mercredi 20 novembre 2019

Journalistes humains, j’adore l'expression

Un extrait du très beau livre « Croire au merveilleux » de Christophe Ono-dit-Biot (Gallimard, 2017)

"A l’Entreprise (magazine où travaille le personnage principal du livre), on cherchait des idées. Mais ouvrir des horizons dans un pays obsédé par ses racines et persuadé de sa décadence était une tâche de Sisyphe. A l’heure de la dépendance à l’immédiateté, l’information n’informait plus. 

Et trop vite l’actualité devenait inactuelle : la suivre, c’était mourir d’essoufflement. Il fallait donc la devancer, couper par d’autres chemins moins autoroutiers. Être buissonnier, peut-être pirate, proposer un regard, un ton, un style, des histoires différentes. 

Notre monde en regorgeait. Et le besoin de récits, d’oxygène narratif, n’avait jamais été aussi grand dans un monde paradoxalement rétréci par l’hyper communication. Il fallait juste prendre le temps, écouter, en finir avec l’impatience qui épuisait, le désenchantement qui gagnait. Prendre de la hauteur ou voler sous les radars, avoir l’œil de l’aigle. 

Certains de mes collègues, essorés par les cadences et le manque à gagner, s’étaient rendus à la prophétie selon laquelle notre métier allait disparaître. Dans une conférence de rédaction, une jeune pigiste du servi High-Tech avait rétorqué à ces Cassandre qu’il fallait se réjouir que des programmes soient aujourd’hui capables de rédiger 36.000 articles en une soirée pour donner les résultats d’une cantonale à mesure qu’ils tombaient. « Ça libère du temps pour que les journalistes humains puissent se consacrer aux analyses ». 

Journalistes humains, j’adorais l’expression."    

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