Un Conte
africain d’après Amadou Hampâté Bâ
Il y a bien longtemps, au temps où les hommes et les animaux parlaient la même
langue, un chef de famille vivait avec sa veille maman, son chien, son bœuf,
son bouc, son cheval et son coq.
Un jour, on vient lui annoncer la mort de son collègue du village voisin. Il
décide de se rendre aux funérailles pour lui rendre un dernier hommage. Il
recommande à son chien : « veille sur ma mère, ne quitte pas le seuil
de sa porte, et si tu as besoin d’aide, appelle les autres animaux ». Et
il part.
Quelques jours se passent sans incident. Un matin, le chien entend un drôle de
bruit dans la case : ce sont deux lézards qui au plafond, se disputent le
cadavre d’une mouche. Le chien voudrait intervenir mais il ne peut quitter sa
place. Il appelle à la rescousse, le coq, qui fait fi de sa demande. De même
pour le bouc, le cheval et le bœuf. Tous estiment la chose de peu d’importance
et indigne de leur faire perdre leur temps. Le chien leur dit pourtant :
« il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit
incendie ».
Pendant se temps, les lézards continuent à se battre, tant et si bien que l’un
des deux tombe sur la lampe à huile, qui met le feu au lit de la veille maman.
Un terrible incendie se déclare. Les voisins sauvent de justesse la dame, mais
elle est toute brûlée.
On envoie un gamin sur le dos du cheval pour prévenir son fils au village
voisin. Il court, galope toute la journée, sans laisser le cheval reprendre son
souffle ! Prévenu, le fils enfourche la monture et revient vite à la
maison, et le cheval est fourbu. Il meurt d‘épuisement. « Ah, dit-il au
chien, j’aurais du t’écouter et séparer les deux lézards ! »
« Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle,
comme il n’y a pas de petit incendie ».
Pour guérir la vielle dame, le Marabout recommande de l’enduire de sang de coq
et de boire le bouillon fait avec sa chair. On sacrifie le coq ! Avant de
mourir, le coq dit au chien : « tu avais raison, j’aurais du
intervenir tant qu’il était temps ! » « Je te l’avais dit, dit
le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit
incendie ».
La vielle dame ne survit pas à ses brûlures. A ses funérailles, comme le veut
la coutume, on sacrifie le bouc. Le bouc, en passant près du chien lui
dit : « comme je regrette de ne pas avoir fait le
nécessaire ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas
de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».
Quarante jours après l’enterrement, une cérémonie rassemble tout le village et
les habitants des villages voisins, c’est la tradition. Pour nourrir tout ce
monde, le fils tue le bœuf et les femmes préparent un grand festin. Avant de
mourir, le bœuf dit au chien : « si j’avais su…j’aurais séparé les
lézards… » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite
querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ». Le chien reçoit sa part
du festin.
La morale de cette histoire, c’est qu’il ne faut pas négliger les petits
conflits, sinon ils deviennent des guerres et tout le monde en souffre. A
petite cause, grands effets.
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