La fraternité, loin de se réduire à un simple sentiment, s’impose comme une nécessité anthropologique fondamentale, en particulier dans le contexte de la vie en entreprise. L’humain, par essence, est un être de lien : sa survie et son épanouissement dépendent de sa capacité à tisser des relations, à dépasser l’individualisme accentué par la modernité. Pourtant, la fraternité, bien qu’inscrite dans la devise républicaine, demeure souvent la composante la plus négligée, alors qu’elle constitue le socle d’une société et d’une organisation solidaire.
Plusieurs facteurs compromettent la vitalité de la fraternité en entreprise :
- La compétition et la rivalité, exacerbées par la mondialisation et les crises (écologique, économique), qui favorisent l’individualisme et la méfiance.
- Les replis identitaires et communautaires, qui fragmentent le collectif et affaiblissent le sentiment d’appartenance à un « nous » commun.
- La difficulté à instaurer une fraternité universelle, face à la montée de logiques tribales ou nationalistes, qui entravent la coopération et le partage.
L’expérience montre que la fraternité se révèle souvent dans l’épreuve : face à l’adversité, des « micro-communautés » émergent, même de façon temporaire, permettant de raviver l’espoir et la solidarité. La fraternité ne doit donc pas être conçue comme un état figé, mais comme une dynamique à entretenir et à renouveler sans cesse.
Au-delà du constat sur la fragilité de la fraternité, il s’agit de la cultiver activement :
- Par l’éducation et la formation, qui favorisent l’ouverture à l’autre et la transmission du savoir.
- Par la culture d’entreprise et l’engagement citoyen, qui encouragent la coopération et l’entraide.
- En proposant la fraternité comme un horizon mobilisateur, une utopie qui donne sens à l’action collective, même si elle demeure inachevée.
Pour Edgar Morin, la fraternité n’est pas un vœu pieux, mais une nécessité vitale pour affronter les défis contemporains : climat, conflits, inégalités. Elle requiert une vigilance éthique permanente et la capacité à créer et entretenir des « oasis fraternelles » dans un monde incertain.
La fraternité, telle que pensée par Morin, possède une portée à la fois philosophique et politique : elle incarne une vision d’une humanité reliée, solidaire, capable de régénérer ce lien essentiel, même en temps de crise. Cette perspective invite chacun à devenir acteur de la fraternité au quotidien, notamment dans le monde du travail, où la transmission du savoir passe par la confiance, le partage et la solidarité.
En entreprise, la fraternité devient ainsi un vecteur essentiel de transmission du savoir, de cohésion et d’innovation, condition sine qua non d’une organisation résiliente et humaine.