vendredi 19 septembre 2025

Nous n’avons jamais eu autant besoin de nuances




L’actualité et les débats qu’elle suscite, dans la rue comme dans l’entreprise, montrent combien nos sociétés se polarisent. Cette observation m’a conduit à relire Le courage de la nuance de Jean Birnbaum. L’auteur rappelle combien la pression est forte pour « choisir son camp », dans un monde où les arguments prennent des accents de plus en plus manichéens. Il cite Albert Camus : « Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison ». Preuve que ce défi n’est pas neuf.

Or, parler avec nuance est plus qu’un art du langage : c’est une manière de transmettre du savoir et d’entrer dans un dialogue fécond, surtout dans des contextes multiculturels où les codes, les références et les sensibilités diffèrent. La nuance devient alors un outil de médiation, un langage commun qui reconnaît l’ambiguïté et l’altérité.


Quelles clés pour « nuancer » ?

  • Écoute active : S’immerger dans les mots mais aussi dans les silences de l’autre. Dans les rencontres interculturelles, cette écoute permet d’accueillir des visions du monde différentes, sans hiérarchie implicite.
  • Éviter les généralisations : Là où certaines cultures privilégient les catégories tranchées, d’autres reposent sur l’implicite. Reconnaître cette diversité, c’est admettre que la réalité se tisse toujours au‑delà du noir et blanc.
  • Précision des mots : La nuance exige de manier le langage avec soin. Employer « parfois » ou « souvent » plutôt que « toujours » permet d’ouvrir un espace commun de discussion, où l’expérience de chacun a sa place.
  • Reconnaissance de nos limites : Transmettre du savoir ne signifie pas imposer une vérité totale, mais partager en laissant une place au doute, en accueillant d’autres horizons.
  • Accueillir les contradictions : Dans le dialogue interculturel, il n’est pas rare que deux logiques coexistent sans s’annuler. La nuance consiste à habiter cet entre‑deux fertile.


Les bénéfices de la nuance

  1. Un apprentissage partagé : En acceptant l’incertitude, on ouvre la porte à la curiosité et à la construction collective du savoir.
  2. Le courage des limites : Reconnaître ce que l’on ne sait pas n’est pas une faiblesse, mais un geste de respect envers ceux dont l’expérience complète la nôtre.
  3. La radicalité de l’ouverture : Dans un monde saturé de certitudes instantanées, la nuance devient un acte de liberté critique. Elle nous pousse à explorer les « zones grises », là où les cultures se rencontrent et se comprennent.

La nuance n’est donc pas seulement une posture intellectuelle ; elle est un vecteur de transmission et de dialogue. À l’heure des polarisations, elle nous aide à construire des ponts entre les différences, à éprouver la force du doute, et à transformer la pluralité en richesse commune.

vendredi 12 septembre 2025

Changez votre regard


 Les jardins japonais sont célèbres pour leur beauté et leur harmonie. Mais au-delà de l’esthétique, ils nous invitent à un véritable changement de regard. Nous pensons les connaître, puis, en les observant de près, ils bousculent nos habitudes et nos croyances. N’est-ce pas là un symbole puissant de ce qu’il nous faut réaliser en équipe : changer de paradigme pour mieux avancer ?

Première remise en cause : la mousse

En France, la mousse est considérée comme un ennemi. On l’arrache, on l’éradique, on l’associe à un manque d’entretien. Au Japon, elle est au contraire mise en valeur : symbole de continuité et de longévité, elle recouvre le sol avec sobriété et profondeur. Là où nous privilégions la couleur éclatante et le court terme, les jardins japonais célèbrent la patience, l’humilité et la résistance du temps.
Dans vos équipes, misez-vous sur l’effet immédiat ou sur la solidité du temps long ? Êtes-vous prêts à voir dans ce qui semblait une faiblesse une nouvelle force ?

Deuxième remise en cause : la perspective

Nos jardins occidentaux offrent une vue d’ensemble immédiate. Au Japon, un jardin ne se découvre jamais d’un seul regard : il se révèle pas à pas, selon l’endroit d’où l’on se tient. Ce choix d’organisation nous oblige à reconnaître que personne ne détient à lui seul la vision globale. La vérité se construit par la confrontation des perspectives.
Dans vos échanges d’équipe, cherchez-vous à imposer une seule vision ou à accepter que le point de vue de chacun enrichisse la compréhension commune ?

Troisième remise en cause : les pierres

Chez nous, les pavés d’une allée sont uniformes, noyés dans le gazon. Au Japon, les pierres sont toutes différentes, et cette diversité crée l’harmonie. Portées par la mousse, elles s’intègrent naturellement et demandent peu d’entretien. Ce qui compte, ce n’est pas la ressemblance mais la complémentarité.
Dans vos pratiques de management, valorisez-vous l’uniformité rassurante ou la variété qui ouvre à l’adaptation ?

Changer de paradigme, c’est accepter que la mousse ait autant de valeur que le gazon, que la diversité des points de vue éclaire mieux qu’un regard unique, que la différence des pierres soit source d’équilibre. Comme dans un jardin japonais, une équipe se construit lorsqu’elle accepte de renouveler ses croyances et d’apprendre à voir autrement.

lundi 8 septembre 2025

Sommes nous devenus des funambules ?



Les schémas managériaux « classiques », comme le modèle Hersey-Blanchard, connaissent aujourd’hui une remise en question importante face aux exigences des organisations multiculturelles. Fini le temps où tous vos collègues ou partenaires internes étaient des Français, souvent basés en France.


Aujourd’hui, concilier les attentes entre collègues Indiens, Américains et Français est devenu un défi fréquent, indépendamment des personnalités individuelles. Cette réalité impose une attention particulière aux différences culturelles dans la communication, la prise d’initiative et le rapport à la hiérarchie, tout en cultivant un cadre commun fondé sur la confiance et l’écoute.


Quelles clés retenir ? Voici quelques enseignements tirés de mon expérience avec des équipes multiculturelles (liste non exhaustive) :


·       Reconnaître les différences culturelles : Certaines cultures valorisent l’expression directe, comme c’est souvent le cas dans les cultures anglo-saxonnes, tandis que d’autres privilégient la diplomatie ou le respect marqué de la hiérarchie, typique des cultures asiatiques ou françaises. Il s’agit de savoir repérer ces nuances pour favoriser un dialogue respectueux et efficace.


·       Instaurer des règles communes flexibles : Un cadre partagé, co-construit avec l’équipe, qui précise les modalités de dialogue, la rotation des prises de parole et le mode de prise de décision participatif, favorise la sécurité psychologique nécessaire à l’initiative collective.


·       Valoriser la diversité des styles de contribution : Certains collaborateurs préfèrent s’exprimer en coulisse ou par écrit, d’autres sont plus à l’aise à l’oral. Encourager différents formats d’expression permet de respecter ces préférences et d’enrichir les échanges.


En somme, l’horizontalité multiculturelle est un art d’équilibriste. La posture managériale s’y fait facilitatrice d’un dialogue inclusif et flexible, capable d’embrasser la richesse des différences pour construire une unité de travail collaborative et agile.

Et vous, quelle est votre expérience ?

jeudi 28 août 2025

La rentrée : la taupe, les traditions… et la double contrainte du café




 C’est la rentrée ! Oubliez le syndrome du lundi matin : on célèbre le retour des réunions, du badge oublié, et du café partagé — cette fois, dans des gobelets compostables. Le grand dilemme revient, façon Edgar Morin : faut-il tout changer, ne rien changer, ou tenter d’articuler tradition et adaptation ? À cette équation, vient s’ajouter la fameuse double contrainte en entreprise : innover… sans rien changer. Oui, c’est aussi subtil que ça en a l’air.

Edgar Morin, toujours jeune centenaire, nous rappelle que croire à la stabilité du réel, c’est négliger la taupe de Hegel (coucou Marx), éternelle creuseuse souterraine, qui façonne le futur en silence. Il y a ceux qui font comme si tout redeviendra « comme avant » : mêmes horaires, mêmes routines, mêmes cafés tièdes — et même réclamations pour le même grille-pain de la salle de pause. Pourtant, sous la surface, la taupe prépare déjà la surprise — télétravail imprévu, collègues devenus experts en NFT, et RH qui ne jurent que par l’IA.


Puis il y a cette fameuse double contrainte : l’entreprise attend de ses équipes qu’elles innovent, inventent, révolutionnent — tout en gardant un semblant d’ordre immuable, sans perturber le « fonctionnement normal ». Impossible ? Certainement ! C’est un peu comme demander à la taupe de creuser sans que personne ne sente rien, ou de faire du café sans changer la cafetière vieillissante.


D’autres profitent de la rentrée pour tout balancer : on révolutionne méthodes, outils, et même le menu des déjeuners d’équipe. Risqué, mais parfois salutaire, lorsque la taupe commence à secouer sérieusement le sol. Enfin, la voie la plus sage est peut-être celle de l’alchimiste : mixer les traditions rassurantes et les mutations incontournables, en articulant le vécu et l’innovation. C’est le moment idéal pour transmettre les savoirs, partager ses astuces… et laisser la taupe guider ce qui doit évoluer, sans oublier le plaisir d’un café bien serré (ou d’un thé, on n’est pas sectaires).


L’utopie parfaite — tout maîtrisé, rien qui déborde — est aussi dangereuse qu’une réunion imprévue à 16h un vendredi après-midi. Mieux vaut la bonne utopie : celle qui sait que l’innovation naît d’un subtil cocktail entre ce que l’on garde et ce que l’on invente — un capitalisme d’impact, une organisation plus écologique, ou juste une équipe qui ose transmettre ses expériences et apprendre des nouveautés malgré la double contrainte.


Sous le sol apparemment ferme des agendas d’entreprise, la taupe travaille discrètement. La rentrée est un bon moment pour choisir : tout changer, tout garder, ou inventer son propre mélange entre tradition, adaptation — et, pourquoi pas, oser défier la double contrainte, tout en savourant un café (ou deux).


Bonne rentrée

vendredi 22 août 2025

Rentrée : troquez vos tongs pour une tenue «transmission »



Ça y est, fini les vacances, les apéros en tongs et les bermudas délavés : la rentrée est là ! Bureau, école, réunions… et donc dressing à réviser. Mais avant de soupirer devant votre armoire en murmurant « je n’ai rien à me mettre », sachez qu’une expérience scientifique pourrait bien changer votre façon de voir vos vêtements. Ils ne sont pas si « superficiels » que ça : ils influencent carrément… votre cerveau. 🧠

 

Le professeur Adam Galinsky, de l’Université Northwestern (USA), a montré que nos habits ne se contentent pas de donner une image aux autres — ils transforment aussi notre façon de penser. Oui, vos vêtements influencent vos neurones. Et par effet domino… ils influencent aussi la manière dont vous interagissez et transmettez vos idées.

 

👉 Exemple : une femme qui s’habille de façon plus « masculine » en entretien a plus de chances d’être embauchée. Autre exemple : un prof en costume est spontanément perçu comme plus crédible que celui en baskets. Bien sûr, ses blagues restent les mêmes… mais l’impact de son message, lui, change.

 

Les chercheurs ont voulu savoir si certains vêtements pouvaient booster nos capacités cognitives. Alors, ils ont fait tester deux groupes d’étudiants :

  • Groupe 1 : blouse de laboratoire.
  • Groupe 2 : jean & T-shirt classique.

Résultat ? Ceux en blouse faisaient deux fois moins d’erreurs dans un test d’attention. Comme si enfiler la blouse activait automatiquement le « mode scientifique attentif ».

 

Mieux encore : ils ont testé une blouse de médecin, une blouse de peintre… ou une blouse simplement posée sur une table. Verdict : le super-pouvoir s’active uniquement quand on la porte. L’important, ce n’est pas de la voir, mais de se l’approprier.

 

Ce qui est fascinant, c’est que l’effet va au-delà de l’individu.
Quand vous portez certains habits, vous n’influencez pas seulement votre propre état d’esprit : vous influencez aussi la façon dont les autres reçoivent ce que vous transmettez.

Un professeur en tenue formelle ne se sent pas seulement plus concentré : ses élèves perçoivent son discours comme plus sérieux, plus structuré, plus « compétent ». Un soignant en blouse n’inspire pas seulement son propre calme : il rassure son patient. Un manager en costume ne se donne pas seulement confiance : il renforce la légitimité de ses messages auprès de son équipe.

 

Bref, vos habits ne modèlent pas seulement votre cerveau, ils façonnent aussi la qualité de vos échanges et la puissance de votre transmission.

La rentrée, finalement, c’est peut-être une occasion ludique de tester :

  • Besoin d’attention ? Optez pour une chemise stricte.
  • Besoin de créativité ? Enfilez votre pull arty.
  • Besoin de crédibilité face à un public ? Adaptez votre tenue à l’impact que vous voulez avoir.

 

Habillez-vous comme la personne que vous voulez activer… et comme la personne que vous souhaitez inspirer chez les autres.
Parce qu’au fond, transmettre efficacement, c’est déjà une question de posture — et parfois, cette posture commence par un vêtement.

lundi 18 août 2025

Pratiquez un sport extrême à la portée de tous




Vive les vacances ! C’est le moment où l’on peut enfin choisir librement entre s’ennuyer, bronzer, engloutir des romans, marcher deux heures pour se donner bonne conscience… ou, soyons fous, méditer. Eh oui, méditer : ce truc dont tout le monde parle, mais que personne ne pratique avant d’avoir épuisé Netflix.


Alors comment s’y mettre ?Beaucoup s’exilent à la campagne pour méditer dans le chant des oiseaux (et, soyons honnêtes, dans le bruit des tondeuses du voisin). Certains escaladent même des collines, façon héros mystiques, pour s’asseoir sur un caillou en plein cagnard. D’autres se barricadent dans leur chambre avec de la musique et des écouteurs, pas pour fuir leurs enfants… enfin, si, un peu.

Moi ? Je médite surtout en marchant. Enfin, “méditer” est un grand mot : c’est plutôt là que je mélange mes problèmes perso et mes tracas pro jusqu’à obtenir un cocktail pas toujours digeste.

Mais au fond, c’est quoi cette affaire de méditation ?


C’est simple : il ne s’agit pas de « faire le vide » (sinon, on se confondrait avec le frigo après un week-end). C’est juste être ici et maintenant. Autrement dit : arrêter de ruminer la réunion de 14h ou la liste de courses, mais observer ce qui se passe autour de soi. Sentir sa respiration. Regarder sans juger. Bref : passer cinq minutes à ne rien faire, mais intelligemment.


Pourquoi méditer ? Parce que c’est bon pour vous, pardi ! Ça détend, ça améliore le sommeil, ça muscle le système nerveux (et non, ça ne se voit pas en selfie, désolé). Même McKinsey a dit que c’était rentable pour les entreprises : en clair, méditer paie le café… mais sans café.


Comment faire (sans avoir l’air ridicule) ? Pas besoin de lotus, de gong ni d’encens (sauf si vous aimez). Une chaise, vos deux pieds par terre, et hop. Ou mieux : marchez. Inspirez sur trois pas, expirez sur trois pas. Ensuite augmentez, mais sans finir en apnée comme un champion de plongée.

Et qu’est-ce que j’y gagne, moi ? Une respiration plus fluide, un cerveau moins speedé et, cerise sur le tapis de yoga, dix minutes rien qu’à vous. Franchement, qui n’a pas dix minutes par jour ? Même la pause toilettes compte (on ne juge pas).


La méditation, ce n’est pas devenir Bouddha en un week-end, mais simplement cesser de courir après soi-même. Un peu comme mettre son cerveau en mode avion — sans perdre le wifi du souffle.

vendredi 8 août 2025

Marchez pour débrider vos idées



Vive les vacances ! C’est le moment béni où vous pouvez vous ennuyer comme un poisson rouge dans son bocal, lire des romans à suspense ou marcher comme si vous étiez poursuivi par un troupeau d’escargots. Entre deux méditations profondes sur le mystère des chaussettes disparues, la marche s’invite en star discrète dans votre programme.


Parce que soyons honnêtes : ce n’est pas en restant planté comme un piquet au bureau que vos problèmes vont s’envoler. Archimède, lui, a eu sa révélation en faisant trempette dans sa baignoire, et Newton, entre deux pommes, a aussi dû faire quelques pas sous son arbre avant de pondre sa théorie. Donc, pourquoi pas vous ?


Le très sérieux Journal of Experimental Psychology (oui, le titre fait sérieux, mais on va rigoler quand même) a confié à l’Université de Santa Clara (en Californie, « là où ils ont du soleil et des idées ») une mission cruciale : comprendre pourquoi marcher, c’est un peu comme mettre un turbo créatif dans votre cerveau.


Ils ont suivi 176 étudiants (oui, ceux qui cherchent toujours où ils ont rangé leurs clés) et ont découvert que ceux qui marchent donnent des réponses bien plus créatives que les « statue assise ». Imaginez, sur quatre tests, entre 80% et 100% plus d’idées géniales quand on met un pied devant l’autre !


Dans une autre expérience, des « marcheurs » sur tapis roulant ont sorti bien plus d’idées que les assis-profondes-réflecteurs. Et cerise sur le gâteau, prendre une marche avant une réunion peut booster votre cerveau presque autant que de marcher pendant la réunion (même si, avouons-le, danser en réunion reste à inventer).


Le meilleur ? Ça marche aussi bien à l’intérieur qu’en extérieur. Donc, pas besoin d’habiter en pleine forêt pour que vos idées fleurissent ; même le couloir du bureau peut devenir votre piste de créativité.


Les chercheurs pensent que c’est l’acte même de marcher qui déclenche des réactions dans le cerveau, pas seulement l’air frais ou le chant des oiseaux (même si ça aide à faire style). La marche fait peut-être sauter quelques verrous dans votre cerveau, laissant libre cours à votre imagination débridée.


Bref, avant d’envoyer votre boss promener (littéralement), pensez à enfiler vos baskets pour une petite promenade créative. Promis, personne ne vous demandera de faire un marathon pour être plus intelligent !

vendredi 1 août 2025

Prendre du recul en vacances



Les vacances, souvent perçues comme un simple temps de repos ou de divertissement, revêtent en réalité un potentiel bien plus profond. 

« Le fait de parcourir à pied plusieurs centaines de kilomètres seul avec soi-même ou en partageant ses pensées avec d’autres] délivre des tourments de la pensée et du désir, ôte toute vanité de l’esprit et toute souffrance du corps, efface la rigide enveloppe qui entoure les choses et les sépare de notre conscience ; il met le moi en résonnance avec la nature. Comme toute initiation, elle pénètre dans l’esprit par le corps et il est difficile de la faire partager à ceux qui n’ont pas fait cette expérience. En partant pour Saint Jacques, je ne cherchais rien et je l’ai trouvé ».

Jean-Christophe Rufin, dans cet extrait tiré d’« Immortelle randonnée », met en lumière cette dimension essentielle : la vacance est un espace de libre choix, d’ennui fécond, de marche, de méditation, d’écoute et de découverte de soi-même. À l’instar du pèlerinage vers Compostelle, les vacances peuvent devenir un chemin spirituel, loin des routines et des impératifs quotidiens.

Prendre du recul, c’est avant tout accepter de suspendre le tumulte de la vie courante pour aller à la rencontre de soi. En cela, Rufin donne à voir combien l’expérience du lâcher-prise, qu’elle se vive sur les 800 km du Camino ou dans le silence d’un après-midi de lecture, peut nous transformer. À l’écart de la société, le voyageur apprend à se dépouiller des vanités, à sentir avec acuité la résonance de son être avec le monde qui l’entoure, à devenir attentif à l’autre comme à soi. Ce détachement, loin d’être une fuite du réel, est en fait une redécouverte de l’essentiel : un temps pour méditer sur ce qui compte vraiment, pour distinguer nos désirs véritables des injonctions imposées.

Cette prise de recul n’exige pas toujours de longues marches ou de grandes aventures. L’important, nous dit Rufin, ce n’est ni le but ni la manière d’y parvenir, mais le processus même du voyage intérieur. Il s’agit d’un état d’ouverture à l’inattendu, d’acceptation de l’imprévu, de disposition à l’écoute de ses besoins profonds. Loin des distractions et de la frénésie, les vacances offrent ce luxe : redevenir humble face au temps, à la nature, à l’ennui parfois. De cette vacance du quotidien, peut naître une vacance de l’âme, où l’on retrouve, dans le silence et la lenteur, la saveur du présent.

Aussi, que l’on soit parti pour une longue randonnée ou que l’on ait simplement pris le temps de sortir de ses habitudes, l’essentiel est d’avoir profité de ce moment pour se retrouver, détaché des conventions et des attentes. En définitive, la qualité des vacances ne se mesure pas à l’exotisme des destinations, mais à la profondeur de ce retour vers soi, à la capacité de reprendre la route – réelle ou intérieure – avec un regard renouvelé sur le monde et sur soi-même.

 

vendredi 25 juillet 2025

Ecoutez en vacances (et pas seulement) !


 

Vive les vacances ! En vacances, vous avez le libre choix de vous ennuyer, de lire, de marcher, de méditer, d’écouter avant de reprendre en tirant parti de ce que vous en avez retenu.

Aujourd’hui quelques suggestions pour écouter.

Savoir écouter, c’est savoir d’abord prendre conscience de ce qui peut vous empêcher d’être bien à l’écoute. Voici 6 des archétypes les plus courants de mauvaises auditions. Vous croisez peut-être de tels auditeurs. Alors apprenez à les reconnaître pour les éviter (et évitez vous-même de tomber dans de tels pièges.

1. L’opiniateur est à l’écoute des autres. Il sait écouter mais seulement dans le but de déterminer si les idées de son interlocuteur correspondent aux siennes. Si ce n’est pas leur cas, son silence lui sert à se préparer à contester les idées de ce dernier. Cela rend mal à l’aise son interlocuteur qui ne l’écoute alors pas plus. D’ailleurs, parfois le débat est celui de deux opiniateurs : prenez par exemple une controverse sur les idées politiques ou sur le foot (PSG vs OM). Il en résulte beaucoup de salive et peu d’écoute.

2. Le râleur part du principe que votre idée est fausse. Il considère toute conversation comme un mal qu’il faut arrêter au plus vite. D’ailleurs, il vous le fait savoir d’emblée. Si vous tombez dans son piège, il vous pousse à vous justifier et jouera de vos contradictions (à ses yeux). Vous pouvez aussi le pousser à développer ses idées, ce qui le rendra souvent mal à l’aise, parce qu’il n’est pas forcément cohérent. Dans tous les cas, le jeu est de détruire l’autre et de ne pas l’écouter. Si cela ne vous amuse pas, laissez tomber.

3. Le préambulateur va d’emblée, par ses affirmations et ses questions chercher à orienter la conversation dans le sens souhaité. Tout son mode d’entretien vise à créer une communication unidirectionnelle. Il va chercher à vous coincer sous l’angle qui l’arrange.

4. Le perseverateur parle beaucoup tout en restant sur le thème ou l’idée fixe qu’il a choisi. Il n’aime guère faire avancer la conversation et préfère utiliser les idées des autres pour renforcer sa propre logique. Il ramène tout à lui et à son idée. Souvent des universitaires qui ont développé une théorie aime ramener le débat à ce seul angle.

5. Le Yakafaukon est un homme de réponses. Avant que le débat soit terminé, il a déjà proposé des dizaines de solutions définitives.

6. Le caméléon feint l’engagement avec vous et semble se montrer fort intéressés par ce que vous dites, mais ne vous attendez pas trop que ses actes ou décisions soient en accord avec ses propos. Il cherche simplement à vous plaire ou à détourner l’attention sur ce qu’il va vraiment faire.

Ne leur jetez pas trop vite la pierre, parce que nous pouvons tous être l’un d’entre eux (voire tous) dans une même journée. Si l’échange avec un interlocuteur (style rencontre dans un moyen de transport, en vacances…), cela n’a guère d’importance et tient du passe-temps. Par contre, si vous souhaitez développer des relations franches dans le temps, cela peut créer un trouble dans la relation. Dans le doute, faites preuve d’écoute.

lundi 21 juillet 2025

Le savoir n’a de sens que s’il sert le bien commun



Les leçons tirées de Les Tresseurs de corde de Jean Pliya sont particulièrement pertinentes pour l’entreprise, notamment dans la transmission du savoir. Dans ce livre, le tresseur de corde incarne le modèle du détenteur d’un savoir-faire précieux, qui ne doit sa valeur qu’à sa capacité à le transmettre et à l’adapter aux besoins de la communauté. À l’image du tresseur, l’entreprise doit apprendre à reconnaître et valoriser le rôle de ses « anciens » et experts, dont la mémoire et l’expérience constituent le socle des bonnes pratiques et de la culture d’organisation.

Transmettre le savoir en entreprise ne peut se limiter à une simple procédure ou à une documentation technique : c’est un processus vivant, qui exige du temps, de l’écoute et de l’implication. Comme pour tresser une corde solide, il s’agit de composer avec la diversité des compétences et des sensibilités des membres d’une équipe, en veillant à ce que chacun puisse apporter sa fibre pour renforcer la cohésion et la résilience collective. Cette approche collective protège l’entreprise contre la perte d’expertise lorsque des collaborateurs changent de poste ou partent à la retraite ; elle encourage également l’innovation en croisant l’expérience des uns avec les idées nouvelles des autres.

Jean Pliya insiste aussi sur la dimension éthique de la transmission : le savoir n’a de sens que s’il sert le bien commun, à l’image du tresseur qui œuvre pour l’ensemble du village. Ainsi, le partage et le mentorat doivent devenir des valeurs fortes de l’entreprise, favorisant l’esprit d’entraide plus que la compétition individuelle. Enfin, le récit nous rappelle que la transmission doit rester dynamique : il ne s’agit pas de perpétuer des gestes figés, mais d’accompagner leur adaptation aux évolutions du contexte, à l’instar du tresseur qui n’hésite pas à réparer ou améliorer sa corde selon les circonstances.

S’inspirer des Tresseurs de corde, c’est donc bâtir une entreprise où la transmission du savoir est pensée comme un acte fondateur, mêlant respect du passé, ouverture à la diversité et souci constant de l’intérêt collectif.

jeudi 10 juillet 2025

La fraternité, un levier de transmission de savoir ?



La fraternité, loin de se réduire à un simple sentiment, s’impose comme une nécessité anthropologique fondamentale, en particulier dans le contexte de la vie en entreprise. L’humain, par essence, est un être de lien : sa survie et son épanouissement dépendent de sa capacité à tisser des relations, à dépasser l’individualisme accentué par la modernité. Pourtant, la fraternité, bien qu’inscrite dans la devise républicaine, demeure souvent la composante la plus négligée, alors qu’elle constitue le socle d’une société et d’une organisation solidaire.

Plusieurs facteurs compromettent la vitalité de la fraternité en entreprise :

  • La compétition et la rivalité, exacerbées par la mondialisation et les crises (écologique, économique), qui favorisent l’individualisme et la méfiance.
  • Les replis identitaires et communautaires, qui fragmentent le collectif et affaiblissent le sentiment d’appartenance à un « nous » commun.
  • La difficulté à instaurer une fraternité universelle, face à la montée de logiques tribales ou nationalistes, qui entravent la coopération et le partage.

L’expérience montre que la fraternité se révèle souvent dans l’épreuve : face à l’adversité, des « micro-communautés » émergent, même de façon temporaire, permettant de raviver l’espoir et la solidarité. La fraternité ne doit donc pas être conçue comme un état figé, mais comme une dynamique à entretenir et à renouveler sans cesse.

Au-delà du constat sur la fragilité de la fraternité, il s’agit de la cultiver activement :

  • Par l’éducation et la formation, qui favorisent l’ouverture à l’autre et la transmission du savoir.
  • Par la culture d’entreprise et l’engagement citoyen, qui encouragent la coopération et l’entraide.
  • En proposant la fraternité comme un horizon mobilisateur, une utopie qui donne sens à l’action collective, même si elle demeure inachevée.

Pour Edgar Morin, la fraternité n’est pas un vœu pieux, mais une nécessité vitale pour affronter les défis contemporains : climat, conflits, inégalités. Elle requiert une vigilance éthique permanente et la capacité à créer et entretenir des « oasis fraternelles » dans un monde incertain.

La fraternité, telle que pensée par Morin, possède une portée à la fois philosophique et politique : elle incarne une vision d’une humanité reliée, solidaire, capable de régénérer ce lien essentiel, même en temps de crise. Cette perspective invite chacun à devenir acteur de la fraternité au quotidien, notamment dans le monde du travail, où la transmission du savoir passe par la confiance, le partage et la solidarité.

En entreprise, la fraternité devient ainsi un vecteur essentiel de transmission du savoir, de cohésion et d’innovation, condition sine qua non d’une organisation résiliente et humaine.