Un extrait du livre "Bel Ami" de Guy de Maupassant.
Le héros,
Georges Duroy (Bel Ami) se promène un soir avec un collège, Norbert de Varenne. Celui-ci monologue :
«
La vie est une côte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet et on se sent
heureux. Mais lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente,
et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite
quand on descend. A votre âge, on est joyeux. On est joyeux. On espère tant de choses, qui
n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien…que la
mort. […]
Oui,
on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni à propos de quoi, et
alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui
me travaille comme si je portais en moi une bête rongeuse. […]
Oui,
elle m’a émietté, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la
longue destruction de mon être, seconde par seconde. […] Chaque pas m’approche
d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hâte son odieuse besogne. Respirer,
dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c’est
mourir. Vive enfin, c’est mourir […]
Toutes
les religions sont stupides, avec leur morale puérile et leurs promesses
égoïstes, monstrueusement bêtes.
La
mort seule est certaine […]
Pensez
à tout cela, jeune homme, pensez-y des jours, des mois et des années, et vous
verrez l’existence d’une autre façon. Essayez donc de vous dégager de tout ce qui
vous enferme, faites cet effort surhumain de sortir vivant de votre corps, de
vos intérêts, de vos pensées et de l’humanité tout entière, pour regarder
ailleurs, et vous comprendrez combien ont peu d’importance les querelles des
romantiques et des naturalistes, et la question du budget. […]
Oubliez ce rabâchage de vieux, jeune homme, et
vivez selon votre âge. »
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