vendredi 26 juin 2015

D'où vient la force ?


Un homme avait un bœuf noir d’une grande force. Son voisin, qui en avait aussi un très fort, aimait les paris.
Un jour, au cours d’une foire, ce voisin fit tirer à son bœuf un chariot avec une lourde charge et, devant l’étonnement des badauds, paria 100 pièces d’or qu’aucun autre bœuf ne pourrait le faire.      
 Le propriétaire du bœuf  noir releva le défi. Il attela sa bête et lui cria : « Allez, vas-y ! Tire, feignant ! Sale bête, vas-y ! »
Le bœuf noir eut beau forcer, il ne parvint pas à tirer la charge et son propriétaire perdit 100 pièces d’or.
Quelque temps plus tard, le voisin remit sur la table le pari, avec 1.000 pièces d’or.
Le propriétaire du bœuf noir ne releva pas le défi, mais une nuit, il rêva que son bœuf lui disait : « relève le défi et je te ferai gagner cette somme. » Devant l’étonnement de son maître, le bœuf continua : « en m’insultant et m’humiliant en public, tu m’a fait perdre ma confiance en mes forces. Encourage-moi et tu verras. »
Alors, le lendemain, le maître annonça qu’il relevait le pari .Il l’attela à la lourde charge et lui prodigua mille encouragements : « Je sais que tu en as la force. Je te fais confiance, … ». 
A l’étonnement de tous, le bœuf noir emporta l’énorme charge.


Source : d’après une fable bouddhiste rapportée par Michel Piquemal 

vendredi 19 juin 2015

Conte japonais : l'école du combat sans armes



Le maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d'autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n'arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maîtrise au sabre. A l'écouter, il était le champion toutes catégories de tout le japon, ce que les voyageurs semblaient croire au vu de leurs regards goguenards où se mêlaient admiration et crainte. Le maître ne s'en préoccupa donc pas, ce qui finit par vexer le samouraï qui voyait bien l'attention de Bokuden se concentrer ailleurs. 


Il lui dit : " Toi, aussi tu portes une paire de sabre. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot ?" Bokuden répondit : " Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu". Le samouraï se gratta le crâne de perplexité et demanda :
- " Mais alors quelle est ton école ?"
- " C'est l'école du combat sans arme."
- " Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des armes ?"
- " Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C'est un sacré défi !"
Exaspéré, le samouraï demanda :
- " Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi, sans sabre ?"
- " Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne !"


Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bokuden suggéra qu'il serait préférable d'aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d'attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï, impatient d'en découdre, sauta à terre, il dégainait déjà son sabre, prêt au combat. Bokuden enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s'élança pour sauter à terre, quand soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau de la berge pour le pousser dans le courant. 

Bokuden se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur une île déserte et il lui cria :   " tu vois, c'est cela, vaincre sans arme !"

Source : http://gctm.free.fr/bushido/jpcontesjp.html

vendredi 12 juin 2015

Raconter, c’est laisser des traces de pas dans l’air…


Sur une plage…
Une tortue, à pas lent, se promène. Tout d’un coup, un jaguar surgit devant elle :
-   Bonjour, cher déjeuner.
-   Jaguar, jaguar s’il te plaît accorde-moi une faveur avant de me dévorer.
-   Qu’est-ce que tu veux ?
-   Laisse-moi un peu de temps pour me préparer à ma mort.
-   D’accord, dit le jaguar, tu n’es pas bien rapide, tu ne pourras pas t’échapper. Prends le temps qu’il te faut mais fais vite, j’ai faim.

A ces mots, la tortue se rue sur le sol, commence à frapper le sable de sa patte, se tourne dans un sens puis dans l’autre, secoue la terre dans tous les sens. Puis elle se calme, vient se placer devant le jaguar et lui dit :
-   C’est bon, je suis prête
-   Mais qu’est-ce qu’il t’a pris, je ne comprends pas
-   Aujourd’hui, tu me manges et contre ça, je ne peux rien. Mais demain, les hommes vont passer par ici et ils verront les traces du combat acharné d’un jaguar et d’une toute petite tortue. Alors, peut-être, ils auront le courage de venir t’affronter …

Raconter, c’est laisser des trace de pas dans l’air… 


Rapporté par le conteur Dan Yashinsky, dans Soudain on entendit des pas

jeudi 4 juin 2015

Le temps du bonheur


C’est l’histoire d’un homme, un chercheur, enfin de quelqu’un qui cherche et qui ne trouve pas forcément. Il ne sait d’ailleurs pas toujours ce qu’il cherche, mais il est en quête.

Il eut un jour l’envie d’aller à Kammir. Il ne savait pas pourquoi, mais il suivit son intuition et partit. Lorsqu’après un long voyage, il arriva fourbus à proximité de la ville, il vit une petite colline à sa droite qui était toute ombragée. Il décida de s’y reposer. 

Il se retrouva dans un jardin parsemé de grandes pierres blanches. Il s’y reposa, puis en laissant son regard se poser sur une pierre blanche, il vit une inscription. Il la déchiffra : si le nom était illisible, il pouvait y lire clairement 8 ans 6 mois, 3 semaines et 2 jours.  Il en regarda une autre avec des inscriptions similaires, puis d’autres encore. Ce qui était terrible était le jeune âge des personnes enterrées : le plus âgé avait 11 ans. « Un cimetière d’enfants ! » pensait le chercheur. 
Il était perdu dans ses pensées quand il vit arriver un homme qui se révéla être le gardien du cimetière. Celui-ci sourit quand le chercheur lui fit part de ses (tristes) réflexions.

Il lui dit : «  Il est de coutume chez nous, le jour du quinzième anniversaire d’une personne, de lui faire présent d’un carnet. Dans celui-ci, il doit noter à gauche ce qui lui a donné de la joie et, à droite, combien de temps a duré cette joie. Ainsi, nous notons peu à peu, dans ce carnet les moments heureux, les fêtes, les rencontres, les bonnes nouvelles… et leur durée.
Lorsque que quelqu’un meurt, nous ouvrons son carnet et additionnons ses moments de joie, parce que pour nous, ce temps est le seul et véritable temps vécu. »         


Source :Jorge Bucay, Je suis né aujourd’hui au lever du jour, Pocket (2008)