vendredi 26 décembre 2025

Ce que “La laitière de Bangalore” nous dit de la transformation et des relations humaines

 



En refermant *La laitière de Bangalore* de **Shoba Narayan », on réalise qu’un livre peut parler de bien plus qu’une simple vache. Derrière la production laitière, c’est tout un écosystème humain, social et symbolique qui se dévoile – un miroir étonnant de nos organisations et de nos transformations.  

Shoba Narayan, revenue en Inde après quinze années à New York, redécouvre une société à la fois ancrée dans ses traditions et bousculée par la modernité. Sa rencontre avec une laitière, femme d’un autre milieu, devient prétexte à une leçon de management interculturel : apprendre à observer, à écouter, à comprendre avant d’agir.  

 Ce récit résonne particulièrement avec la vie en entreprise :  
- Observer avant d’intervenir : comme l’auteure, nous devons parfois apprendre à “lire” les codes culturels de nos environnements professionnels avant de vouloir les transformer.  
- Naviguer entre ancien et nouveau : la tension entre tradition et innovation traverse à la fois la société indienne et nos organisations en mutation.  
- Donner sens à notre quotidien : la vache, symbole de lien et de vie, nous rappelle que le travail n’est pas qu’une production, mais un tissu de relations, de valeurs et de mémoire collective.  

Et puis, derrière cette histoire, une question universelle : comment concilier les héritages du passé avec les aspirations d’aujourd’hui ? Le fils de la laitière choisit de devenir chauffeur plutôt que producteur de lait — un choix qui dit autant sur les transitions professionnelles en Inde que sur les aspirations des jeunes générations partout dans le monde.  

Un livre sensible et inspirant, qui nous parle d’écoute, d’humilité et de transformation — trois ingrédients clés de tout leadership durable.  

 

vendredi 19 décembre 2025

Et si la ténacité était notre meilleur levier face à l’injustice et à l’incertitude ?



J’ai récemment lu Rivage de la colère de Caroline Laurent, un roman qui dépasse largement la seule histoire d’amour pour devenir un véritable récit de résistance. Ce livre revient sur le drame méconnu des habitants de l’archipel des Chagos, déportés dans les années 1960 pour permettre l’installation d’une base militaire américaine, puis laissés dans la précarité et l’oubli.

Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la ténacité de ce peuple déraciné. Malgré les humiliations, les procédures interminables et l’indifférence internationale, les Chagossiens n’ont jamais renoncé à faire reconnaître leurs droits. Leur combat a fini par porter ses fruits : il a fallu attendre 2025 pour que le Royaume‑Uni signe enfin un accord reconnaissant que les Chagos appartiennent au territoire mauricien.

En filigrane, le roman pose une question très actuelle pour nos organisations : que devient une communauté quand on lui retire ses repères, son territoire, son identité ? La situation des Chagossiens fait écho à celle de millions de personnes déplacées ou réfugiées aujourd’hui, souvent invisibles dans les statistiques, dont le parcours repose pourtant, là encore, sur la persévérance et la capacité à se reconstruire.

Ce livre résonne aussi avec les défis des sociétés et des entreprises multiculturelles. À travers l’exemple de Maurice, il montre à la fois les tensions entre communautés et la richesse du métissage, des alliances improbables, des rencontres qui changent le cours d’une vie. La force de ce récit tient dans ce message : c’est souvent la combinaison de la solidarité, de l’ouverture et de la ténacité qui permet de transformer une injustice en mouvement collectif.

En refermant Rivage de la colère, une conviction s’impose : la ténacité n’est pas qu’un trait de caractère individuel, c’est une compétence collective stratégique. Dans nos équipes comme dans nos projets, elle se traduit par la capacité à :

·       maintenir le cap malgré les revers ;

·       défendre une cause juste même lorsque le résultat n’est pas garanti ;

·       garder confiance en la valeur de l’humain, surtout dans les contextes complexes.

Dans un monde où tout semble aller vite, ce roman m’a rappelé une chose essentielle : certaines victoires exigent du temps, de la patience et beaucoup de courage. Et que, pour reprendre et détourner une parole bien connue, il nous faut plus que jamais « avoir confiance » – en nous, en les autres, et dans notre capacité à tenir dans la durée.

 

vendredi 12 décembre 2025

Et si votre parcours ressemblait à celui de Jawad ?

 



Dans *Seul le grenadier* de Sinan Antoon, Jawad rêve de devenir artiste, mais finit par reprendre le métier funéraire de son père, au cœur d’un Irak ravagé par les guerres.  Sa « petite histoire » se voit engloutie par la « grande Histoire » : contraintes politiques, violence, tradition familiale, tout semble l’éloigner de ce qu’il voulait être.

En entreprise, beaucoup de trajectoires ressemblent à celle de Jawad. On accepte un poste « provisoire » qui devient définitif, on reprend l’entreprise des parents ou le style managérial des prédécesseurs , on subit des réorganisations ou des crises qui redessinent nos choix. Ce que l’on appelle parfois « destin » ressemble souvent à un faisceau de contraintes : culture d’entreprise, héritage, contexte économique, géopolitique.

Ce que montre Antoon, pourtant, c’est que la fatalité n’est jamais totale. Jawad garde un regard critique, un désir d’art, une manière singulière d’habiter même le métier qu’il n’a pas choisi.  Transposé au monde professionnel, cela pose une question simple et exigeante : que faisons-nous de ce que nous n’avons pas choisi ? Comment garder une part de liberté dans un rôle imposé ?

Chacun de nous peut travailler sur trois niveaux :
- Identifier ce qui relève vraiment de la contrainte (contexte, structure, histoire de l’organisation).  
- Repérer ce que l’on reconduit par habitude ou loyauté, sans l’avoir consciemment choisi (posture managériale, rapport au pouvoir, à l’autorité).  
- Décider où placer sa part de liberté : dans la qualité des relations, la manière de prendre soin des équipes, la façon de donner du sens au quotidien.

Dans le roman, le grenadier se nourrit de l’eau qui a lavé les morts et continue pourtant à fleurir.  De la même façon, nos organisations portent une mémoire faite de crises, d’échecs, parfois de souffrances au travail. La vraie question professionnelle est alors : allons-nous traiter cette mémoire comme une fatalité qui se répète, ou comme une matière à transformer en apprentissage et en responsabilité partagée ?


vendredi 5 décembre 2025

Une allégorie du leadership



J’ai trouvé ce livre dans une boîte à livres. Je connais bien Isaac Bashevis Singer pour avoir lu plusieurs de ses ouvrages, mais je n’avais encore jamais entendu parler de celui-ci.


C’est un roman très original, que j’interprète comme une vaste parabole — ou peut-être une allégorie — sur l’évolution de notre société. Imaginez des chasseurs-cueilleurs, les Lesniks (ou « hommes des bois » en polonais), vivant au cœur de la forêt et entrant parfois violemment en contact avec des bandes de guerriers. Ces derniers les réduisent en esclavage pour les sédentariser et les contraindre à pratiquer l’agriculture. C’est là l’origine, suggère Singer, de bien des civilisations.


Au fil de ces rencontres forcées, les Lesniks apprennent qu’il existe, à quelques dizaines de jours de marche, d’autres formes de sociétés : des cités organisées, des marchés locaux, des échanges à longue distance, bref, un monde plus complexe qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Puis survient la rencontre — fortuite ou non — avec des hommes religieux monothéistes, eux qui vivaient jusque-là dans un univers animiste.


Singer nous entraîne à travers ces frictions, ces contacts, ces apprentissages mutuels. Le livre trouble, déstabilise, interroge : qu’est-ce qu’une civilisation ? Comment se construit-elle dans son rapport à l’autre ?


Trois aspects m’ont particulièrement marqué :


– Les différents systèmes de pouvoir. Là où domine d’abord un modèle fondé sur le chef charismatique, le « mâle alpha », émergent peu à peu d’autres formes d’autorité — plus collaboratives, parfois même féminines. Rien n’est stable : les équilibres de pouvoir se recomposent sans cesse selon les circonstances. Un bon miroir, sans doute, pour nos organisations contemporaines, y compris les États.


– Le choc du religieux. Singer s’amuse à faire parler des monothéistes qui prêchent l’amour universel… sauf envers les adeptes des autres croyances. Dans un monde actuel traversé à la fois par l’indifférence religieuse et par un regain de ferveur, ce contraste résonne fortement.


– La résilience et l’assimilation. Malgré les violences et les bouleversements, les cultures se mêlent, les sangs se croisent, et de ces fusions naissent d’autres identités. À l’heure des migrations mondiales, cette lecture nous invite à reconsidérer, peut-être, notre propre histoire.


Un livre d’une puissance symbolique rare, à la fois intemporel et d’une brûlante actualité.

samedi 29 novembre 2025

Les cris étouffés du bureau


 

Chez DALETT, nous aimons partager nos valeurs en présentant des livres. À travers ces pages, c’est tout un univers de sens, d’inspiration et de passion qui se transmet, pour nourrir la curiosité et faire rayonner ce en quoi nous croyons et que nous souhaitons partager avec vous.


Le roman Les cris de l’innocente d’Unity Dow, avocate et ex-juge botswanaise, dépeint un Botswana sous vernis démocratique où des meurtres sont occultés par des élites complices, et où une jeune soignante brise le silence face à l’indifférence institutionnelle. Ces thèmes d’invisibilisation des victimes, de déni collectif et de résistance individuelle se transposent directement aux entreprises françaises, où la souffrance au travail et les harcèlements moraux ou physiques touchent un million de salariés par an.


En France, le management vertical hérité d’une culture hiérarchique protège managers toxiques ou « hauts potentiels » comme les notables botswanais, au détriment des vulnérables : 40% des signalements de harcèlement restent sans suite, amplifiés par un présentéisme qui masque burn-outs et micro-violences. Les rites occultes du roman évoquent les mythes managériaux locaux – « être dur pour réussir » ou « nous sommes une famille » –, qui banalisent la surcharge et étouffent la parole, surtout chez femmes et jeunes dans des équipes multiculturelles. La résilience des villageois botswanais inspire les collectifs informels français, via syndicats ou mobilisations, qui fissurent ces murs de silence.


Comme dans la « pierre de patience » de Syngué Sabour (prix Goncourt 2008) ou dans Mustiks de Marwali Serpell, ce roman engagé rend accessibles les non-dits organisationnels, soulignant justice et dignité partagées entre Botswana et France : un outil puissant pour transformer cultures d’entreprise.

samedi 22 novembre 2025

Faites évoluer l’ADN de votre équipe


L’épigénétique désigne les mécanismes biologiques qui régulent l’expression des gènes sans L’épigénétique étudie les mécanismes qui régulent l’expression des gènes sans changer leur séquence, agissant comme une couche d’information supplémentaire qui active ou désactive certains gènes selon des signaux internes et extérieurs. Cette régulation est influencée par l’alimentation, le stress, l’activité physique et l’environnement social, impactant parfois l’expression génétique de manière réversible et héréditaire.

Appliqué à une équipe, l’ADN sociétal reflète les valeurs, comportements, rituels et modes de communication qui définissent la culture et la dynamique collective, déterminant la façon dont les membres interagissent, apprennent et évoluent ensemble. Une équipe solide s’appuie sur des valeurs partagées, une mission claire, une confiance mutuelle, une communication ouverte, et une mémoire collective construite par des expériences et rituels communs. La diversité des talents et l’apprentissage continu nourrissent également ce « code vivant », tout comme la transmission active de ces éléments par tous, notamment par le manager.

Ce dernier joue un rôle fondamental en influençant l’ADN sociétal. Il incarne les valeurs essentielles et crée un environnement psychologique sécurisant, permettant à chacun de s’exprimer pleinement. Par la stimulation de la cohésion via échanges, rituels et gestion constructive des conflits, il renforce ce tissu collectif. Il identifie aussi les freins à l’évolution et les lève grâce au coaching, à la formation et à l’innovation. Enfin, il favorise la circulation libre des idées, valorise les initiatives et les succès, stimulant ainsi l’énergie et la créativité collectives.

Ainsi, en reliant les principes biologiques de l’épigénétique à la dynamique humaine, cette approche montre comment un management conscient et agile peut orchestrer la « symphonie du vivant » d’une équipe, favorisant épanouissement et adaptation dans un environnement professionnel en constante évolution.


vendredi 14 novembre 2025

Transformer l’intergénérationnel et le multiculturel en levier d’innovation



À l’image du roman de Mia Couto, où la mémoire individuelle et les absences tissent une cartographie singulière, notre réalité professionnelle se nourrit aujourd’hui de rencontres multiples — entre générations, cultures et parcours de vie. Cette diversité ne se résume plus à une juxtaposition d’identités, mais appelle à une compréhension profonde : chaque collaborateur apporte ses expériences, ses schémas mentaux, ses valeurs, forgés tantôt par l’époque, tantôt par l’ancrage culturel.


Cette pluralité crée une forme de « double cartographie » : celle du temps (différences générationnelles) et celle de l’espace (diversité des référentiels). Leur croisement n’est pas qu’un défi — il ouvre un champ de synergies inédites, pour peu qu’on sache écouter, reconnaître et relier ces mémoires diverses.


Dans l’entreprise, les malentendus et les non-dits naissent le plus souvent du silence : ceux qui entourent nos routines transmises, nos tabous ou nos blessures collectives. Travailler ces absences avec respect, ouvrir des espaces d’expression et de dialogue, c’est permettre aux zones d’ombre de devenir des lieux d’apprentissage partagé. La reconnaissance des parcours, et pas seulement des performances, nourrit un climat où chacun peut s’engager et innover.


S’inspirer de la « fonction poétique » évoquée par Mia Couto, c’est accepter l’incertitude et accueillir la complexité, pour construire ensemble un langage commun. Ainsi, la diversité intergénérationnelle et interculturelle ne sera plus vécue comme une friction, mais comme une ressource essentielle de l’intelligence collective : une source de créativité et de résilience, au service de l’avenir de l’organisation.