jeudi 28 mars 2019

Conte zen : l'émotion

Dans un monastère japonais, vivait un vieux moine qui inspirait aux jeunes moines une sorte de terreur respectueuse, car rien ne semblait pouvoir troubler sa sérénité. bien qu'il répétât à toute occasion qu'il n'y a rien de mal dans une émotion, quelle qu'elle soit, à condition de ne pas se laisser emporter par elle, il restait calme et inaltérable. On ne pouvait ni l'irriter, ni l'effrayer, ni l'inquiéter.

Un matin d'hiver, alors que la nuit obscurcissait encore tous les couloirs du monastère, les jeunes moines s'assemblèrent silencieusement dans l'ombre. Le vieux moine, ce matin-là, devait apporter la tasse de thé rituelle jusqu'à l'autel. A son passage, ils jaillirent brusquement de l'obscurité comme des fantômes hurleurs.

Le vieil homme continua sa marche paisiblement, sans faux pas, sans tressaillement. Un peu plus loin dans le couloir se trouvait une petite table, il y posa doucement le thé, le couvrit d'un morceau de soie pour qu'aucune poussière ne pût y tomber. Puis il s'appuya contre un mur et poussa un grand cri de frayeur.

Source : https://www.forum-metaphysique.com/t3552-contes-zen

vendredi 22 mars 2019

Toutankhamon, comment se créent les légendes

Une grande exposition autour du pharaon Toutankhamon débute ces jours-ci. Savez-vous que ce pharaon est aussi un « produit » de la résistance au changement ? 

Aux 15ème et 14ème siècles avant notre ère, la 18ème dynastie porte l’empire des pharaons à son apogée. Akhenaton (Amenhotep IV en égyptien, Amenophis IV en grec) règne entre - 1353 et - 1336.
En l’an IX de son règne, il accélère une évolution / révolution lancée par ses prédécesseurs, proclame qu’il n’y a qu’un seul dieu et ordonne la destruction des images des anciennes divinités. 
En révolutionnant ainsi la religion, Akhenaton bouleverse la société égyptienne. La confiscation des biens du clergé des anciens dieux crée des problèmes sociaux dans cette économie égyptienne antique. Le clergé se révolte et pousse au renversement du pharaon, de peur de perdre ses privilèges et ses richesses. 
D’après le prêtre égyptien Manéthon (3ème siècle avant notre ère), qui puisait dans des inscriptions hiéroglyphiques anciennes, une alliance se constitue au 14ème siècle (sur la fin du règne d’Akhenaton) entre d’une part des populations sédentaires réduites en esclavage, d’autre part un peuple nomadisant dans le désert. Ils choisissent pour chef un grand prêtre du culte d’Aton nommé Osarseph, rebaptisé Mosé (Moïse) lors de son couronnement comme roi. Finalement, ce Mosé est battu par les troupes du pharaon et fuit vers les pays appelés aujourd’hui Israël / Palestine. 
D’après l’historien antique Philon d’Alexandrie (qui disposait de nombreux documents, disparus depuis) Akhenaton avait bien un fils nommé Toutankhaton, inhumé sous le nom de Toutankhamon. Celui-ci devint bien roi alors qu’il n’était qu’un enfant. Sous la pression du clergé, ce dernier rétablit les anciens cultes et leur redonna leurs biens. 
Le clergé méfiant fit rayer les noms de celui-ci et des pharaons précédents des listes officiels. Cette discrétion fit que le tombeau de Toutankhaton / Toutankhamon fut le seul à n’avoir jamais été profané, d’où la richesse de la découverte.  
Quant aux idées d’Akhenaton et à ses partisans en fuite, certains historiens estiment que cela a été le début du monothéisme (ou plutôt la poursuite de cette idée qui imprégnait déjà les prédécesseurs d’Akhenaton).
Un bon exemple de création de légendes...

vendredi 15 mars 2019

Le drapeau


Dans le documentaire de Hassan Ferhani, Dans ma tête un rond-point, un employé de l’abattoir d’Alger raconte une histoire de cigogne remontant à l’époque de la colonisation. L’oiseau avait volé le drapeau français pour le mettre dans son nid. Les soldats, furieux de ne pas retrouver leur emblème, ont arrêté et torturé une partie du village sans résultat. C’est un coin de drapeau tricolore dépassant du nid qui a fini par révéler l’identité du criminel. Les Français ont arrêté la cigogne et l’ont gardée en prison plusieurs mois. Ils l’ont tabassée régulièrement sans qu’elle n’avoue rien. Ils ont fini par la libérer.

source : Alice Zeniter, L’art de perdre, Flammarion, 2017 

vendredi 8 mars 2019

Conte zen : l’homme pressé


C'est l'histoire d'un très vieux maître zen accompli, et de son jeune disciple, peu patient.
Le disciple demande au maître : "Dites, ô grand maître, dans combien de temps deviendrai-je un maître accompli de la philosophie zen ?"
Là, le maître réfléchit un bon moment, et puis lâche froidement : "Trente ans."
L'élève, très gêné, lui répond : "Ah... Euh, mince, alors, ça en fait, un bout de temps ! Et si je m'acharne, que j'y pense jour et nuit, que je m'entraîne intensément à la méditation et tout, ça fera combien de temps ?"
A ce moment, le maître réfléchit encore plus longtemps, puis lui assène sa réponse : "Dans ce cas... Cinquante ans."

vendredi 1 mars 2019

Conte zen sur le lâcher prise

La vie des navires peut paraître simple, et qu’ils n‘ont qu’à flotter tranquillement sur la mer. Ce n’est pas toujours le cas. Il y a les rochers qu’il faut éviter, les vagues qui sautent par-dessus bord, et bien d’autres soucis qui obligent à rester vigilant. 

Alors, lorsqu’un bateau sort pour la première fois du port, on lui recommande de ne pas paniquer, de rester concentré et de bien suivre son chemin. 

Ainsi, lorsque le paquebot Pax sortit du port, il reçut toutes les recommandations d’usage. Du coup, une fois au large, Pax était stressé. Il filait à toute vapeur tout en regardant partout s’il n’y avait pas de roc sur sa route. Il s’alertait à chaque fois qu’un nuage noir planait dans le ciel car il avait peur qu’une tempête n’arrive. À chaque nuage, sa crainte augmentait. Chaque fois, Pax imaginait que le nuage allait grossir, jusqu’à remplir le ciel et tout noircir. Le moindre petit nuage devenait un ennemi à combattre. Il n’était jamais vraiment tranquille et c’était bien fatigant. Il gardait en tête qu’il devait arriver à temps sur le rivage lointain où toute sa cargaison était attendue. Il transportait de   l’argent, de l’or et bien d’autres choses de valeur. Et s’il se perdait ? Pax craignait de ne pas trouver sa voie et de décevoir tous ceux qui avaient confiance en lui. 

Alors, quand la mer se mit à s’agiter, il prit peur, commença à divaguer et tanguer. Il accéléra en se disant : « Il faut que j’y arrive à tout prix. » Il mit la pression au maximum, submergé par des moments de doute : « Je ne vais pas pouvoir y arriver ! » Il n’arrivait plus à se contrôler et avait l’impression qu’il ne pourrait plus lutter contre l’ouragan. 

C’est à ce moment qu’il croisa un autre paquebot qui naviguait doucement sur l’océan. Pax était interloqué : « Comment fais-tu pour ne pas être bouleversé ? » demanda-t-il. Le second bateau lui répondit qu’il n’y avait pas de raison d’avoir peur puisqu’il suffisait de se laisser flotter. En l’entendant parler ainsi, Pax relâcha la pression et se calma. 

Il s’aperçut alors que son fameux nuage noir dont il avait eu si peur était en fait plutôt blanc que gris et que l’ouragan qu’il craignait tant n’était qu’un peu de vent qui agitait gentiment la mer. À   ce moment, Pax comprit la plus grande leçon de sa vie : rien ne sert de mettre la pression, il vaut mieux flotter en faisant confiance aux vagues qui guident dans le bon sens. 

Tout en prenant le temps de se détendre et de s’amuser en mer, Pax arriva à bon port, applaudi par tous ceux qui l’attendaient. Depuis, Pax est le plus tranquille des paquebots. Et dès qu’un nuage noir arrive dans le ciel, il se relaxe. Il sait qu’il a assez de force pour se maintenir sur l’eau et garder le cap.

Extrait du livre de Lise Bartoli « l’art d’apaiser son enfant », Payot, 2015