vendredi 30 août 2019

Le roi Mithridate et la lune

Il y a fort longtemps vivait le roi Mithridate, fort aimé de son peuple. Son nom signifiait soleil et il rayonnait pour les autres. Mais on ne sait pour quelle raison, ce roi vivait dans la hantise qu'un jour, on l'assassine par du poison. Il aimait la nuit, et se plaisait à converser avec la lune pour prendre conseil et écouter les bruits de ce qui est caché. Il parlait de sa peur avec la lune, mais celle-ci ne lui répondait pas, comme si elle ne savait pas comment l'aider car elle ne voyait pas ce qui, dans cette histoire, l'empoisonnait véritablement C'est ainsi que Mithridate prit la décision, chaque jour de prendre un peu de poison. De cette façon, se disait-il si un jour quelqu'un voulait intenter a sa vie, son corps serait immunisé.

Il prenait le poison selon un rituel bien établi, une faible dose chaque jour, et ce, quels que soient ce dont était constituée sa journée ou les rencontres qu'il faisait Mais ce dont il ne se rendait pas compte, c'est qu'au fil des jours, la nuit prenait de l'ampleur ; une nuit où la lune disparaissait, se faisait fantôme, évanescente. Et plus le roi prenait de poison le jour, et plus la nuit sans lune s'étendait. Une nuit sans conseil, sans écoute des bruits cachés et de ce que la nature pouvait révéler lors de ces parenthèses. Cela jusqu'à ce que le jour se résume au seul moment de la prise du poison, et que la nuit occupe le reste Cet état dura des jours, des semaines, des mois, des années. Mais le roi avait tellement peur de changer, tellement peur d'être empoisonné. Il se doutait bien que ce qu'il s'infligeait chaque jour avait un lien avec sa peur, mais il ne savait pas fonctionner autrement Pouvait-il réellement prendre le risque d'arrêter ? Pouvait-il accepter cette vulnérabilité aux autres et cette faiblesse envers soi ? Jusqu'au jour où, on ne sait pourquoi, Mithridate arrêta.

Peut-être en eut-il assez de ce rituel qu'il s'infligeait, peut-être est ce son corps qui lui dit « stop », peut-être simplement accepta-t-il d'aller vers la nouveauté, ou autre chose dont vous pourriez avoir une idée. Quoi qu'il en soit, dès qu'il arrêta, la nuit régressa jusqu'à retrouver sa place et la lune réapparut Le roi s'adressa à elle « Lune, pourquoi m'avais-tu abandonné ? » Et la lune lui répondit « Je ne t'ai pas abandonné, mais toi, tu ne pouvais plus me voir ».

Source :https://hypnosebernheim.files.wordpress.com/2015/08/le-conte-du-roi-mithridate.pdf

vendredi 23 août 2019

Conte breton : Orson & Valentin

Bélissant, sœur du roi Pépin, épousa Alexandre, empereur de Constantinople et ne tarda pas à tomber enceinte. L’archevêque du royaume amoureux de Bélissant ne supporta pas qu’elle refuse ses avances et lui joua un mauvais tour. Il inventa une histoire et l’accusa d’infidélité. Elle fut alors répudiée par son mari. Bélissant s’isola dans la forêt où elle donna naissance à des jumeaux au pied d’un arbre : Valentin et Orson. 

Une ourse terrifiante enleva l’un des deux nourrissons, Orson, afin de nourrir ses petits. Dans la tanière, les oursons ne mangèrent pas l’enfant. Ils le réchauffèrent. L’ourse s’attacha à lui et elle l’éleva aussi. Orson devint grand, très velu et terriblement fort. Pour se nourrir, il mangeait les hommes qui s’approchaient.  

Valentin qui avait grandi dans le monde des hommes était également devenu un homme fort et courageux. Il décida un jour de partir chasser le monstre qui terrifiait toute la forêt. Dans un duel d’une rare violence, Valentin réussit à prendre le dessus et au moment précis où il allait asséner un coup fatal à Orson, il comprit qu’il avait en face de lui le frère dont sa mère lui avait souvent parlé. 

Valentin épargna Orson et les deux frères regagnèrent la ville.  Orson apprit à parler, devint vite populaire et fut nommé protecteur de la ville.

Source : extrait d’un roman carolingien Valentin et Orson, très populaire au XVIème siècle. 

Trouvé dans la maison à pondalez, 9 grande rue à Morlaix 

dimanche 18 août 2019

La nuit où il a plu du couscous

Un jour, en labourant son champ, Nasreddine trouva une jarre remplie de pièces d'or. Il se hâta de la cacher sous un arbre, en attendant la nuit pour la transporter sans être vu. Mais, possédé́ par une folle envie de partager sa joie avec quelqu'un, il courut jusque chez lui. Il ferma la porte à clé́, tira sa femme par le bras vers la pièce la plus éloignée de la maison, regarda autour de lui pour vérifier qu'il n'y avait personne et lui chuchota à l'oreille la bonne nouvelle, en lui enjoignant de n'en souffler mot à âme qui vive. 

Une fois couché, Nasreddine se rendit compte de la bêtise qu'il venait de faire. Il était le premier à savoir que sa femme ne pourrait pas tenir sa langue et que, le lendemain, la nouvelle serait diffusée partout. Il réfléchit et trouva une idée. Pendant que sa femme dormait, Nasreddine alla chercher la jarre et la cacha dans un lieu sûr ; ensuite, il monta sur le toit, chargé de deux seaux pleins de couscous. Il fit du bruit pour imiter l’orage, puis il dispersa le couscous sur le toit, dans la cour et autour de la maison, avant d’aller se recoucher. 

Au réveil, sa femme l’appela : 
- J’ai eu peur cette nuit, avec tous ces orages. Le linge que j’avais laissé dehors doit être trempé. 
La femme sortit pour ramasser son linge ; mais en arrivant dehors elle poussa un cri de surprise : 
- Viens voir, il a plu du couscous. 
- Rien n’est impossible à Allah, lui répondit Nasreddine avec un air de grand philosophe. 

Comme Nasreddine l’avait prédit, sa femme ne put tenir sa langue. Dans la journée, elle annonça la nouvelle du trésor à tous les voisins en leur faisant promettre de ne surtout rien dire à personne. 

La nouvelle circula et finit par arriver aux oreilles du sultan, qui convoqua Nasreddine. Le jour de l’audience, le sultan lui dit : 
- Ne sais-tu pas que tout ce qui se trouve sous la terre appartient au sultan ? Selon la loi, tu dois me remettre la jarre que tu as trouvée. 
- De quelle jarre parles-tu ? A vrai dire, je ne comprends rien à ce que tu m’annonces. - Arrête de faire le malin, c’est ta femme qui en a parlé́ à tout le monde. 

- Oh, mais tout le monde sait que ma pauvre femme est un peu simple d’esprit ; elle fait des rêves la nuit et elle les prend pour la réalité́. 

Le sultan fit venir la femme de Nasreddine. 
- Raconte-nous la vérité́, lui dit le sultan. 
- La vérité́ vraie est que mon mari a trouvé́ une jarre pleine de pièces d’or. 
- Peux-tu nous dire quel jour c’était ? 
- C’est simple, je m’en souviens très bien, c’était le soir où il a plu du couscous. 
- C’est bien, dit le sultan. Maintenant, Nasreddine, tu peux rentrer avec ta femme, et qu’Allah te vienne en aide pour la supporter. 

Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage, Jihad Darwiche et David B. 

jeudi 8 août 2019

Le veau sur la glace

Un jour, un veau sautait dans son étable ; il apprit ainsi à faire des tours.
Quand l’hiver vint, on laissa aller le veau avec le troupeau boire à la source entourée de glace. 
Toutes les vaches s’approchèrent avec précaution de l’abreuvoir.
Le veau courut étourdiment sur la glace, levant la queue, dressant l’oreille, et se mit à tourner.
Au premier tour, il glissa et se heurta à l’abreuvoir.
Alors, il se mit à pleurer, comme un veau qu’il était, et murmura :
— Malheureux que je suis ! dans la paille jusqu’au genou, je sautais sans tomber, et ici, dans un endroit aussi uni, aussi poli, je me laisse glisser.
Une vieille vache lui dit :
— Si tu n’étais pas si jeune, tu saurais que là où il est plus facile de sauter, il est aussi plus difficile de se retenir.

Conte de Tolstoï

jeudi 1 août 2019

L’amitié de deux chacals


Il y a fort longtemps, vivaient dans l'immensité du désert deux chacals qui s'aimaient d'une amitié sincère, un peu comme s'aiment deux frères. Ils s'entraidaient et chacun pouvait compter sur l'autre en cas de coup dur. Ils partageaient les mêmes peines mais aussi les mêmes joies. Ils ne frayaient avec aucun autre animal préférant passer tout leur temps ensemble. Ensemble, ils recherchaient leur nourriture. Ensemble ils buvaient et mangeaient. Ensemble ils se rafraîchissaient à l'ombre des mêmes rares arbres du désert lorsque le soleil les tourmentait de ses ardents trop ardents. 
Or un jour, alors qu'ils étaient à la recherche de nourriture, l'un à côté de l'autre, sur un terrain aride et brûlé de soleil, ils virent surgissant devant eux un lion affamé qui était lui aussi à la recherche d'une proie. Plutôt que de fuir, les deux amis s'immobilisèrent et firent face à l'ennemi avec opiniâtreté. Le lion fort surpris ne put s'empêcher de leur demander : 
- Eh bien, pourriez-vous m'expliquer par quel prodige vous ne vous êtes pas enfui à mon approche ? Êtes-vous inconscients ? Ne voyez-vous pas que je suis affamé et à la recherche de nourriture ?
L'un des deux chacals prit la parole et dit :
- Pour sûr, ô seigneur ! Nous sommes fort conscients de cet état de fait. Nous avons vu que tu étais en chasse et que tu allais te jeter sur nous et nous dévorer. Nous avons cependant décidé de ne pas fuir. Quoi que nous fassions, aussi vite que nous puissions courir, tu nous rattraperais. Nous avons donc décidé de ne pas fuir. Nous préférons que tu ne sois pas épuisé au moment où tu décideras de nous dévorer. Nous préférons mourir rapidement et non souffrir par une mort lente.
Le lion qui avait écouté avec attention les paroles du chacal lui dit : 
- Le roi des animaux n'est pas en colère d'entendre des paroles sincères. Il sait reconnaître le courage et l'audace de ses sujets. Il se doit d'être grand et généreux envers ses sujets sans défense.
Sur ce, le roi du désert disparut et depuis ce jour, il accorda la paix aux deux chacals.