jeudi 19 septembre 2019

Mallodo l’incompris ou savoir s'affirmer

Mallodo était l’être le plus incompris que la planète Taire ait jamais porté.

Mallodo, tout au fond de lui, c’est quelqu’un qui doute, qui a peu de confiance en lui. Il se croit obligé pour être aimé, pour simplement être accepté, de faire pour les autres.la vie de Mallodo est faite de plein d’injonctions qu’il se donne à lui-même.

« Tu dois faire ceci ou cela », « Tu ne dois pas faire ceci ou cela ». Auquel il faut rajouter, les « IlFoke ». Dès le matin, avant même d’ouvrir les yeux, il y a déjà plusieurs « IlFoke » dans sa tête. Mallodo a le sentiment qu’il n’existe qu’avec l’accord ou l’approbation des autres. Bien sûr, il tente de s’affirmer quelquefois, mais c’est sur un mode violent. 

Mallodo a eu, vous le sentez bien, une enfance pleine de malentendus. Par exemple, quand il tentait de se dire, d’exprimer ce qu’il ressentait, neuf fois sur dix, il n’était pas entendu. 

Quand il tentait de dire :
- « Maman, je m’ennuie à l’école, les autres ne sont pas gentils avec moi… »
Sa mèrelui répondait que les autres sont gentils et que l’école est importante. 
Maman lui parlait des autres, de l’école… Quand lui-même tentait de parler seulement de lui et de se faire entendre dans ce qu’il ressentait : ennui, désarroi, détresse… et là, il n’était jamais entendu.

Et cela a continué toute la vie de Mallodo. 
- « Maman, papa, tu as vu le vélo de Georges, un Peugeot tout neuf, dix vitesses, … »
- « Ah ! je te vois venir, tu as vu dans quel état est le tie n? Un vélo tout neuf de ton dernier Noël… »
Papa faisait tout un discours sur son vélo… au lieu d’écouter celui qui lui parlait, lui, son fils, Mallodo. Car ce que voulait dire ce jour-là Mallodo, c’était surtout comment Georges, son copain, avait eu son vélo acier-titane. En économisant pendant quatorze mois pour pouvoir se l’acheter « tout seul », son vélo. Lui, Mallodo, il aurait voulu que ses parents arrêtent de lui faire des cadeaux « tout faits », des « cadeaux affectifs » comme ils disaient eux, en anciens « soixante-huitards attardés ». Mallodo aurait voulu qu’ils lui donnent plutôt de l’argent à ses anniversaires, aux fêtes, car Mallodo avait calculé qu’en économisant seulement treize mois, il pourrait s’offrir « tout seul » une chaîne haute-fidélité ! Son désir le plus cher depuis longtemps.
Mais comment faire entendre tout cela, quand les adultes qui entouraient Mallodo confondaient toujours « le sujet », celui qui parle, qui ressent, qui a des choses à dire, et « l’objet », ce dont le sujet parle ! 
Les adultes, les parents en tête, se précipitent tête baissée, oreilles fermées, yeux grands ouverts, sur ce qu’ils croient entendre.
  
Vous pouvez imaginer que cela se répétait cent fois par jour, trois cent soixante-cinq jours par an, et pendant dix, quinze, vingt ou trente ans. 
La plupart des gens de cette planète fonctionnaient comme cela. Mallodo lui-même aussi d’ailleurs, personne ne lui ayant appris à communiquer. 

Un soir, en rentrant dans son foyer, il osa dire:« Je n’ai pas chaud, j’ai froid dans le dos… » et il entendit son aimée répondre: « Mais le thermostat est à 24°. »
Ce qui voulait dire qu’il aurait dû avoir chaud puisque le thermostat était aussi élevé !
Tout se passait dans la vie de Mallodo, comme s’il n’était pas possible de dire son propre ressenti, son vécu à lui, sans provoquer un rejet, un refus, une incompréhension, bref une incommunication.

Lui aussi, dans ce moment-là, ne savait pas entendre ce que ressentait l’autre.
Ils avaient passé ensemble un week-end de trois jours à Venise. Il avait eu beaucoup de plaisir. Quand il avait tenté d’en témoigner devant ses amis, sa femme avait dit ce jour-là :« Je ne me suis jamais autant ennuyée, moi j’avais envie de rester à l’hôtel et de lire, loin des enfants, calme enfin, et lui me traînait à pied, en gondole à mazout, dans tous les coins de Venise… C’était sinistre ! »

En entendant cela, Mallodo n’en cru pas ses oreilles.Pour beaucoup d’autres événements, chacun avait des vécus différents, mais n’acceptait pas de reconnaître le vécu de l’autre, tellement il était à l’opposé… du sien.

Je ne vais pas insister davantage sur la vie de Mallodo l’incompris. Je crois que vous m’avez compris. Sinon je risque d’avoir des douleurs lombaires…
Oui, Mallodo est notre compagnon le plus familier. Il nous habite et apparaît dès que nous ne nous respectons plus.

Au fond, Mallodo utilise tout plein de trucs très habiles, pour tenter de nous dire: « Prends le risque de t’affirmer, renonce à ton besoin maladif d’être approuvé, de rechercher l’accord de l’autre dans tout ce que tu fais ou ne fais pas. Prends le risque d’être plus toi-même.

Source : Jacques Salomé Contes à grandir

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