vendredi 14 juin 2019

L’épreuve du café


Il y avait, en des temps très anciens, un jeune homme qui possédait autant de beauté que de vertu. Mourad traînait les cœurs après lui et peuplait les rêves des jeunes filles en mal d’amour. Parmi elles, il fit la connaissance de deux demoiselles qui lui plurent toutes les deux et surent prendre son cœur.
Le hasard voulut qu’il les rencontre la même semaine et qu’elles habitent toutes les deux dans la même rue. Mis à part cela, tout les différenciait. Yasmine était brune. Mounira était blonde. La première était grande et impériale, la seconde menue et fine.

Mourad était captivé par le charme des deux jeunes filles et leur fit une cour assidue, déjeunant chez l’une, soupant chez l’autre, se promenant sur les rives du fleuve avec Yasmine, errant dans le souk aux parfums avec Mounira.

Les parents des deux filles s’inquiétaient de l’indécision du jeune homme, d’autant plus que Mounira et Yasmine se languissaient d’amour pour le beau Mourad. Il était temps que Mourad choisisse, qu’il renonce à l’une et fasse de l’autre sa compagne. 

Le jeune homme était désemparé. Il s’en ouvrit à sa mère. Après avoir longuement écouté son fils, la vieille dame lui tint ces propos étranges :
— Rends-toi chez l’une et l’autre des jeunes filles et demande à chacune de te préparer un café. Observe bien comment elles s’y prendront et viens ensuite me raconter ce que tu auras vu. Je pense pouvoir t’aider alors à choisir celle qui te conviendra le mieux.
Mourad avait l’habitude des idées originales de sa mère ; il mit son plan à exécution.

Dès le lendemain matin, il alla chez Mounira et lui demanda de lui préparer un café parfumé à la cardamome. La jeune fille fit bouillir de l’eau, y plongea le café et la cardamome qu’elle avait préalablement pilée, baissa le feu, recouvrit la petite casserole d’une soucoupe et revint s’asseoir auprès du jeune homme.
Elle était fébrile et ne cessait de se lever pour vérifier si le feu était à la bonne puissance, si le café chauffait bien, sans bouillir surtout, sans bouillir. Puis, lorsque la boisson fut prête, elle versa le café en trois fois dans la petite tasse. Il était délicieux, parfumé à souhait, chaud, fort et corsé, comme l’aimait Mourad.

Quelques heures plus tard, le jeune homme rendit visite à Yasmine et lui adressa la même demande. Elle aussi courut à la cuisine, pila la cardamome et fit bouillir l’eau. Elle aussi recouvrit la casserole d’une soucoupe après y avoir versé le café et baissa le feu. Puis elle retourna s’asseoir auprès du garçon et ils conversèrent un moment. Puis elle se leva et alla, comme sa rivale, verser le café dans la tasse, en trois temps bien distincts. Le café de Yasmine était tout à fait au goût de Mourad, aussi bon mais pas meilleur que celui de Mounira.

Le jeune homme était déconcerté et intrigué. Il raconta à sa mère en n’omettant aucun détail, comment les deux jeunes filles avaient procédé. Quand il eut fini, sa mère lui déclara que son choix devait se porter sur   Yasmine : cela ne faisait aucun doute.
La vieille dame expliqua alors que Mounira s’était montrée impatiente, faisant d’incessants va-et-vient entre la cuisine et le salon, alors qu’elle savait fort bien que le café devait chauffer lentement. Cette précipitation n’augurait rien de bon. Alors que Yasmine avait su prendre son temps ; elle avait su attendre alors qu’elle devait être tout autant troublée et tout aussi émue.
— Crois-moi, mon fils, la patience n’est pas une mince qualité ! Le temps est notre meilleur ami lorsque nous acceptons de tenir compte de lui.
Mourad écouta sa mère et, quelque temps plus tard, on fêta le mariage de Mourad ibn Hamed et de la brune Yasmine.





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