Il était une fois une petite
souris si timide qu'elle s'imaginait que si elle sortait de son trou, si elle
allait en promenade, elle risquait de déranger tout le monde et en particulier
de faire du mal aux éléphants en marchant sur leurs pieds.
Quand elle sortait de chez
elle, elle marchait avec beaucoup de précautions, avançait avec hésitation,
regardait soigneusement autour d'elle afin de ne déranger personne. Elle craignait
tellement de déranger qu'elle aurait voulu être invisible.
Lorsque je vous ai dit que
cette petite souris était timide, j'aurais dû vous préciser qu'elle était
surtout égocentrique. Égocentrique est un mot du langage des souris qui veut
dire : centré sur soi, préoccupée d'elle-même.
Au pays des souris, c'est un
fait connu, tous les timides sont souvent des individus qui ont une perception
d'eux-mêmes tellement forte qu'ils ramènent tout à eux. Ils imaginent que dès
qu'ils sortent de leur trou, dès qu'ils sont en public, tous les autres voient aussitôt
qu'ils sont là. C'est un paradoxe, les souris timides pensent que chacun
cessant son activité, déviant le cours de ses pensées, se met aussitôt à avoir
une opinion, un point de vue, un commentaire sur elles.
Alors ces petites souris
soi-disant timides se mettent à vivre, à se comporter à partir de tout un
imaginaire, à partir duquel, hélas, elles construisent et organisent la plupart
de leur comportement. "Si je fais ceci, je risque de faire de la peine. Si
je dis cela, je risque de provoquer la colère. Si je ne dis pas, ils vont
penser que, si je ne fais pas, ils vont imaginer que..."
Elles passent ainsi à côté de
leur existence, sans pouvoir se réaliser et aller vers le meilleur
d'elles-mêmes, tellement elles s'enferment dans ce qu'elles ont imaginé de
l'imaginaire de l'autre. Les petites souris timides se donnent ainsi à
l'intérieur d'elles-mêmes une importance très grande, si grande qu'elle envahit
tout l'espace autour d'elles...
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