vendredi 5 décembre 2025

Une allégorie du leadership



J’ai trouvé ce livre dans une boîte à livres. Je connais bien Isaac Bashevis Singer pour avoir lu plusieurs de ses ouvrages, mais je n’avais encore jamais entendu parler de celui-ci.


C’est un roman très original, que j’interprète comme une vaste parabole — ou peut-être une allégorie — sur l’évolution de notre société. Imaginez des chasseurs-cueilleurs, les Lesniks (ou « hommes des bois » en polonais), vivant au cœur de la forêt et entrant parfois violemment en contact avec des bandes de guerriers. Ces derniers les réduisent en esclavage pour les sédentariser et les contraindre à pratiquer l’agriculture. C’est là l’origine, suggère Singer, de bien des civilisations.


Au fil de ces rencontres forcées, les Lesniks apprennent qu’il existe, à quelques dizaines de jours de marche, d’autres formes de sociétés : des cités organisées, des marchés locaux, des échanges à longue distance, bref, un monde plus complexe qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Puis survient la rencontre — fortuite ou non — avec des hommes religieux monothéistes, eux qui vivaient jusque-là dans un univers animiste.


Singer nous entraîne à travers ces frictions, ces contacts, ces apprentissages mutuels. Le livre trouble, déstabilise, interroge : qu’est-ce qu’une civilisation ? Comment se construit-elle dans son rapport à l’autre ?


Trois aspects m’ont particulièrement marqué :


– Les différents systèmes de pouvoir. Là où domine d’abord un modèle fondé sur le chef charismatique, le « mâle alpha », émergent peu à peu d’autres formes d’autorité — plus collaboratives, parfois même féminines. Rien n’est stable : les équilibres de pouvoir se recomposent sans cesse selon les circonstances. Un bon miroir, sans doute, pour nos organisations contemporaines, y compris les États.


– Le choc du religieux. Singer s’amuse à faire parler des monothéistes qui prêchent l’amour universel… sauf envers les adeptes des autres croyances. Dans un monde actuel traversé à la fois par l’indifférence religieuse et par un regain de ferveur, ce contraste résonne fortement.


– La résilience et l’assimilation. Malgré les violences et les bouleversements, les cultures se mêlent, les sangs se croisent, et de ces fusions naissent d’autres identités. À l’heure des migrations mondiales, cette lecture nous invite à reconsidérer, peut-être, notre propre histoire.


Un livre d’une puissance symbolique rare, à la fois intemporel et d’une brûlante actualité.

samedi 29 novembre 2025

Les cris étouffés du bureau


 

Chez DALETT, nous aimons partager nos valeurs en présentant des livres. À travers ces pages, c’est tout un univers de sens, d’inspiration et de passion qui se transmet, pour nourrir la curiosité et faire rayonner ce en quoi nous croyons et que nous souhaitons partager avec vous.


Le roman Les cris de l’innocente d’Unity Dow, avocate et ex-juge botswanaise, dépeint un Botswana sous vernis démocratique où des meurtres sont occultés par des élites complices, et où une jeune soignante brise le silence face à l’indifférence institutionnelle. Ces thèmes d’invisibilisation des victimes, de déni collectif et de résistance individuelle se transposent directement aux entreprises françaises, où la souffrance au travail et les harcèlements moraux ou physiques touchent un million de salariés par an.


En France, le management vertical hérité d’une culture hiérarchique protège managers toxiques ou « hauts potentiels » comme les notables botswanais, au détriment des vulnérables : 40% des signalements de harcèlement restent sans suite, amplifiés par un présentéisme qui masque burn-outs et micro-violences. Les rites occultes du roman évoquent les mythes managériaux locaux – « être dur pour réussir » ou « nous sommes une famille » –, qui banalisent la surcharge et étouffent la parole, surtout chez femmes et jeunes dans des équipes multiculturelles. La résilience des villageois botswanais inspire les collectifs informels français, via syndicats ou mobilisations, qui fissurent ces murs de silence.


Comme dans la « pierre de patience » de Syngué Sabour (prix Goncourt 2008) ou dans Mustiks de Marwali Serpell, ce roman engagé rend accessibles les non-dits organisationnels, soulignant justice et dignité partagées entre Botswana et France : un outil puissant pour transformer cultures d’entreprise.

samedi 22 novembre 2025

Faites évoluer l’ADN de votre équipe


L’épigénétique désigne les mécanismes biologiques qui régulent l’expression des gènes sans L’épigénétique étudie les mécanismes qui régulent l’expression des gènes sans changer leur séquence, agissant comme une couche d’information supplémentaire qui active ou désactive certains gènes selon des signaux internes et extérieurs. Cette régulation est influencée par l’alimentation, le stress, l’activité physique et l’environnement social, impactant parfois l’expression génétique de manière réversible et héréditaire.

Appliqué à une équipe, l’ADN sociétal reflète les valeurs, comportements, rituels et modes de communication qui définissent la culture et la dynamique collective, déterminant la façon dont les membres interagissent, apprennent et évoluent ensemble. Une équipe solide s’appuie sur des valeurs partagées, une mission claire, une confiance mutuelle, une communication ouverte, et une mémoire collective construite par des expériences et rituels communs. La diversité des talents et l’apprentissage continu nourrissent également ce « code vivant », tout comme la transmission active de ces éléments par tous, notamment par le manager.

Ce dernier joue un rôle fondamental en influençant l’ADN sociétal. Il incarne les valeurs essentielles et crée un environnement psychologique sécurisant, permettant à chacun de s’exprimer pleinement. Par la stimulation de la cohésion via échanges, rituels et gestion constructive des conflits, il renforce ce tissu collectif. Il identifie aussi les freins à l’évolution et les lève grâce au coaching, à la formation et à l’innovation. Enfin, il favorise la circulation libre des idées, valorise les initiatives et les succès, stimulant ainsi l’énergie et la créativité collectives.

Ainsi, en reliant les principes biologiques de l’épigénétique à la dynamique humaine, cette approche montre comment un management conscient et agile peut orchestrer la « symphonie du vivant » d’une équipe, favorisant épanouissement et adaptation dans un environnement professionnel en constante évolution.


vendredi 14 novembre 2025

Transformer l’intergénérationnel et le multiculturel en levier d’innovation



À l’image du roman de Mia Couto, où la mémoire individuelle et les absences tissent une cartographie singulière, notre réalité professionnelle se nourrit aujourd’hui de rencontres multiples — entre générations, cultures et parcours de vie. Cette diversité ne se résume plus à une juxtaposition d’identités, mais appelle à une compréhension profonde : chaque collaborateur apporte ses expériences, ses schémas mentaux, ses valeurs, forgés tantôt par l’époque, tantôt par l’ancrage culturel.


Cette pluralité crée une forme de « double cartographie » : celle du temps (différences générationnelles) et celle de l’espace (diversité des référentiels). Leur croisement n’est pas qu’un défi — il ouvre un champ de synergies inédites, pour peu qu’on sache écouter, reconnaître et relier ces mémoires diverses.


Dans l’entreprise, les malentendus et les non-dits naissent le plus souvent du silence : ceux qui entourent nos routines transmises, nos tabous ou nos blessures collectives. Travailler ces absences avec respect, ouvrir des espaces d’expression et de dialogue, c’est permettre aux zones d’ombre de devenir des lieux d’apprentissage partagé. La reconnaissance des parcours, et pas seulement des performances, nourrit un climat où chacun peut s’engager et innover.


S’inspirer de la « fonction poétique » évoquée par Mia Couto, c’est accepter l’incertitude et accueillir la complexité, pour construire ensemble un langage commun. Ainsi, la diversité intergénérationnelle et interculturelle ne sera plus vécue comme une friction, mais comme une ressource essentielle de l’intelligence collective : une source de créativité et de résilience, au service de l’avenir de l’organisation.

vendredi 7 novembre 2025

Réussir les partages culturels et transgénérationnelles


 



 

Le roman Mustiks de Mamwali Serpell, qui traverse trois générations de familles en Zambie aux origines diverses (européenne, africaine, indienne), offre une belle source d’inspiration pour penser le partage culturel et transgénérationnel en entreprise.


D’abord, il souligne l’importance de reconnaître la diversité des cultures comme une richesse. En entreprise, cela signifie créer un climat où chaque origine est respectée et valorisée, favorisant ainsi la collaboration au-delà des différences.


Ensuite, le roman insiste sur le poids de la mémoire collective et des héritages transgénérationnels. Pour réussir en entreprise, il est crucial d’encourager le dialogue entre générations, afin que les expériences passées nourrissent les pratiques actuelles et futures.


Mustiks invite également à utiliser la force des récits et des métaphores. Partager des histoires ou des symboles culturels est un moyen efficace pour dépasser les malentendus et créer du lien entre des équipes multiculturelles.


Enfin, le roman montre que la diversité et la complexité ne sont pas toujours simples à gérer. Accepter les différentes perspectives, les contradictions, et les nuances est une condition clé pour co-construire des solutions innovantes et adaptées à tous.


En résumé, s’inspirer de Mustiks invite les entreprises à considérer le partage culturel et intergénérationnel comme un processus vivant, dynamique, fondé sur le respect, l’écoute et la co-construction. C’est ainsi que la diversité devient une véritable force collective.

dimanche 2 novembre 2025

S’inspirer des pratiques de l’Inde

 


Pour travailler avec des Indiens en s’inspirant de l’exemple de Rama et du Ramayana, plusieurs enseignements clés peuvent guider la pratique managériale et la collaboration interculturelle :

Rama incarne l’idéal moral, le respect des devoirs familiaux et sociaux, ce qui correspond à la très forte importance accordée à la hiérarchie, à la famille et aux responsabilités dans la culture professionnelle indienne. Être attentif à ces dimensions, accepter le rôle des aînés ou des figures d’autorité, et manifester du respect dans les interactions est fondamental pour bâtir la confiance.


Le lien de loyauté que Rama entretient avec Sita, Lakshmana et ses alliés traduit une conception profonde de la fidélité personnelle et communautaire. En entreprise, cela se traduit par la valeur donnée à la confiance, aux relations durables et à la collaboration basée sur l’engagement mutuel plutôt que sur des contrats strictement formels.


Le Ramayana montre Rama en leader soucieux d’écouter ses alliés, de prendre en compte différents avis, et de favoriser une unité harmonieuse. Cela rejoint la tendance indienne au management participatif et consensuel, où la négociation, la consultation et le soin apporté à la cohésion du groupe sont essentiels.

Le contraste entre l’écoute attentive et la gestion des conflits délicats dans l’épopée rappelle la nécessité, dans le contexte indien, de cultiver la patience, la diplomatie et une gestion fine des rapports humains, y compris dans les négociations difficiles ou face à des différends culturels.


Ces enseignements prescrivent concrètement au manager et collaborateur interculturel d’adopter une posture humble, respectueuse des traditions, attentive aux dynamiques relationnelles, et orientée vers le long terme dans la relation professionnelle avec des Indiens, en écho aux valeurs portées par Rama dans le Ramayana.

jeudi 23 octobre 2025

Une parabole d’un collectif sans cap

 


Dans Tango de Satan, László Krasznahorkai (Prix Nobel de littérature 2025) campe une communauté isolée, sans repères ni avenir, où chacun s’épie et s’enfonce dans la boue de l’attente. On pourrait y voir la métaphore d’une organisation sans vision : des équipes en suspens, privées de cap et de reconnaissance, où l’énergie se dissipe lentement.


Quand il n’y a plus de sens collectif, l’entreprise devient un huis clos. Les talents se méfient les uns des autres, les projets tournent à vide, et tout semble figé dans un brouillard de fatigue morale. On attend le « sauveur » ou le changement venu d’en haut… qui ne vient jamais.


Et pourtant, Krasznahorkai révèle une autre forme de beauté : celle du geste accompli malgré tout, de la dignité ordinaire de ceux qui tiennent bon sans promesse de lendemain.


Ce roman nous rappelle que le rôle du management n’est pas de tout contrôler, mais de rallumer la flamme : donner du sens, reconnaître, et remettre du mouvement là où tout semble s’être arrêté.