jeudi 25 février 2010

Je reviens de Vancouver


- Bonjour chers auditeurs, je me trouve actuellement à l’aéroport de Roissy (Charles de Gaulle pour les étrangers) et j’attends l’arrivée du vol de Vancouver pour accueillir nos héros qui reviennent des JO. Justement j’aperçois l’un d’entre eux avec ses chaussures de ski autour du cou et les mains chargées de trophées. Monsieur, monsieur, quelques mots pour les auditeurs de Radio-ski, la radio leader des amoureux du ski. Alors, comment c’était Vancouver ?
- Nuageux, brumeux, vous avez sûrement vu à la télévision les épreuves reportées et toutes les conséquences.
- Cela a du être difficile pour vous. Dans quelles épreuves concourriez-vous ?
- Ma spécialité est le ski alpin et notamment la descente. mais en fait je n’ai pas concouru.
- Ah bon ? Accident ? incident ?
- Non, je fais courir les autres, c’est tout aussi stressant.
- Vous êtes sûrement un des entraîneurs de l’équipe de France. Comment expliquez-vous alors les résultats des skieurs français ?
- Mes résultats sont bons, d’ailleurs regardez les trophées que j’ai à la main. Il y en a encore plus dans mes bagages.
- Je ne comprends pas. Il me semble pourtant que les skieurs alpins n’ont rien gagné. Et puis, ce sont des coupes que vous tenez dans la main, pas des médailles olympiques.
- Ce sont les coupes gagnées par mes poulains en prévision des jeux d’Annecy.
- Il y a des jeux à Annecy ? Quels jeux ?
- Les jeux olympiques 2018 !
- Je ne vois pas le rapport avec Vancouver ?
- Je prépare les futurs champions olympiques ; ils gagnent coupes sur coupes dans les compétitions. Ils sont, j’en suis sûr, les futurs champions olympiques de 2018. Alors quand j’ai vu ce qui se passait à Vancouver en ski alpin, je me suis précipité là-bas avec mes coupes pour soutenir le moral des troupes et des dirigeants, dans la perspective de JO 2018. Courage, leur ai-je dit, nous arrivons !
- Vous ne croyez pas que ce que vous faites aurait du être fait depuis longtemps, parce que les médailles gagnées ces dernières années ne sont pas très nombreuses ?
- Mon métier est de faire gagner pour les JO d’Annecy. Voyez mes prédécesseurs pour répondre à votre question.
- Vous m’avez l’air sûr de gagner dans huit ans. Qu’est-ce qui explique votre optimisme ?
- Mon job est de leur donner la motivation et le savoir-faire technique pour cela. le vôtre, ce sera de m’expliquer dans huit ans pourquoi cela a marché ou non. Vous m’expliquerez alors ce que j’aurai du faire, à moins que vous n’ayez une réponse aujourd’hui à me donner. Je suis à votre écoute.
- Oui... , euh… c’est l’heure de la page pub, excusez-moi. Radio-ski, je vous rends tout de suite l’antenne.

jeudi 18 février 2010

La police en panne, et avant ?



La police en panne défile sur les Champs Elysées en ce soir lugubre et froid d’hiver. La police n’a pas le droit de faire grève, alors elle fait défiler ses véhicules. C’est ce qu’on appelle la grève par procuration. Comment en est-on arrivé là ? C’est une longue histoire que je vais maintenant vous conter.

Tout cela débuta à l’hiver 2010. Les salariés furieux de la fermeture de leurs entreprises se mirent en grève. Les professeurs fâchés de l’insécurité dans les écoles firent jouer leur droit de retrait. D’autres en colère contre les (faibles) hausses de salaire s’arrêtèrent d’œuvrer. Les syndicats saisissants la balle au bond proposèrent des journées de grève spontanées reconductibles. Progressivement, chacun se dit : « puisque tout le monde s’arrête, pourquoi dois-je être le seul à travailler ? » et l’économie s’arrêta.

Les politiques se mirent de la partie : les partis de l’opposition, vainqueurs aux Régionales, refusèrent de dialoguer et se retirèrent. Le parti de la Majorité, maintenant en minorité dans les régions, décida qu’il fallait laisser l’opposition d’hier –majorité d’aujourd’hui gouverner : « qu’ils fassent leurs preuves et on verra demain ».

Demain, c’est loin, alors en attendant tout le monde se mit au repos. Enfin, le monde essaya, mais les hôteliers et les restaurateurs étaient aussi en grève. Donc chacun resta chez soi sans télévision (en grève), sans radio (en grève) et sans transports (en grève). Comme les compagnies d’électricité étaient touchées par les arrêts, les feux tricolores ne marchèrent plus et il y eut d’effroyables embouteillages.

Devant une telle pagaille et l’inoccupation qui s’en suivit (défiler en juin, on peut le faire tous les jours, mais en hiver…) la population commença à manifester pour retravailler : « nous voulons bien être en grève si les autres travaillent, mais si ce n’est plus le cas, alors que les autres recommencent et nous on les suit ». En effet, personne ne voulait faire le premier pas de peur d’être accusée d’être un briseur de grèves. « Tirez les premiers, messieurs le politiques ! », « Après vous, je n’en ferai rien, messieurs les syndicats ! ».

Remarquez, cette pagaille n’était perdue pour tout le monde. Les frontières étaient cernées par les entreprises étrangères qui proposaient leurs produits aux habitants démunis. Il s’en suivait un vaste trafic d’acheteurs et de revendeurs et toute une économie parallèle surgit en quelques jours. Le paradoxe de l’histoire est que ce furent les salariés en grève qui devinrent les patrons de ces nouvelles entités. Sans rancune, ils embauchèrent leurs employeurs qui voyaient leurs affaires péricliter. Devant ce retournement de situations, les syndicats de ces nouveaux patrons craignirent de devoir négocier avec un MEDEF des salariés et poussèrent à la reprise, ce qui se fit cahin-caha.

Tout est bien qui finit bien, me direz-vous. Et la police ? Fatiguée, épuisée par la surcharge de travail, elle demanda un peu de répit. On lui dit que ce n’était pas l’heure de l’arrêt : « c’est maintenant l’heure de l’unité dans le travail ».

Alors, elle se mit en grève par procuration et cela donna des idées à d’autres…

samedi 13 février 2010

Le premier jour du télétravail


Augustin est heureux ce matin en se levant. C’est sa première journée de télétravail. Suite au déménagement de son entreprise à plus d’une heure trente de chez lui, les syndicats ont négocié la possibilité du télétravail pour les salariés qui ont vu leur temps de trajet fortement augmenté. Il bénéficie donc de deux journées de télétravail à distance par semaine. Libre à lui de les prendre ou non.

Malgré l’accord direction-syndicat, ce ne fut pas une mince affaire à mettre en place. Le lundi, il y a la réunion traditionnelle du comité de direction : il vaut mieux être là l’après-midi pour prendre en compte les dernières décisions qui peuvent impacter le ravail. Le mardi, c’est la réunion de son équipe. Le mercredi est un jour réservé pour les mères de famille. Le jeudi, il y a plusieurs groupes de travail dont il fait partie qui se réunissent et le vendredi, c’est le sacro-saint repas en équipe.

Après moultes discussions, tergiversations et engueulades, il a pu prendre son mardi, la réunion ayant été avancée au lundi. Tout guilleret, il s’installe à 8h devant son ordinateur. « Dire que d’habitude, je suis serré comme une sardine dans le métro » se dit-il avec joie. « Je vais pouvoir avancer comme jamais dans mon travail, sans être dérangé et ce soir à 18h00 je pourrai aller à la piscine ! » Quelle n’est pas sa surprise quand il constate qu’il a déjà reçu 34 mails ce matin. « J’avais pourtant fait le ménage hier soir » maugrée-t-il. Un bref regard sur les destinataires et l’heure d’envoi : ce sont de collègues en télétravail qui ont commencé plus tôt que lui ! Il y a déjà même des rappels de certains ave des notes ironiques sur les lève-tards.

« Pas grave » se dit-il « je vais les traiter plus tard. C’est cela l’avantage du télétravail : pouvoir prioriser sans pression. » Dix minutes plus tard, une petite fenêtre vidéo s’ouvre avec Skype. C’est son responsable qui veut faire le point sur un dossier. En même temps, sa messagerie instantanée commence à s’agiter avec des tas de mots de ses clients internes. Tout en lui vantant la joie qu’ils ont de le voir travailler à distance, ils souhaitent qu’ils profitent du temps gagné sur les transports pour avancer plus vite sur tel ou tel sujet. En parallèle, son Smartphone se met à vibrer. 10h30 arrive très vite avec toutes ces urgences et appels. Augustin décide de s’accorder une pause. Il va se faire un café. Revenu dix minutes plus tard, il trouve des messages des Ressources Humaines. Son correspondant s’inquiète de son « silence » : son ordinateur est sans réponse depuis 11 minutes et trente secondes. « Dans le cadre de la lutte contre le stress et le surmenage, nous souhaitons savoir si cet arrêt d’activité de plus de dix minutes est lié à
a) une période de réflexion (si oui, justifiez),
b) une panne de liaison (merci de joindre un justificatif de votre opérateur),
c) une pause toilettes et/ou rappel (rappel : selon l’accord direction-syndicat, celle-ci est limitée à 6 minutes 47 secondes le matin et 7 minutes 23 secondes l’après-midi)
d) un appel téléphonique (merci de préciser le nom de l’interlocuteur et son n° de téléphone)
e) un sentiment de surmenage (indiquez le niveau selon le barème présenté lors du séminaire sur les RPS –risques psychosociaux-)
Bien entendu, ces données ne vous sont demandées qu’à titre statistique, le but étant de vous favoriser les meilleures conditions de travail à distance. »

Le temps de lire tout cela, deux autres fenêtres vidéo s’ouvrent en même temps et dix mails urgents arrivent, avec toutes le même leitmotiv : « puisque tu es au calme, peux-tu ASAP… ».
« C’est pire qu’au bureau ! » se lamente-t-il ! Cahin-caha, il arrive à l’heure du déjeuner. Pendant celui-ci, son Smartphone, puis son téléphone privé n’arrêtent pas de sonner, chacun se plaignant de ne pouvoir le joindre, puis s’excusant ensuite, une fois son arrêt de travail justifié.

L’après-midi fut du même acabit. La piscine à 18 heures disparut compte tenu des urgences et le lendemain matin, ce ne fut pas avec un grand soulagement qu’Augustin reprit ses trois heures de transport allers et retours, la pause café à l’arrivée et en milieu de matinée, … le tout sans être dérangé. « Vive la vraie vie » se dit-il quand ses interlocuteurs habituels l’accueillirent en l’enviant sur sa journée au calme.

vendredi 5 février 2010

Traversez le mur !


Non, je ne garde pas les toilettes, je ne fais pas office de point de contrôle et je ne suis pas là parce que je n’ai pas de bureau. J’ai choisi d’être là au contact de tout le monde. Regardez mon univers : il est blanc, sans marques particulières, sans panneau, sans repère. A l’abri de ces cloisons, vous pouvez travaillez en paix. Pendant vos heures de « bureau », hormis les arrivées et départs, le silence règne sur ces couloirs.

Moi aussi, j’ai travaillé derrière ces cloisons : on y est bien au chaud, protégé des regards extérieurs, entre soi. Seulement l’enfer, c’est souvent les autres, comme l’écrivait Jean-Paul (Sartre). Alors, un beau jour, j’en ai eu assez du seul regard de mes collègues et des quelques visiteurs. Je me suis évadée, pas bien loin je l’avoue, juste de l’autre côté du mur. J’y ai tiré mon bureau et ma chaise, fait passer les câbles du téléphone et d’internet sous le panneau et le tour était joué.

Cela vous change la vie. Votre regard se porte au loin, vous voyez les passages de chacun (ce qui ne vous empêche pas de vous concentrer) et surtout vous existez aux yeux des autres. Mes collègues m’ont d’abord regardé comme une folle, puis comme un danger (des fois que cela donnerait l’idée à d’autres d’abattre les cloisons) puis s’y sont résignées.

La direction s’en est émut. J’ai eu aussi la visite des syndicats des représentants du CHSCT, du médecin du travail, … « On » a essayé toutes sortes de manœuvres pour me faire réintégrer mon espace : le risque sur le passage, l’accès pompiers, le déménagement vers un autre endroit… mais j’ai tenu bon. J’ai apporté preuves sur preuves aux arguments qui m’étaient avancées. J’ai aussi bénéficié d’une mésentente entre la direction et les syndicats sur l’indicateur de stress et le harcèlement. Finalement, je suis resté là. je suis mise en avant par la direction pour montrer sa souplesse sur l’intérêt porté aux conditions de travail et par les syndicats comme un combat contre le harcèlement et l’isolement.

En fait, j’ai découvert que j’existais. Moi, ce qui me motive, c’est d’exister, d’entretenir des relations avec les autres et de contribuer à la communauté. Si la vie en Open Space en a tué certains, la vie dans le couloir m’a fait revivre. Fini les froides mesquineries en petits groupes, fini les rivalités sans but qui divisent. Placé comme je suis, je connais presque tout le monde (enfin, tout le monde me connait) ; je deviens un lieu de passage et de croisement, je rends service aux uns et aux autres, sans me laisser déborder.

Finalement ce qui rend heureux, c’est d’avoir une marge d’autonomie, d’être au contact des autres et de se sentir utile. Alors, pour cela, il faut parfois traverser les murs. Ceux-ci peuvent être aussi bien virtuels. Alors, commencez un jour, vous vous ouvrirez de nouveaux horizons et votre voyage de découverte ne fera que commencer.

Un dernier mot : j’ai vu une pub pour un site qui m’a interpellée : http://www.devenezvoumeme.com/. J’ai été un peu surprise, c’était pour l’armée de terre ! Je préfère http://www.trouversavoie.org/., c’est moins engagé….


« Je dois mes succès à la diversité des gens rencontrés plus qu’à mon intelligence » Linus Pauling