jeudi 6 août 2009

L’enfance d’un leader (1)


Jery vient de devenir « chef ». Pas un grand chef, mais un « chef » simplement : le responsable au sein de son entreprise de quelques personnes. Une belle promotion qui consacre le travail acharné de Jery. Il en est très fier. Son responsable lui a donné des objectifs et l’a encouragé à venir lui demander conseil si nécessaire. Jery va diriger ses anciens collègues. Il connaît son travail, il connaît ses collègues avec leurs qualités et leurs points d’amélioration. Donc, il a tous les atouts pour réussir.

Seulement Jery est aussi un perfectionniste. Il ne veut pas se contenter d’être un « chef », il veut être un « bon chef », un « grand chef », un « leader » comme disent les médias. « Mais, au fait, c’est quoi un leader ?» se demande-t-il. Les leaders dont parlent les médias sont de grands présidents, des hommes (ou femmes) reconnus pour leurs talents et drainant derrière eux des milliers, voire des millions de personnes. Lui, Jery, il a 5 personnes sous ses ordres.

Il en parle à son responsable. Celui-ci sourit et lui dit : « si tu atteins tes objectifs, tu seras un leader ». Cela ne lui plaît guère. Il consulte ses amis. Leurs avis divergent. Certains disent que c’est leur patron le leader, d’autres qu’il n’y a qu’un leader dans une entreprise (« dommage » se dit Jery, « la place est prise »), … mais tout cela ne le convainc pas.

Il va alors voir son père. Celui-ci l’écoute, réfléchit en silence et l’emmène sur le balcon de leur maison. Il lui dit « regarde cet immeuble de bureaux tout bleu. Que vois-tu ? » Jery, qui connaît ce bâtiment depuis longtemps, ne voit rien de particulier, voire de nouveau. Son père insiste et lui demande de dire ce qu’il voit sur la façade. Jery se concentre et voit un reflet sur la partie basse : « je vois une ombre. On dirait un village fantôme. Mais au dessus, il n’y a rien à voir ».

Son père lui explique : « une entreprise c’est une communauté humaine. C’est comme un grand village avec des chefs de ceci, de cela, comme toi actuellement. Toutefois, les chefs sont souvent débordés par tout ce qu’ils ont à faire. Ils restent en proximité des personnes qu’ils dirigent et vivent avec eux au village. Cela a l’avantage qu’ils sont au contact des gens, mais l’inconvénient qu’ils vivent dans les détails et les soucis de chacun.»

Après un temps de silence, Jery l’interroge « Et les leaders ? ». Son père reprend : « les leaders sont ceux qui s’élèvent au dessus de la mêlée et regardent au loin. Dans cet immeuble, imagine les leaders comme ceux qui sont montés dans les étages supérieurs pour être plus au calme du quotidien et regarder au loin. Ils ne se contentent pas de gérer le quotidien, mais entraîne ceux qui les suivent dans une direction. Toutefois, ne confond pas le niveau d’étage et la capacité à être leader. Certains peuvent monter trop vite et oublier ceux qui sont en bas. Il en résulte que personne ne comprend où ils vont et les ordres sont mal interprétés. D’autres montent trop lentement et n’arrivent pas à se dégager du contrôle quotidien de ceux d’en bas. C’est comme si ils avaient emmenés tout le monde avec eux. »

« J’ai compris » dit Jery, « un grand chef ne prend pas l’ascenseur. Il prend les escaliers pas trop vite pour que ses collaborateurs puissent le suivre et lui les entendre, mais avec une suffisamment grande marge d’avance pour avoir du temps pour regarder au loin. Je vais essayer.»

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