mardi 29 décembre 2020

En 2021, chaussons-nous de compassion

 


Il était une fois un village au Tibet où tout le monde marchait pieds nus. Le relief alentour était rude et rocailleux.. Les pieds des villageois étaient couverts de contusions. Un jour, las de souffrir, ils se rassemblèrent pour discuter du problème. 

« Nous avons des yaks, fit remarquer quelqu’un. Et si nous étalions ces peaux sur les sentiers de la montagne ? Nous pourrions ainsi marcher plus facilement. ». Ils commencèrent à recouvrir les chemins avec le cuir, pour découvrir rapidement que tout le cuir du Tibet ne suffirait pas à tapisser tous les sentiers. Quelques-uns proposèrent : « Allons voir le Grand Maître et demandons-lui ce que nous devrions faire. » Tout le monde grimpa donc la montagne jusqu’au monastère. 

 

« Cher Lama, nous avons un grave problème. Nous voulons recouvrir nos sentiers de cuir, mais nous n’en avons pas assez. Que devons-nous faire ? »

« Laissez-moi réfléchir dit le Grand Maître et je vous donnerai la réponse. Asseyez-vous tous, je vous prie, et nous allons méditer pendant cinq minutes. »

Après cinq minutes, le Maître sourit et donna sa réponse : « Ce n’est pas le chemin qui est le problème. C’est vous. Peut-être devriez-vous recouvrir vos pieds de cuir de yak plutôt que de recouvrir les sentiers du pays ? Vous découvrirez que, si vous mettez du cuir sous vos pieds, ils seront protégés où que vous alliez. 

 

Mais n’oubliez pas que mettre fin à la souffrance causée par des pieds en sang ne suffit pas. Comme les routes accidentées, il y a dans le monde des gens frustes et hérissés de ronces. Quand nous rencontrons ces gens que nous trouvons agaçants et énervants, nous devons apprendre à recouvrir notre esprit avec de la compassion et de la patience, et alors nous serons délivrés du problème. N’oubliez pas que , de même que vous mettez des chaussures de cuir pour protéger vos pieds, il vous faut mettre des chaussures de compassion et de patience pour protéger votre esprit. On ne peut contrôler le monde, mais on peut contrôler sa réponse négative au monde. »

 

Les villageois redescendirent de la montagne et se fabriquèrent des chaussures en cuir de yak, qu’ils portèrent chaque jour ; et chaque fois qu’ils se sentaient énervés ou agacés, ils se rappelaient mutuellement :« Où sont tes chaussures de patience et de compassion ? »

 

Source : Mathieu Ricard, 10 contes tibétains pour cultiver la compassion, Hachette 2018

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