vendredi 19 juillet 2019

Le conte du moucheron dans l’oreille de l'éléphant


" On raconte qu'un moucheron installa un jour sa demeure dans l'oreille d'un éléphant. Ce petit être-là (il s'appelait Zouzou) était parmi son peuple estimé comme un sage. 
Évidemment Zouzou le sage ne s'était pas établi là, dans l'oreille de l’éléphant, sans lui en demander la permission. Voilà pourquoi il s'avança, dès qu'il eut posé son bagage, sur la cime d'un poil, et s'adressant à l'animal occupé à brouter un arbre :
- Mon cher éléphant, lui dit-il, merci à toi de m'accueillir dans ta superbe oreille droite. Je suis Zouzou le moucheron. On m'honore du nom de sage. Si ma présence te déplaît, je te prie de m'en informer.
Il se tut, se tint recueilli un long moment, les yeux fermés.
- Ton silence, dit-il enfin, me semble empreint de bienveillance.
Il s'inclina profondément et s'installa. Il ignorait évidemment que son discours s'était perdu dans l'austère forêt poilue qui environnait sa demeure. Il va de soi que l'éléphant n'en avait rien perçu du tout. Il ne soupçonna même pas la présence du locataire qui avait chez lui son logis. Si bien que Zouzou vécut là dans la tranquillité, assuré de la protection de son formidable grand frère.
Après dix années sans souci, il dut quitter son ermitage. Obligations professionnelles. Il fit ses bagages, et sur le seuil :
- Éléphant, dit-il, si je pars, c'est à regret, sache-le bien. Ton hospitalité fut en tout point parfaite, mais je dois m'exiler loin de toi, c'est ainsi. Depuis ma lointaine arrivée je sais qu'une amitié secrète s'est entre nous épanouie. M'oublieras-tu ? Je ne crois pas. Toi, tu resteras dans mon cœur. Adieu mon frère, mon ami.
Il attendit une réponse. Elle vint. Elle sonna haut et fort. Zouzou en fut ému aux larmes. L'éléphant barrit puissamment pour appeler une amie éléphant à venir au bain avec lui. Zouzou venu, Zouzou parti, quoi de neuf chez lui ? Rien, la vie. "

Adapté d’Henri Gougaud, le livre des chemins, Albin Michel

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