vendredi 24 octobre 2014

Conte du Mexique : le destin des Kunkaaks


Un jour, Issaack, la Lune, décida de se baigner dans la mer. Mais les eaux étaient glacées et elle dut errer vers le sud, jusqu’au moment où elle put trouver de l’eau tiède.  Elle en fut si heureuse qu’elle se transforma en une île, Té’ewj. Sur cette terre, elle donna naissance à sa race élue : les Kunkaaks.

Les siècles passant, ils furent décimés par les populations limitrophes qui les obligèrent à se retirer dans des zones désertiques. Ils reculèrent, mais sans plier l’échine. Même les espagnols ne réussirent, de gré ou de force à les convertir. De 5.000 vers 1600, ils sont aujourd’hui à peine 300. 

Connus sous le nom de Seris (« ceux qui vivent dans le sable » en langue Opata), ils viendraient d’Asie, bien avant les Mongols (dont descendent les Amérindiens). Leur langue a de nombreuses ressemblances (mots, sons et sens) avec le Tibétain. Ils sont aussi plus grands que la moyenne des peuples voisins.

Leur société est de type matriarcal. La femme est non seulement la chef de famille, mais elle rend aussi la justice à l’intérieur de la tribu. La peine la plus grave est la trahison envers la race (se marier avec quelqu’un d’une autre race). L’homicide est réparé par la compensation : l’assassin doit céder l’un de ses enfants à la famille de la victime, pour ne pas mettre en danger la lignée. Enfin les différents conjugaux sont toujours à l’avantage de la femme.


Leur religion tourne autour de la Lune. Pendant longtemps, ils furent protégés par la mer et ses tempêtes soudaines qui font chavirer facilement les canots. Agg, la Mer est un dieu généreux qui permet leur survie, mais qui sait être cruel par caprice. Pour un Kunkaak, prononcer la phrase « je vais pêche » est l’équivalant d’un espoir et d’une prière adressée aux dieux pour qu’ils soient bienveillants sur le chemin du retour. 

samedi 18 octobre 2014

Conte du mexique : la légende du chocolat


Voici une première légende datant du temps des Toltèques, brillante civilisation indienne du nord de Mexico aujourd’hui disparue (9ème siècle après JC).

Quetzalcoatl, divinité barbue représentée par un serpent à plumes, détenait toutes les richesses du monde en or, argent et pierres précieuses. Vénéré par son peuple, il possédait surtout la science et la sagesse.

Quetzalcoatl était également jardinier du paradis. Ce qui lui permit d’offrir à l’humanité un cadeau des plus précieux : le cacaoyer. Les hommes apprirent ainsi à cultiver l’arbre qui prodiguait force et richesse, et qui surtout, servait à préparer la fameuse boisson des Dieux… Grâce à l’ancêtre du chocolat, Quetzalcoatl régnait sur un monde prospère et idyllique.

Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, le temps de la félicité des Toltèques s’acheva. On raconte que trois sorciers jaloux de l’empire de Quetzalcoatl complotèrent pour le forcer à quitter son royaume. L’un d’entre eux, le magicien Titlacauan, déguisé en vieillard, lui dit : « Seigneur, je t’apporte un breuvage qui est bon et qui enivre celui qui le boit; il t’attendrira le cœur, te guérira et te fera connaître la route de ton prochain voyage au pays où tu retrouveras la jeunesse ».

Quetzalcoatl bût le breuvage, s’enivra et perdit la tête. Notre Dieu devenu fou fît brûler son joli pays, et alla jusqu’à enterrer ses trésors dans la montagne et dans les lits des rivières. Et comble de l’histoire, il transforma les cacaoyers en une autre espèce d’arbres, qui ne donnait pas de fruits.

Envoûté par l’idéal d’une jeunesse éternelle, notre Dieu déchu s’éloigna vers l’est (en direction du soleil levant) sur un radeau paré de plumes et entrelacé de serpents. Mais en partant, Quetzalcoatl promis à son peuple qu’il reviendrait lors d’une année placée sous le signe du roseau, et qu’il leur ramènerait tous les trésors du paradis.

La suite n’est pas une légende : 1519. Civilisation des Aztèques, année placée sous le signe du roseau.

Moctezuma, roi des Aztèques, attend avec impatience le retour de Quetzalcoatl. Et voilà que débarquent par la mer des hommes dont les armures étincelantes ressemblent à s’y méprendre aux écailles de serpents. Dont les têtes sont coiffées de plumes et dont le chef porte une barbe… Plus aucun doute pour Moctezuma, Quetzalcoatl est de retour ! Emerveillé, le roi Aztèque lui offre le meilleur accueil et lui remet son royaume…

Vous connaissez la suite de l’histoire… ou comment Hernán Cortés l’espagnol partit conquérir l’Amérique se retrouva couvert d’or et à la tête de ce qui pour les Aztèques valait tout l’or du monde : des plantations de cacoyers…


Il existe une autre légende aztèque, plus romantique :

Une princesse gardant le trésor de son époux parti à la guerre, fut attaquée par des voleurs. Refusant de leur dévoiler l’endroit où était caché le trésor, les voleurs la tuèrent. Son sang se répandit sur le sol d’où poussa une plante. La légende raconte que cette plante donne des fruits qui cachent un trésor de graines, amères comme les souffrances de l’amour, fortes comme la vertu et rosées comme le sang de la princesse. Les Aztèques reçurent cette plante comme un cadeau du Dieu Quetzalcoatl : c’était le cacaoyer.

vendredi 10 octobre 2014

Conte mongol : entre pouvoir et devoir


Dans les prairies mongoles il y avait un chasseur au grand cœur du nom de Hailibu. Après chaque chasse, il partageait la viande entre les villageois et ne gardait qu'une petite portion pour lui-même. Son attention pour les autres lui valait un grand respect dans le village.

Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Hailibu entendit des cris venant du ciel. Levant le regard, il vit une petite créature capturée par un vautour vorace. Il visa rapidement le prédateur avec sa flèche. Blessé par la flèche, le vautour lâcha sa proie.

La créature lui dit : " Respectable chasseur, vous avez sauvé ma vie. Je suis la fille du roi dragon et je suis sûre que mon père vous remerciera. Vous pouvez lui demander une pierre précieuse qu'il tient dans sa bouche. N'importe qui, qui tient cette pierre dans sa bouche, sera capable de comprendre les langages de tous les animaux. "

Le roi dragon fut content d'apprendre que Hailibu ait sauvé sa fille et il lui offrit la pierre précieuse qui était dans sa bouche. Sur le départ, la fille du dragon répéta à Hailibu: “souvenez-vous de ne pas dire à quiconque ce que les animaux disent. Autrement, vous vous transformerez immédiatement en une pierre. "

Ayant la pierre précieuse dans sa bouche, Hailibu fut capable de chasser plus de viande et de donner davantage aux villageois.

Plusieurs années passèrent rapidement. Un jour, dans la montagne, il entendit un groupe d'oiseaux parler de quelque chose avec urgence : “Nous devons partir ailleurs rapidement. Ce soir, la montagne va s'effondrer et l'inondation va submerger toutes les terres. Beaucoup de gens pourraient mourir. "

Hailibu se précipita chez lui et il révéla ces paroles aux villageois : " Nous devons partir ailleurs immédiatement ; nous ne pouvons plus rester ici ! " Tous furent surpris : " Nous vivons bien ici ; pourquoi partir ? " Hailibu continuait de répéter ces paroles, mais personne n'écoutait. Un vieillard essaya de calmer Hailibu: “ Tu dois nous dire pourquoi ; partir n'est pas une chose facile. "

Hailibu ne vit aucun autre moyen de sauver les villageois. Devenant sérieux, il dit aux villageois : " Ce soir, la montagne va s'écrouler et une grande inondation va submerger cette terre. Vous voyez, les oiseaux s'en vont. " Alors il raconta comment il avait obtenu la pierre précieuse.

Alors qu'il racontait son histoire, le bas de son corps, depuis les pieds, commença à se transformer en pierre. Quand il eut fini de raconter toute l'histoire, son corps tout entier était devenu pierre.

Les villageois furent choqués et en pleurs. Emportant l'essentiel et leurs troupeaux de bétail, avec leurs vieillards et leurs enfants, ils marchèrent vers un pays éloigné. Bientôt la pluie tomba comme jamais tombé auparavant. Dans la direction de leur village, ils entendirent un grondement de tonnerre venant de l'effondrement de la montagne.


Des générations ont passé depuis. On dit que le descendant de ce village se souvient encore d' Hailibu le chasseur au grand cœur et parle de rechercher cette pierre.

jeudi 2 octobre 2014

Conte des mille et une nuits : la leçon de la 774ème nuit



Savez-vous que Shéhérazade se mit à raconter ses contes afin de ne pas être tuée par le Sultan ? Et comme il devait la faire tuer au matin, elle commençait une histoire dans la nuit mais ne la terminait pas au lever du jour. Voulant connaître la fin de l'histoire, le Sultan faisait reporter l'exécution. La nuit suivante, Shéhérazade finissait le conte, mais en commençait un autre tout de suite après. Cela dura mille et une nuits. Tant et si bien qu'il est raconté que le Sultan épargna Shéhérazade.

Lorsque fut la sept cent soixante-quatorzième nuit, Shéhérazade dit :

On raconte que dans une ville d'entre les villes, où l'on enseignait toutes les sciences, vivait un jeune homme beau et studieux. Bien que rien ne lui manquât, il était possédé du désir de toujours apprendre d'avantage. Il lui fut un jour révélé, grâce au récit d'un marchand voyageur, qu'il existait dans un pays fort éloigné, un savant qui était l'homme le plus saint de l'Islam et qui possédait à lui seul autant de science, de sagesse et de vertu, que tous les savants du siècle réunis. Malgré sa renommée, ce savant exerçait le simple métier de forgeron, comme son père avant lui et son grand-père avant son père.
Ayant entendu ces paroles, le jeune homme rentra chez lui, prit ses sandales, sa besace et son bâton, et quitta la ville et ses amis sur le champ. Il marcha pendant quarante jours et quarante nuits. Enfin il arriva dans la ville du forgeron. Il alla directement au souk et se présenta à celui dont tous les passants lui avaient indiqué la boutique. Il baisa le pan de la robe du forgeron et se tint devant lui avec déférence. Le forgeron qui était un homme d'âge au visage marqué par la bénédiction lui demanda :
_ Que désires-tu, mon fils ?
_ Apprendre la science. répondit le jeune homme.
Pour toute réponse le forgeron lui mit dans les mains la corde du soufflet de la forge et lui dit de tirer. Le nouveau disciple répondit par l'obéissance et se mit aussitôt à tirer et à relâcher la corde sans discontinuer, depuis le moment de son arrivée jusqu'au coucher du soleil. Le lendemain il s'acquitta du même travail, ainsi que les jours suivants, pendant des semaines, pendant des mois et ainsi toute une année, sans que personne dans la forge, ni le maître, ni les nombreux disciples qui avaient chacun un travail tout aussi rigoureux, ne lui adressât une seule fois la parole, sans que personne ne se plaignît ou seulement murmurât.

Cinq années passèrent de la sorte. Le disciple, un jour, se hasarda timidement à ouvrir la bouche :
_ Maître...
Le forgeron s'arrêta dans son travail. Tous les disciples, à la limite de l'anxiété, firent de même. Dans le silence il se tourna vers le jeune homme et demanda :
_ Que veux-tu ?
_ La science !
Le forgeron dit :
_ Tire la corde !
Sans un mot de plus tout le monde reprit le travail. Cinq autres années s'écoulèrent durant lesquelles, du matin au soir, sans répit, le disciple tira la corde du soufflet, sans que personne ne lui adressât la parole. Mais si quelqu'un avait besoin d'être éclairé sur une question de n'importe quel domaine, il lui était loisible d'écrire la demande et de la présenter au Maître le matin en entrant dans la forge. Le Maître ne lisait jamais l'écrit. S'il jetait le papier au feu, c'est sans doute que la demande ne valait pas la réponse. S'il plaçait le papier dans son turban, le disciple qui l'avait présenté trouvait le soir la réponse du Maître écrite en caractères d'or sur le mur de sa cellule.

Lorsque dix années furent écoulées, le forgeron s'approcha du jeune homme et lui toucha l'épaule. Le jeune homme, pour la première fois depuis des années, lâcha la corde du soufflet de forge. Une grande joie descendit en lui. Le Maître dit :
_ Mon fils, tu peux retourner vers ton pays et ta demeure, avec toute la science du monde et de la vie dans ton coeur. Car tout cela tu l'a acquis en acquérant la vertu de la patience !
Et il lui donna le baiser de paix. Le disciple s'en retourna illuminé dans son pays, au milieu de ses amis. Et il vit clair dans la vie.



D'après les Contes des Mille et une Nuits Ed. Bouquins