vendredi 26 septembre 2025

Recommencer de zéro ?



J'aime partager mes valeurs en présentant des livres, car chaque histoire et chaque idée sont autant de façons de tisser des liens et de faire vivre ce qui nous unit. À travers ces pages, c’est tout un univers de sens, d’inspiration et de passion qui se transmet, pour nourrir la curiosité et faire rayonner ce en quoi nous croyons et que nous souhaitons partager avec vous.


Vous pouvez être plus ou moins insatisfait avec votre environnement professionnel et peut-être rêver de tout recommencer à zéro : une nouvelle entreprise, de nouveaux contacts, un nouvel environnement, mais peut-on vraiment «repartir de zéro» lorsqu’on arrive quelque part, loin de tout repère? Le roman de Sulaiman Addonia, Le silence est ma langue natale, offre un éclairage rare et subtil sur cette problématique, en explorant le quotidien de déracinés érythréens transplantés soudainement dans un camp au Soudan, loin de tout.


Addonia met en scène une société en reconstruction, où chaque exilé s’efforce d’investir le chaos d’un sens reconnaissable. L’ancien juge redevient une figure morale, le projectionniste invente un cinéma de fortune, le sportif fédère autour du ballon rond, la prostituée et l’homme d’affaires renouent avec leur métier. Ce microcosme témoigne que, dans le changement, on n’efface jamais entièrement le passé: on le réinterprète, on le recompose, souvent avec les ressources les plus fragiles de la mémoire et de la volonté. 


L’auteur interroge les codes culturels, explore la réinvention des solidarités et la pression sur les femmes dans un univers où même l’identité est en mouvement. La parole, parfois difficile à retrouver dans l’exil, s’affirme comme un droit fondamental: celui de donner voix aux expériences uniques des déplacés. 


Ce roman rappelle l’importance de ne pas réduire les parcours de migrants, ici des réfugiés, mais ce pourrait être des cadres mobiles, à des chiffres, mais d’incarner leurs trajectoires, leurs doutes et leur résilience. Addonia propose ainsi une lecture vivante et sensorielle du changement, mais aussi une méditation sur le rapport entre l’individu et ses racines: l’espoir d’un nouveau départ est traversé par la persistance du passé, qui nourrit la reconstruction. 

S’il semble illusoire de «repartir de zéro», le roman de Sulaiman Addonia nous invite plutôt à envisager le recommencement comme une réinvention créative, nourrie par les traces et les héritages. Au cœur du silence et de la parole retrouvée, chaque exilé devient artisan d’un avenir où se mêlent mémoire et désir de vivre autrement. Ce regard humaniste et poétique fait du livre un support précieux pour réfléchir, en contexte professionnel et culturel, aux enjeux de la reconstruction identitaire dans l’exil. 

vendredi 19 septembre 2025

Nous n’avons jamais eu autant besoin de nuances




L’actualité et les débats qu’elle suscite, dans la rue comme dans l’entreprise, montrent combien nos sociétés se polarisent. Cette observation m’a conduit à relire Le courage de la nuance de Jean Birnbaum. L’auteur rappelle combien la pression est forte pour « choisir son camp », dans un monde où les arguments prennent des accents de plus en plus manichéens. Il cite Albert Camus : « Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison ». Preuve que ce défi n’est pas neuf.

Or, parler avec nuance est plus qu’un art du langage : c’est une manière de transmettre du savoir et d’entrer dans un dialogue fécond, surtout dans des contextes multiculturels où les codes, les références et les sensibilités diffèrent. La nuance devient alors un outil de médiation, un langage commun qui reconnaît l’ambiguïté et l’altérité.


Quelles clés pour « nuancer » ?

  • Écoute active : S’immerger dans les mots mais aussi dans les silences de l’autre. Dans les rencontres interculturelles, cette écoute permet d’accueillir des visions du monde différentes, sans hiérarchie implicite.
  • Éviter les généralisations : Là où certaines cultures privilégient les catégories tranchées, d’autres reposent sur l’implicite. Reconnaître cette diversité, c’est admettre que la réalité se tisse toujours au‑delà du noir et blanc.
  • Précision des mots : La nuance exige de manier le langage avec soin. Employer « parfois » ou « souvent » plutôt que « toujours » permet d’ouvrir un espace commun de discussion, où l’expérience de chacun a sa place.
  • Reconnaissance de nos limites : Transmettre du savoir ne signifie pas imposer une vérité totale, mais partager en laissant une place au doute, en accueillant d’autres horizons.
  • Accueillir les contradictions : Dans le dialogue interculturel, il n’est pas rare que deux logiques coexistent sans s’annuler. La nuance consiste à habiter cet entre‑deux fertile.


Les bénéfices de la nuance

  1. Un apprentissage partagé : En acceptant l’incertitude, on ouvre la porte à la curiosité et à la construction collective du savoir.
  2. Le courage des limites : Reconnaître ce que l’on ne sait pas n’est pas une faiblesse, mais un geste de respect envers ceux dont l’expérience complète la nôtre.
  3. La radicalité de l’ouverture : Dans un monde saturé de certitudes instantanées, la nuance devient un acte de liberté critique. Elle nous pousse à explorer les « zones grises », là où les cultures se rencontrent et se comprennent.

La nuance n’est donc pas seulement une posture intellectuelle ; elle est un vecteur de transmission et de dialogue. À l’heure des polarisations, elle nous aide à construire des ponts entre les différences, à éprouver la force du doute, et à transformer la pluralité en richesse commune.

vendredi 12 septembre 2025

Changez votre regard


 Les jardins japonais sont célèbres pour leur beauté et leur harmonie. Mais au-delà de l’esthétique, ils nous invitent à un véritable changement de regard. Nous pensons les connaître, puis, en les observant de près, ils bousculent nos habitudes et nos croyances. N’est-ce pas là un symbole puissant de ce qu’il nous faut réaliser en équipe : changer de paradigme pour mieux avancer ?

Première remise en cause : la mousse

En France, la mousse est considérée comme un ennemi. On l’arrache, on l’éradique, on l’associe à un manque d’entretien. Au Japon, elle est au contraire mise en valeur : symbole de continuité et de longévité, elle recouvre le sol avec sobriété et profondeur. Là où nous privilégions la couleur éclatante et le court terme, les jardins japonais célèbrent la patience, l’humilité et la résistance du temps.
Dans vos équipes, misez-vous sur l’effet immédiat ou sur la solidité du temps long ? Êtes-vous prêts à voir dans ce qui semblait une faiblesse une nouvelle force ?

Deuxième remise en cause : la perspective

Nos jardins occidentaux offrent une vue d’ensemble immédiate. Au Japon, un jardin ne se découvre jamais d’un seul regard : il se révèle pas à pas, selon l’endroit d’où l’on se tient. Ce choix d’organisation nous oblige à reconnaître que personne ne détient à lui seul la vision globale. La vérité se construit par la confrontation des perspectives.
Dans vos échanges d’équipe, cherchez-vous à imposer une seule vision ou à accepter que le point de vue de chacun enrichisse la compréhension commune ?

Troisième remise en cause : les pierres

Chez nous, les pavés d’une allée sont uniformes, noyés dans le gazon. Au Japon, les pierres sont toutes différentes, et cette diversité crée l’harmonie. Portées par la mousse, elles s’intègrent naturellement et demandent peu d’entretien. Ce qui compte, ce n’est pas la ressemblance mais la complémentarité.
Dans vos pratiques de management, valorisez-vous l’uniformité rassurante ou la variété qui ouvre à l’adaptation ?

Changer de paradigme, c’est accepter que la mousse ait autant de valeur que le gazon, que la diversité des points de vue éclaire mieux qu’un regard unique, que la différence des pierres soit source d’équilibre. Comme dans un jardin japonais, une équipe se construit lorsqu’elle accepte de renouveler ses croyances et d’apprendre à voir autrement.

lundi 8 septembre 2025

Sommes nous devenus des funambules ?



Les schémas managériaux « classiques », comme le modèle Hersey-Blanchard, connaissent aujourd’hui une remise en question importante face aux exigences des organisations multiculturelles. Fini le temps où tous vos collègues ou partenaires internes étaient des Français, souvent basés en France.


Aujourd’hui, concilier les attentes entre collègues Indiens, Américains et Français est devenu un défi fréquent, indépendamment des personnalités individuelles. Cette réalité impose une attention particulière aux différences culturelles dans la communication, la prise d’initiative et le rapport à la hiérarchie, tout en cultivant un cadre commun fondé sur la confiance et l’écoute.


Quelles clés retenir ? Voici quelques enseignements tirés de mon expérience avec des équipes multiculturelles (liste non exhaustive) :


·       Reconnaître les différences culturelles : Certaines cultures valorisent l’expression directe, comme c’est souvent le cas dans les cultures anglo-saxonnes, tandis que d’autres privilégient la diplomatie ou le respect marqué de la hiérarchie, typique des cultures asiatiques ou françaises. Il s’agit de savoir repérer ces nuances pour favoriser un dialogue respectueux et efficace.


·       Instaurer des règles communes flexibles : Un cadre partagé, co-construit avec l’équipe, qui précise les modalités de dialogue, la rotation des prises de parole et le mode de prise de décision participatif, favorise la sécurité psychologique nécessaire à l’initiative collective.


·       Valoriser la diversité des styles de contribution : Certains collaborateurs préfèrent s’exprimer en coulisse ou par écrit, d’autres sont plus à l’aise à l’oral. Encourager différents formats d’expression permet de respecter ces préférences et d’enrichir les échanges.


En somme, l’horizontalité multiculturelle est un art d’équilibriste. La posture managériale s’y fait facilitatrice d’un dialogue inclusif et flexible, capable d’embrasser la richesse des différences pour construire une unité de travail collaborative et agile.

Et vous, quelle est votre expérience ?