mercredi 25 septembre 2019

La case des jours de pluie

Toutes les bêtes de la brousse se réunirent, disant qu’elles allaient faire une grande case à cause de la pluie. Mais le lièvre refusa de venir, disant qu’il était malade, chaque fois qu’on l’envoyait chercher. Cependant, on termina la case et trois jours après la pluie commença à tomber. Le lièvre accourut au grand galop pour s’y réfugier, mais les autres bêtes l’en chassèrent, indignées. Le lièvre resta donc dehors, exposé à la pluie, puis le soleil revint et toutes les bêtes se dispersèrent dans la brousse pour aller chercher leur nourriture. Le lièvre, de son côté, se procura une très grosse flûte. 

Cinq jours après, la pluie commença à tomber. Le lièvre arriva en courant et entra le premier dans la case avec son instrument. Il chercha un coin où il se cacha bien. Cependant, les autres bêtes entraient à leur tour. Quand elles y furent toutes, le lièvre se mit à jouer de la flûte avec violence, ce qui effraya tellement les bêtes qu’elles s’enfuir et en s’écrasant. Dehors, cependant, elles finirent par s’arrêter et on se demanda : « Qu’y avait-il dans la case ? Je n’en sais rien, je n’en sais rien », répondaient les bêtes. L’éléphant ordonna alors à l’outarde d’aller voir ce qu’il y avait. Quand l’outarde arriva, le lièvre se remit à jouer de la flûte avec fureur et l’outarde, se sauvant, alla dire que la chose effroyable était toujours dans la case. 

L’éléphant eut alors l’idée d’envoyer le chat qui, marchant sans bruit, pourrait arriver à la hutte sans donner l’alarme et verrait prudemment ce qu’il y avait dedans. Le chat se cacha au bord de la porte et entendit de nouveau le bruit, le lièvre soufflant sans fin dans sa flûte. « Il n’y a pas moyen de rentrer, dit le chat. La chose redoutable fait toujours du bruit. » L’éléphant alors envoya l’hyène. En approchant de la case, celle-ci entendit du bruit et se sauva sans même aller jusqu’à la porte : « Je suis entré dans la case, dit-il, et la chose a voulu me donner un coup de lance. Je me suis enfui, elle m’a poursuivi, mais n’a pas pu m’attraper. Enfin, bref, je suis sain et sauf et me voici.

 S’il en est ainsi, dit l’éléphant, il faut abandonner la case. N’y allons donc plus. » De ce jour, les animaux abandonnèrent la case au grand profit du lièvre qui en fit son lieu de refuge ordinaire pour les jours de pluie.

Source : http://www.contesafricains.com/article.php3?id_article=28&Valider=Afficher+le+conte

jeudi 19 septembre 2019

Mallodo l’incompris ou savoir s'affirmer

Mallodo était l’être le plus incompris que la planète Taire ait jamais porté.

Mallodo, tout au fond de lui, c’est quelqu’un qui doute, qui a peu de confiance en lui. Il se croit obligé pour être aimé, pour simplement être accepté, de faire pour les autres.la vie de Mallodo est faite de plein d’injonctions qu’il se donne à lui-même.

« Tu dois faire ceci ou cela », « Tu ne dois pas faire ceci ou cela ». Auquel il faut rajouter, les « IlFoke ». Dès le matin, avant même d’ouvrir les yeux, il y a déjà plusieurs « IlFoke » dans sa tête. Mallodo a le sentiment qu’il n’existe qu’avec l’accord ou l’approbation des autres. Bien sûr, il tente de s’affirmer quelquefois, mais c’est sur un mode violent. 

Mallodo a eu, vous le sentez bien, une enfance pleine de malentendus. Par exemple, quand il tentait de se dire, d’exprimer ce qu’il ressentait, neuf fois sur dix, il n’était pas entendu. 

Quand il tentait de dire :
- « Maman, je m’ennuie à l’école, les autres ne sont pas gentils avec moi… »
Sa mèrelui répondait que les autres sont gentils et que l’école est importante. 
Maman lui parlait des autres, de l’école… Quand lui-même tentait de parler seulement de lui et de se faire entendre dans ce qu’il ressentait : ennui, désarroi, détresse… et là, il n’était jamais entendu.

Et cela a continué toute la vie de Mallodo. 
- « Maman, papa, tu as vu le vélo de Georges, un Peugeot tout neuf, dix vitesses, … »
- « Ah ! je te vois venir, tu as vu dans quel état est le tie n? Un vélo tout neuf de ton dernier Noël… »
Papa faisait tout un discours sur son vélo… au lieu d’écouter celui qui lui parlait, lui, son fils, Mallodo. Car ce que voulait dire ce jour-là Mallodo, c’était surtout comment Georges, son copain, avait eu son vélo acier-titane. En économisant pendant quatorze mois pour pouvoir se l’acheter « tout seul », son vélo. Lui, Mallodo, il aurait voulu que ses parents arrêtent de lui faire des cadeaux « tout faits », des « cadeaux affectifs » comme ils disaient eux, en anciens « soixante-huitards attardés ». Mallodo aurait voulu qu’ils lui donnent plutôt de l’argent à ses anniversaires, aux fêtes, car Mallodo avait calculé qu’en économisant seulement treize mois, il pourrait s’offrir « tout seul » une chaîne haute-fidélité ! Son désir le plus cher depuis longtemps.
Mais comment faire entendre tout cela, quand les adultes qui entouraient Mallodo confondaient toujours « le sujet », celui qui parle, qui ressent, qui a des choses à dire, et « l’objet », ce dont le sujet parle ! 
Les adultes, les parents en tête, se précipitent tête baissée, oreilles fermées, yeux grands ouverts, sur ce qu’ils croient entendre.
  
Vous pouvez imaginer que cela se répétait cent fois par jour, trois cent soixante-cinq jours par an, et pendant dix, quinze, vingt ou trente ans. 
La plupart des gens de cette planète fonctionnaient comme cela. Mallodo lui-même aussi d’ailleurs, personne ne lui ayant appris à communiquer. 

Un soir, en rentrant dans son foyer, il osa dire:« Je n’ai pas chaud, j’ai froid dans le dos… » et il entendit son aimée répondre: « Mais le thermostat est à 24°. »
Ce qui voulait dire qu’il aurait dû avoir chaud puisque le thermostat était aussi élevé !
Tout se passait dans la vie de Mallodo, comme s’il n’était pas possible de dire son propre ressenti, son vécu à lui, sans provoquer un rejet, un refus, une incompréhension, bref une incommunication.

Lui aussi, dans ce moment-là, ne savait pas entendre ce que ressentait l’autre.
Ils avaient passé ensemble un week-end de trois jours à Venise. Il avait eu beaucoup de plaisir. Quand il avait tenté d’en témoigner devant ses amis, sa femme avait dit ce jour-là :« Je ne me suis jamais autant ennuyée, moi j’avais envie de rester à l’hôtel et de lire, loin des enfants, calme enfin, et lui me traînait à pied, en gondole à mazout, dans tous les coins de Venise… C’était sinistre ! »

En entendant cela, Mallodo n’en cru pas ses oreilles.Pour beaucoup d’autres événements, chacun avait des vécus différents, mais n’acceptait pas de reconnaître le vécu de l’autre, tellement il était à l’opposé… du sien.

Je ne vais pas insister davantage sur la vie de Mallodo l’incompris. Je crois que vous m’avez compris. Sinon je risque d’avoir des douleurs lombaires…
Oui, Mallodo est notre compagnon le plus familier. Il nous habite et apparaît dès que nous ne nous respectons plus.

Au fond, Mallodo utilise tout plein de trucs très habiles, pour tenter de nous dire: « Prends le risque de t’affirmer, renonce à ton besoin maladif d’être approuvé, de rechercher l’accord de l’autre dans tout ce que tu fais ou ne fais pas. Prends le risque d’être plus toi-même.

Source : Jacques Salomé Contes à grandir

vendredi 13 septembre 2019

Le conte du maître et de l'élève

En Inde, dans une région proche du Tibet, il était une fois un maître et son élève...

Quand le maître et l'élève eurent débattu des conditions pratiques d'usage, le maître commença son enseignement. Il dit à son élève :
- Tu dois être fort. Va chercher qui tu es.
L'élève partit chercher la force et un an plus tard il revint voir son maître et lui dit :
- Je suis fort.
Pour montrer sa force, il prit un roc qu'il aurait été incapable de déplacer auparavant, le leva au-dessus de sa tête et le fracassa en mille morceaux sur le sol.
- Très bien, dit le maître, tu es fort. Maintenant, tu dois être intelligent, va chercher qui tu es.
L'élève partit chercher l'intelligence et trois ans plus tard il revint voir son maître et lui dit :
- Je suis intelligent.
Le maître lui donna un texte très volumineux :
- Tu viens m'en parler dans trois heures
Ce temps écoulé, le maître et l'élève parlèrent de l'ouvrage, d'égal à égal, jusqu'au lever du jour. Le maître à ce moment-là dit :
- Tu dois être sensible. Va chercher qui tu es...
L'élève partit et son absence dura dix ans.
A son retour il montra au maître toute sa sensibilité.
- Très bien dit le maître, tu es fort, intelligent, sensible, tu dois aussi être rigoureux...
L'élève lui coupa la parole et poursuivit :
- Je suis qui je suis.
- Je n'ai plus rien à t'apprendre, répondit le maître. Va, ton chemin est bien le tien." 

Inspiré d'un vieux conte hindou. Extrait du livre de J.Salomé: "Contes à guérir, contes à grandir"

vendredi 6 septembre 2019

Conte Zen : Le choix


Tsukinawa, le Shogun de la province de Yamamura, avait trois fils. Tous les trois étaient extraordinaires, et il était extraordinaire qu’ils fussent tous les trois vivants et en bonne santé : ils étaient triplets.
Tsukinawa était inquiet car il avançait en âge et n’avait pas encore pu se décider pour désigner celui de ses trois fils qui lui succéderait comme Shogun. Alors il fit appel à Sunimache le sage, afin qu’il teste les capacités de ses fils pour choisir le plus fort.
Sunimache fit s’éloigner les trois jeunes hommes, et installa une cruche remplie d’eau en équilibre sur le dessus de la porte d’entrée du jardin entrouverte.

Il appela alors Tsukyana, le premier des trois fils.
Lorsqu’il poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, est arrivé ce qui devait arriver : la cruche tomba tout droit sur la tête de Tsukyana.
Icelui, vif comme l’éclair, dégaina son sabre et fracassa la cruche avant qu’icelle ne l’atteigne.
Impressionné par tant de vitesse, Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyana d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison.

Il installa une nouvelle cruche comme la précédente et appela Tsukyono, le second des trois fils.
Lorsque Tsukyono poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui.
Icelui, vif comme l’éclair, attrapa la cruche dans ses bras avant qu’icelle ne lui fende le crâne.
Impressionné par tant de vitesse et heureux d’économiser une cruche, Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyono d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec son frère.

Il réinstalla la cruche sur la porte et appela ensuite Tsukyene, le dernier des trois fils.
Lorsque Tsukyene poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui, comme pour ses deux frères.
Icelui s’écarta pour éviter la cruche qui se fracassa par terre en répandant toute l’eau sur le sol pavé.
Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyene d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec ses frères.

Tsukinawa le Shogun, très content de l’aide du sage, vint le rejoindre en applaudissant, enthousiaste, et en s’exclamant que Tsukyana, le premier de ses trois fils, était assurément taillé pour la tâche de Shogun tant sa rapidité et son adresse étaient avérées. Sunimache ne dit rien.
Tsukinawa, interloqué, réfléchit au désaveu du sage quelques instants, et comprit que Tsukyana avait certes cassé la cruche avant qu’elle ne le blesse, mais aurait tué un ami qui se serait amusé à lui faire une farce…
Tsukinawa demanda alors au sage s’il aurait raison de confier la tâche de Shogun à son deuxième fils Tsukyono, parce qu’icelui avait bien réagi en ouvrant les bras pour attraper la cruche. Sunimache ne dit rien.

Tsukinawa réfléchit encore au désaveu du sage, et comprit que Tsukyono avait certes attrapé la cruche avant qu’elle ne se casse, mais aurait été tué par un ennemi qui se serait caché pour l’agresser…
Sunimache esquissa un sourire, et dit : « Oui, tu as finalement bien compris que la meilleure attitude a été choisie par Tsukyene ton troisième fils : n’ayant pas le temps de savoir si ce qui lui tombait dessus était ami ou ennemi, il s’est promptement écarté pour se mettre hors d’un éventuel danger sans pour autant influencer le devenir de ce qu’il ne connaissait pas ».