confrères, après avoir testé des émissions comme Loft story et Star Ac préparerait une émission sur les mariages exotiques du bout du monde. Vous devriez lui proposer : entre un mariage à Chatou et un autre à la Réunion, votre mariage ferait une excellente transition.

samedi 13 septembre 2008

La mort du livre


- Mesdames, messieurs, un peu de silence et de respect. Rapprochez-vous de moi. Je dois parler plus doucement. Vous êtes ici devant une nécropole. Ici reposent en paix des milliers de livres. Je vous demanderai une minute de silence (le groupe se recueille en silence).
- Mais, il y en a encore des gens qui lisent, s'exclama après quelques instants une dame
- Oui, madame, mais discrètement. D'ailleurs allez-vous dans une bibliothèque ?
- J'y allais monsieur.
- Et pourquoi plus maintenant ?
- C'est vrai, je lis moins et j'achète mes livres. Alors je n'ai plus besoin.
- Vous voyez, une coutume s'en va, une coutume s'en vient. Aujourd'hui les générations préfèrent le son, la musique, l'image. Les bibliothèques sont mortes, vive les médiathèques !
- C'est un scandale, cria un monsieur d'un certain âge
- Pourquoi un scandale ?
- Parce que le livre, c'est important, c'est la culture. On ne peut pas vivre sans la culture, c'est…c'est…
- Monsieur, avez-vous des enfants ?
- Et même des petits-enfants !
- Alors, qu'est-ce que vous avez fait pour transmettre le goût du livre ?
- Je leur ai offert des livres à chaque anniversaire !
- Oui, les avez-vous lus avec eux ? Avez-vous partagé leurs lectures ? Echangé ? Dialogué ?
- Oui, non, mais ce n'est pas le sujet !
- La lecture, cela se transmet, se partage, s'échange. Vous avez votre part de responsabilités (le grand-père se met à pleurer en silence). Comment font les jeunes aujourd'hui avec la télé ? Ils parlent entre eux de leurs séries TV, ils s'échangent des disques. Autrefois, il y avait une radio et un tourne-disque par famille. Aujourd'hui, chacun a sa radio et son MP3. C'est pareil pour les bibliothèques dans les appartements. Avant, elle était commune, maintenant chacun a son coin "livres". En fait, elles sont souvent décoratives. La place centrale est pour la télévision. Qui, parmi vous, a acheté un livre cette semaine ? (silence dans la foule)
- Oui, mais les livres sont chers ! dit doucement une jeune femme.
- Les livres sont chers parce qu'ils sont peu achetés. C'est un cercle vicieux
- Ce n'est pas de notre faute. Nous n'avons plus le temps de lire. Le travail, les gamins, les distances… dit un autre homme
- Monsieur, vous avez de bonnes raisons pour ne pas lire, mais vous en avez aussi de mauvaises. Si la consommation moyenne quotidienne de télévision est 3h36 minutes, est-ce que la qualité le justifie ?
- Que préconisez-vous alors ?
- Le culte du souvenir !
- Le culte du souvenir ?
- Oui de remplacer la 11 novembre en tant journée de souvenir de la guerre 14-18 par une autre date commémorative de la mort du livre !
- Il y a déjà des journées du livre.
- Celle-là serait un jour férié et chacun devrait lire un livre le matin. Puis l'après-midi, nous nous retrouverions en petits cercles pour en parler et échanger.
- Obliger, obliger, est-ce vraiment une bonne méthode ? En éducation, c'est un principe abandonné depuis longtemps !
- Alors, il ne nous reste qu'à nous recueillir, comme nous le faisons maintenant devant le monument aux morts d'une certaine culture. "Libris resquiant in pace"
- "Amen" répondit la foule

mercredi 10 septembre 2008

Ma lecture de la semaine


J'ai lu cette semaine un excellent livre que je vous conseille : "Guide de survie avec sa fille, à l'intention des pères", de Monsieur Lachambre Dacôté.

Si vous avez une fille et encore mieux si vous en avez plus d'une, ce livre est fort instructif. Vous n'y apprenez rien (parce que vous le vivez déjà), mais vous comprendrez un peu mieux.

En voici la table des matières :

Préambule : "survivre à sa (ses) fille(s), un vrai métier"


Leçon 1 : sa (ses) fille(s), rêve et (dure) réalité


Leçon 2 : Sur qui frappe sa fille ?


Leçon 3 : Que faire avec une fille quand elle est (de passage) à la maison ?


Leçon 4 : Exercices pratiques
Comment placer un mot avec sa fille ?
Arriver à suivre l'agenda de sa fille
Les leçons de l'échec



Leçon 5 : Les innombrables formes d'humeur de sa fille


Leçon 6 : les dialogues à répétition (le rangement de la chambre)


Leçon 7 : Comment se soigner après un échange avec sa fille ?


Leçon 8 : le théorème de Pythagore revu par sa fille = (portefeuille du père)² + (portefeuille de la mère)² = (argent de la poche de la fille)²


Leçon 9 : Comment éradiquer les garçons qui tournent autour de votre fille (mode d'emploi pour son frère)


Leçon 10 : Peut-on espérer un jour comprendre sa fille ou comment devenir zen ?

vendredi 5 septembre 2008

Quelque part dans une salle souterraine d'un pays étranger…


- Mesdames, messieurs, vous êtes ici rassemblés pour que vous soyez averti qu'un danger nous guette. La France est en train de mettre au point une nouvelle arme contre nous.
- Ce n'est pas possible s'exclame un général. C'est nous qui devons les attaquer. Pas eux ! C'est pas du jeu.
- Si maintenant les démocraties commencent à construire des armes terroristes, où va-t-on ? renchérit une femme.
- Attendez, dit un troisième, que sait-on exactement ? C'est peut-être de la fumée sans feu.
- Revenons au sujet, dit l'orateur, satisfait de cette montée d'attention. Soyons précis : l'agent 92190 a au péril de sa vie pénétré dans un grand parc en lisière d'une grande ville et a réussi le cliché que vous voyez ci-dessus.
- Etonnant ! Incroyable ! Ils ont osé ! … s'exclamèrent les assistants.
- Donc, reprit l'orateur, caché derrière la façade d'un château quelconque, il y a cette étrange coupole qui n'est pas sans rappeler…
- Un lance-fusée continue un homme triste avec de petites lunettes.
- Pourquoi ne s'en est-on pas aperçu avant ? dit son voisin. Qu'est-ce qu"ils font nos espions ?
- Parce ce que bâtiment est caché par grands arbres. De loin, vous ne voyez rien. De face, en contrebas, seulement la façade du château.
- Où cela se trouve-t-il ? reprend un jeune qui pianote sur son ordinateur
- Voici les coordonnées : Longitude : 2 ° 14’ Est, latitude : 48 ° 48’ Nord, altitude : 162m
- Et si c'était simplement un dôme ? se hasarde une personne
- Il y a une fente d'ouverture qui est orientée dans notre direction. Cette fente s'ouvre la nuit. Notre agent a vu alors de la lumière à l'intérieur.
- Comment est-il arrivé sur ce lieu ?
- En fait, d'autres pays ont tenté de le détruire sans succès.
- C'est peut-être nous ? se demande le voisin du général.
- Ne dites pas de bêtises ! lui répond son voisin. Nous le saurions.
- Vous dites "tenté" ! Ont-ils raté ?
- En fait, l'incident s'est produit le 13 juillet au soir. Il y a eu de nombreuses boules de feu dans le ciel. Ce qui a attiré l'attention de 92190, c'est les français ont fait appel à des boucliers humains pour protéger le site. Les gens ont été regroupés autour du bâtiment. Quand les tirs ont cessé, les personnes ont pu retourner chez elle.
- Quel est l'intérêt d'un bouclier humain ? dit un colonel. Un bon système de DCA couplé avec des fusées anti-fusée suffisent.
- Si vous détruisez un bâtiment, c'est un accident. Si vous tuez des gens, c'est un crime. La présence de personnes a du dissuader ces attaquants reprit le général.
- Je n'y aurais pas pensé. Mais ce que vous nous montrez, c'est une photo prise de jour. Comment l'a-t-il prise ?
- Il y est retourné le lendemain. Il semble que les autorités craignaient une nouvelle attaque. Ils avaient rassemblé à nouveau beaucoup de monde. Pour les occuper, il y avait de la musique
- La musique comme sur le Titanic avant le naufrage final dit un cinéphile.
- Qu'a-t-il constaté ?
- Le site s'appelle "cave canem". Du moins c'est le nom marqué sur un panneau près du bâtiment.
- A-t-il cherché à entrer dans le bâtiment ?
- Oui, mais il a été attaqué par des chiens qui lui ont mordu la main
- Il va être enragé !
- Non, il s'est tranché la main immédiatement.
- Alors qu'allons-nous faire ?
- Je pense qu'il ne faut pas nous laisser faire. Avez-vous des suggestions ?
Les participants lancèrent toutes sortes d'idée : envoyer une fusée, porter plainte à l'ONU, le plastiquer, bâtir des sites de défenses…
Finalement, il fut retenu de construire un bâtiment à l'identique avec un dôme similaire pour montrer qu'on n'avait pas peur.

mercredi 27 août 2008

Qui promène qui ?


- Voilà un maître qui promène ses chiens. Regardez madame Deschiens. Quel amour !
- Pas du tout, madame Chatton, ce sont les chiens qui promènent le maître.
- Que me racontez-vous là ? C'est le maître qui décide de l'itinéraire, qui fixe le temps de la promenade et jugule les ardeurs de ses animaux. Donc c'est lui qui les promène.
- Oui, mais croyez-vous que ce maître a réellement envie de sortir trois fois par jour, été comme hiver dès potron-minet ? Ce sont ses animaux qui l'ont dressé !
- Ben, en voilà une nouvelle ! Ce sont maintenant les animaux domestiques qui nous dressent ! Non, le dresseur, c'est le maître. Il fait, je le reconnais une concession pour la sortie. Après tout, il peut décider de les sortir le soir à 18 heures ou à 22 heures. Mais, c'est naturel. Il faut bien qu'elles fassent leurs besoins ces petites bêtes ! Ce n'est pas parce qu'elles en ont besoin qu'elles nous dressent.
- Tenez, je vais faire une comparaison avec nos maris. Le langage commun l'appelle le chef de la famille. Pourtant, je peux vous dire qu'il file doux. Parce que même si en public, je le laisse clamer haut et fort qu'il est chef, je m'arrange avant pour lui faire savoir ce que je veux. Il en tient compte. Après, il peut dire que c'est lui qui décide, cela m'est égal, du moment qu'il fait ce que je veux qu'il fasse.
- Oui, mais pour revenir à ces chiens, je ne vois pas le rapport. Eux, ils ne disent pas ce qu'ils veulent en amont. Ce n'est pas parce qu'ils ont des contraintes de sortie qu'ils dirigent.
- C'est quoi le pouvoir ? Est-ce de crier fort ou de faire ce que l'on veut ? Les animaux sont plus malins que nous. Ils lui disent : "nous voulons sortir". S'il ne prend pas un chemin sympathique (pour eux), ils lui font sentir en tirant sur la laisse, en courant à s'étrangler, à renâcler à rentrer. Bref, tout maître qu'il soit, il comprend et la fois suivante il prend un nouveau chemin.
- Attendez, si je vous entends bien, nous les femmes sommes comme les chats ou les chiens. Nous laissons croire à notre époux qu'il est chef, mais en fait, nous le menons par le bout du nez ?
- Souvent, oui ! Mais il ne faut pas le dire ! Ils s'en rendraient compte et réagiraient violemment !
- Mais alors si vous en êtes convaincues, pourquoi êtes-vous si féministe ?
- Justement, pour masquer cette vérité ! Plus vous criez que dans la vie quotidienne la femme n'est pas l'égal de l'homme, plus vous vous identifiez comme victime. Les hommes se sentent coupables et honteux et discrètement nous renforçons notre pouvoir. C'est cela le pouvoir. Comme le disait un syndicaliste : ce qui est à nous est à nous, ce qui est à eux (sous-entendu les hommes) est négociable !
- Ben dites donc, si mon Auguste entendait cela ! oui, mais nous continuons à avoir plus de travail qu'eux. Une fois que notre journée de travail est terminée, c'est encore nous qui faisons la cuisine, s'occupons des gamins, du ménage, de la lessive… Alors le pouvoir, c'est de tout faire ?
- Comme vous le prenez ! allez donc suivre un stage sur l'assertivité au féminin. On vous y apprendra à négocier avec votre compagnon pour partager les choses. Vous verrez dans une génération, tout aura changé. Bon, en attendant, je vous quitte, je dois passer récupérer mes gamins et faire la tambouille.
- Ah ? je pensais que vous deviez rentrer pour promener vos chiens pendant que Moooosieur mettait la table ?

vendredi 22 août 2008

Mon chéri,


Ici tout va bien. Nous sommes arrivés par bateau au Havre. Une fois la grève des dockers terminée, nous avons été transportés par camion panoramique dans la jolie station balnéaire qui a souhaité faire un échange avec la nôtre. Le petit va bien (tu le vois sur la photo, il est déjà tout bronzé).

Les édiles étaient là pour nous accueillir avec la fanfare municipale, les pompiers et la gendarmerie. Pour nous souhaiter la bienvenue, ils avaient fait appel à un camion élévateur pour être à notre hauteur (comme si nous ne pouvions pencher la tête !). Il y avait aussi des tas de personnes appelées des zauzaulogistes (c'est ce que j'ai compris). Ils voulaient nous examiner sous toutes les coutures, faire des prélèvements, … Heureusement, notre accompagnateur a sorti notre carnet de vaccinations et ils ont été calmés (pour le moment). Les autres humains étaient gardés respectueusement à distance pour qu'ils ne nous embêtent pas.

Ils nous ont trouvés un logement, un peu petit, mais confortable. Nous sommes sur une pelouse au bord de la mer, à l'angle de deux routes. Nous voyons les piétons et les voitures passer autour de nous. C'est un peu bruyant, mais il y a de la vie. J'ai vite appris au petit à traverser la rue (de toutes façons, il y a toujours les gendarmes à proximité : dès que nous bougeons un orteil, ils arrêtent tout le monde).

La vie est tranquille : des balades en bord de mer, quelques bains (je dis bien quelques, parce leur marais n'arrête de partir et de revenir.) J'ai voulu inscrire le petit au club de la plage, mais tout est étriqué. Il ne peut pas poser le pied sur leur gogobogan (?)

Tu me manques, tu aurais bien aimé la vie ici. Maintenant, les indigènes nous aiment bien et viennent nous porter à manger : des feuilles, mais aussi du pain, des pommes… D'autres espèces d'hommes viennent nous voir comme des bêtes curieuses, mais les indigènes et les gendarmes nous protègent de leurs bêtises.

Le petit s'est vite fait des amis : il joue avec des chiens. Il accepte que les enfants le touchent. Par contre, je lui interdis de les laisser monter sur son dos. Comme il est un peu brusque, un petit geste de sa part et ses "passagers" valdingueraient à 30 mètres de là. Le matin tôt et le soir, il y a un grand espace vide au pied des falaises où nous pouvons faire du sport : courir, nager…

Pour ma part, je lis le journal local tous les matins (ils ont installé un panneau lumineux face à notre gite), puis papote avec les indigènes. Ensuite, je fais le tri dans ce que les gens nous apportent, puis la voirie vient nous faire une toilette au jet d'eau (ils en profitent pour nettoyer le carré d'herbes où nous sommes installés). L'après-midi, c'est farniente. Cachée discrètement derrière mes lunettes de soleil, je profite du soleil (je mets de la crème anti-bronzante : ils me la livrent par camion citerne) et lis quelques livres d'aventure. Mes préférés : "Jurassic Park" et "Harry Potter".

En notre honneur, ils ont tiré hier soir un feu d'artifice. Le petit a été un peu effrayé au départ, mais après il voulait courir pour rattraper les feux de Bengale. Il en parle sans arrêt ce matin.
Et toi, comment vas-tu ? Il va falloir dès que je rentre que nous préparions l'accueil des petits indigènes qui vont venir dans notre réserve l'année prochaine.

En attendant, nous t'embrassons et avons hâte de te revoir. Ecris nous !

vendredi 1 août 2008

A quoi servent les usines ?


Nos enfants (et encore plus nos petits enfants) sauront-ils ce qu'était une usine ? Il y avait autrefois plein d'usines. Les gens vivaient autour d'elles. Les logements ouvriers permettaient aux ouvriers d'habiter au plus près pour être plus corvéable. 10 heures de travail par jour et cinq minutes pour rentrer chez soi.

Puis les usines se sont disloquées, fragmentées en petites unités, aseptisées pour répondre aux normes d'hygiène de fabrications des produits (pas des ouvriers !) ou parties au loin. En tout cas, nous n'avons plus beaucoup d'usines près de chez nous. Les politiques ont estimé que 10 heures de travail, c'était indécent et que vivre près de l'usine était aussi inadmissible. Maintenant, les ouvriers travaillent sept heures par jour et passent trois heures dans les transports en aller et retour. Vive le progrès ! Comme il paye son transport, je ne suis pas sûr qu'il y gagne au bout du compte.

A quoi servent les usines ? Elles servaient à entreposer des machines sur lesquelles des cohortes d'ouvriers et de techniciens ouvraient pour produire des objets. Il y a toujours ces usines, mais le plus souvent, dans ma région, sans ouvriers. Alors, pour beaucoup d'enfants, une usine, c'est un espace vide, une aire de jeux ou d'expositions, un prétexte à rénovation immobilière et une zone marquée "danger !".

Il y a les usines tristes qui servent de dépotoir. Il y en a qui sont érigés en symbole : "ici travaillaient 3.000 ouvriers !" Il y a les usines dont l'architecture, l'emplacement et le hasard ont permis (pour un temps ?) leur survie (au niveau immobilier). Reconverties parfois en galerie d'expositions, elles servent à la fois de décor, de vitrine, de miroir inversé et de reflet à des animations culturelles où les badauds peuvent emmener leurs enfants sans danger. Parfois même, une des machines a été pieusement conservée et repeinte de couleurs rutilantes.

Alors les enfants peuvent retourner à l'école en disant : "j'ai vu une usine, j'ai vu des machines !" Peuvent-ils pour autant imaginer le bruit, les odeurs, le rythme de ceux qui y ont vécu parfois toute une vie professionnelle ?

L'usine pour beaucoup est devenue un symbole, un mythe, un lieu que les plus de 50 ans décrivent déjà comme leurs grands parents parlaient de la guerre de 14-18 : "j'y étais !"

samedi 26 juillet 2008

Le crocodile



Je suis le n ième descendant d'une espèce antérieure à l'homme sur la terre. Mes lointains ancêtres habitaient dans la Seine ici à quelques mètres d'ici. Le refroidissement de la planète nous en a chassé et nous avons migré vers des contrées plus hospitalières. Pourtant, mes ascendants ont juré de revenir un jour à cette même place. Pendant des dizaines de milliers d'années, ce fut un rêve. Aujourd'hui, cela redevient progressivement une réalité. Avec le réchauffement de la planète, dans 50 ou 200 ans, nous serons de nouveau ici.

En attendant, j'occupe discrètement le terrain. Je suis un crocodile bien différent de ceux que vous voyez au zoo. Pourquoi m'avoir donné ce nom alors ? Parce que ma forme, mes dents et mon regard ont inspiré aux ingénieurs ce nom. A quoi je sers ? J'attrape les trains au passage et quand je les touche, de joie les signaux se mettent au rouge. A ce sport, je gagne quasiment tout le temps. Je suis fort ! Rouge, orange puis vert ! Quand c'est vert, je peux alors recommencer.

Est-ce que j'attrape les humains ? Je n'ai pas encore essayé. De toute façon, ils ont peur de moi. Ils restent sur les quais bien sagement et me regardent sans un mot. Certains me cherchent : ils me jettent des papiers, des mégots ou toutes autres sortes d'objets variés. Je ne tombe pas dans le piège. Je ne bouge pas. J'attends les trains et…mes cousins.

Je sais qu'un jour, ils viendront et nous fêterons nos retrouvailles. En attendant, je leur prépare le terrain en vous habituant à notre présence.


Le crocodile est un équipement de signalisation utilisé sur les réseaux ferroviaires. C'est un dispositif de forme allongée de deux mètres de long placé entre les deux files de rails au droit du signal. Le crocodile fut inventé en 1872 (source wikipédia)

mardi 22 juillet 2008

Une ziggurat à Samarobriva !



-Mesdames, messieurs, voici un monument étonnant qui est un monument symbolique !
- Symbolique de quoi ?
- C'est bien la question, madame, lui répondit le guide. Ce monument a été édifié il y a 60 ans à la fin de la guerre dans le but de montrer que la ville se relevait et renaissait de ses cendres. Il a été qualifié de symbole, mais malgré la proximité de la construction, nous en avons perdu le sens.
- C'est facile, c'est le bâtiment le plus haut de la ville !
- Ce serait possible, monsieur, si la cathédrale n'était pas plus haute.
-Il sert à quoi ?
-Mis à part les logements, c'est bien la question.
-Qui l'a construite ?
-Un ingénieur du nom de Perret. A l'époque (nous étions à la sortie de la guerre), ce sont des ouvriers de nombreuses nationalités qui l'ont construite.
-Comment faisaient-ils pour se comprendre ?
- C'est là aussi un mystère. En tout cas, si au début de la construction, ils ne parlaient pas tous le français, à la fin, ils le savaient.
-C'est un miracle !
-C'est possible. En tout cas, l'évêque n'a jamais voulu le reconnaître comme tel.
-Il était jaloux.
-Peut-être. Observez le somme de ce bâtiment qui se perd dans les nuages. En fait, compte tenu du climat local, plus de la moitié de l'année, le sommet est au dessus des nuages.
-Alors, c'est un observatoire !
-Les chercheurs y ont pensé. Toutefois, nous n'avons jamais trouvé d'instruments d'optique. Cela m'étonnerait qu'à une époque aussi récente, nos ancêtres ont choisi la vue à l'œil nu.
Autre particularité pour l'époque. L'ascenseur marche mieux quand il descend que quand il monte.
-C'est normal. Il pèse moins lourd.
- Madame, la fonction première d'un ascenseur est de monter. En tout cas, il comporte sept paliers.
-Cette tour se visite-t-elle ?
-Non, seuls les habitants peuvent prendre l'ascenseur. Si vous souhaitez la visiter, il vous faudra monter à pied. Arrivé au sommet, vous pourrez redescendre par l'ascenseur.
-C'est fou !
-Non, c'est un symbole. Chaque année, il y a une course pour arriver le plus vite au sommet.
-Et alors ?
- Par mauvais temps, il y en a qu'on n'a jamais revu. (frémissement dans la foule).
-Mais pourquoi personne n'en parle ?
-Vous savez, les hommes politiques aiment avoir réponse à tout. Alors, avouer qu'ils ne savent pas grand-chose, cela peut compromettre des élections.
-Mais pourquoi vous nous la montrez alors ?
-Parce que peut-être que l'un d'entre vous a une idée sur le sujet.
-Moi, à l'école, dit alors une petite fille, j'ai vu un monument similaire. Cela s'appelait une ziggurat. La plus célèbre est celle de la tour de Babel (nouveau frémissement de la foule).
- Alors ce sont des dieux qui l'habitent hurle un homme. Ils descendent des nuages par cette tour qu'ils se réservent.
-Ils parlent comme nous ou comme les martiens demande un petit garçon en rigolant
-"bin dis donc min garchon, quind t’es nin contint, cha s’vot " lui répondit le guide
-Ah ! fit le groupe
-"ch'é sinpe conme bojour" continue le guide
-Cela explique le miracle des langues. A Babel, ils ne pouvaient plus construire parce qu'ils ne parlaient plus la même langue. Ici, cela a été l'inverse.
-Je comprends l'attitude l'évêché qui ne veut pas de concurrence ! dit un autre.
A ce moment, les nuages se dissipèrent et le ciel bleu apparut. Les touristes se reculèrent et firent une offrande pour conjurer le sort en déposant une pièce dans la sébile du guide, tout en faisant vœu de silence. Ils s'éloignèrent avec dignité, alors qu'au coin de la rue, un autre groupe de touristes attendait son tour

jeudi 17 juillet 2008

Je suis Camille et j'ai 20 ans


Je suis Camille et j'ai 20 ans. Paul Nizan, un condisciple de Sartre, disait que "20 ans n'est le plus bel âge de la vie" (j'ai des Lettres !). Pour lui, à cet âge, on est un enfant dans sa tête et un adulte dans son corps. Moi, je ne suis pas d'accord. A 20 ans, le monde est ouvert devant moi et je peux choisir. A vingt cinq j'aurais un métier et moins de chemins possibles. A trente ans, j'aurais choisi une route privée et professionnelle pour un long moment, j'espère. Alors profitons du temps présent.

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait éclose

Sa robe de pourpre au Soleil,


Je suis Camille et j'ai 20 ans. Demain, je serai peut-être une orthophoniste réputée. Je dis peut-être, non pas parce que je doute de mon succès aux concours, mais simplement parce que j'aurai trouvé une autre voie durant mon parcours. Je serai alors archéologue, romancière, cuisinière ou… notaire. Qu'importe du moment que cela me fasse plaisir.

A point perdu ceste vesprée

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au vostre pareil.

Je suis Camille et j'ai 20 ans. C'est un anniversaire pas comme les autres, fêté dans un univers familier plein de couleurs et de souvenirs. Un décor rougeâtre, artistiquement mis en place par ma décoratrice de mère (chut ! Elle ne sait qu'elle est artiste au fond d'elle-même.) Mon ami, mes amis, ma famille sont quasiment tous là autour de moi. Je me délecte de bonnes choses (ah ! le poulet au curry avec du lait de coco) dont j'ai trouvé les recettes dans de vieux grimoires (c'est vrai, je l'avoue, sur internet, mais je suis une romantique). La bonne chère bien partagée, quel régal !

Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que vostre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Je suis Camille et j'ai 20 ans. Mes vingt premières années n'ont pas été toujours baignées par un long fleuve tranquille. Cela est triste. Cela est bien. J'ai appris, dans les moments difficiles, à me connaître, à choisir, à apprécier les bons moments, les secondes de joie et de bonheur. Aujourd'hui je suis mon petit bonhomme de chemin avec un œil sur l'horizon et la saveur du moment présent au palais. Un instant de bonheur, on le vit tout le temps.

Cueillez, cueillez vostre jeunesse

Comme à ceste fleur la vieillesse

Fera ternir vostre beauté.

Je suis Camille et j'ai 20 ans. Je ne veux pas imaginer ce que seront mes 20 prochaines années. Qui vivra verra. Je rêve plutôt à mes 2 x 20 ans. Selon les jours et mes humeurs, je m'imagine mariée avec 1, 3, 5, 7… charmants enfants (qui seront alors pour les ainés en pleine adolescence !) Je vivrai dans une belle maison ou bien ce sera la crise promise par les écologistes : nous vivrons avec des masques et nous attendrons notre tour pour embarquer pour Mars ou Vénus, les prochaines planètes à polluer…Après tout, qui vivra verra. Aujourd'hui, c'est l'été. Il fait beau et la majorité des personnes que je chéris le plus sont autour de moi. Alors qu'importe…


C'est avec audace que tu relèves tous les défis

Aucun obstacle ne résiste à ta grande détermination

Magnifique par toute l'énergie qui bouillonne en toi

Indépendante, tu sais voler de tes propres ailes

Libre comme l'air, tu as la grâce d'un bel oiseau

L'amitié que je te porte est peu de chose à côté du bonheur

Et de la joie que tu m'offres au quotidien
(poème trouvé sur internet : http://www.abc-lettres.com/Camille/C/acrostiche.html)