jeudi 25 juillet 2019

Les trois pains de la vieille

Il était une fois une vieille dame qui vivait en raccommodant les filets des pêcheurs pour quelques piécettes. Mais un hiver, le temps fut si mauvais que les pêcheurs ne pouvaient aller pêcher, ce qui signifiait pour elle plus de filets à réparer. 

Elle alla voir un riche marchand qui l’autorisa à balayer son grenier et à emporter la farine qui restait sur le sol. Résignée, la petite vieille balaya le grenier.

Heureuse surprise, elle parvient à faire un tas de farine beaucoup plus important qu'elle ne l'avait imaginé. Rentrée chez elle, elle fit trois beaux pains dorés, croustillants et odorants. Elle sent leur bonne odeur et leur chaleur traverser le torchon qui les enveloppe. Et ça lui donne faim. 

Elle s'apprête à couper une tranche de ce bon pain tout chaud quand on frappe à sa porte... C'est un homme en haillons, il semble vraiment épuisé :
-Des voleurs m'ont attaqué sur le chemin et m'ont pris tout ce que j'avais. Je t'en prie, donne-moi quelque chose ...
La vieille femme, émue, donne sans hésiter le pain qu'elle s'apprêtait à couper. L'homme remercie et s'en va. 

La femme s'approche de la table, et se prépare à découper le 2èmepain. Elle entend alors frapper et ouvre la porte : elle voit un homme à l'air désespéré.
-Ma maison a brûlé voilà trois jours. J'ai tout perdu. Sans hésiter, la femme lui tend le deuxième pain. L'homme remercie encore et encore. 

A peine s’est-elle approché de la table pour prendre le 3èmepain qu’un vent violent pousse la porte avec force, s'engouffre dans la maison et, avant que la femme ait pu réagir, lui arrache le pain des mains : un tourbillon emporte la dernière miche de pain vers la mer.

La pauvre petite vieille éclate en sanglots
-C'est injuste ! J'ai donné deux pains à des malheureux et quand je veux manger le dernier pain, tu me l'enlèves de la bouche. Et que veux-tu que la mer fasse de mon pain ? Non, c'est trop injuste !

La pauvre vieille se coucha le ventre vide et la tête pleine de questions. Elle a beau s'interroger, elle ne voit pas la raison d'une telle injustice.
A l’aube, elle décide d'aller porter plainte contre le vent ! Seul le roi Salomon saura juger une affaire aussi délicate : une querelle avec le vent ! 

Le lendemain, elle se rend au palais, dans la grande salle d'audience du roi Salomon. Il l'écoute raconter son étrange histoire, réfléchit … et répond qu'il ne peut juger qu'en présence des deux partis : il lui faut entendre les arguments du vent pour pouvoir trancher.
-Si tu veux demander justice au vent, il doit être présent au tribunal et je ne peux le déranger en ce moment : il pousse nos navires marchands vers l'ouest de la Méditerranée. Je l'appellerai ce soir. Revient demain...

La vieille femme comprend et revient le lendemain. Elle s'installe sur un banc au fond de la salle. 

En fin de journée, trois hommes s'approchent. Ce sont trois commerçants qui viennent d'accoster. Le vent a tourné.
Roi d’Israël, accepte de nous 7 000 pièces d’or et donne-les à une personne dans le besoin...
Pourquoi tant de générosité ? demande Salomon.
C'est un don promis à Dieu qui nous a sauvé de la tempête. Nous approchions de la côte de ton royaume lorsqu'une tempête s'est déchaîné. Une fissure est apparue sur le flanc du navire et nous n'avions rien pour boucher le trou. Désespérés, nous avons fait le serment de donner la moitié de la valeur de notre chargement si nous nous en sortions. -Alors, cette miche de pain, apportée par un tourbillon de vent, est venu se plaquer sur le flanc du bateau, juste sur la fissure et l'a colmatée : c’est cela qui nous a sauvés

Salomon sourit :
Il me semble savoir d'où vient ce pain … 

Salomon cherche des yeux la vieille femme, l'aperçoit et l'interpelle : Reconnais-tu cette miche ?

La petite vieille s'approche à petits pas et regarde le pain :
Mais oui, c’est justement la miche que le vent m’a arrachée. Je reconnais le dessin que j'ai tracé dessus.
Si ce pain t'appartient, les 7 000 pièces d’or t’appartiennent aussi, reprit Salomon. Ce que tu avais pris pour une injustice, un malheur, est devenu Bonheur. Désormais, tu ne manqueras plus de rien.

De cette histoire, Salomon a tiré une sentence qu'il consigna dans le livre de l’Ecclésiaste (11:1) :
 Jette ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le retrouveras.

vendredi 19 juillet 2019

Le conte du moucheron dans l’oreille de l'éléphant


" On raconte qu'un moucheron installa un jour sa demeure dans l'oreille d'un éléphant. Ce petit être-là (il s'appelait Zouzou) était parmi son peuple estimé comme un sage. 
Évidemment Zouzou le sage ne s'était pas établi là, dans l'oreille de l’éléphant, sans lui en demander la permission. Voilà pourquoi il s'avança, dès qu'il eut posé son bagage, sur la cime d'un poil, et s'adressant à l'animal occupé à brouter un arbre :
- Mon cher éléphant, lui dit-il, merci à toi de m'accueillir dans ta superbe oreille droite. Je suis Zouzou le moucheron. On m'honore du nom de sage. Si ma présence te déplaît, je te prie de m'en informer.
Il se tut, se tint recueilli un long moment, les yeux fermés.
- Ton silence, dit-il enfin, me semble empreint de bienveillance.
Il s'inclina profondément et s'installa. Il ignorait évidemment que son discours s'était perdu dans l'austère forêt poilue qui environnait sa demeure. Il va de soi que l'éléphant n'en avait rien perçu du tout. Il ne soupçonna même pas la présence du locataire qui avait chez lui son logis. Si bien que Zouzou vécut là dans la tranquillité, assuré de la protection de son formidable grand frère.
Après dix années sans souci, il dut quitter son ermitage. Obligations professionnelles. Il fit ses bagages, et sur le seuil :
- Éléphant, dit-il, si je pars, c'est à regret, sache-le bien. Ton hospitalité fut en tout point parfaite, mais je dois m'exiler loin de toi, c'est ainsi. Depuis ma lointaine arrivée je sais qu'une amitié secrète s'est entre nous épanouie. M'oublieras-tu ? Je ne crois pas. Toi, tu resteras dans mon cœur. Adieu mon frère, mon ami.
Il attendit une réponse. Elle vint. Elle sonna haut et fort. Zouzou en fut ému aux larmes. L'éléphant barrit puissamment pour appeler une amie éléphant à venir au bain avec lui. Zouzou venu, Zouzou parti, quoi de neuf chez lui ? Rien, la vie. "

Adapté d’Henri Gougaud, le livre des chemins, Albin Michel

vendredi 12 juillet 2019

Un chat vertueux

Dans les temps les plus anciens, existait un chat vertueux, appelé « chat d’Ighnaïn ». Il était connu pour sa bonté, son intégrité et sa fidélité. Il était très apprécié dans son entourage. Comme il ne pouvait pas s’acquitter des travaux assumés par les hommes, la famille qui l’avait adopté l’affecta aux courses. Un jour d’été, il fût chargé d’apporter le déjeuner aux moissonneurs. Dans son panier, il avait une grande quantité de nourriture : pain, huile, beurre, miel, lait… Sur son chemin, il tomba sur un hérisson qui semblait souffrir. Il marchait péniblement en poussant des gémissements de douleur : « aïe, aïe, aïe… ». Il s’apitoya sur son sort, s’approcha de lui et lui proposa son aide : 
- Que puis-je pour vous ? 
Celui-ci, d’une petite voix à peine audible, le supplia : 
- Âme charitable, je vous prie de me transporter jusqu’à ma demeure, elle est sur votre chemin. J’ai trop mal, je n’arrive pas à marcher.

Sans hésiter, le chat se pencha sur lui, le ramassa délicatement et le posa doucement au fond du panier. Une fois bien installé dans le panier, le hérisson se frotta les pattes. Il arbora un large sourire et se mit à saliver. Il jubila face à un tel banquet. Ce fut avec voracité, qu’il puisa dans le miel, le beurre… Une fois rassasié, il s’adressa à son bienfaiteur : 
- Âme charitable, je vous prie de me déposer ici, je suis arrivé à destination. Je vous serai reconnaissant toute ma vie.

Mais avant de s’en aller, feignant une révérence en signe d’adieu, il prit soin d’enduire de beurre rance la queue du chat. Ne se doutant de rien, bercé par l’euphorie d’avoir accompli un geste charitable, le chat continua son chemin en chantonnant : « miaou, miaouou… ». Quand ils l’aperçurent, les moissonneurs tenaillés par la faim se précipitèrent à sa rencontre et lui arrachèrent le panier. Dès qu’ils y jetèrent un regard, ils se figèrent et échangèrent des regards consternés : il y avait très peu de nourriture. Ils interrogèrent le chat qui nia catégoriquement avoir puisé dans le contenu du panier. 
- Si ce n’est pas toi, qui est le coupable à ton avis ? 
- Je vous jure que je ne sais pas. C’est vraiment un mystère.

Décontenancés, les moissonneurs s’approchèrent du suspect à la recherche d’un indice qui prouve sa culpabilité. Il dût ouvrir la bouche : il n’y avait ni trace de nourriture ni odeur du beurre. On passa au crible fin ses pattes, il n’y eut rien à signaler. Mais dès que les nez flairèrent la queue, ils furent envahis par l’odeur du beurre rance et crièrent tous : 
- C’est elle la coupable ! C’est elle la voleuse ! C’est ta queue ! 
Furieux contre sa queue, le chat se tourna vers elle, la secoua, lui fit mordre la poussière en lui disant : 
- Quand tu me suivais et m’obéissais, je te reconnaissais mienne. À présent, tu oses me trahir et manger à mon insu, tu me fais honte espèce de chapardeuse. Je te renie ! Je te renie ! lui cria-t-il fou de rage. Et d’un coup de dents, il la cisailla. Comme une ordure, il la jeta loin de lui.

vendredi 5 juillet 2019

Transformez un télégramme en histoire


Dans son livre « histoire pressée », Bernard Friot propose un télégramme que le lecteur peut transformer en une histoire.   

En voici une illustration : vous venez de recevoir le télégramme suivant 


Dragon enlève princesse - roi demande chevalier sauver princesse - trois chevaliers attaquent dragon - premier chevalier carbonisé - deuxième écrabouillé - troisième avalé tout cru - roi désespéré - facteur idée - envoie lettre piégée dragon - dragon explose - princesse épouse facteur - heureux - famille nombreuse - réduction S.N.C.F. - fin –
Et voici une histoire adaptée du télégramme : 
       Le dragon était bien vieux maintenant. Pendant des années, il s’était épuisé a brûler des poulets chez le volailler-boucher. Il n’était pas bien payé. Il voulait s’offrir une belle retraite, aux Bahamas. Mais les poulets rôtis rapportaient peu. Alors il se dit : « enlevons la meilleure cliente du volailler, la princesse Ornella. Elle doit être riche à flots avec un prénom pareil ! Enlevons-là et demandons la plus grosse rançon du monde ».

Aussitôt dit, aussitôt fait. La princesse est enlevée, la rançon demandée au roi.  Le roi, furieux, envoya trois chevaliers à la boucherie. Le premier fût carbonisé, le deuxième écrabouillé et le troisième avalé tout cru. Le dragon était repu mais il n’avait pas sa rançon. Il était désespéré. Le roi lui aussi était désespéré. Il n’avait plus de chevaliers et il n’avait pas assez d’argent pour verser la rançon. Il devint alors le roi mendiant. Sur le pas de sa porte, il quémandait des sous pour sauver sa fille du dragon. C’est là que le facteur l’aperçut et l’entendit raconter son malheur. Le facteur voulut aider le roi et lui donna une idée : « envoyez-lui une lettre piégée ! ».

Trois jours plus tard, le dragon reçut une drôle de lettre, qui lui explosa à la tête. Raide mort, le dragon n’avait plus à se préoccuper de sa retraite ensoleillée. La princesse, ravie, retourna vite au château et épousa immédiatement son sauveur, le facteur. Ils eurent une famille nombreuse, 4 enfants et une carte de réduction de 40 % à la SNCF.


A votre tour d’imaginer des télégrammes !