vendredi 27 juin 2008

Un jour, j'irai sur la butte


Là-bas au loin une basilique est juchée sur la butte. Tous les jours, de la fenêtre de mon travail, je vois cette butte, sa verdure et sa ceinture de petits immeubles qui font fonction à la fois de barrage et de protection. J'ai à la fois envie et peur d'aller sur cette butte.

J'ai envie d'y aller pour enfin découvrir la vue sur la ville et ses environs. J'ai envie d'y arriver pour pouvoir me dire : 'j'ai trouvé le chemin". Si de mon 7ème étage, je la vois distinctement, une fois dans la rue, je sais que je ne la verrai plus. Ma promenade sera hésitante, à moins de me munir d'une carte, voire d'une boussole. J'ai donc envie de trouver ce chemin et de voir mon bâtiment, celui de là où je la regarde.

En même temps, j'en ai peur. Si cette butte a connu toutes sortes de temples et d'église, celle-ci est chargée, dit-on, d'une lourde histoire. Celle-ci est belle ou triste, selon le côté dont la regarde. En ce temps-là, il y eut une terrible émeute populaire qui fut écrasée dans un bain de sang. Cette basilique fut construite pour commémorer ce souvenir et remercier le Très Haut d'avoir permis la fin de l'insurrection.

A la réflexion, ce n'est pas la basilique qui m'attire. C'est la butte, le chemin pour y aller, les ruelles pentues, la nostalgie de l'époque des grands peintres qui firent la renommée artistique de la ville. Maintenant c'est fini, il y a des peintres, mais les talents sont ailleurs. Seuls les musées et les boutiques de souvenirs rappellent cette grande époque.

Ce sont les sommets qui m'attirent. Ils marquent un but, une étape ou un fin. Ils indiquent aussi un début, un nouveau chemin, un projet parce que de là vous pouvez choisir votre direction, vous fixer une nouvelle étape. La vie est ainsi faite. Elle n'est pas seulement plate ou sinueuse. Il y a aussi des montées et des descentes. On ne perçoit pas toujours quand on monte ou on descend. C'est seulement souvent un temps plus tard que nous en prenons conscience. Un peu comme cette butte. On avance vers elle, mais on ne sait pas tout de suite si cela monte. Parfois même, on peut la longer et la rater. Qu'importe, c'est le chemin qui vaut le coup, pas le but.

Alors, c'est dit : j'irai vers la butte. Quand ? Ce soir, demain ou un autre jour, mais j'irai, maintenant je le sais.

jeudi 26 juin 2008

Haiku 11


Passant jouez dans le dédale
Vous serez au frais
L'été, le minotaure est sage

vendredi 20 juin 2008

Pas de baleines (bleues) en Ukraine


Je suis T.C., poète ukrainien. Il suffit de ces initiales pour que des millions de personnes citent mon nom en entier et récitent mes vers. Bien sûr, ce sont principalement des ukrainiens, mes compatriotes. Je suis pour eux une idole, le plus grand des poètes disent mes admirateurs. Pourtant, chassé de mon pays envahi par des troupes étrangères, je suis venu en France comme nombre de mes compatriotes durant le XIXème siècle (un siècle que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître). Paris nous a accueilli à bras ouverts. Vivotant grâce à de nombreux métiers, nous avions plaisir à nous retrouver dans ce petit square au centre de Paris à l'ombre de la cathédrale gréco-catholique ukrainienne. Un jardin ombragé, discret, malgré sa situation le long d'un grand boulevard parisien. Plus tard, bien plus tard, mes compatriotes et la ville de Paris ont tenu à me rendre hommage en donnant mon nom à ce square. Un buste y fut érigé. Je suis fier de cette reconnaissance et j'en étais heureux. Je dis bien que j'en étais heureux. Juché sur une haute colonne, je me voyais regarder défiler les badauds (et notamment les jolies parisiennes), les oiseaux et la circulation.

Mais voilà, mon sculpteur m'a fait le regard plongeant. Alors, je regarde à quatre à cinq mètres devant moi. J'entends la vie passée, j'écoute les oiseaux chanter, je perçois les rires des parisiennes et je vois….une baleine bleue. Cette baleine, bien sûr, est un toboggan. Alors, mes seuls badauds sont des mouflets et parfois leurs mères. Je le dis tout fort : il n'y a pas de baleine en Ukraine ! Et encore moins des bleues ! Encore si le bleu était joli ou bien si le toboggan était aux couleurs du drapeau ukrainien (bleu et jaune), mais celui-là est fort criard et me fait mal aux yeux.

Monsieur le sculpteur (ou madame, je ne sais), mettez-vous dans la peau de votre personnage. Regardez où portera le regard. Etre condamné à vie à regarder le ciel ou ses pieds quand la vie grouille autour de soi, c'est frustrant.

Messieurs ou mesdames les gestionnaires des squares parisiens, permettez-moi de vous dédier ces quelques vers

Gare aux baleines bleues
Même sous forme de toboggan
Elles ternissent les squares


Tarass Chevtchenko (1814-1861) est considéré comme le père de la littérature ukrainienne.
Son plus célèbre poème (Testament)

Quand je mourrai, enterrez-moi
En dressant ma tombe
Au cœur des steppes infinies
De ma chère Ukraine.
Pour que je voie les champs immenses,
Le
Dniepr et ses falaises
Et pour que je puisse entendre
Son grondement puissant.
Quand de l'Ukraine il portera
Jusqu'à la mer bleue
Le sang ennemi, alors
J'abandonnerai
Montagnes et prairies et m'envolerai
Vers Dieu pour prier.
Mais jusque là,
Dieu m'est inconnu.
Enterrez-moi. Mais vous — Debout !
Brisez vos chaînes
Et abreuvez la Liberté
Avec le sang des ennemis.
Puis, dans la grande famille,
La famille libre et nouvelle,
N'oubliez pas de m'évoquer
À voix basse, tendrement.

dimanche 15 juin 2008

Vivi la Légion d'honneur


Je reviens d'une cérémonie où mon ami Vivi a reçu la Légion d'honneur. C'était très émouvant et très intime. Cela se passait au milieu d'un terrain de golf. Nous nous faisions discrets, faisant attention à la trajectoire des balles. Nous nous sommes vite reconnus, nous les invités, parce que nous n'avions ni club, ni sac de golf, ni chaussures adéquates (on a les signes de ralliement que l'on peut). J'ai découvert que Vivi avait une très grande famille avec de très nombreux frères et sœurs. Malheureusement l'exiguïté du lieu hors d'atteinte des balles faisait sûrement que ces derniers étaient sans leurs enfants.

La cérémonie a commencé par un discours d'un monsieur du même âge qui a raconté quelques uns de leurs souvenirs d'enfance. Mon ami Vivi est quelqu'un qui depuis tout petit n'a jamais supporté l'intolérance et le racisme sous toutes formes. Vers l'âge de 10-12 ans il a été envoyé dans une colonie à Bergen Belsen où les animateurs étaient en dessous de tout (c'était vers 1942-1945) et au dessus de tout aussi (en termes de respect des lois). Il y a gagné toutefois quelques amitiés solides qui ont tenu jusqu'à présent.

Après je n'ai pas tout compris parce que les discours qui se sont succédés étaient tellement empreints d'émotion (et nous aussi) que j'avais du mal à suivre. Qu'est-ce que j'en ai retenu ? Après la guerre, Vivi a passé un bac peinture (ils étaient en avance à l'époque). Et pendant que nombre de ses amis se lançaient dans la création artistique en concevant des vêtements, lui a préféré faire du commerce et vendre de la peinture. Dommage, je l'aurais bien vu dans les arts.

J'y ai appris que la légion d'honneur était un club très fermé. On ne la demande pas, on vous la propose. Il faut que ce soit quelqu'un qui l'ait qui vous parraine (Je suis sûr que Vivi va recevoir de nombreuses lettres à ce sujet). Il y a un plafond de 125.000 titulaires de la Légion d'honneur. Les femmes y sont particulièrement bien honorées : elles représentent 15% du total (c'est à l'image de la nation : il y a la même proportion de femmes députés à l'Assemblée Nationale). Une bonne nouvelle : avec Vivi, il y a maintenant 115.000 porteurs de la médaille. Il y a donc 10.000 places de disponibles. Attention, toutefois, avec la loi sur la parité, le Président de la République a décidé qu'il y aurait le même nombre d'hommes et de femmes qui serait nominé. Mesdames, vous êtes avantagées.

J'ai aussi appris des petits détails sur la vie intime de Vivi : il aime la compote maison et la salade fraîche. Profitant de l'émotion ambiante, ses enfants lui ont avoué que c'était de la compote de chez Franprix. Il n'a pas (trop) tiqué : à mon avis ce magasin mérite une médaille pour la qualité de ses compotes.

Puis, nous nous sommes tous retrouvés autour d'un beau buffet sympathique (malheureusement sans salade ni compote). Recevoir une médaille a un coût au final : non seulement vous offrez un beau buffet, mais en plus il faut changer ses costumes. La boutonnière (ou le ruban) rouge ne va pas sur tous les tissus, et encore moins quand vous avez déjà un ruban bleu. Bien plus, ses petits-enfants sont montés au créneau en lui rappelant qu'ils l'aimaient beaucoup, surtout quand il leur donne un billet de 10 euros. Quelle famille !

Tout s'est terminé un verre à la main. Nous étions tous fiers et émus pour lui. A quand la médaille à ruban blanc pour être assorti à la bleue et à la rouge ? Si vous regrettez de n'avoir pu être là, une bonne nouvelle : Vivi montera en grade dans huit ans !

samedi 14 juin 2008

L'aventure n'est jamais loin



Je suis une rue de Paris. Une rue comme les autres avec un début et une fin dans une autre rue, une rue où piétons et voitures peuvent circuler. Une rue avec ses immeubles classiques, ses lampadaires, ses quelques boutiques. Une rue pourtant où presque personne ne passe.

Etonnant…quand vous entrez dans ma rue, vous arrivez dans un nouvel univers. Le calme, la tranquillité, la sérénité. Ici personne n'ose courir, les piétons les plus fougueux ralentissent d'eux-mêmes leur pas, les voitures roulent doucement. Les accrocs du téléphone arrêtent d'eux-mêmes leurs conversations pour savourer l'instant. Les rares passants se croisent en se saluant, voyant en l'Autre un connaisseur…

Vous me direz que je suis dans un quartier perdu de Paris, loin des transports, vous imaginerez moult détours pour arriver jusqu'à moi. Que nenni ! Je suis niché dans un endroit très fréquenté avec des dizaines de milliers de piétons et de voitures qui passent à proximité sans entrer, sans même avoir un seul regard pour moi. Les piétons sont pressés, ils courent, ils filent. Même les touristes, si nombreux dans ce secteur, ne veulent pas perdre un instant.

Ce n'est pas la faute de l'architecte qui a bâti ce quartier. Il a même mis, à l'entrée de ma rue de grandes inscriptions pour me présenter : "Toi qui vas les guêtres trainant au long des quais de la rivière, lis ces vieux vers écrits au temps où ce beau coin de ton Paris n'était qu'une fondrière indigne du roi Henry…"

Vous donner l'adresse ? Trop facile ! Vous auriez vite fait de me transformer en attraction à touristes. Alors restaurateurs, boutiques à souvenirs et marchand de fringues branchées s'y installeront. La ville réglementera le passage, me transformera en rue piétonne et….adieu l'aventure. L'esprit de la rue qui m'amine partira vers d'autres cieux. Vous me demanderez où ? Je ne sais pas, sauf quelques mois ou quelques années plus tard, une nouvelle photo vous indiquera la relève.

Alors, cherchez-moi, profitez de l'aventure et restez discret. L'aventure n'est jamais loin. Il suffit de regarder autour de soi. Apprenez à regarder et non pas seulement à voir. Voilà le secret de l'aventure.

lundi 9 juin 2008

Haiku 10


Place à vous, pompiers des fleurs
Vous les protégez
Quand revient la canicule

samedi 7 juin 2008

C'est la faute à qui ?

- Oh la la la la madame Michu, vous avez vu ces jeunes gens ? Cela doit être drôlement lourd. Ils doivent souffrir, les pauvres petits
- Mais non madame Alvares, ils rient. Ce doit être léger. Encombrant, mais léger. C'est à quoi votre avis ? On dirait un frigo ?
-Un frigo, vous en avez de bonnes ! Où est le congélateur ? C'est un téléviseur ! La cousine du beau-frère de mon boucher a acheté dernièrement un de ces grands téléviseurs tout plat qu'on accroche au mur. Ce doit être un machin pareil.
- Ah bon ! Vous pensez que c'est un téléviseur ? Elle une drôle de forme l'image. Vous voyez voir un film là-dessus ? Ou alors il faut coucher le téléviseur. Mais alors les boutons sont de travers.
- Ce doit être une télé que l'on range dans son placard.
- C'est quoi ces noms bizarres : meetic, ebay… Des chaînes de télévision. Déjà que je n'arrive pas à regarder les six chaînes, alors de nouvelles ? Qu'est-ce que vous notez ?
- Vous avez vu : sur le côté, il y a un numéro où appeler.
-Ah vous allez en acheter un ?
- Non c'est pour ma petite fille, Judith. Pas plus tard qu'hier, elle m'a dit, en voyant cette affiche, qu'elle aimait bien un des deux garçons sur l'affiche. Alors si je peux avoir leurs coordonnées…
- Vous êtes coquine. Vous ne croyez pas qu'elle peut se débrouiller seule ? Elle a quel âge ?
-Elle a déjà 20 ans et fait ses études.
-20 ans ? A son âge j'étais déjà mariée et un enfant. Mon dieu, les jeunes prennent leur temps aujourd'hui. C'est lequel qu'elle préfère ?
-Elle n'a pas voulu me le dire, mais je crois que c'est le brun (elle préfère les bruns). Vous savez entre ses études et ses petits jobs pour se faire de l'argent de poche, elle n'a pas beaucoup de temps.
-Mais si elle fait des études, sortir avec un déménageur, cela ne va pas la gêner ?
- Ce ne sont pas des déménageurs. Ils sont trop propres, Ce sont des mannequins. Nous avons passé hier une heure à regarder l'affiche de près. Ils posent. Ils ne sont pas réellement à travailler. D'ailleurs si cela se trouve, ils ne portent rien. Il doit y avoir un mécanisme derrière pour tenir la télévision.
- Quand même, je ne comprends pas. LG, c'est une marque de frigo et Orange, c'est du téléphone, je crois.
-Ils ont dit aux informations il y a quelques jours que l'on pourra l'année prochaine regarder la télévision sur son téléphone.
-Déjà que je ne vois pas grand-chose. En plus, comment puis-je regarder la télévision sur un téléphone et en même temps l'avoir à l'oreille pour écouter ?
- Il n'y a pas besoin de l'avoir à l'oreille : les trous sur le côté, c'est pour le son.
- C'est la faute aux portables. Maintenant, tout le monde veut tout emporter avec soi. Regardez mon petit fils, la dernière fois je lui demande l'heure, il regarde son portable pour me la donner. A trop vouloir tout emporter avec soi, ils font maintenant des télévisions téléphone que l'on peut prendre avec soi. Enfin, si on est costaud.
- Je vous l'ai dit, les jeunes, ils veulent tout avec eux, mais ils n'ont plus le temps de s'en servir. Nous on avait peu de choses, mais on s'en servait longtemps. C'est la faute au marketing.
-Le marquetine ?
-Non, le marketing, c'est ce qu'étudie Judith : créer des besoins pour les gens qui n'en ont pas. Comme cela, ils ne s'ennuient pas. Ils passent leur temps à trouver des sous pour acheter des choses dont ils n'ont pas réellement besoin,
-C'est pour cela qu'ils n'ont plus de sou. Ils feraient mieux de revaloriser nos retraites…

jeudi 5 juin 2008

Haiku 9


Arbres en fleurs et parasol


Le soleil luit fort


Je me régale du printemps