Nous traversons une époque où la nuance semble avoir déserté le débat public. Les réseaux sociaux et les médias privilégient les oppositions tranchées, les jugements rapides, et la stigmatisation de la moindre erreur. Dans ce climat, un mot mal interprété suffit à vous cataloguer, à vous assigner une étiquette difficile à décoller. Ce phénomène s’étend au monde professionnel, particulièrement en France, où l’on considère souvent que ce qui fonctionne va de soi et ne mérite pas d’être relevé, tandis que les erreurs, elles, sont systématiquement pointées du doigt.
Face à cette tendance, comment cultiver un état d’esprit positif, individuel et collectif ? La réponse pourrait bien résider dans la puissance de l’éloge. De nombreuses expériences en psychologie sociale, menées aussi bien aux États-Unis qu’en France, ont démontré l’impact des attentes et des messages positifs sur la réussite. L’expérience célèbre où l’on divise des élèves en deux groupes et où l’on informe les enseignants que l’un est « prometteur » et l’autre « en difficulté » illustre parfaitement ce phénomène : les résultats scolaires des élèves s’alignent sur les attentes transmises, indépendamment de leur niveau réel.
L’idée que nos capacités seraient figées est un mythe. Si nous ne pouvons pas tous atteindre le génie d’un Picasso ou d’un Chopin, chacun possède des talents qui ne demandent qu’à être révélés. Or, ces dons restent souvent en sommeil tant qu’ils ne rencontrent pas un regard bienveillant, une parole encourageante, un défi lancé avec confiance. L’éloge, loin d’être une flatterie superficielle, agit comme un catalyseur : il permet à l’enfant, au collègue, à l’ami, de se voir autrement, de s’autoriser à progresser et à se dépasser.
La louange n’est pas seulement un outil de motivation individuelle. Elle transforme les dynamiques de groupe, instaure un climat de confiance, favorise l’innovation et la prise d’initiative. Dans un contexte professionnel, elle valorise les réussites, encourage la coopération et réduit la peur de l’échec. Dans l’éducation, elle redonne confiance à ceux qui doutent et permet à chacun de trouver sa place.
Redonner sa place à l’éloge, c’est réintroduire la nuance dans nos rapports aux autres. C’est reconnaître que la critique constructive ne va pas sans la reconnaissance des efforts et des progrès. C’est, surtout, offrir à chacun la possibilité de grandir, de s’épanouir et de contribuer pleinement à la société. Dans un monde qui valorise trop souvent ce qui ne va pas, l’éloge est un acte de résistance, un choix éthique et un puissant levier de transformation.
Alors qu’allez-vous faire ?