jeudi 28 juin 2018

Le petit chaperon rouge version chinoise

Le petit chaperon rouge a une variante chinoise. A vous d’apprécier les similitudes et les écarts.

Au pied du Mont du Buffle Couché habitait une vieille femme. Un jour, apprenant que sa fille et son gendre étaient allés en voyage, laissant leurs trois petites filles toutes seules à la maison, la vieille prépara un panier de galettes et de boulettes fourrées à la viande puis, s'appuyant sur son bâton, elle partit. Il faisait très chaud, et ardu était le sentier qui traversait la mon­tagne !
La vieille en sueur, sachant qu'elle n'était plus très loin, posa son panier et se reposa un moment. Soudain, elle entendit un frémissement dans les buissons voisins. Un loup gris en surgit, qui lui demanda :
— La vieille, où allez-vous ?
— Je vais chez mes petites filles.
— Qu'est-ce que vous avez dans votre panier ?
— Des boulettes à la viande et des galettes frites.
— Faites-moi goûter.
La vieille lui lança une grosse boulette à la viande, qu'il avala en une bouchée. Il en réclama d'autres et, tout en man­geant, il demanda :
— Où habitent vos petites filles ?
— Au prochain village, dans la cour où pousse un grand jujubier.
— Comment s'appellent-elles ?
Quand la vieille lui eut dit leurs noms, le loup se redressa, s'étira et, montrant les crocs :
— Comment pourrais-je me conten­ter de boulettes et de galettes ? Il me faut de la chair humaine !
Et, se ruant sur la vieille, il la dévora.

Après quoi il enfila ses vêtements, prit le panier et, s'appuyant sur la canne pour avoir tout à fait l'air d'une vieille femme, il se dirigea vers la maison des enfants.
Arrivé devant la porte, il s'assit sur une meule pour y dissimuler sa queue puis imitant la voix de la grand-mère, il appela les fillettes par leurs noms.
— Qui êtes-vous ? demandèrent-elles.
— Je suis votre grand-mère.
— Pourquoi venez-vous si tard?
— La route était longue et je n'arrive que maintenant au coucher du soleil.
La plus jeune allait ouvrir quand l'aînée, regardant par une fente de la porte, chuchota que cette vieille ne ressemblait pas à leur grand-mère :
— Vous n’êtes pas notre grand-mère, dit-elle, elle a des taches de rousseur sur le visage.

Le loup récita alors une formule magique : pour que le vent qui va d'est en ouest souffle du son sur son visage.
Il demanda de nouveau aux fillettes d'ouvrir. La seconde fit comme l'aînée, regarda par la fente de la porte : la vieille femme avait bien des taches de rousseur, mais pas de bandelettes autour des jambes comme en portait leur grand-mère :
— Vous n'êtes pas notre grand-mère, lui dit-elle, vous n'avez pas de bandelettes aux jambes.

Et le loup de réciter un autre charme : pour que les hirondelles du nord et du sud lui portent des bandelettes ! Deux feuilles de sorgho apparurent à ses pieds, qu'il attacha autour des jambes, puis il rappela les petites filles. La cadette regarda à son tour par la fente :
— C’est vraiment notre grand-mère, dit-elle, je vais lui ouvrir.
Le loup entra dans la pièce et s'assit sur un seau pour y cacher sa queue, puis il dit aux enfants :
— Il est tard. Allons-nous coucher. Qui va dormir avec moi ?
— Pas moi, dit l'aînée.
— Ni moi, dit la seconde.
— Moi, je coucherai avec grand-mère, dit la cadette.
Quand elle sentit les poils, elle demanda ce que c'était :
— C'est du chanvre que je t'ai apporté. Dors vite ! répondit le loup.

Les deux aînées n'étaient pas rassurées : prises de doutes, elles ne s'en­dormaient pas. Au milieu de la nuit, elles entendirent leur grand-mère qui croquait quelque chose.
— Que mangez-vous ? Grand-mère, faites-le-nous goûter.
— La nuit, je tousse. Mais vous, mangez un peu de carotte, c'est bon pour les yeux.

Et la grand-mère leur jeta quelque chose. Les fillettes tâtèrent pour savoir ce que c'était : c'était une bague de métal autour d'un doigt. Les filles comprirent que dans le lit était un loup, qu'il avait mangé leur grand-mère et s'apprêtait maintenant à leur faire subir le même sort. Elles allèrent discrètement réveiller leur cadette. Au bout d'un moment, l'aînée dit :
— Grand-mère, j'ai envie d'aller aux toilettes.
— Dehors, la nuit, c'est trop dangereux, pisse sous le lit.
— Non, sous le lit, il y a le dieu du lit.
— Va dans la cuisine pisser sur le charbon.
— Non, dans la cuisine, il y a le dieu du foyer.
— Va faire cela derrière la porte.
— Ce n'est pas possible non plus, il y a le dieu des portes.
— Quelle emmerdeuse, va dehors sur le tas de fumier !

L'aînée sortit, emportant en cachette une grosse corde. Un peu plus tard, la seconde fille dit :
— Grand-mère, j'ai envie moi aussi.
— Dehors c'est trop dangereux, pisse sous le lit.
— Non, sous le lit, il y a le dieu du lit.
— Va dans la cuisine pisser sur le charbon.
— Non, dans la cuisine, il y a le dieu du foyer.
— Va faire cela derrière la porte.
— Ce n'est pas possible non plus. Il y a le dieu des portes.
— Quelle emmerdeuse, va dehors sur le tas de fumier !

La seconde fille sortit, en emportant sans se faire voir une jarre d'huile. Ensuite la cadette, quand elle eut échangé avec le loup les mêmes mots que ses deux sœurs, descendit du lit à tâtons et se faufila dehors.

Une fois dans la cour, les trois fillettes grimpèrent se réfugier en haut du jujubier, avec la corde et la jarre d'huile ; elles versèrent l'huile le long du tronc. Le loup attendit un moment tout seul dans le lit puis, ne voyant pas revenir les filles, il appela.
— Grand-mère, venez vite ! répon­dirent-elles, il y a un mariage chez les voisins et ils donnent un magnifique feu d'artifice !

Le loup, inquiet de sentir échapper sa proie, courut dehors et s'efforça de grimper à l'arbre, mais il avait beau y user ses griffes, il ne faisait que glisser.
— Votre grand-mère est trop vieille, dit le loup. Je n'arrive plus à grimper, tirez-moi vite !
— Nous avons une corde avec nous : nous n'avons qu'à t'en lancer un des bouts, accroche-toi par la ceinture et nous te tirerons.
— Allez-y, tirez ! dit le loup, après s'être noué la corde autour de la taille.
Les deux cadettes tirèrent la corde jusqu'à ce que le loup ait atteint la branche maîtresse, puis elles la lâchèrent si brusquement que le loup, d'un coup, tomba sur le sol. Fou de colère, il leur cria de descendre pour qu'il les mange.
— Grand-mère, dit doucement l'aînée, mes deux petites sœurs n'avaient pas assez de force, mais cette fois je vais tirer. Le loup était si désireux de les dévorer qu'il en oublia la douleur et après avoir renoué solidement la corde, il cria :
— Ce coup-ci, mettez-y de la force, ne laissez pas grand-mère tomber !

Les trois fillettes tirèrent jusqu’à ce que le loup arrive à la branche maîtresse :
alors, elles le lâchèrent tout d'un coup. Le loup s'écrasa par terre avec un grand bruit sourd ; il ne bougeait plus. Du sang coulait de son nez. Les trois fillettes tirèrent un peu sur la corde, mais il resta sans réagir. Au petit jour, elles descendirent de l'arbre : voyant que le loup était bien mort, elles ren­trèrent contentes à la maison.

vendredi 22 juin 2018

Au plaisir des mots


Il était une fois un monde où les mots avaient tous rouillé parce qu'on ne s'en servait plus. Les gens passaient leur vie devant les écrans, où des images défilaient à longueur de journée, défilaient à toute vitesse, et on ne pouvait jamais revenir en arrière. Les mémoires s'encombraient de choses qu'on n'avait pas le temps de choisir, et dont on n'avait pas toujours envie. Plus de temps pour lire, pour écrire et pour rêver, on ne communiquait plus, on perdait l'habitude de parler, on perdait l'usage des mots, ignorant le vocabulaire. Les livres restaient sur les rayons des bibliothèques, qu'on désertait, et qui étaient devenues des musées. Plus personne n'ouvrait un dictionnaire, on ne savait plus comment s'en servir. Le temps passait, il ne restait plus que du vide... du vent, et les mots s'envolaient. 

Heureusement il restait la nature. Un jour une dame partit à pied vers la campagne, elle avait besoin de réfléchir. Elle marchait depuis déjà un bon moment quand soudain elle entendit un bruit de pas derrière elle. Elle tourna la tête, un homme la suivait et lui cria : « Bonjour  » 

« Bonjour » répondit-elle, heureuse de répéter ce mot dont elle appréciait la sonorité, un mot dont on avait perdu l'usage depuis belle lurette, heureuse de parler avec quelqu'un. D'autres personnes vinrent les rejoindre, qui avaient envie aussi de parler, et il se forma un cortège, guidé par une chanson qui provenait d'un monde lointain que tout le monde avait oublié. La musique était douce, les paroles poétiques, un peu mélancoliques, il était question d'un « p'tit coin de paradis » où ils arrivèrent bientôt. Ils avaient retrouvé l'usage de la parole, et tous les mots revenaient en leur mémoire. Ils comprenaient ce que le langage de tous les jours peut avoir de merveilleux, que la véritable aventure, c'est celle des mots, et que la force des mots c'est d'abord leur beauté sonore. 

Ils comprenaient que les mots peuvent recréer la couleur et l'odeur des jours vécus, et qu'ils ont aussi le pouvoir de faire résonner le monde dans chaque syllabe. Les mots leur procuraient un plaisir doux, avec leurs sonorités rares, les plus désuets étaient les plus agréables à entendre, et ils éprouvaient beaucoup de bonheur à les répéter, les scander, ils trouvaient les fleurs d'autant plus belles qu'elles avaient de jolis noms, des vraies gourmandises phonétiques, un plaisir pour la bouche qui les prononce. 

Ils retrouvaient des mots venus de l'enfance dont ils restituaient la tendresse, des mots qui faisaient surgir des personnages, ils redécouvraient leur sens, et chaque mot faisait naître en eux une foule de sensations fortes, de sentiments du même ordre, des idées généreuses, tout un monde de fantaisie dont ils ne soupçonnaient même plus l'existence. Il y avait des mots doux comme un parfum, des mots sages, des mots fous, des mots poème, des mots chansons, des mots vénérés, des mots mystérieux, et tous avaient un sens. 

Tout le monde parlait, riait et chantait, jouant avec les mots, les associant et les dissociant, les agençant de toutes les façons, les faisant s'accoupler, se rencontrer, et créer sans cesse des images folles. Certains appréhendaient de ne pas pouvoir retenir tous ces mots, mais il ne faut pas retenir les mots, il faut les laisser sortir, ne pas les emprisonner, sinon ils perdraient toute leur substance. « On n'a pas idée de tout ce qu'on peut mettre dans un mot, disait le poète, ainsi par exemple le mot Honoré : il peut être un gâteau, un boulevard, ou bien... mon oncle Honoré. » 

Tout le monde avait oublié le vieux monde où le langage s'était égaré, où tous les mots avaient disparu, privés de leur sens. Il ne fallait plus que cela recommence, les mots devaient retrouver leur signification essentielle.
— Tiens : essentielle, voilà un joli mot, fit remarquer le poète, il contient le ciel, il est plein de lettres doubles, il peut se mettre au masculin, et au féminin, il contient essence : Essentiel, j'aurais envie de m'appeler comme ça.  
— Essentiel, ce n'est pas un nom, répondit une vieille grammaire un peu aigrie, pas encore adaptée au monde nouveau qui venait de surgir.
— Ça dépend, dit une grand-mère, qui, elle au contraire, avait l'esprit ouvert malgré son grand âge.
Finalement le poète qui n'était pas contrariant, mais tenait à ses idées finit par trancher : « Alors, ce sera EssenCiel ! »
On décida de baptiser ce nom et ce fut une belle cérémonie, où arrivèrent les fées, les muses, les poètes et poétesses du monde entier. Et tout le monde chantait : 
« Je suis essentielle, essentiel, essenCiel, si elle, si elles ... »


vendredi 15 juin 2018

Le destin, plus fort que l’homme ?



Un grand général, du nom de Nobunaga, avait pris la décision d'attaquer l'ennemi, bien que ses troupes fussent largement inférieures en nombre. Lui-même était sûr de vaincre, mais ses hommes, eux, n'y croyaient pas beaucoup. 

En chemin, Nobunaga s'arrêta devant un sanctuaire Shinto et déclara à ses guerriers : " Je vais me recueillir et demander l'aide des kami. Ensuite, je jetterai une pièce. Si c'est face, nous vaincrons mais si c'est pile nous perdrons. Nous sommes entre les mains du destin." 

S'étant recueilli quelques instants, Nobunaga sortit du temple et jeta une pièce. Ce fut face. 

Le moral des troupes se regonfla à bloc. Les guerriers, fermement convaincus d'être victorieux, combattirent avec une si extraordinaire intrépidité qu'ils gagnèrent rapidement la bataille. Après la victoire, l'aide de camp du général lui dit : " Personne ne peut donc changer le cours du Destin. Cette victoire inespérée en est une nouvelle preuve." 

- " Qui sait ?" Répondit Nobunaga en lui montrant une pièce … truquée, qui avait deux côtés face !

Source : http://www.contes.biz/conte-778-Le_destin_plus_fort_que_l'homme.html

jeudi 7 juin 2018

La fraise et les deux tigres

Un homme, un jour, traversant un champ,se trouva face à face avec un tigre.
Il s'enfuit, poursuivi par le tigre.
Arrivé au bord d'un précipice, l'homme sauta.
Il put s'accrocher à une vigne sauvage et resta suspendu au-dessus du vide.
Il entendait le tigre renifler juste au-dessus de lui.
Tout tremblant de peur, l'homme regarda sous lui et vit qu'un autre tigre le guettait tout en bas.
Puis vinrent deux souris, l'une blanche, l'autre noire.Elles se mirent à ronger la vigne sauvage.
 Passèrent les jours et passèrent les nuits.
Un jour viendra, se dit l'homme, où la vigne va se rompre.
 Un jour l'homme vit, non loin de lui...une superbe fraise.
Il lâcha la vigne d'une mainpour pouvoir cueillir la fraise,et il la mangea.
Quelle saveur !Quel délice !

Source : http://kazimir.eklablog.com/c