Nous sommes en 1968 : Georges Perec est invité à écrire un texte autour d’un organigramme construit par Bull informatique. L’informatique est alors une science nouvelle et de nouveaux outils de schématisation de la pensée, comme l’organigramme, vont se répandre. Cela donnera un livre de 70 pages, « L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation », un texte sans ponctuation, dans lequel nous suivons la pensée du narrateur : il va aller voir son chef. Et si celui-ci n’est pas dans son bureau ? Il attend ou retourne dans son bureau ? Ou bien va-t-il échanger avec des collègues à proximité ? Et puis comment aborder le sujet, …?
Cela m’a conduit à trois réflexions
D’abord, c’est le premier livre où je trouve à la fin un schéma, type organigramme informatique, des circuits de pensée et de décision du héros. Pour caricatural qu’il est, il est néanmoins assez proche de notre mode de raisonnement spontané. Nous échangeons avec notre entourage et nous lui transmettons des informations souvent de manière spontanée. Notre pensée est plus du mode réactif. Certains auront tendance à faire mentalement une synthèse de leurs réflexions quand d’autres réfléchissent à haute voix, ce qui rend l’échange riche et touffus. L’enseignement est que nous devons prendre conscience de notre mode d’échange et de celui de notre interlocuteur pour faciliter l’échange.
La deuxième est que notre pensée mélange faits et sentiments. Ce mélange s’appelle avoir une opinion. 70% de ce que nous communiquons mélangent ces deux éléments. Cela donne de l’humanité à nos propos mais peuvent en altérer le sens pour l’interlocuteur : le transmetteur y croit-il ?
La troisième est que ce post a été écrit au moment de l’annonce de la remise du prix Nobel de physique à deux scientifiques US, John Hopfield et Geoffrey Hinton, qui ont travaillé sur les réseaux neuronaux et ont permis de réaliser les outils comme ChatGPT. Dans leurs déclarations, ces chercheurs avouent que ces outils sont des boites noires et qu’il est difficile de savoir ce qui est vrai. Or, nous commençons à avoir tendance à nous reposer sur ces outils, d’où des risque de biais psychologiques qui déforment les analyses.
En somme, Georges Perec, avec son organigramme, a fait de manière artisanale et manuelle, de l’Intelligence Générative. Et s‘il avait eu raison ? Peut-être devrions nous revenir à une telle analyse de nos pensées. A titre d’exemple, j’ai soumis à Chatgpt le titre du livre de Perec. J’ai obtenu des conseils de bon sens : préparer ses arguments, choisir le bon moment, … Par contre toute la richesse de la pensée de l’auteur n’apparait pas : et s’il n’est pas dans son bureau ? Je l’attends ou reviens ? Je patiente en parlant avec des collègues proches de son bureau ou non ? …
Quelles leçons en tirez-vous ?
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