jeudi 27 mai 2021

La rivière de perles


Il y avait un homme qui traversait le désert à pied. Il pleurait, il pleurait sans cesse régulièrement, parfois doucement et parfois fort mais sans jamais s'arrêter,  il pleurait au rythme de ses pas dans le sable. 

 

 Un jour, dans le grand désert,  il croise un oiseau qui lui demande : « Que fais-tu seul dans le désert ? 

- Je marche et je pleure... »

Et une grosse larme tombe de son œil qu'il ramasse aussitôt.

« Pourquoi es-tu si triste ?

- Je ne suis pas triste. 

-Alors pourquoi pleures tu ?

-Regarde. Mes larmes deviennent des perles dit-il en saisissant l'alarme lisse et brillante,  j'en ai des milliers dans les poches. Veux-tu les voir ? 

- Oui ! »

 

L'homme plonge la main dans sa poche gonflé et en ressort une poignée scintillante. 

« Comme elles sont belles !

- Choisis-en une si tu veux. 

-C'est pour cela que tu ne t'arrêtes jamais pleurer,  pour avoir de plus en plus de perles ?

- Exactement. Allez, choisis ! 

- Je veux bien celle-ci, ce n'est pas la plus grosse mais c'est la plus brillante.

-Tu as bien choisi. Adieu. 

- Adieu ! »

 

L’oiseau saisi dans son bac la perle devenu trésor et s'éloigne, léger, rapide,  tandis que celui qui pleure reprend de plus belle ses gémissements et sa marche lente. Plus loin, l'oiseau se pose il contemple la larme précieuse. Il se dit  qu'il aimerait en avoir d’autres comme cadeau pour d'autres voyageurs ailés. Alors, il rebrousse chemin vers celui qui l'a laissé et le voit de loin peiner, alourdi  par deux énormes poches emplies de perles. Bientôt il ne peut plus mettre un pied devant l'autre. Il tombe à genoux, se traîne encore, et pourtant, malgré tout, il continue à pleurer, à pleurer et à recueillir ces larmes perles qu'il met dans ses poches. 

« Mais arrête de pleurer,  ce sont tes larmes qui t'empêchent d'avancer 

- Je ne peux pas m'arrêter. J'ai trop pris l'habitude , non... »

 

Soudain l'oiseau d'un coup de bec vif et acéré fait une petite entaille dans la poche de l'homme qui pleure puis dans l'autre. il aide l'homme à se relever, à marcher à nouveau debout.  Alors des poches trouées, une perle tombe,  puis une autre. Deux filets de perles sur le sable brûlant dessinent un chemin. 

 

Au fur à mesure qu'il avance, l’homme est de plus en plus léger. Au fur à mesure que ses poches se vident, traçant une route lumineuse, la source de ses larmes s'apaise et se tarit. 

 

Et quand ses poches sont vides et  que ses yeux sont enfin secs, un cœur à nouveau au bonheur et son pied si léger,  si léger qu'il s'envole avec l'oiseau. 

 

Parfois dans le grand désert on peut voir un chemin de perle qui ne mène nulle part, et si on lève le regard, on peut voir auprès d’un oiseau, un homme planer.

  

Melissa Da Costa, Tout le bleu du ciel, Le livre de Poche 2020

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