vendredi 23 mai 2025

Une illustration d’une société apprenante

 

Safrin de Lamine Camara est à la fois une fresque épique et un témoignage ethnographique sur la société mandingue. Il célèbre la tradition chevaleresque universelle tout en offrant une plongée dans les codes, valeurs et hiérarchies d’une société africaine structurée. 

C’est aussi un exemple de la transmission et il est intéressant à utiliser pour illustrer une société apprenante. 

 

Quelques exemples



Dans « Safrin », la transmission des valeurs, des savoirs et des codes sociaux passe par la narration, les griots et les récits d’expériences vécues. Cet usage du storytelling est directement transposable en entreprise pour partager la connaissance tacite : raconter des histoires, des cas concrets ou des expériences marquantes permet de transmettre efficacement des savoirs complexes ou informels, tout en ancrant la mémoire collective de l’organisation.

Dans le roman, les anciens, les griots et les figures héroïques incarnent la mémoire vivante et la transmission du savoir. En entreprise, cela se traduit par la mise en place de programmes de mentorat, où les « sachants » accompagnent les « apprenants », transmettant non seulement des compétences techniques mais aussi des valeurs, des pratiques et une culture professionnelle.

Le duel au fouet, les joutes oratoires, le respect des anciens : tous ces rituels structurent la vie collective dans « Safrin » et garantissent la transmission des règles du groupe. En entreprise, la formalisation de rituels (réunions de partage, retours d’expérience, cérémonies de reconnaissance) permet d’ancrer des pratiques et de renforcer la cohésion autour de valeurs communes.

À l’image du Mandingue dans « Safrin », une organisation apprenante multiplie ses savoirs en les partageant : la connaissance, bien immatériel, s’enrichit lorsqu’elle circule. Développer une culture de la transmission accroît la motivation, l’efficience et la capacité d’innovation des équipes.

Comme dans le roman où la transmission varie selon les contextes (famille, village, duel), il est essentiel d’adapter les méthodes de transmission à la culture, aux métiers et aux besoins spécifiques de l’entreprise.

Utiliser « Safrin » en milieu professionnel permet d’illustrer, par la force de la fiction et de l’exemple, l’importance du storytelling, du mentorat, des rituels, et d’une culture du partage pour assurer la transmission des savoirs et des savoir-faire dans l’entreprise. Ces analogies peuvent servir de point de départ à des ateliers, des formations ou des réflexions collectives sur la gestion des connaissances et la valorisation du capital humain.

vendredi 16 mai 2025

Une clé de lecture du leadership




Si vous travaillez dans une entreprise internationale, vous vous êtes peut-être interrogé sur la notion de leadership et ses différences selon les continents. 


L'analyse de Jonathan Haidt (The Righteous Mind, Penguin, 2013) sur les fondements moraux offre un cadre pertinent pour décrypter les différences de leadership entre les pays occidentaux (WEIRD) et d'autres régions du monde. En articulant les dimensions culturelles, éthiques et psychologiques, elle éclaire les logiques sous-jacentes aux pratiques managériales.


Selon Haidt, les sociétés WEIRD privilégient les fondements care (bienveillance) et fairness (équité). 

D’autres cultures valorisent ddavantage loyalty (loyauté), authority (autorité) et sanctity (sacralité). Cette divergence se reflète dans les styles de leadership :


En Occident, c’est un leadership centré sur l'individu (autonomie, méritocratie, transparence). La Priorité est donnée à l'innovation et aux droits des salariés (ex : congés parentaux, télétravail). Exemple : les startups californiennes où la hiérarchie est aplatie et le feedback direct encouragé 


En Asie/Afrique/Amérique latine : le leadership est ancré dans le collectif (loyauté envers l'entreprise familiale, respect des aînés), d’où l’importance des rituels (cérémonies d'entreprise) et tabous (évitement des conflits publics). Exemple : les chaebols sud-coréens, où l'autorité du PDG est sacralisée.


Cela a des implications managériales : 


Gestion des conflits : en Occident, les désaccords sont traités via des procédures formalisées (ex : médiation RH). Alors qu’en Asie, le maintien de l'harmonie prime, conduisant à des résolutions indirectes.


Prise de décision : les leaders WEIRD utilisent des données objectives (fairness), tandis que d'autres s'appuient sur l'expérience des seniors (authority). 


Motivation :  les salariés occidentaux répondent à des incitations individuelles (promotions), là où d'autres cultures valorisent la reconnaissance du groupe.


Une clé de lecture intéressante !

dimanche 11 mai 2025

Les contes sont faits pour réveiller les grandes personnes



Cette version de Pinocchio  est une adaptation moderne du conte original de Carlo Collodi. Si la grande majorité du public connaît la version très « bisounours » de Disney, cette version est plus proche de l’édition originale, respecte l’esprit du conte, tout en l’adoucissant légèrement. 

 

L’ouvrage conserve les grandes étapes du récit : les mésaventures de Pinocchio, ses mensonges qui allongent son nez, le pays des jouets, et le passage dans la gueule du requin. Certaines modifications sont apportées pour rendre l’histoire plus adaptée et agréable aux enfants d’aujourd’hui, mais sans trahir l’esprit du conte : les thèmes de la méfiance envers les inconnus, de l’importance du courage et de la vérité sont préservés.

Dans un contexte professionnel, ce texte de Pinocchio peut servir de puissant outil de transfert de savoirs et de compétences transversales :

- Il met en avant des valeurs fondamentales pour le monde du travail : l’obéissance aux règles, le courage face aux difficultés, l’honnêteté, la responsabilité et l’importance de l’apprentissage continu.
- L’histoire illustre la nécessité de tirer des leçons de ses erreurs, de s’adapter, de travailler pour progresser et de dépasser ses limites, autant de compétences clés dans un environnement professionnel.
- Pinocchio, marionnette inexpérimentée confrontée à la réalité, symbolise l’intégration dans une équipe, l’apprentissage du métier, la gestion de l’autonomie et la prise d’initiative, tout en soulignant l’importance du collectif et de la solidarité.
- Le récit permet aussi d’aborder les dangers de la naïveté, de la crédulité ou de la fuite des responsabilités, et d’encourager une posture réflexive et éthique au travail.

En somme, Pinocchio devient une allégorie de la maturation professionnelle, de la construction de l’identité au travail, et de la nécessité d’un engagement personnel pour devenir un « vrai professionnel ».

Et vous qu’en pensez-vous ? 

jeudi 1 mai 2025

Mêmes causes, mêmes effets ?




Da Empoli montre comment les « ingénieurs du chaos » exploitent les données massives pour cibler les électeurs de façon quasi-individuelle, adaptant les messages à leurs peurs, colères ou aspirations, plutôt que de proposer un projet global cohérentCette personnalisation extrême, rendue possible par les réseaux sociaux et les algorithmes, permet de fragmenter l’opinion publique et de polariser les débats, favorisant la montée des extrêmes et la défiance vis-à-vis des élites traditionnelles. Ces méthodes qui exploitant les diverses colère sourdes de l’opinion expliquent en partie les résultats des élections tant pour le Brexit que pour Trump ou Orban, selon l’auteur.


Mon propos ici est transposer cette approche à la transmission de savoir. 


En effet, la montée en puissance de l’IA et de la transformation digitale impose un rythme de renouvellement des compétences sans précédent : l’apprentissage continu devient la norme, et l’obsolescence des savoirs s’accélère. Comment réussir cette transformation sans provoquer des leviers de boucliers et de la casse sociale ? 


Bien sûr, les entreprises investissent de plus en plus dans la formation continue, l’upskilling et le reskilling pour anticiper les mutations des métiers et éviter le déclassement massif de leurs collaborateurs.

Comme en politique, l’individualisation des parcours devient essentielle en formation. Les réseaux sociaux et les outils numériques offrent aussi des opportunités inédites pour personnaliser l’apprentissage, favoriser le partage de connaissances et créer des communautés d’entraide, mais ils comportent aussi des risques de distraction et de désinformation.


La transmission du savoir ne peut pas reposer uniquement sur les outils numériques.

Cela conduit le transmetteur de savoir, qu’il soit un formateur, un tuteur, un manager ou un référent à devenir un facilitateur de l’apprentissage tout au long de la vie de l’équipe. L’entreprise a un rôle clé dans la reconnaissance de ce rôle. 


Pesez-vous la question : votre organisation favorise-telle :

  • L’individualisation des parcours ?
  • La multiplication les canaux et les formats d’apprentissage ?
  • Le soutien de la motivation intrinsèque et extrinsèque ?
  • La garantie de filets de sécurité et des possibilités de reconversion ?
  • La reconnaissance du rôle de transmetteur ?
  • Et le développement de l’esprit critique face à la surabondance d’informations ?

Et comme tous n’apprennent pas à la même vitesse ni avec la même motivation. L’accompagnement, la protection sociale et la création de voies de reclassement sont des éléments majeurs pour éviter une « casse sociale » 

Pour finir, la grande question, est d’éviter de n’agir qu’en réaction à la crise. Il s’agit d’anticiper, d’accompagner et de donner à chacun les moyens d’être acteur de son évolution, plutôt que d’être spectateur ou victime des mutations en cours.  Si non, des ingénieurs du chaos pourraient exploiter socialement ou politiquement ces situations.