vendredi 25 mars 2016

Conte wallon : le légende de Tchantchès


Chaque pays, chaque région possède son personnage caractéristique.
Pour Liège, c'est CHANCHET (1ère appellation de TCHANTCHES) Quand on fixa l'orthographe on prit pour référence « Tchantchès » celle gravée sur son monument. Tout Liégeois est incarné dans ce Tchantchès plein de bonhomie, d'audace, de familiarité et de sérieux. Ce bouffon, ce comique représente l'esprit populaire.


Tchantchès, d'après une tradition locale, est né à Liège, de façon miraculeuse, le 25 août 760 : il vint au monde entre 2 pavés d’une rue du quartier d'Outremeuse… Les braves gens qui le trouvèrent furent merveilleusement étonné de l'entendre chanter, dès son entrée dans la vie : "Allons la mère Gaspard, encore un verre ! " C'était un bébé joufflu, goulu, riant sans cesse ; toutefois, il boudait à la seule vue de l'eau. Pour le rendre tout à fait aimable, son père adoptif lui faisait sucer un biscuit trempé dans du pèkèt  (= genièvre) ; il le sevra avec un hareng saure et son pupille en contracta, pour le restant de ses jours, une soif inextinguible. 

Comme tous ceux qui sont appelés à une grande destinée, Tchantchès connut les déboires de l'existence : à la cérémonie du baptême, la sage-femme lui cogna malencontreusement le nez sur le bord des fonds sacrés tant et si bien que l'appendice nasal du pauvre enfant se mit à s'allonger démesurément et le faciès de l'innocente victime en devint ridicule au point qu'il servit de modèle pour les masques de carnaval. Plus tard, atteint de la rougeole, le bambin fut obligé de prendre de l'eau ferrugineuse dans laquelle on avait ajouté des vieux fers pour en augmenter le teneur. Comme il se pinçait le nez pour ne pas goûter l'eau, il avala malencontreusement un fer à cheval qui lui resta dans le gosier. Dès lors, il ne sut plus tourner la tête que de droite à gauche ; il dut désormais se mettre à plat ventre pour fixer le sol et sur le dos pour regarder en l'air. 

A cause de son nez, Tchantchès hésita d'abord à sortir de chez lui ; mais bientôt son instinct de liberté lui fit affronter la foule et il s'offrit à faire St Mâcrawe, c'est à dire à être porté tout barbouillé de noir de suie sur une chaise à porteur soutenue et escortée par tous les gamins du quartier : cet événement mémorable eut lieu la veille de l'Assomption 770. Il connut le grand triomphe et s'aperçut que la laideur, accompagnée d'esprit et bonté d'âme, sait se faire aimer. 

Un jour en flânant, il fit la rencontre de l'évêque Turpin et Roland, le neveu de Charlemagne. Turpin morigénait Roland sur ses déplorables résultats en latin ! Tchantchès avec son impertinence habituelle, intervint dans la conversation et pour mettre d'accord maître et élève, prononça cette sentence profonde : " Oui seigneur chevalier Roland, le latin ne sert à rien du tout, mais c'est très utile quand même…

- Quel est ce manant ? demanda Roland…
- Tchantchès, prince de D'jus d'là, pour vous servir seigneur chevalier
L'évêque Turpin regarda notre ami avec complaisance
- Et bien Tchantchès, je vais te présenter céans au grand empereur, Charlemagne, et tu serviras dorénavant de compagnon à son neveu Roland
Et c'est ainsi que Tchantchès fut introduit à la Cour de Charlemagne. Vint la brillante expédition d'Espagne. L'histoire fourmille d'anecdotes très intéressantes montrant le degré d'intimité que Tchantchès avait avec Charlemagne. Ainsi, une fois, il sert de chambellan à l'auguste guerrier - Sire Empereur, l'ambassade du " neûr nègue " Marsil désir vous parler
- A combien sont ils ?
- Il ne sont qu'à qu'un.
- Alors qu'ils entrent tous et que le dernier ferme la porte. Tchantchès ne quittait Charlemagne et Roland ni la nuit ni le jour en toutes circonstances, dans les conseils privés et sur les champs de bataille, toujours il était là pour aider de ses avis judicieux ou de ses terribles coups de tête, car Tchantchès était le champion des soukeus de Liège (= celui qui se bat en donnant des coups de tête dans la poitrine). Pendant la bataille de Roncevaux, Roland trop téméraire avait envoyé dormir Tchantchès qui baillait durant le combat et qui, pour sa part avait déjà fracassé les côtes d'au moins trois mille Sarrasins. Ce fut la seule cause du fameux désastre. Tchantchès, malgré les abjurations de l'Empereur, revint dans sa bonne ville de Liège.  Il mourut de la grippe espagnole et fut enterré à l'endroit même où s'élève son monument place de l’Yser. 

Regretté par toute la population, il est resté le prototype du vrai Liégeois : mauvaise tête, esprit frondeur, grand gosier, ennemi du faste et des cérémonies, farouchement indépendant mais cœur d'or et prompt à s'enflammer pour toutes les nobles causes. 

Selon Jean BOSLY 1956

vendredi 18 mars 2016

Conte tzigane : le premier violon


Il était une fois un jeune homme. Il s'appelait Baxtalo, ce qui signifie "chanceux". Baxtalo errait à travers le monde à la recherche de son destin.

Un jour qu'il était dans un pays inconnu, il entendit les gens dire que le roi donnerait la main de sa fille à celui qui lui offrirait en cadeau quelque chose d'extraordinaire, quelque chose que personne n'aurait encore jamais vu. « Pourquoi pas moi ? » se dit le jeune homme.
Il alla donc voir le roi dans son beau palais pour lui demander la main de sa fille. En voyant ce misérable vagabond, sale et mal habillé, le roi se mit très en colère, il pensait bien que Baxtalo se moquait de lui. Pour le punir de son audace, il le fit jeter au fond d'un profond cachot.

Les jours et les semaines passaient et le jeune homme se morfondait en prison. Mais un jour, une douce lumière inonda le cachot où il était enfermé et une très belle jeune femme apparut. C'était Matouya, la fée de la forêt. Au début, Baxtalo crut qu'il rêvait, mais la fée se pencha sur lui et lui murmura doucement :
« Baxtalo, tu as toujours été un jeune homme courageux, honnête et généreux. Ta chance ne t'a jamais abandonné. Je suis venue t'aider. C'est toi qui épouseras la fille du roi car c'est là ton destin.
- Mais comment ? dit Baxtalo qui n'en croyait pas ses oreilles.
- N'aies pas peur et fais ce que je te dis, dit la fée. Tiens, prends ce petit coffret de bois et cette branche qui traînent par terre. »
Baxtalo, bien que très étonné, ramassa le coffret de bois et la branche.
« A présent, arrache quatre de mes cheveux et fixe-les le long du coffret. Ensuite, prends une mèche de mes cheveux, coupe-la et attache-la à chaque extrémité de la branche. »

Le jeune homme fit ce que lui disait la fée. Alors, Matouya lui dit :
« Maintenant, prends la branche et frotte-la doucement contre les cheveux du coffret et vois ce qui arrivera. »
Baxtalo prit la branche, la frotta doucement sur les cheveux du coffret, et alors, des sons merveilleux sortirent du coffret de bois, des sons comme personne jamais n'en avait entendus de si beaux. Matouya disparut, mais Baxtalo jouait, jouait, jouait.

Un gardien entra dans le cachot pour écouter la musique, puis un autre et encore un autre. Bientôt tous les occupants du château se rassemblèrent, émerveillés par ce qu'ils entendaient. Et bien sûr, le roi et la reine et aussi la princesse étaient là eux aussi. Le roi écarquillait les yeux, la reine n'en croyait pas ses oreilles et la belle princesse était tombée à genoux aux pieds de Baxtalo tant elle était émue.
Comme l'avait prédit la fée, le roi donna sa fille en mariage au jeune Rom, ainsi que la moitié de son royaume, et depuis ce temps, tous les Roms de la terre savent fabriquer cet instrument qui ne les quitte plus.
Et c’est comme ça qu’est né le premier violon.


samedi 12 mars 2016

Conte égyptien : les deux frères


Ce conte remonte au XIIème siècle avant JC. IL a été retrouvé sur un papyrus. Il est peut-être encore plus ancien. Il se retrouve sous des centaines de formes dans divers horizons (Les frères Grimm en ont relevé une version).

 Il était une fois deux frères : Anubis et Bata. L'aîné, Anubis est marié et le couple vit plutôt oisivement dans une ferme. Le frère cadet, Bata est un jeune homme vigoureux et travailleur. Il s'occupe de tous les travaux de la ferme. Chaque jour Bata dépose devant Anubis et sa femme les produits agricoles. En échange, Bata reçoit un peu de nourriture qu'il mange dans l'étable avec les vaches. Proche de ses bêtes, Bata dort avec elles. Il est aussi capable de leur parler. Sur les conseils du troupeau, Bata trouve les meilleurs prés. C'est ainsi que l'abondance règne sur la ferme, les vaches sont grasses et mettent bas de nombreux veaux.
La saison des labours arrive. Anubis ordonne à Bata d'aller au village chercher des graines. En sortant du grenier avec les semences, Bata rencontre l'épouse d'Anubis. Cette dernière est émerveillée par sa force et lui propose de passer une heure ensemble. Mais Bata rejette ses avances. Bata retourne à ses travaux d'ensemencement et ne dit rien à son frère de cette mésaventure.
Le soir venu, l'épouse infidèle, prise de panique, dit à Anubis que Bata a voulu la séduire mais que devant son refus il l'a battue.
Croyant les dires mensongers de son épouse, Anubis se met en colère. Il se rend vers l'étable pour tuer son frère. Bata sur le chemin du retour est prévenu des mauvaises intentions d'Anubis. Par deux fois, des vaches l'ont mis en garde. Bata s'enfuit avec Anubis à ses trousses. Bata prend à témoin le juge qui sait voir le vrai et le faux. Le dieu entend les plaintes de Bata. Pour le sauver d'Anubis, il crée une grande étendue d'eau infestée de crocodiles. Anubis ne peut traverser. Bata crie à son frère son innocence. Au lever du jour, pour souligner sa sincérité, il se mutile et se décide à aller dans la vallée de l'arbre-Ash.
Avant de partir, Bata informe son frère de deux choses. Premièrement, Bata déposera son cœur dans la fleur de l'arbre-Ash. Cet arbre sera coupé, le cœur chutera à terre et Bata tombera mort. Deuxièmement, Anubis sera prévenu de ce fait lorsque dans un pot sa bière moussera. Il devra alors prendre soin de son frère en retrouvant le cœur dans un délai de sept années. Anubis, maintenant persuadé de l'innocence de Bata, adopte une attitude de deuil. De retour chez lui, il tue son épouse et jette le corps aux chiens.
En attendant ce jour funeste, Bata se construit une maison dans la vallée de l'arbre-Ash. Un jour les grands dieux ordonnent au dieu de la création de lui façonner une épouse. Devant la beauté de la femme, Bata tombe amoureux d'elle et lui confie le secret de la fleur. Le dieu de l'eau lui aussi s'éprend de cette femme mais il ne réussit qu'à lui arracher une mèche de ses cheveux. L'eau emporte cette tresse jusqu'à la rive qui borde le palais de pharaon. Celui-ci, séduit, envoie ses hommes chercher cette femme mais Bata les tue. Pour le vaincre, pharaon se décide alors d'envoyer toute une armée. Finalement, la femme de Bata est transportée jusque devant lui. Sous le charme, le souverain accepte toutes les volontés de cette nouvelle reine. Trahissant Bata, elle révèle le secret à pharaon. Ce dernier fait alors couper l'arbre-Ash, la fleur renfermant le cœur tombe à terre et Bata succombe, mort.
Anubis reçoit alors un pot de bière mousseuse, et part à la recherche du cœur de son frère pendant plus de trois ans, le trouve au début de la quatrième année. Il suit les instructions de Bata et met le cœur dans un bol d'eau froide, et comme prévu, Bata est ressuscité. Il prend alors la forme d'un taureau et va voir sa femme et le pharaon. Sa femme demande à pharaon, consciente de la présence de Bata en taureau, si elle peut manger son foie. Le taureau est ensuite sacrifié, et deux gouttes de son sang perlent au sol, à partir desquelles poussent deux arbres. Bata, désormais sous la forme d'un arbre, s'adresse à nouveau sa femme. Alors elle fait encore appel au pharaon lui demandant d'abattre les arbres Persea et de les utiliser pour fabriquer des meubles. Une écharde se retrouve dans la bouche de la femme et l’imprègne. Elle donne finalement naissance à un fils, que le pharaon désigne comme prince héritier. Lorsque le pharaon meurt, le prince héritier (une réincarnation de Bata) devient roi, et il nomme son frère aîné Anubis en tant que prince héritier. L'histoire se termine heureusement, avec les frères en paix et maîtres de leur pays.

Source : wikipedia