samedi 26 avril 2025

Un ennemi est-il rationnel ?




Lee Harris explique que l’Occident, façonné par les démocraties libérales et l’économie de marché, a tendance à oublier la notion d’ennemi. Pour Harris, l’Occident raisonne en termes de conflits d’intérêts à résoudre par la négociation, et non en termes d’antagonismes irréductibles. Or, dans le monde réel, il existe des ennemis qui ne partagent ni nos valeurs ni notre rationalité, et qui peuvent agir de manière radicalement opposée à nos attentes, même si c’est au détriment d’eux-mêmes et de leurs intérêts personnels.

 

Cela vaut dans la société civile aujourd’hui, mais également dans la vie professionnelle et notamment dans la transmission de savoir. Nous faisons ici une transposition libre qui n’est pas dans le livre de Lee Harris. 


En entreprise, tout désaccord n’est pas soluble dans la négociation ou la recherche du consensus. Certains blocages ou résistances peuvent venir de conflits profonds de valeurs, de visions ou d’intérêts, et pas seulement de malentendus ou de défauts de communication.

Dans ce contexte, la transmission des savoirs n’est pas toujours un processus neutre ou consensuel. Par exemple, des collaborateurs expérimentés peuvent voir les nouveaux venus comme des concurrents ou des menaces pour leur position, freinant alors la transmission par peur d’être « dépossédés » de leur valeur ajoutée. En sens inverse, des collaborateurs peuvent refuser l’acquisition de nouveaux savoir ou savoir-faire par hostilité à celui qui le dispense au détriment de leur futur et de leur emploi.


Prendre en compte cette dimension oblige de structurer la transmission (tutorat, reconnaissance, valorisation du rôle des seniors) pour désamorcer ces antagonismes. 

Cela suppose créer une culture du débat et de la confrontation constructive. Par exemple :
- S’inspirer de l’idée que le conflit peut être moteur : organiser des espaces où les points de vue s’affrontent permet d’enrichir la réflexion collective et d’éviter la pensée unique.
- Accepter qu’il puisse y avoir des oppositions franches, et que la résolution de certains conflits passe par la reconnaissance des différences irréductibles, non par leur déni.

La pensée de Lee Harris invite à ne pas sous-estimer l’existence d’antagonismes profonds, même dans des environnements a priori rationnels comme l’entreprise occidentale. En matière de transmission de savoir, cela implique de reconnaître les résistances, d’en comprendre les racines, et de structurer les processus pour transformer les oppositions en leviers d’apprentissage collectif et d’innovation. 

 

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