jeudi 27 octobre 2016

La flèche et le trésor


Une nuit, un homme pauvre rêva que le secret d'un trésor caché était écrit sur un parchemin vendu dans une boutique de la ville. A son réveil, il s'y précipita et il constata qu'en effet un parchemin y était en vente. Il l'acheta aussitôt et commença à le déchiffrer. Il apprit alors que pour découvrir le trésor, il devait se rendre en un certain endroit devant un certain bâtiment, puis se tourner vers l'est et mettre une flèche sur son arc. Il trouverait le trésor à l'endroit où tomberait la flèche. 

Il s'y rendit donc, se tourna vers l'est, banda son arc et tira une flèche. Il creusa à l'endroit où elle était tombée, mais ne trouva aucun trésor. Il recommença chaque jour suivant, tirant bien des flèches et creusant des trous partout sans succès. La rumeur de ces efforts parvint jusqu'au roi qui exigea qu'on lui remit le parchemin afin de découvrir ce trésor pour lui même. De nombreux archers furent envoyés qui tirèrent des milliers de flèches dans toutes directions et creusèrent d'innombrables trous sans aucun résultat. 

Dépité, le roi rendit à l'homme son parchemin en disant que si un tel trésor existait, il serait désormais le sien puisque lui même n'avait pu le découvrir. Le pauvre homme retrouva quelque espoir, et la nuit suivante, il rêva d'un mystérieux personnage qui lui reprocha d'avoir été présomptueux et ne ne pas avoir suivi les instructions du parchemin dont le message disait simplement de placer une flèche sur l'arc en se tournant vers l'est. Il ne disait pas de tendre l'arc et de tirer la flèche. 

C'est donc par vanité et pour marque sa volonté que l'homme avait trouvé logique de bander l'arc et de tirer la flèche, alors qu'il suffisait de la laisser tomber à ses pieds. Place la flèche sur l'arc et laisse la tomber. Où tombera la flèche, creuse la terre, là sera le trésor. Ainsi chacun juge de tout en fonction de la place où il se trouve, mais pourtant la vraie connaissance est plus proche de l'homme que la veine jugulaire de son cou.


Source : http://jacques.prevost.free.fr/cahiers/cahier_48.htm

vendredi 21 octobre 2016

Conte chinois : Wang ou l'invention de l'acupuncture


Wang, un chasseur chinois de l’époque préhistorique, souffre depuis plusieurs années de terribles migraines. Un beau jour, alors qu’il piste le gibier pour nourrir sa famille, il est victime d’un accident de chasse et atteint par une flèche qui se loge dans sa cheville, tout près du talon. On le ramène d’urgence au camp. Chou, le guérisseur, est aussitôt appelé pour extraire la flèche. Heureusement, la blessure est mineure et la guérison se passe sans problème. Une semaine plus tard, Wang est remis sur pied et il retourne voir Chou pour le remercier de son aide. Chou s’informe en même temps de l’état de santé général du chasseur. Ce dernier réalise alors avec stupéfaction qu’il n’a eu aucune crise de migraine depuis son accident. Intrigué, le guérisseur réfléchit longuement, puis a soudain une idée de génie. Le lendemain, il rend visite à Yu, la femme du chef, qui elle aussi souffre souvent de maux de tête auxquels aucun remède n’a apporté de solution jusqu’ici. À l’aide d’un couteau de pierre pointu, il perce la peau de Yu sur la cheville à l’endroit exact où Wang avait été blessé. Dans les minutes qui suivent, la femme du chef se sent soulagée de sa douleur à la tête pour la première fois depuis des mois. Chou est richement récompensé et, fort de son expérience, il se met à rechercher d’autres points du corps dont la perforation peut traiter des problèmes de santé. Sans le savoir, il vient d’inventer l’acupuncture.

Cette parabole est destinée à nous rappeler que l’acupuncture n’est pas quelque chose de magique, mais une technique pratique issue de l’empirisme tiré des erreurs et d’essais successifs.

Pendant des milliers d’années l’acupuncture a été le secret le mieux gardé du peuple chinois. Des vestiges archéologiques ont permis de découvrir des poinçons de pierre qui auraient été utilisés avant l’invention des aiguilles de métal.

On raconte que la révélation de la médecine chinoise a été apportée a trois empereurs, Hugandi , Shennong et Fuxi, respectivement a l’origine de l’acupuncture , de l’emploi des remèdes a base de plantes et des concepts de bases de la médecine chinoise. Progressivement, chacun de ces courants se développa pour former plusieurs courants distincts comme la phytothérapie, la pharmacopée (médecine par les plantes), la diététique (aliments a surveiller pour s’assurer une bonne santé) le massage chinois (Tui Na) ou l’acupuncture.

L’acupuncture aide au rééquilibrage des énergies. Allez voir l’exposition de Prune Nourry à la galerie Magda Danysz.

 Galerie Magda Danysz  78 rue Amelot 75011 http://magdagallery.com/fr/expositions/communique/54/imbalance

jeudi 13 octobre 2016

Conte albanais : l'histoire du pêcheur de feuilles


Le métier de pêcheur n'est pas toujours facile et, sans un peu de chance, il arrive que ces travailleurs de la mer ne soient guère payés de leur peine. Ainsi, un brave père de famille de la côte Adriatique, proche de la pointe de Samana, avait-il bien du mal à nourrir ses cinq enfants. Jamais la pêche n'était vraiment abondante, et il arriva même un moment où il resta dix jours sans prendre le moindre poisson.

"Tout cela est très injuste, disaient les gens de son village, car il est le plus travailleur et il connaît son métier mieux que personne."
On le plaignait beaucoup, mais, comme tout le monde était pauvre, personne ne se trouvait en mesure de lui venir en aide. Ses enfants avaient faim, et sa femme qui n'était pas très solide ne pouvait que laver un peu de linge pour gagner de quoi acheter du pain.
Le brave homme eût bien fait un autre métier, mais il ne trouvait pas d'embauche. Et puis, parce qu'il aimait la mer, il espérait toujours qu'elle finirait par se montrer généreuse avec lui.


Un jour que le Roi passait par là, il entendit les enfants qui criaient famine. Il se renseigna, on lui dit combien ce pêcheur fort méritant jouait de malchance, et ce roi riche et bon décida de l'aider.
"Je veux faire quelque chose pour toi, lui dit-il, mais je tiens absolument à ce que tu restes pêcheur. Tu vas continuer ton métier et, chaque fois que tu apporteras quelque chose dans ton filet, tu viendras l'apporter sur le plateau de ma balance. Dans l'autre plateau, je mettrai le même poids en sequins d'or, et cet or sera pour toi."
De nouveau plein de courage et d'espérance, le pêcheur reprit la mer. Trois jours passèrent, trois jours et trois nuits sans une minute de repos. Trois jours et trois nuits à ramer, à lancer son filet, à le ramener sans qu'il vît l'ombre d'un poisson.
"Je suis maudit ! se lamentait-il. Nous mourrons tous de faim."


Le pêcheur épuisé rentra au port, mais avant d'amarrer sa barque, il lança son filet une dernière fois. Lorsqu'il le retira, il n'y trouva qu'une feuille de chêne déjà bien abîmée par l'eau salée. Il allait la jeter lorsqu'un camarade lui dit :
"Que risques-tu à la porter au Roi ? il n'a pas parlé de poisson, il t'a dit de lui porter tout ce que te ramènera ton filet.
- Il va croire que je me moque de lui, et peut-être même me fera-t-il jeter en prison ?
- Non, il ne le fera pas. C'est un bon roi. Et je suis tout disposé à témoigner que tu as bien pêché cette feuille."
Le pêcheur était tellement désespéré qu'il mit la feuille dans sa poche et prit le chemin du palais royal.


Lorsque le roi le vit arriver avec sa prise, il se mit à rire.
"Mon pauvre ami, fit-il, cette feuille est si légère qu'elle ne fera même pas bouger d'un cheveu le fléau de ma balance. Mais enfin, puisque tu es venu jusque-là, tentons tout de même l'expérience."
Le pêcheur posa sa feuille sur le plateau qui tomba comme si on l'eût chargé de plomb. Et le trésorier du roi commença de poser des sequins sur l'autre plateau. A haute voix, un secrétaire comptait.
"Un sequin, deux sequins, trois sequins..."
La balance ne bougeait toujours pas. Et il fallut soixante sequins pour faire monter enfin le plateau où se trouvait la feuille.


Le pêcheur s'en alla avec les pièces et le roi, qui n'en revenait pas, garda la feuille. Tous les savants du royaume furent invités au palais où ils demeurèrent longtemps à examiner cette feuille de chêne si étrange. Ils se livrèrent à toutes les analyses que la science pouvait permettre et, en fin de compte, ils furent bien obligés de reconnaître que cette feuille n'avait d'autre particularité que son poids.
Bien entendu, le pêcheur que l'on soupçonnait de magie fut interrogé, mais les enquêteurs, qui étaient des juges honnêtes, déclarèrent qu'il était beaucoup trop naïf pour être magicien.
Lui-même ne savait rien. Il ne pouvait rien savoir, car il n'avait pas assez de mémoire pour se souvenir des moindres détails de sa vie d'enfant.


C'était pourtant dans sa plus tendre enfance que dormait le secret de cette feuille. Car le pêcheur n'avait guère que trois ou quatre ans lorsqu'un laboureur, voisin de son père, avait déraciné et jeté sur le chemin un jeune chêne né en bordure de son champ. L'enfant l'avait ramassé ce tout petit arbre et l'avait planté en un endroit où personne ne cultivait le sol. Reconnaissant, le chêne, qui avait grandi en toute liberté, avait saisi cette occasion de remercier celui à qui il devait la vie.
Et sans doute parce qu'il détenait le pouvoir de conjurer le mauvais sort, il s'arrangea pour que le pêcheur ne retire plus jamais de l'eau un filet vide.



D'après les Légendes de la mer de B. Clavel, Ed. Hachette 
Image :  Ecole Marie Curie, Sennecé-lès-Mâcon

vendredi 7 octobre 2016

Il n'y a pas de petites querelles



Un Conte africain d’après Amadou Hampâté Bâ

Il y a bien longtemps, au temps où les hommes et les animaux parlaient la même langue, un chef de famille vivait avec sa veille maman, son chien, son bœuf, son bouc, son cheval et son coq.

Un jour, on vient lui annoncer la mort de son collègue du village voisin. Il décide de se rendre aux funérailles pour lui rendre un dernier hommage. Il recommande à son chien : « veille sur ma mère, ne quitte pas le seuil de sa porte, et si tu as besoin d’aide, appelle les autres animaux ». Et il part.

Quelques jours se passent sans incident. Un matin, le chien entend un drôle de bruit dans la case : ce sont deux lézards qui au plafond, se disputent le cadavre d’une mouche. Le chien voudrait intervenir mais il ne peut quitter sa place. Il appelle à la rescousse, le coq, qui fait fi de sa demande. De même pour le bouc, le cheval et le bœuf. Tous estiment la chose de peu d’importance et indigne de leur faire perdre leur temps. Le chien leur dit pourtant : « il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Pendant se temps, les lézards continuent à se battre, tant et si bien que l’un des deux tombe sur la lampe à huile, qui met le feu au lit de la veille maman. Un terrible incendie se déclare. Les voisins sauvent de justesse la dame, mais elle est toute brûlée.

On envoie un gamin sur le dos du cheval pour prévenir son fils au village voisin. Il court, galope toute la journée, sans laisser le cheval reprendre son souffle ! Prévenu, le fils enfourche la monture et revient vite à la maison, et le cheval est fourbu. Il meurt d‘épuisement. « Ah, dit-il au chien, j’aurais du t’écouter et séparer les deux lézards ! »  « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Pour guérir la vielle dame, le Marabout recommande de l’enduire de sang de coq et de boire le bouillon fait avec sa chair. On sacrifie le coq ! Avant de mourir, le coq dit au chien : « tu avais raison, j’aurais du intervenir tant qu’il était temps ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

La vielle dame ne survit pas à ses brûlures. A ses funérailles, comme le veut la coutume, on sacrifie le bouc. Le bouc, en passant près du chien lui dit : « comme je regrette de ne pas avoir fait le nécessaire ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».

Quarante jours après l’enterrement, une cérémonie rassemble tout le village et les habitants des villages voisins, c’est la tradition. Pour nourrir tout ce monde, le fils tue le bœuf et les femmes préparent un grand festin. Avant de mourir, le bœuf dit au chien : « si j’avais su…j’aurais séparé les lézards… » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ». Le chien reçoit sa part du festin.


La morale de cette histoire, c’est qu’il ne faut pas négliger les petits conflits, sinon ils deviennent des guerres et tout le monde en souffre. A petite cause, grands effets.