lundi 13 juillet 2009

Qui choisit de faire ?


Désiré aimait tout faire lui-même. Ce n’était pas une question de refus de partager, simplement un souci de bien faire les choses. C’est vrai que Désiré faisait bien les choses. Il avait beaucoup de savoir, de savoir-faire et surtout un goût de la perfection pour répondre aux besoins d’autrui. En bref, il ne se faisait pas plaisir, il ne faisait pas de la surqualité mais répondait pour le mieux au besoin des autres.

Seulement voilà, Désiré avait beaucoup trop de demandes et pas assez de temps pour bien y répondre. Tout le monde lui disait : « délègue certaines tâches, ne fais pas tout tout seul. » Seulement, Désiré avait du mal à le faire. Oh, il avait bien essayé. Il avait donné certaines tâches à d’autres, en précisant la procédure, le résultat attendu, le délai imparti et en invitant son interlocuteur à venir le voir si besoin. Cela ne marchait pas : certains ne suivaient pas la procédure, d’autres oubliaient le délai ou ne venaient pas le voir et le résultat n’était pas au rendez-vous. Désiré, avec un grand soupir (d’épuisement ou de soulagement ?) reprenait l’ensemble des tâches jusqu’à la prochaine surcharge de travail.

Puis, un jour, il se retrouva à confier une sous-tâche à Tiana. Désiré était convaincu d’avance que cela ne servirait à rien, mais puisqu’il n’avait pas le choix à court terme, il s’y résigna et lui expliqua ce qu’il attendait d’elle. Seulement celle-ci ne réagit pas comme ses prédécesseurs. Au lieu de simplement dire qu’elle avait compris ou non à chaque interrogation de son tuteur, elle demandait à chaque fois : « si je ne fais pas cette étape comme prévue, que se passera-t-il ? » Désiré était un peu déstabilisé. Il n’avait jamais pensé de cette manière. Il n’en voyait pas l’intérêt. Toutefois, il essaya de répondre à ses questions. Parfois c’était facile : une loi ou une contrainte extérieure obligeait à respecter ce qu’il avait demandé = la conséquence pouvait être une amende ou un rejet de la demande par exemple. D’autres fois, les contraintes étaient plus en termes de service et de rapport aux autres. C’était comme dans un restaurant où l’addition arriverait avant le dessert. Faire les choses dans un certain ordre était logique pour l’utilisateur final (même si le fait de payer n’était pas une gêne pour manger son dessert). Seulement, Désiré dut reconnaître qu’il existait des situations où les demandes de Tiana étaient pleines de bon sens. Le délai qu’il acceptait parfois était exagéré ou bien il y avait des manières plus simples de faire telle ou telle action.

Désiré mit deux fois plus de temps à expliquer à Tiana ce qu’elle devait faire. Il y gagna au final parce qu’elle fit la tâche plus rapidement qu’il ne l’aurait fait. Cela l’interpella : « comment a-t-elle pu faire mieux que les autres et même que moi ? » Il s’en ouvrit à cette dernière. Celle-ci lui dit simplement : « j’ai fait ce que j’avais envie de faire ». Désiré s’en étonna : « tu as fait ce que je t’ai demandé. Tu es donc la première personne à vouloir faire comme moi ! ».

« Non », lui répondit-elle, « tu m’as dit de faire ce que tu voulais que je fasse. Je n’ai pas compris grand-chose sur le moment de ce que tu m’as expliqué. Si je ne t’avais pas posé mes questions, je l’aurai fait mécaniquement et il y aurait eu de grandes choses que je mésinterprète une de tes exigences ou que je ne m’adapte pas à une situation inattendue. Par contre, grâce à tes réponses, j’ai pu faire le libre choix de ce que je voulais faire. Ce n’est pas toi qui m’as ordonné de faire comme ceci ou comme cela, mais moi qui ait choisi parce que j’estimais que c’était la meilleure solution ».

Désiré, qui était bon joueur, reconnut que lui aussi avait appris quelque chose : « si tu avais voulu m’imposer une autre méthode, je n’aurais pas compris. Par contre, tes questions m’ont fait progresser. Je sais maintenant pourquoi je n’ai pas réussi à déléguer des tâches auparavant : je veux que les autres soient mon reflet. Ils ont leur propre reflet».

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