mardi 26 juillet 2022

Comment Proust a refaçonné Carla



Un roman à lire cet été pour se réinventer


Clara est une jeune coiffeuse dans une petite ville de province. Une vie « normale » et routinière jusqu’au jour où un client oublie un livre dans son salon, et pas n’importe quel livre : « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. 

Elle connaissait de nom le livre, mais le lire, c’est une autre aventure. Elle va s’y accrocher 

 

« Proust. Avant, ce nom mythique était pour elle comme celui de certaines villes – Capri, Saint-Pétersbourg... – où il était entendu qu’elle ne mettrait jamais les pieds. D’abord, rien. Nada, niente, nichts. Une première phrase aussi connue qu’un slogan publicitaire ou le refrain d’une chanson d’enfant et tout s’obscurcit. Les mots sont des fourmis alignées sous ses yeux. C’est quoi, ce livre ? Elle continue, veut savoir, elle est curieuse, l’a toujours été. Une autre phrase l’arrête. Impénétrable. Elle fronce les sourcils mais continue, sans plus être touchée. Les mots redeviennent des fourmis alignées. Proust parle de la position de son corps dans son lit, de son bras ankylosé, des meubles autour de lui. Écrire autant de mots pour simplement dire qu’il n’arrive pas à dormir : ce type a un problème, il faut qu’il consulte. »

 

La récompense sera à la hauteur de l’effort et Clara ne sera plus la même.

 

« Ils ne sont pas nombreux, ceux qui se réinventent. On prend généralement pour argent comptant version de la réalité qu’on nous présente en premier, on s’abstient de la questionner par manque d’audace, parce que c’est plus facile, plus confortable et, ce faisant, on vit la vie imparfaite et frustrante de quelqu’un qui ne nous ressemble que de loin. Elle (Clara) a peu de certitudes, de moins en moins à vrai dire, mais elle a celle-ci : on ne se rend pas compte à quel point notre destin est façonné par les autres. »

 

Stéphane Carlier, Clara lit Proust, Gallimard, 2022

mardi 12 juillet 2022

Avez-vous vu votre regard ?



« Si le soleil se dérobe » est un roman qui raconte l’arrivée à New York d’une Jamaïcaine, Patsy, qui cherche à réussir. Arrivée légalement en touriste, elle est accueillie par une amie d’enfance, Cicely, qui s’y est installée quelques années plus tôt. 

 

Ce livre m’a profondément troublé par le regard de l’autre. Cela pourrait se passer à Paris. 

 

Cicely passe le bras sous le sien et l’entraîne vers la sortie (du métro). Patsy admire l’ambiance cosmopolite de la ville. Malgré leurs talons hauts, les New-Yorkaises marchent avec grâce, même sur les trottoirs irréguliers ; d’autres hèlent un taxi en tendant leur bras pâle comme au début d'une chorégraphie ; les mains enfoncées dans les poches, les hommes regardent droit devant eux, l'air de défiler sur un podium. Cicely avait raison. C'est ici que vivent les Blancs.  Selon ses conseils, il faut se déplacer rapidement dans cette partie de la ville, ne jamais regarder les gens dans les yeux, serrer son sac contre soi en permanence, jeter régulièrement un coup d'œil par-dessus l'épaule et être gentille avec les enfants des autres, car on n'est pas en Jamaïque, ici : celui qui gronde un enfant qui ne lui appartient pas à toutes les chances de se faire incendier par ses parents. Cicely lui recommande aussi de ne pas faire attention aux personnes blanches qui accélèrent en la voyant, jettent un coup d'œil derrière elles puis traversent la rue ; ni à celles qui se lèveront peut-être au moment où elle s'assied où la fileront dès qu'elle entrera dans un magasin. 

« Reste simplement à ta place, sois polie, travaille dur et gagne de l'argent pour subvenir aux besoins de ta famille. C'est tout ce qui compte. Sois aussi invisible que possible ».

 

Projetons-nous ce regard sur les autres ?  Est-ce seulement sur les immigrés ? Les personnes de couleur ? Les autres couches sociales ? Un travail d’humilité et de fraternité à faire.  

mardi 5 juillet 2022

Quel est votre niveau de Grandeur ?




Découverte par un ami d’un livre pas très récent, mais toujours d’actualité : la France et les Français vus par un Canadien francophone. Un regard décalé qui fait sourire (parfois jaune). 

 

Parmi les nombreuses idées, la théorie de la Grandeur. 

 

L’auteur estime que nous aimons la grandeur, la pompe, le clinquant. Et cette grandeur, elle n’est pas attribuée seulement aux choses, aux monuments, mais également aux hommes, que finalement, on met au Panthéon.

Au Canada, on a peur des grands hommes, le panache est suspect et la gloire doit être collective.

 

En France, si on n’a pas grands hommes, on en fabrique comme au cinéma. De même, nous créons des élites, quitte à en changer après échec. Nous avons des Grandes écoles, et des « cliques » comme les énarques, les polytechniciens…

 

Mais c’est quoi un grand ? L’auteur a imaginé un « grandeuromètre », une sorte d’étalon de la grandeur.

 

Au niveau zéro, vous et moi, M. ou Mme =Toutlemonde.

 

Au niveau 1, la familiarité. L’individu est désigné par son nom, ou mieux ses initiales : Depardieu, DSK, PPDA… 

 

Au niveau 2, le symbole : on rajoute à votre nom un « isme » : le gaullisme, le chiraquisme….Ces gens-là ont fondé une école et ils ont des disciples.

 

Au niveau 3, la vénération. Le grand homme devient un dieu vivant (ou mort) avec ses zélotes : Bourdieu, Lacan….

 

Au niveau 4, le règne : La Chiraquie ou Le Mélanchonisme : on vite entre soi sur sa planète. 

 

Au niveau 5 :la divinité : c’est l’alpha et l’oméga, la grandeur englobe tout et son contraire. Il y en a un par siècle : Napoléon, De Gaulle…Il est incontournable même pour ses adversaires. 

 

Et vous, vous pensez être où ?