jeudi 25 juin 2020

Le buffle patient

Un buffle énorme aux cornes puissantes était allongé, endormi à l’ombre d’un arbre. Deux yeux malicieux épiaient au travers des branches, et un petit singe se disait : Je connais un bon vieux buffle, sous l’arbre endormi il demeure Mais de lui, je n’ai pas de crainte, et lui de moi n’a pas peur. Et de sa branche il sauta sur le dos du buffle. Le buffle ouvrit les yeux. Lorsqu’il vit le singe danser sur son flanc, il les referma, comme si ce n’était qu’un simple papillon. Notre fripon de singe essaya alors un nouveau tour. Il bondit sur la tête du buffle, entre les deux cornes, saisit les deux extrémités et se balança comme sur un arbre. Le buffle ne cligna même pas des yeux. « Comment pourrais-je donc mettre mon bon ami en colère ? » pensa le singe. 
Et comme le buffle s’était mis à manger, il piétinait l’herbe partout où l’autre voulait brouter. Le buffle se contenta d’aller plus loin. 

Un autre jour, le singe mal intentionné prit une baguette et se mit à en frapper les oreilles du buffle, puis comme le buffle se levait pour se promener, il s’assit sur son dos, comme un héros brandissant un sceptre. 

Le buffle ne manifesta pas le moindre murmure bien que ses cornes fussent dures et puissantes.
Un jour, alors que le singe était assis sur son dos, une fée apparut.
« Tu es quelqu’un d’important, dit-elle au buffle, mais tu ne sembles guère connaître ta force. Tes cornes peuvent abattre les arbres et tes sabots pourraient briser les rochers. Les lions et les tigres craignent de t’approcher. Ta force et ta beauté sont connues de tous et tu te promènes cependant avec un singe stupide sur ton dos. Un seul coup de corne le transpercerait, un seul coup de sabot l’écraserait. Pourquoi ne le jettes-tu pas au sol, et n’en finis-tu pas avec cette comédie ? »
« Ce singe est petit, répondit le buffle, et la nature ne lui a pas donné beaucoup d’intelligence. Pourquoi devrais-je donc le punir ? Et pourquoi devrais-je le faire souffrir pour être moi-même heureux ? » 

La fée sourit et d’un coup de baguette magique, elle écarta le singe. Puis elle donna au grand buffle un charme, qui empêchait que personne ne puisse le faire souffrir et il vécut toujours heureux. 


mercredi 17 juin 2020

la tortue et le temps

Il était une fois un jeune homme, prénommé Urashimataro, qui vivait dans un petit village au bord de la mer.
Tous les jours il allait pêcher. Un jour, bien qu'ayant passé toute la journée en mer, Urashimataro ne ramena que trois poissons. Sur la plage, un groupe d'enfants chahutait. Le jeune homme, se demandant ce qui pouvait bien les amuser autant, se dirigea vers eux. Les enfants avaient attrapé une tortue et la maltraitaient.
Urashimataro avait bon cœur, et il voulut sauver la pauvre bête.
Il dit aux garnements qu'il ne fallait pas faire de mal aux animaux, mais ceux-ci continuèrent de plus belle. Urashimataro décida de l'échanger contre les quelques poissons qu'il avait pêchés dans la journée. Les garnements lui cédèrent la tortue, et il put remettre la pauvre bête à la mer. Elle partit vers le large et, tout en nageant, ne cessa de se retourner pour regarder Urashimataro.
Quelques jours plus tard, Urashimataro pêchait en mer, lorsqu'une grosse tortue apparut près de sa barque. Le jeune homme stupéfait l'écouta.
« Il y a quelques jours, tu as sauvé une tortue ; nous te remercions et, comme marque de notre reconnaissance, nous t'invitons au palais du Royaume de la mer. Monte sur mon dos, je vais t'y conduire. »
Urashimataro s'installa sur la carapace de la tortue, et il s'enfonça avec elle dans les flots.
La tortue nageait et Urashimataro, émerveillé, regardait les poissons, les algues, tous ces êtres merveilleux vivant au fond de la mer. Ils arrivèrent au palais, où tout était beau et magnifique. Une princesse, la plus belle jeune femme qu'Urashimataro ait jamais vue, l'accueillit et lui dit : « Je te remercie de m'avoir aidée. Je suis la tortue que tu as sauvée de ces méchants enfants. Je voulais voir le monde du dessus de l'eau et pour cela je m'étais changée en tortue. »
Elle lui offrit un véritable festin. Urashimataro vécut heureux au palais. Il avait oublié son village natal.

Trois années s'écoulèrent ainsi, comme dans un rêve. Un jour, la princesse emmena Urashimataro dans une pièce où il n'était jamais entré. Par la fenêtre, on pouvait voir le monde du dessus de l'eau. Le jeune homme vit son village natal, et soudain tout lui revint en mémoire. Il fut pris de nostalgie. Il voulut rentrer chez lui. La princesse en fut attristée, mais elle ne pouvait pas s'opposer à son départ. Elle lui offrit en souvenir une cassette précieuse et lui dit : « Si tu te trouves dans une situation difficile, ouvre-la. » 
Urashimataro remercia la princesse, et revint dans le monde du dessus de l'eau.
Une fois arrivé, Urashimataro traversa le village pour rentrer chez lui, et un étrange malaise l'envahit. Le village, les maisons étaient un peu différents de ceux de son souvenir, et les gens qu'il rencontrait lui étaient tous inconnus.
Lorsqu'il arriva là où il avait vécu, quelle ne fut pas sa surprise de voir qu'il n'y avait plus trace de sa demeure, qu'il ne restait que des herbes folles !
Il parcourut alors les rues en interrogeant les villageois, mais personne n'avait entendu parler de la maison d'Urashimataro.
Enfin, l'homme le plus âgé du village lui dit :
« Urashimataro ? Si mes souvenirs sont exacts, c'est ce jeune homme parti en mer et qui n'est jamais revenu. Mais c'est une histoire qui a maintenant trois cents ans, mon garçon ! »
Urashimataro comprit alors que les trois ans passés au palais étaient en fait trois cents années. Il se mit à la recherche de la tombe de sa mère ; non seulement il la trouva, mais il vit également la sienne. Il était malheureux et se sentit si désespéré qu'il ouvrit la cassette que la princesse lui avait offerte. Une épaisse fumée s'en échappa et l'enveloppa entièrement, le transformant en vieillard.


mercredi 10 juin 2020

Laisser du temps au temps

Il y a bien longtemps, dans un village chinois de la province du Yunnan, vivait un paysan, dont la famille plantait du riz depuis des générations.
Uu jour, il eut l’idée de tirer sur les plants de riz pour les faire pousser plus vite et hâter ainsi la moisson. Il repartit chez lui fort satisfait. Le lendemain, il se rendit au champ accompagné de sa famille, plein d’impatience, pour leur montrer ce progrès inespéré.
Mais du champ abondant qui faisait sa fierté, il ne trouva qu’un espace désolé, constatant que sa récolte avait dépéri…
Ce conte est un grand classique de la sagesse chinoise, résumé dans un proverbe en quatre caractères (Chengyu) : 拔苗助長 (Ba Miao Zhu Zhang)
En français, il pourrait être traduit par « savoir laisser le temps au temps ».
Source : https://planete-cultures.com

mercredi 3 juin 2020

Construire un pont

Chinois et Français arrivent au bord d’une rivière qu’ils doivent traverser.
Les Français commencent à discuter, puis à élaborer les plans pour réaliser un pont. Pendant ce temps, les chinois parcourent la berge pour détecter un endroit où le courant est moins fort…
Les Français ont pu élaborer une première version du plan. Ils commencent alors à discuter pour l’améliorer et trouver une solution encore plus élégante. Pendant ce temps, les chinois ont trouvé un endroit où le courant est faible. Ils s’engagent sur un première pierre pour traverser…
Les Français recensent alors les risques: pour chacun d’entre eux, ils réfléchissent à des actions de mitigation / modération. Pendant ce temps, les chinois ont pu progresser jusqu’à la moitié du fleuve. Mais les voilà bloqués. Ils commencent à déplacer quelques pierres pour combler et pouvoir passer…
Les Français discutent alors le planning et l’affectation des ressources…
Et ainsi de suite… Cette histoire résume parfaitement la différence d’attitude face à l’action.
Et au fait, qui arrivera en premier sur l’autre berge ? Le conte ne le dit pas !
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Ce conte est en quelque sorte une extension du célèbre proverbe chinois 摸着石头过 : « traverser la rivière en tâtonnant pierre à pierre », qui décrit le rapport chinois à l’action : pas à pas, en réajustant constamment sa position en fonction des circonstances…
Source : https://planete-cultures.com