lundi 30 décembre 2019

Savoir reconnaître ses erreurs



Les fêtes de fin d’année sont une période d’échange de bons voeux. Cela pourrait être aussi un moment où on reviendrait sur ses erreurs. 
Dans ce texte ci-dessous, Mihail Sébastian* (1907-1945) raconte dans son journal, à la date du 1er juillet 1936, un évènement qui lui est arrivé et qui l’a fortement marqué : 


  "J’ai passé dimanche et lundi à B. où ma promotion fêtait le dixième anniversaire du baccalauréat. 
Au lycée, ce fut plus émouvant que je ne m’y attendais. Je me suis assis à mon pupitre, assailli par les souvenirs. Goras (professeur principal) a fait l’appel, et nous répondions, chacun à notre tour, « présent ». On a entendu de temps en temps « absent » et, quatre fois, « mort ». Ensuite, quelque chose de fantastique : l’allocution de Goras.
 « Messieurs, entre la chaire et la classe, entre les professeurs et les élèves, des malentendus surviennent immanquablement, et certains sont très douloureux. Or, croyez-moi, ils ne laissent pas dans le cœur des professeurs, moins de traces, moins de regrets, que dans celui des élèves. Pour ma part, je porte depuis dix ans un souvenir qui m’a fait beaucoup de mal et dont je suis heureux de pouvoir m’affranchir aujourd’hui en le confessant. Il concerne l’un des plus brillants parmi vous. J’ai nommé H. 


Il était en seconde et il avait obtenu un prix de roumain. A la fête de fin d’année – je ne comprends toujours pas comment c’est arrivé-, lors de la distribution, j’ai oublié d’appeler son nom. Il faisait chaud, j’étais fatigué, accablé de soucis, ce qui explique peut-être mon omission.  Une chose est certaine : je ne l’ai pas fait exprès. Je m’en suis rendu compte après la cérémonie et je suis allé trouver H. Il m’a dit alors un mot qui m’a énervé et j’ai répliqué très durement. Je l’ai regretté aussitôt. Je me suis rendu compte que je commettais une erreur. Mais il était trop tard. 

Je tiens à lui dire aujourd’hui devant vous, devant vous tous, combien j’ai souffert à cause de cette injustice que je lui ai fait subir. Je lui assure que je n’ai pas attendu pour m’en souvenir que tant d’années aient passé. Ce n’est pas le chemin brillant qu’il a parcouru depuis dans la vie, ni ses beaux succès littéraires qui me font parler ainsi.  J’ai été affligé dès le premier instant. Je voulais, bien plus tôt déjà, le prier de m’excuser. Cela ne s’est pas fait. Je n’ai pas pu. J’ai essayé un jour, mais je me suis rendu compte que c‘était très difficile. Je le fais aujourd’hui et, sachez-le, je suis heureux que ce soit devant ses camarades. Si cela est possible, il comprendra et pardonnera. »

* Mihail Sébastian était un auteur roumain réputé, ami de Mircea Eliade et Ionesco. Il raconte, dans son « Journal », paru chez Stock en 1998, sa vie et notamment la montée des extrémismes et la guerre en Roumanie. Il y survécut tant bien que mal et mourut en mai 1945, écrasé par un camion, alors qu’il allait donner son premier cours de littérature à l’université. 

jeudi 19 décembre 2019

On peut rater sa vie par politesse

Dans le livre d’Anna Gavalda, « Des vies en mieux » (J’ai lu, 2014) , il y a trois histoires, trois jeunes qui remettent en cause leur vie à la suite d’un évènement (une pièce de théâtre, un sac à main oublié et retrouvé, un diner chez un voisin). 
Le héros de cet histoire, Yann, est invité à diner chez un voisin après l’avoir aidé à monter une armoire. 

Le voisin, au cours du diner, lui dit : « on peut rater sa vie par politesse. 
Yann : « Pourquoi me dites-vous ça ?
- A cause des dodos. Tu sais, ces grands oiseaux au bec crochu qui vivaient sur l’île Maurice et que nos ancêtres ont tous exterminés. Il n’y avait aucune raison que ces pauvres volatiles nous faussent compagnie. Leur viande était mauvaise, leur chant et leur plumage sans intérêt et ils étaient tellement laides qu’aucune cour d’Europe n’en aurait voulu. Et pourtant ils ont disparu quand même. Ils étaient là depuis la nuit des temps et en à peine soixante ans, le progrès les a définitivement rayés de la surface de la terre.  Pour trois raisons.

Petit un, parce qu’ils étaient polis. Ils n’étaient pas farouches et venaient facilement vers la main de l’homme. Petit deux, parce qu’ils ne pouvaient pas voler, leurs petites ailes étaient ridicules et totalement inutiles. Petit trois, parce qu’ils ne protégeaient pas leur nid et laissaient leurs œufs et leurs petits à la merci des prédateurs. Et voilà : trois petites failles et puis s’en vont. =il n’en reste plus un seul.

Ne te laisse pas détruire, Yann. Je parle de toi, de ce que tu es, Si tu ne le fais, qui le fera pour toi.

Je ne te parle pas de ta jeunesse, de ta tignasse, je parle du bois dont tu es fait. Je parle de ton regard, de ta curiosité, de ta bonté... Je parle de l’attention que tu portes aux détails, aux choses, aux gens (...) Je parle de la tendresse avec laquelle tu racontes ceux que tu aimes et protèges ce qui t’appartient , je parle de nos courses que tu remontes toutes les semaines et des morceaux de carton que tu glisses dans le porte cochère depuis qu’il fait si froid et que je récupère chaque matin pour que tu ne te fasses pas engueuler par les autres propriétaires(...)

Ne laisse pas les autres abîmer tout cela, sinon que restera-t-il de vous ? Si toi et tes semblables ne protégez pas vos nids, alors.... ce sera quoi ce monde ? 

jeudi 12 décembre 2019

Le comportement du génie

Le génie peut s’incarner sous bien des formes (...). C’est cet inénarrable provocateur de Marcel Duchamp qui nous l’a démontré quand il a abandonné la création plastique pour partir s’installer à Buenos Aires et se consacrer à plein temps aux échecs. 

Ils ont, disait-il, « toute la beauté de l’art, et beaucoup plus. Ils ne peuvent pas être commercialisés. Les échecs sont beaucoup plus purs ». A première vue, Duchamp a l’air de déplorer le pouvoir corrupteur de l’argent. En fait, il est bien plus subversif que ça ; il détruit les frontières conventionnelles de l’art en affirmant que toutes les formes d’expression se valent potentiellement. Toutes

Peindre est pareil que jouer aux échecs, qui est pareil que faire du roller, qui est pareil que se mettre à son fourneau pour préparer une soupe. Et même, chacune de ces bonnes vieilles activités de tous les jours vaut mieux que l’art conventionnel, vaut mieux que la peinture, car elle est accomplie sans la posture moralisatrice de celui qui se considère comme un « artiste ». 

Il n’y a pas de chemin plus sûr vers la médiocrité ; comme l’a écrit Borgès, le désir d’être un génie est la « plus grossière des tentations de l’art ». Selon sa conception le véritable génie n’est donc pas conscient de lui-même. Un génie doit par définition être quelqu’un qui ne s’arrête pas pour réfléchir à ce qu’il fait, à la façon dont cela sera reçu ni aux conséquences que cela aura sur lui et son avenir ; il se contente de faire

Il exerce son activité avec une obstination qui est par essence malsaine et souvent autodestructive.

Extrait du livre de Jesse Kellerman, « Les Visages », Point 2011

jeudi 5 décembre 2019

La vie professionnelle après 40 ans

Dans son livre « la part de l’autre » (Albin Michel, 2001), Eric-Emmanuel Schmitt imagine un Adolf Hitler (AH) admis à l’école des Beaux-Arts de Vienne et les conséquences qui s’en suivirent. 
AH devient un peintre assez connu, fréquentant l’École de Paris à Montparnasse entre les deux guerres, puis ruiné par la crise de 1930 rentrant à Berlin pour devenir professeur. 

« Après quarante ans, un artiste n’a plus d’illusions sur lui-même. Il sait s’il est un grand artiste ou un petit. 

A vingt ans, tout est songe, suspendu dans les nuages. A quarante ans, une partie de nos rêves est devenu la matière de nos vies. On a peint, on a produit, on a eu le temps de se tromper et de se reprendre, on a eu le loisir de repousser ses limites. A quarante ans, la technique a fini par être acquise et l’énergie demeure intacte : on sait enfin et l’on peut encore. Si on n’a pas produit un chef-d’œuvre, ou même l’amorce d’un chef-d’œuvre, alors la partie est finie.

Oui, on excuse l’absence de fermeté du trait, la timidité de la couleur, les hésitations de la composition tant que le peintre est en devenir. Certes, on voit des monstres, tels Picasso ou Bernstein (un des personnages du livre), qui, à dix-sept ans, sont déjà péremptoires. Mais, en face de ces évidences, on se dit qu’ils sont nés génies avec leurs moyens de génie alors que d’autres mettent des années à acquérir les moyens de leur génie. On attend, on espère. On se demande de quoi on va accoucher. Que donnera le travail ? Un prématuré ? Deux prématurés ? Trois fausses-couches ? Peu importe. Il faut continuer. On doit accoucher de soi-même. On a rendez-vous avec un inconnu lointain, le peintre que l’on est. A quarante ans, le bébé est venu. Pour les uns, c’est une grande surprise, c’est un géant. Pour d’autres, c’est agréable, c’est un vivant. Pour quelques-unes, c’est dramatique, c’est un mort-né, un petit cadavre qui leur reste sur les bras et qui rend vaines toutes les années d’effort.

Je suis de ces hommes-là. Les déçus. Les désespérés. Malgré le travail, le sérieux, malgré même le succès critique et financier pendant quelques temps, j’ai réalisé, à quarante ans, que je n’étais pas un grand peintre. Alors, puisque j’aime la peinture avec passion, puisque je l’aime plus qu’elle ne m’aime, j’ai décidé de devenir enseignant. Votre professeur. Transmettre. J’ai trouvé ma place. Et je suis devenu heureux.

jeudi 28 novembre 2019

Marcher est à nul autre pareil



Quatre personnages anonymes, une femme, un soldat, le joueur et le vieil homme, réunis par l'aventure de l'espace quotidien le découvrent au fur et à mesure qu'il s'étend devant eux : le plus proche devient un paysage lointain, un terrain vague devient l'immensité, une étendue dénudée le désert. A chaque pas naissent des paysages inconnus, c'est le regard qui les fait apparaître. Les endroits les plus banals deviennent des terres inconnues. Lors de ce périple, à l’initiative du vieil homme, il quitte le confort du voyage en voiture pour marcher. 


Il dit « la partie de plaisir est terminée. A partir de maintenant le voyage continue à pied. A partir d’ici, nous allons marcher et non plus rouler. Dans tous ces véhicules, il n’y a aucun départ, aucun changement de lieu, nulle sensation d’arriver. En roulant, même lorsque c’était moi qui conduisais, je n’étais pas vraiment en route. 

Quand je roulais, jamais ce qui me fait être moi ne m’accompagnait. Rouler me réduit à un rôle qui m’est contraire : en voiture, figure pour vitre-arrière, en vélo, porte-guidon et tourne-pédale. Marcher. Fouler le sol. Rester les mains libres. Rouler ou n’être véhiculé qu’en cas de nécessité. Les endroits vers lesquels on m’a roulé, je n’y suis jamais allé. On ne peut les retrouver qu’en marchant. Ce n’est que dans la marche que les espaces s’ouvrent et que dansent les espaces intermédiaires. Ce n’est qu’en marchant que je tourne avec les pommes dans l’arbre. 

Une tête ne pousse que sur les épaules de celui qui marche. Seul le marcheur sent un élan qui lui traverse le corps. Seul le marcheur saisit le grand arbre dans l’oreille – le silence ! Seul le marcheur se rattrape et s’atteint lui-même. Seul vaut ce que pense le marcheur. Nous allons marcher. La marche veut qu’on marche. Il ne faut pas que vous marchiez comme marchent ceux, la plupart, dont on voit que la marche est contrainte et fortuite. 

Marcher, c’est le plus libre des jeux. Allons. Partons d’ici. La bénédiction du lieu est une bénédiction de marche. O mon immortel appétit de marcher, de sortir de l’endroit, de continuer à marcher de toute éternité ».  

Source : Peter Handke, L’absence, Folio (1993)

mercredi 20 novembre 2019

Journalistes humains, j’adore l'expression

Un extrait du très beau livre « Croire au merveilleux » de Christophe Ono-dit-Biot (Gallimard, 2017)

"A l’Entreprise (magazine où travaille le personnage principal du livre), on cherchait des idées. Mais ouvrir des horizons dans un pays obsédé par ses racines et persuadé de sa décadence était une tâche de Sisyphe. A l’heure de la dépendance à l’immédiateté, l’information n’informait plus. 

Et trop vite l’actualité devenait inactuelle : la suivre, c’était mourir d’essoufflement. Il fallait donc la devancer, couper par d’autres chemins moins autoroutiers. Être buissonnier, peut-être pirate, proposer un regard, un ton, un style, des histoires différentes. 

Notre monde en regorgeait. Et le besoin de récits, d’oxygène narratif, n’avait jamais été aussi grand dans un monde paradoxalement rétréci par l’hyper communication. Il fallait juste prendre le temps, écouter, en finir avec l’impatience qui épuisait, le désenchantement qui gagnait. Prendre de la hauteur ou voler sous les radars, avoir l’œil de l’aigle. 

Certains de mes collègues, essorés par les cadences et le manque à gagner, s’étaient rendus à la prophétie selon laquelle notre métier allait disparaître. Dans une conférence de rédaction, une jeune pigiste du servi High-Tech avait rétorqué à ces Cassandre qu’il fallait se réjouir que des programmes soient aujourd’hui capables de rédiger 36.000 articles en une soirée pour donner les résultats d’une cantonale à mesure qu’ils tombaient. « Ça libère du temps pour que les journalistes humains puissent se consacrer aux analyses ». 

Journalistes humains, j’adorais l’expression."    

jeudi 14 novembre 2019

Le symbole

Dans l’Antiquité, on appelait « symbole » un fragment de poterie qui liait deux êtres humains. 

Lors d’un serment d’amitié ou la conclusion d’un contrat, on brisait le fragment en deux et chacune des parties prenait un morceau précieusement transmis de génération en génération, et voué à être réuni à l’autre moitié quand les aléas de la vie -revers de fortune ou besoin d’assistance- l’imposeraient. Leur emboîtement parfait attestait d’une origine commune. 

On ne voulait rien savoir d’autre. 

Avec les dieux pour témoins, personne n’aurait osé mettre en doute le « symbolon »

Source : Christophe Ono-Dit-Biot « Croire au merveilleux », Gallimard (2017)

jeudi 7 novembre 2019

La vie est comme une tasse de café

Un groupe de jeunes gens, dont chacun menait une brillante et prospère carrière, décida un jour de rendre visite à leur vieux professeur d’université. Très rapidement la conversation tourna autour du stress au travail et dans la vie, et chacun s’en plaignait amèrement.
Voulant leur offrir du café, le professeur se rendit dans la cuisine et revint avec une cafetière pleine et une grande variété de récipients et de tasses, en porcelaine, en plastique, en carton, en verre et en cristal. Certaines de ces tasses avaient une forme quelconque et d’autres semblaient plus raffinées et de valeur. Le professeur leur demanda de se servir eux-mêmes du café.
Lorsque tous les étudiants eurent leur tasse de café entre les mains, le professeur leur dit ceci : « Vous remarquerez que vous avez tous choisi les tasses les plus raffinées ou les plus chères, laissant de côté les plus ordinaires ou celles qui n’ont aucune valeur. Même si c’est normal de vouloir choisir ce qu’il y a de mieux pour vous-même, ce choix est la source de vos problèmes et de votre stress. Il est évident que la tasse en elle-même n’apporte aucune qualité supplémentaire à la saveur de votre café. La tasse est souvent une dépense inutile et parfois elle cache ce que l’on boit ».
« Ce que vous vouliez vraiment c’était du café, mais pas la tasse. Pourtant vous avez choisi consciemment les plus belles tasses, puis vous avez aussitôt comparé votre tasse à celle des autres. Apprenez que la vie est comme le café, alors que le travail, l’argent, et le statut social sont des tasses. Celles-ci ne sont que des outils pour mieux comprendre la vie, et le type de tasse que nous possédons ne peut pas changer la qualité de la vie que nous désirons vivre ou que nous vivons ».
« Parfois, nous nous concentrons tellement sur la tasse, que nous oublions la saveur du café. Donc apprenez à savourer le café et pas la tasse !  Les personnes les plus heureuses ne possèdent pas toujours ce qu’il y a de mieux dans la vie. Elles jouissent cependant de tout ce qu’elles possèdent et ceci sans envie ni jalousie. Vivez donc avec simplicité et aimez avec générosité. Parlez avec gentillesse et respect ».

mercredi 30 octobre 2019

Le petit garçon à l'école


Helen Buckley (née en 1918) a consacré sa vie d’enseignante au Trinity Collège de Dublin (Irlande) à l’éducation des enfants. Elle nous montre dans ce texte comment l’éducation, avec de bonnes intentions, peut nous conditionner.   

Traduction de la légende de l’image : « Nous sommes tous des génies. Mais si nous jugeons un poisson selon sa capacité à grimper sur un arbre, toute sa vie il croira qu’il est idiot » (Albert Einstein)

Un jour, un petit garçon partit pour l’école.
C’était encore un bien petit garçon, et l’école était fort grande.
Mais quand le petit garçon
Découvrit qu’il pouvait arriver à sa classe
En entrant directement par la porte de la cour
Il se sentit content.
Et l’école n’avait déjà plus l’air
Tout à fait aussi grande.
Un matin 
Alors que le petit garçon était à l’école depuis un certain temps
La maîtresse dit :
“ Aujourd’hui nous allons faire un dessin ".
Il aimait faire des dessins
Il savait en faire de tout sorte :
Des lions et des tigres,
Des poules et des vaches,
Des trains et des bateaux.
Et il prit sa boite de crayons
Et commença à dessiner.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Ce n’est pas le moment de commencer ! ”
Et elle attendit jusqu’à ce que tout le monde ait l’air prêt.
“ Maintenant dit la maîtresse,
Nous allons faire des fleurs ”.
“ Chic ! ” pensa le petit garçon
Il aimait faire des fleurs,
Et il commença à en faire de magnifiques
Avec ses crayons rose et orange et bleu.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Je vais vous montrer comment faire ”.
Et elle en fit une rouge avec une tige verte
“ Voilà ” dit la maîtresse,
“ Maintenant vous pouvez commencer ”.
Le petit garçon regarda la fleur dessinée par la maîtresse
Puis il regarda ses fleurs à lui.
Il aimait mieux ses fleurs que celles de la maîtresse
Mais il ne le dit pas.
Il retourna simplement son papier
Et fit une fleur comme celle de la maîtresse.
Elle était rouge avec une tige verte.
Un autre jour
Le petit garçon avait ouvert
La porte d’entrée tout seul,
La maîtresse dit : “Nous allons faire quelque chose en modelage ”
“ Chouette ” pensa le petit garçon,
Il aimait le modelage.
Il savait faire toutes sorte de chose avec la terre :
Des serpents et des bonshommes de neige,
Des éléphants et des souris,
Des autos et des camions
Et il commença à pétrir et à malaxer
Sa boule de terre.
Mais la maîtresse dit :
“ Attendez, ce n’est pas moment de commencer ! ”
Et elle attendit que tout le monde ait l’air prêt.
“ Maintenant ” dit la maîtresse,
“ Nous allons faire un plat ”
“ Super !” pensa le petit garçon
Il aimait faire des plats
Et il commença à en faire
De toutes les formes, de toutes les grandeurs.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Je vais vous montrer comment faire ”.
Et elle montra à tout le monde comment faire
Un grand plat profond.
“ Voilà ” dit la maîtresse
“ Maintenant vous pouvez commencer ”
Le petit garçon regard le plat de la maîtresse
Puis il regarda les siens
Il aimait mieux les siens que ceux de la maîtresse
Mais il ne dit rien.
Il reroula seulement toute sa terre en une grosse boule.
Et fit un plat comme celui de la maîtresse.
C’était un plat profond.
Et bientôt
Il ne fit plus de choses de lui-même du tout.
Alors il arriva
Que le petit garçon et sa famille
Déménagèrent dans une autre maison,
Dans une autre ville,
Et le petit garçon
Dut aller dans une autre école.
Cette école était encore plus grande
Que l’autre
Et il n’y avait pas de porte
Pour aller directement de dehors dans sa classe.
Il devait monter, monter des grandes marches
Et marcher le long d’un grand corridor
Pour arriver à sa classe.
Et le premier jour
Qu’il était là,
La maîtresse dit :
“ Aujourd’hui, nous allons faire un dessin ”.
“ Gai ” pensa le petit garçon
Et il attendait que la maîtresse dise quoi faire
Mais la maîtresse ne dit rien
Elle se promena seulement autour de la classe.
Quand elle arriva près du petit garçon
Elle dit : “ Tu ne veux pas faire un dessin ? ”
“ Si ” dit le petit garçon. “ Qu’allons nous faire ? ”
“ Je ne sais pas avant que tu le fasses ” dit la maîtresse
“ Comment fais-je faire ce dessin ? ” demanda le petit garçon ?
“ Oh ! Vraiment comme tu veux ! ” dit la maîtresse.
“ Et n’importe quelle couleur ? ” demanda le petit garçon.
“ Si tout le monde faisait le même dessin,
Comment saurais-je qui a fait quoi,
Et lequel est à qui ? ”
“ Je ne sais pas ” dit le petit garçon.
... Et il commença à faire une fleur rouge
Avec une tige verte.
Helen E. Buckley (traduit de l’anglais)

jeudi 24 octobre 2019

Une raclée à Grand-Maman


Hans Rosling est un médecin suédois qui s’est battu toute sa vie pour redonner du sens aux chiffres et à savoir fonder son opinion sur les faits (très amusant et intéressant à lire). Dans son livre « Factfulness » (Flammarion, 2018), il raconte l’histoire suivante : 

Lors d’un cours à des étudiants, j’expliquais que les grandes compagnies pharmaceutiques faisaient pas ou peu de recherches sur les maladies qui affectent les pauvres. 
Un étudiant me dit « il faut leur casser la gueule ! ». 
Je lui répondis que c’était une idée et que j’allais justement prochainement dans une de ces compagnies. A qui devais-je donner une raclée ? 
L’étudiant me répondit : « au PDG ». 
Je lui demandai si ce serait suffisant pour lui faire changer l’orientation de ses recherches. 

Un autre étudiant cita alors le conseil d’administration.
Je répétai ma demande : « est-ce suffisant pour changer les priorités ? »

Un débat commença dans la salle et les étudiants, à une large majorité, dirent que ce n’était ni le patron ni le conseil d’administration qui était responsable, mais les actionnaires qui demandaient des résultats financiers. Si les responsables actuels changeaient de politique, les actionnaires les viraient et en choisiraient d’autres. 

Mais qui étaient les actionnaires ? Après avoir cité les riches, les étudiants parlèrent des investisseurs institutionnels (fonds de pension, institut de retraite...) qui cherchaient à la fois des entreprises stables avec un bon rendement pour pouvoir assurer les revenus (retraites) de leurs clients. 

Alors je conseillais aux étudiants d’aller visiter leurs grands-parents retraités et de leur donner une raclée, à cause du besoin avides qu’ils ont d’actions stables. 

Puis je leur demandais si leurs grands-parents leur avait donné récemment de l’argent (pour leurs vacances ou anniversaire...). Comme c’était le cas d’un grand nombre, je leur suggérais de rendre l’argent à leurs aïeux afin qu’ils le rendent aux Laboratoires pharmaceutiques pour que ceux-ci investissent autrement. Mais s’ils l’avaient déjà dépensé, je leur dis que c’est à eux-mêmes qu’ils devaient se donner un raclée puisqu’ils étaient responsables der la situation.     

jeudi 17 octobre 2019

Qui est la personne âgée assise en face de vous ?

Lorsque vous êtes dans la rue, au café, dans les transports, au travail, interrogez-vous sur celui (ou celle) qui est en face en vous.

Voici un très beau texte à ce sujet : 

Lorsque le vieil homme décéda dans l'aile gériatrique d'une maison de retraite d'une petite ville australienne, tout le monde considérait qu'il ne laissait rien de valeur derrière lui. En faisant la liste de ses maigres affaires, les infirmières découvrirent un poème. 
Que voyez-vous, infirmières ?  Que voyez-vous ?
À quoi pensez-vous lorsque vous me regardez ?
À un vieil homme grincheux pas très sage,
aux habitudes hésitantes et au regard perdu dans le lointain ?
Qui bave en mangeant et ne répond jamais aux questions.
Qui, lorsque vous criez "J'aimerais que vous fassiez un effort !"
Semble ne pas réagir du tout à toutes ces choses que vous faites.
Un homme qui perd toujours une chaussette ou une chaussure ?
Qui, en résistant parfois vous laisse faire ce que vous voulez,
pour le nourrir et le baigner et pour remplir ces longues journées ?
Est-ce que c'est à cela que vous pensez ?
Est-ce que c'est ce que vous voyez ?
Alors ouvrez les yeux, infirmières.
Car vous ne me voyez pas.
Je vais vous dire qui je suis
Alors que je suis assis ici, alors que je vous obéis, alors que je mange ce que vous me donnez.
Je suis un enfant de dix ans
J'ai un père, une mère, des frères et des sœurs qui tous s'aiment beaucoup.
Je suis un garçon de 16 ans vif et motivé, qui n'a qu'un espoir : rencontrer au plus vite celle qu'il aimera.
Je suis un futur marié de vingt ans au cœur palpitant.
Je peine à me souvenir des vœux que j'ai promis d'honorer.
Maintenant âgé de 25 ans, j'ai désormais des enfants,
qui ont besoin de mes conseils et d'un foyer heureux et sûr.
À 30 ans mes enfants grandissent vite,
unis comme les doigts d'une main par des liens qui devraient être durables.
À 40 ans, mes jeunes fils sont devenus grands et sont partis,
mais ma femme est toujours à mes côté pour voir que je ne leur en veux pas.
À 50 ans, à nouveau, des bébés jouent autour de moi,
À nouveau, il y a des enfants à la maison
Ma bien-aimée et moi.
Le pire n'est plus à venir, il est déjà là
Ma femme n'est plus.
Je me tourne vers le futur
Je tremble de peur.
Car tous mes enfants ont désormais leurs propres petits.
Et je pense au temps qui passe, et à tout l'amour que j'ai reçu.
Je suis désormais un vieillard, et la nature est particulièrement cruelle.
La vieillesse est une mauvaise blague, qui nous fait paraître stupide.
Le corps s'écroule
La grâce et la vigueur disparaissent.
Il ne reste plus qu'une pierre, là où autrefois j'avais un cœur.
Mais au fond de cette vieille carcasse, il reste un jeune homme, tapi dans l'ombre,
et de temps en temps mon cœur épuisé s'emballe
lorsque je me souviens de tous les moments joyeux
Je me souviens aussi des moments douloureux.
Et j'aime et je vis de nouveau ma vie.
Je repense à toutes ces années, bien trop peu nombreuses bien trop vite parties.
Et j'accepte ce triste état de fait
Rien ne dure éternellement.
Ouvrez donc les yeux
Ouvrez les yeux, et regardez bien.
Je ne suis pas un vieil homme grincheux .
Regardez de plus près et admirez MOI !!
Souvenez-vous de ce poème pour chercher l'âme d'enfant qui réside en toute personne âgée. Car un jour, nous serons tous une personne âgée.

jeudi 10 octobre 2019

L’ile de Californie

Oui, oui, vous ne rêvez pas : la Californie est (ou plutôt a été) une île ! C’est une erreur commise par les espagnols qui pensaient que la Californie était une grande île séparée du continent par la Mare Californica. Lors de sa découverte, aucun des explorateurs n’a pensé à faire le tour pour vérifier s’il s’agissait bel et bien d’une île !
Ainsi, pendant près de 200 ans, cette erreur cartographique s’est propagée ! C’est à Fortun Ximenez que l’on doit cette erreur commise en 1533. Le mutin s’est inspiré d’un célèbre roman espagnol qui parlait d’un lieu imaginaire baptisé l’île de la Californie. Quand il a déclaré avoir découvert cette fameuse île, il n’a pas eu le temps de se rétracter car il s’est fait assassiner par les indigènes !
Il faudra attendre jusqu’en 1776 pour démontrer cette énorme erreur. C’est Juan de Anza, un explorateur espagnol qui a décidé de marcher du Texas jusqu’à la Californie pour montrer au monde entier que finalement, la Californie était attachée au continent. 

mercredi 2 octobre 2019

L’or du doigt

Dans la Chine ancienne, un ermite un peu magicien vivait dans une montagne profonde. Un jour, un vieil ami lui rendit visite. Senrin, tout heureux de l'accueillir, lui offrit un dîner et un abri pour la nuit ; le lendemain matin, avant le départ de son ami, il voulut lui offrir un cadeau. Il prit une pierre et, avec son doigt, en fit un bloc d'or pur.
Son ami ne fut pas satisfait ; Senrin pointa alors son doigt sur un énorme roc qui lui aussi devint de l'or. L'ami ne sourit toujours pas.
« Que veux-tu donc ? » demanda Senrin.
L'ami lui répondit : « Coupe ce doigt, je le veux. »
Cet homme pensait que le doigt était la source de l'or. 

mercredi 25 septembre 2019

La case des jours de pluie

Toutes les bêtes de la brousse se réunirent, disant qu’elles allaient faire une grande case à cause de la pluie. Mais le lièvre refusa de venir, disant qu’il était malade, chaque fois qu’on l’envoyait chercher. Cependant, on termina la case et trois jours après la pluie commença à tomber. Le lièvre accourut au grand galop pour s’y réfugier, mais les autres bêtes l’en chassèrent, indignées. Le lièvre resta donc dehors, exposé à la pluie, puis le soleil revint et toutes les bêtes se dispersèrent dans la brousse pour aller chercher leur nourriture. Le lièvre, de son côté, se procura une très grosse flûte. 

Cinq jours après, la pluie commença à tomber. Le lièvre arriva en courant et entra le premier dans la case avec son instrument. Il chercha un coin où il se cacha bien. Cependant, les autres bêtes entraient à leur tour. Quand elles y furent toutes, le lièvre se mit à jouer de la flûte avec violence, ce qui effraya tellement les bêtes qu’elles s’enfuir et en s’écrasant. Dehors, cependant, elles finirent par s’arrêter et on se demanda : « Qu’y avait-il dans la case ? Je n’en sais rien, je n’en sais rien », répondaient les bêtes. L’éléphant ordonna alors à l’outarde d’aller voir ce qu’il y avait. Quand l’outarde arriva, le lièvre se remit à jouer de la flûte avec fureur et l’outarde, se sauvant, alla dire que la chose effroyable était toujours dans la case. 

L’éléphant eut alors l’idée d’envoyer le chat qui, marchant sans bruit, pourrait arriver à la hutte sans donner l’alarme et verrait prudemment ce qu’il y avait dedans. Le chat se cacha au bord de la porte et entendit de nouveau le bruit, le lièvre soufflant sans fin dans sa flûte. « Il n’y a pas moyen de rentrer, dit le chat. La chose redoutable fait toujours du bruit. » L’éléphant alors envoya l’hyène. En approchant de la case, celle-ci entendit du bruit et se sauva sans même aller jusqu’à la porte : « Je suis entré dans la case, dit-il, et la chose a voulu me donner un coup de lance. Je me suis enfui, elle m’a poursuivi, mais n’a pas pu m’attraper. Enfin, bref, je suis sain et sauf et me voici.

 S’il en est ainsi, dit l’éléphant, il faut abandonner la case. N’y allons donc plus. » De ce jour, les animaux abandonnèrent la case au grand profit du lièvre qui en fit son lieu de refuge ordinaire pour les jours de pluie.

Source : http://www.contesafricains.com/article.php3?id_article=28&Valider=Afficher+le+conte

jeudi 19 septembre 2019

Mallodo l’incompris ou savoir s'affirmer

Mallodo était l’être le plus incompris que la planète Taire ait jamais porté.

Mallodo, tout au fond de lui, c’est quelqu’un qui doute, qui a peu de confiance en lui. Il se croit obligé pour être aimé, pour simplement être accepté, de faire pour les autres.la vie de Mallodo est faite de plein d’injonctions qu’il se donne à lui-même.

« Tu dois faire ceci ou cela », « Tu ne dois pas faire ceci ou cela ». Auquel il faut rajouter, les « IlFoke ». Dès le matin, avant même d’ouvrir les yeux, il y a déjà plusieurs « IlFoke » dans sa tête. Mallodo a le sentiment qu’il n’existe qu’avec l’accord ou l’approbation des autres. Bien sûr, il tente de s’affirmer quelquefois, mais c’est sur un mode violent. 

Mallodo a eu, vous le sentez bien, une enfance pleine de malentendus. Par exemple, quand il tentait de se dire, d’exprimer ce qu’il ressentait, neuf fois sur dix, il n’était pas entendu. 

Quand il tentait de dire :
- « Maman, je m’ennuie à l’école, les autres ne sont pas gentils avec moi… »
Sa mèrelui répondait que les autres sont gentils et que l’école est importante. 
Maman lui parlait des autres, de l’école… Quand lui-même tentait de parler seulement de lui et de se faire entendre dans ce qu’il ressentait : ennui, désarroi, détresse… et là, il n’était jamais entendu.

Et cela a continué toute la vie de Mallodo. 
- « Maman, papa, tu as vu le vélo de Georges, un Peugeot tout neuf, dix vitesses, … »
- « Ah ! je te vois venir, tu as vu dans quel état est le tie n? Un vélo tout neuf de ton dernier Noël… »
Papa faisait tout un discours sur son vélo… au lieu d’écouter celui qui lui parlait, lui, son fils, Mallodo. Car ce que voulait dire ce jour-là Mallodo, c’était surtout comment Georges, son copain, avait eu son vélo acier-titane. En économisant pendant quatorze mois pour pouvoir se l’acheter « tout seul », son vélo. Lui, Mallodo, il aurait voulu que ses parents arrêtent de lui faire des cadeaux « tout faits », des « cadeaux affectifs » comme ils disaient eux, en anciens « soixante-huitards attardés ». Mallodo aurait voulu qu’ils lui donnent plutôt de l’argent à ses anniversaires, aux fêtes, car Mallodo avait calculé qu’en économisant seulement treize mois, il pourrait s’offrir « tout seul » une chaîne haute-fidélité ! Son désir le plus cher depuis longtemps.
Mais comment faire entendre tout cela, quand les adultes qui entouraient Mallodo confondaient toujours « le sujet », celui qui parle, qui ressent, qui a des choses à dire, et « l’objet », ce dont le sujet parle ! 
Les adultes, les parents en tête, se précipitent tête baissée, oreilles fermées, yeux grands ouverts, sur ce qu’ils croient entendre.
  
Vous pouvez imaginer que cela se répétait cent fois par jour, trois cent soixante-cinq jours par an, et pendant dix, quinze, vingt ou trente ans. 
La plupart des gens de cette planète fonctionnaient comme cela. Mallodo lui-même aussi d’ailleurs, personne ne lui ayant appris à communiquer. 

Un soir, en rentrant dans son foyer, il osa dire:« Je n’ai pas chaud, j’ai froid dans le dos… » et il entendit son aimée répondre: « Mais le thermostat est à 24°. »
Ce qui voulait dire qu’il aurait dû avoir chaud puisque le thermostat était aussi élevé !
Tout se passait dans la vie de Mallodo, comme s’il n’était pas possible de dire son propre ressenti, son vécu à lui, sans provoquer un rejet, un refus, une incompréhension, bref une incommunication.

Lui aussi, dans ce moment-là, ne savait pas entendre ce que ressentait l’autre.
Ils avaient passé ensemble un week-end de trois jours à Venise. Il avait eu beaucoup de plaisir. Quand il avait tenté d’en témoigner devant ses amis, sa femme avait dit ce jour-là :« Je ne me suis jamais autant ennuyée, moi j’avais envie de rester à l’hôtel et de lire, loin des enfants, calme enfin, et lui me traînait à pied, en gondole à mazout, dans tous les coins de Venise… C’était sinistre ! »

En entendant cela, Mallodo n’en cru pas ses oreilles.Pour beaucoup d’autres événements, chacun avait des vécus différents, mais n’acceptait pas de reconnaître le vécu de l’autre, tellement il était à l’opposé… du sien.

Je ne vais pas insister davantage sur la vie de Mallodo l’incompris. Je crois que vous m’avez compris. Sinon je risque d’avoir des douleurs lombaires…
Oui, Mallodo est notre compagnon le plus familier. Il nous habite et apparaît dès que nous ne nous respectons plus.

Au fond, Mallodo utilise tout plein de trucs très habiles, pour tenter de nous dire: « Prends le risque de t’affirmer, renonce à ton besoin maladif d’être approuvé, de rechercher l’accord de l’autre dans tout ce que tu fais ou ne fais pas. Prends le risque d’être plus toi-même.

Source : Jacques Salomé Contes à grandir

vendredi 13 septembre 2019

Le conte du maître et de l'élève

En Inde, dans une région proche du Tibet, il était une fois un maître et son élève...

Quand le maître et l'élève eurent débattu des conditions pratiques d'usage, le maître commença son enseignement. Il dit à son élève :
- Tu dois être fort. Va chercher qui tu es.
L'élève partit chercher la force et un an plus tard il revint voir son maître et lui dit :
- Je suis fort.
Pour montrer sa force, il prit un roc qu'il aurait été incapable de déplacer auparavant, le leva au-dessus de sa tête et le fracassa en mille morceaux sur le sol.
- Très bien, dit le maître, tu es fort. Maintenant, tu dois être intelligent, va chercher qui tu es.
L'élève partit chercher l'intelligence et trois ans plus tard il revint voir son maître et lui dit :
- Je suis intelligent.
Le maître lui donna un texte très volumineux :
- Tu viens m'en parler dans trois heures
Ce temps écoulé, le maître et l'élève parlèrent de l'ouvrage, d'égal à égal, jusqu'au lever du jour. Le maître à ce moment-là dit :
- Tu dois être sensible. Va chercher qui tu es...
L'élève partit et son absence dura dix ans.
A son retour il montra au maître toute sa sensibilité.
- Très bien dit le maître, tu es fort, intelligent, sensible, tu dois aussi être rigoureux...
L'élève lui coupa la parole et poursuivit :
- Je suis qui je suis.
- Je n'ai plus rien à t'apprendre, répondit le maître. Va, ton chemin est bien le tien." 

Inspiré d'un vieux conte hindou. Extrait du livre de J.Salomé: "Contes à guérir, contes à grandir"

vendredi 6 septembre 2019

Conte Zen : Le choix


Tsukinawa, le Shogun de la province de Yamamura, avait trois fils. Tous les trois étaient extraordinaires, et il était extraordinaire qu’ils fussent tous les trois vivants et en bonne santé : ils étaient triplets.
Tsukinawa était inquiet car il avançait en âge et n’avait pas encore pu se décider pour désigner celui de ses trois fils qui lui succéderait comme Shogun. Alors il fit appel à Sunimache le sage, afin qu’il teste les capacités de ses fils pour choisir le plus fort.
Sunimache fit s’éloigner les trois jeunes hommes, et installa une cruche remplie d’eau en équilibre sur le dessus de la porte d’entrée du jardin entrouverte.

Il appela alors Tsukyana, le premier des trois fils.
Lorsqu’il poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, est arrivé ce qui devait arriver : la cruche tomba tout droit sur la tête de Tsukyana.
Icelui, vif comme l’éclair, dégaina son sabre et fracassa la cruche avant qu’icelle ne l’atteigne.
Impressionné par tant de vitesse, Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyana d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison.

Il installa une nouvelle cruche comme la précédente et appela Tsukyono, le second des trois fils.
Lorsque Tsukyono poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui.
Icelui, vif comme l’éclair, attrapa la cruche dans ses bras avant qu’icelle ne lui fende le crâne.
Impressionné par tant de vitesse et heureux d’économiser une cruche, Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyono d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec son frère.

Il réinstalla la cruche sur la porte et appela ensuite Tsukyene, le dernier des trois fils.
Lorsque Tsukyene poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui, comme pour ses deux frères.
Icelui s’écarta pour éviter la cruche qui se fracassa par terre en répandant toute l’eau sur le sol pavé.
Sunimache acquiesça de la tête et demanda à Tsukyene d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec ses frères.

Tsukinawa le Shogun, très content de l’aide du sage, vint le rejoindre en applaudissant, enthousiaste, et en s’exclamant que Tsukyana, le premier de ses trois fils, était assurément taillé pour la tâche de Shogun tant sa rapidité et son adresse étaient avérées. Sunimache ne dit rien.
Tsukinawa, interloqué, réfléchit au désaveu du sage quelques instants, et comprit que Tsukyana avait certes cassé la cruche avant qu’elle ne le blesse, mais aurait tué un ami qui se serait amusé à lui faire une farce…
Tsukinawa demanda alors au sage s’il aurait raison de confier la tâche de Shogun à son deuxième fils Tsukyono, parce qu’icelui avait bien réagi en ouvrant les bras pour attraper la cruche. Sunimache ne dit rien.

Tsukinawa réfléchit encore au désaveu du sage, et comprit que Tsukyono avait certes attrapé la cruche avant qu’elle ne se casse, mais aurait été tué par un ennemi qui se serait caché pour l’agresser…
Sunimache esquissa un sourire, et dit : « Oui, tu as finalement bien compris que la meilleure attitude a été choisie par Tsukyene ton troisième fils : n’ayant pas le temps de savoir si ce qui lui tombait dessus était ami ou ennemi, il s’est promptement écarté pour se mettre hors d’un éventuel danger sans pour autant influencer le devenir de ce qu’il ne connaissait pas ».

vendredi 30 août 2019

Le roi Mithridate et la lune

Il y a fort longtemps vivait le roi Mithridate, fort aimé de son peuple. Son nom signifiait soleil et il rayonnait pour les autres. Mais on ne sait pour quelle raison, ce roi vivait dans la hantise qu'un jour, on l'assassine par du poison. Il aimait la nuit, et se plaisait à converser avec la lune pour prendre conseil et écouter les bruits de ce qui est caché. Il parlait de sa peur avec la lune, mais celle-ci ne lui répondait pas, comme si elle ne savait pas comment l'aider car elle ne voyait pas ce qui, dans cette histoire, l'empoisonnait véritablement C'est ainsi que Mithridate prit la décision, chaque jour de prendre un peu de poison. De cette façon, se disait-il si un jour quelqu'un voulait intenter a sa vie, son corps serait immunisé.

Il prenait le poison selon un rituel bien établi, une faible dose chaque jour, et ce, quels que soient ce dont était constituée sa journée ou les rencontres qu'il faisait Mais ce dont il ne se rendait pas compte, c'est qu'au fil des jours, la nuit prenait de l'ampleur ; une nuit où la lune disparaissait, se faisait fantôme, évanescente. Et plus le roi prenait de poison le jour, et plus la nuit sans lune s'étendait. Une nuit sans conseil, sans écoute des bruits cachés et de ce que la nature pouvait révéler lors de ces parenthèses. Cela jusqu'à ce que le jour se résume au seul moment de la prise du poison, et que la nuit occupe le reste Cet état dura des jours, des semaines, des mois, des années. Mais le roi avait tellement peur de changer, tellement peur d'être empoisonné. Il se doutait bien que ce qu'il s'infligeait chaque jour avait un lien avec sa peur, mais il ne savait pas fonctionner autrement Pouvait-il réellement prendre le risque d'arrêter ? Pouvait-il accepter cette vulnérabilité aux autres et cette faiblesse envers soi ? Jusqu'au jour où, on ne sait pourquoi, Mithridate arrêta.

Peut-être en eut-il assez de ce rituel qu'il s'infligeait, peut-être est ce son corps qui lui dit « stop », peut-être simplement accepta-t-il d'aller vers la nouveauté, ou autre chose dont vous pourriez avoir une idée. Quoi qu'il en soit, dès qu'il arrêta, la nuit régressa jusqu'à retrouver sa place et la lune réapparut Le roi s'adressa à elle « Lune, pourquoi m'avais-tu abandonné ? » Et la lune lui répondit « Je ne t'ai pas abandonné, mais toi, tu ne pouvais plus me voir ».

Source :https://hypnosebernheim.files.wordpress.com/2015/08/le-conte-du-roi-mithridate.pdf

vendredi 23 août 2019

Conte breton : Orson & Valentin

Bélissant, sœur du roi Pépin, épousa Alexandre, empereur de Constantinople et ne tarda pas à tomber enceinte. L’archevêque du royaume amoureux de Bélissant ne supporta pas qu’elle refuse ses avances et lui joua un mauvais tour. Il inventa une histoire et l’accusa d’infidélité. Elle fut alors répudiée par son mari. Bélissant s’isola dans la forêt où elle donna naissance à des jumeaux au pied d’un arbre : Valentin et Orson. 

Une ourse terrifiante enleva l’un des deux nourrissons, Orson, afin de nourrir ses petits. Dans la tanière, les oursons ne mangèrent pas l’enfant. Ils le réchauffèrent. L’ourse s’attacha à lui et elle l’éleva aussi. Orson devint grand, très velu et terriblement fort. Pour se nourrir, il mangeait les hommes qui s’approchaient.  

Valentin qui avait grandi dans le monde des hommes était également devenu un homme fort et courageux. Il décida un jour de partir chasser le monstre qui terrifiait toute la forêt. Dans un duel d’une rare violence, Valentin réussit à prendre le dessus et au moment précis où il allait asséner un coup fatal à Orson, il comprit qu’il avait en face de lui le frère dont sa mère lui avait souvent parlé. 

Valentin épargna Orson et les deux frères regagnèrent la ville.  Orson apprit à parler, devint vite populaire et fut nommé protecteur de la ville.

Source : extrait d’un roman carolingien Valentin et Orson, très populaire au XVIème siècle. 

Trouvé dans la maison à pondalez, 9 grande rue à Morlaix 

dimanche 18 août 2019

La nuit où il a plu du couscous

Un jour, en labourant son champ, Nasreddine trouva une jarre remplie de pièces d'or. Il se hâta de la cacher sous un arbre, en attendant la nuit pour la transporter sans être vu. Mais, possédé́ par une folle envie de partager sa joie avec quelqu'un, il courut jusque chez lui. Il ferma la porte à clé́, tira sa femme par le bras vers la pièce la plus éloignée de la maison, regarda autour de lui pour vérifier qu'il n'y avait personne et lui chuchota à l'oreille la bonne nouvelle, en lui enjoignant de n'en souffler mot à âme qui vive. 

Une fois couché, Nasreddine se rendit compte de la bêtise qu'il venait de faire. Il était le premier à savoir que sa femme ne pourrait pas tenir sa langue et que, le lendemain, la nouvelle serait diffusée partout. Il réfléchit et trouva une idée. Pendant que sa femme dormait, Nasreddine alla chercher la jarre et la cacha dans un lieu sûr ; ensuite, il monta sur le toit, chargé de deux seaux pleins de couscous. Il fit du bruit pour imiter l’orage, puis il dispersa le couscous sur le toit, dans la cour et autour de la maison, avant d’aller se recoucher. 

Au réveil, sa femme l’appela : 
- J’ai eu peur cette nuit, avec tous ces orages. Le linge que j’avais laissé dehors doit être trempé. 
La femme sortit pour ramasser son linge ; mais en arrivant dehors elle poussa un cri de surprise : 
- Viens voir, il a plu du couscous. 
- Rien n’est impossible à Allah, lui répondit Nasreddine avec un air de grand philosophe. 

Comme Nasreddine l’avait prédit, sa femme ne put tenir sa langue. Dans la journée, elle annonça la nouvelle du trésor à tous les voisins en leur faisant promettre de ne surtout rien dire à personne. 

La nouvelle circula et finit par arriver aux oreilles du sultan, qui convoqua Nasreddine. Le jour de l’audience, le sultan lui dit : 
- Ne sais-tu pas que tout ce qui se trouve sous la terre appartient au sultan ? Selon la loi, tu dois me remettre la jarre que tu as trouvée. 
- De quelle jarre parles-tu ? A vrai dire, je ne comprends rien à ce que tu m’annonces. - Arrête de faire le malin, c’est ta femme qui en a parlé́ à tout le monde. 

- Oh, mais tout le monde sait que ma pauvre femme est un peu simple d’esprit ; elle fait des rêves la nuit et elle les prend pour la réalité́. 

Le sultan fit venir la femme de Nasreddine. 
- Raconte-nous la vérité́, lui dit le sultan. 
- La vérité́ vraie est que mon mari a trouvé́ une jarre pleine de pièces d’or. 
- Peux-tu nous dire quel jour c’était ? 
- C’est simple, je m’en souviens très bien, c’était le soir où il a plu du couscous. 
- C’est bien, dit le sultan. Maintenant, Nasreddine, tu peux rentrer avec ta femme, et qu’Allah te vienne en aide pour la supporter. 

Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage, Jihad Darwiche et David B.