mercredi 22 avril 2020

Copier puis innover

Dans la Silicon Valley, les start-up qui naissent et grandissent dans un tel environnement sont souvent guidé par une mission. Elles partent d'un concept original ou d'un but idéaliste autour desquels elles édifient leur entreprise. Leurs déclarations de mission énoncent de grands et beaux principes,  déconnectés de toute préoccupation matérielle motivation financière. 

La culture des start-up en Chine offre avec celle de la Silicon Valley  un contraste singulier,  aussi marqué que l'opposition du yin et yang. Les entreprises chinoises ne sont pas guidés par une mission mais avant tout par le marché. Leur destin ultime est de s'enrichir, et tout produit, modèle ou activité qui concourent à la réalisation de cet objectif est bon à prendre. C’est la raison de leur extraordinaire souplesse en matière de mode de gestion et d'exécution , un parfait condensé de l'approche de la start-up « lean » souvent porté aux nues dans la Silicon Valley .Une idée peut venir de n'importe où, de n'importe qui : la seule chose qui compte, c'est de savoir si sa mise en œuvre est susceptible de générer des profits.

L'écosystème de l'internet chinois s’est construit autour de trois courants :  d'abord une culture qui accepte la pratique de la copie, ensuite une mentalité de la pénurie et enfin une disposition à s'engouffrer dans toute nouvelle industrie prometteuse. 

La pratique mercenaire de la copie qui choque beaucoup d'Américains possède des racines historiques et culturelles profondes dont il faut comprendre la nature. En Chine, depuis des millénaires, l’éducation repose sur l'apprentissage par cœur, mécanique. Autrefois, pour pouvoir intégrer la bureaucratie impériale, il fallait avoir mémorisé mot à mot les textes classiques, mais aussi être capable d'élaborer une parfaite composition en huit parties en respectant des directives stylistiques immuables.  Imiter rigoureusement à la perfection était considéré comme la voie vers la véritable maîtrise. 

A ce penchant culturel pour l'imitation s'ajoute un état d'esprit profondément ancré dans la Chine du 20e siècle : la mentalité de la pénurie. Une seule génération, tout au plus, sépare les entrepreneurs high-tech d’aujourd'hui de la pauvreté écrasante qui a régné dans le pays pendant des siècles. Beaucoup d'entre eux sont des produits de la « défunte politique de l'enfant unique ». Ils portent sur leurs épaules les espoirs de vie meilleure de toute une famille -leurs 2 parents et leurs 4 grands-parents. Quand ils étaient petits,  on ne leur parlait pas de changer le monde , mais de survie.  

Le rythme foudroyant de l'expansion économique chinoise n'a pas fait disparaître cette mentalité de la pénurie. Les citoyens ont pu observer comment les secteurs industriels, des villes et des fortunes personnelles naissent et disparaissent du jour au lendemain, sur des marchés ou les réglementations peinent à résister à une concurrence digne du Far West.  Chacun sait qu’à moins de réagir au quart de tour en attrapant au vol telle nouvelle méthode ou en entrant immédiatement sur tel nouveau marché,  il sera condamné à regarder les autres s'enrichir, tandis qu'ils s'enfoncera dans la pauvreté.

Extrait du livre de Kai Fu-Lee, IA la plus grande mutation de l’histoire, Editeur Les Arènes 2019

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